Une clé merveilleuse

Chères amies,

           Jeunes mariées, nous avons toutes rêvé de fonder une famille heureuse, épanouie, où chacun trouve sa place sous le regard de Dieu. Beaucoup ont souhaité aussi la réussite intellectuelle et la santé dans un certain confort matériel que notre société promet. Parfois les soucis et les croix se succèdent rapidement, mais c’est souvent quand les enfants parviennent à l’adolescence que survient un nouveau genre d’épreuves. Ne redoutons pas à l’avance cette période, essayons au contraire de nous poser les bonnes questions et de trouver aujourd’hui la racine de ce mal qui trouble nos adolescents.

Dans combien de foyers aujourd’hui trouvons-nous la cohérence et l’union entre les époux qui permet l’épanouissement de chacun ?

Sans revenir sur la cohérence1, – cet élément tellement capital pour l’éducation qu’il a été l’objet d’un numéro complet de notre revue – rappelons juste qu’elle ne peut exister sans la charité.

Et qui peut nier que la clé de toute union est dévoilée dans l’épitre de la messe de Mariage ? Pourtant sa véritable signification échappe à beaucoup : « Que les femmes soient soumises à leurs maris, comme au Seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Eglise, son corps, dont il est le Sauveur2

Cette phrase célèbre, qui irrite intérieurement de nombreux esprits et qui fit couler beaucoup d’encre porte pourtant la clé qui éviterait tant de malheurs !

Voltaire, précurseur des revendications féministes, écrivit même tout un pamphlet3 sur ces quelques mots. Plutôt que de la rejeter d’un seul bloc, plus ou moins ouvertement et à des degrés différents, penchons-nous quelques instants sur les véritables enjeux que cette révolte entraîne.

Le chef de famille

  En acceptant de prendre celui qui sera notre époux pour toujours, nous avons, de fait, accepté de renoncer à agir à notre guise… Nous avons remis entre ses mains notre destinée et nous lui avons confié les rênes, non pas pour qu’il nous mène à son gré mais bien afin qu’il conduise, par la grâce de Dieu, toute sa famille au ciel. Nous le savions, et en choisissant notre époux, nous le connaissions suffisamment pour savoir qu’il était capable et digne de prendre cette responsabilité, qu’il en avait les capacités morales. Plus que les qualités physiques, nous avons considéré celles qui correspondaient à notre attente : un guide, un protecteur, un homme de cœur, pieux et généreux. Nous avons reconnu en lui les valeurs qui font un homme : la masculinité, la force de caractère, une éducation qui correspond à la nôtre, une saine hérédité. Nous avons reçu la même foi, nous le savons capable de transmettre à nos enfants les valeurs familiales qui sont semblables aux nôtres. Nous lui avons fait une entière confiance. Nous lui avons dit « oui » pour toujours. Nous découvrirons au fil du temps, ses faiblesses et ses manquements, comme il découvrira les nôtres. Mais le « Oui » a été prononcé. Il ne s’agit pas de dire : « Je ne savais pas », l’engagement pris est définitif. Il faut plutôt reconnaître que tout homme a ses imperfections et que quoi qu’il arrive, il nous faudra vivre ensemble et construire notre famille sur cette base. Inutile de rechigner devant l’effort quand surviennent les difficultés. Posons-nous plutôt la question : Comment puis-je faire pour que notre union soit véritable et porteuse de fruits pour le ciel ? Le plus souvent la réponse est dans notre for intérieur. Il n’est pas dans nos capacités de changer l’autre, mais plutôt de nous changer nous-même. A nous donc de lutter contre nos propres défauts et par la grâce de Dieu, ceux de notre conjoint en seront transformés.

L’une des faiblesses féminines -presque générale- est bien celle de vouloir avoir raison ; de ce fait, la femme revient automatiquement sur la reconnaissance de l’acte de soumission au chef de famille qu’elle a pourtant réalisé. Et elle met en péril l’équilibre de ce qu’elle a fondé. Rien ne l’empêche – bien sûr – de donner son avis sur les sujets du moment. Nous ne le répèterons jamais assez : la communication entre époux est indispensable : parlez ensemble, réservez-vous des soirées, des moments d’intimité où vous confronterez vos points de vue dans la sérénité, donnez vos impressions, confiez vos inquiétudes, ce que vous pressentez, puis abandonnez tout à la décision finale qui ne vous revient pas ! Si vous saviez ce que c’est reposant ! Votre époux est le chef de famille. Dieu l’a voulu ainsi. A lui le verdict ultime ! Et si l’époux craint de prendre ses responsabilités, notre prière l’y aidera ; nos encouragements et notre confiance lui en donneront la force.

L’exemple vient de haut !

  Comment, en tant que catholiques, qui connaissons par cœur l’ordre de ce que Dieu a établi dès Adam et Eve et que l’Eglise comme une mère prudente, a redit lors de notre Messe de Mariage, comment pouvons-nous refuser de suivre cette règle ? Ne sommes-nous pas en train de nous unir au « Non serviam4 » de Lucifer ? Nous avons pourtant pu évaluer maintes fois les conséquences de cette phrase prononcée depuis des milliers d’années… mais l’orgueil flatté par les sirènes qui sifflent à nos oreilles est bien souvent le plus fort !

Et ainsi dès le plus jeune âge, nos enfants entendent altercations et oppositions empoisonner notre intimité familiale. Pourquoi, quand ils auront les capacités de forcer la voix, ne signifieraient-ils pas à leur tour leur opposition ? Pourquoi, puisque la maman a tant de fois évoqué ou relevé -plus ou moins discrètement – les faiblesses du père, ne montreraient-ils pas, eux aussi, qu’ils les ont perçues ? N’est-ce-pas d’ailleurs, à leur façon, une manière de manifester qu’ils « sont devenus grands » ?

Mais ne nous leurrons pas, dans leur esprit, ce ne sera pas uniquement celles du père qu’ils relèveront, mais bien aussi celles de leur mère, – qu’ils connaissent souvent d’ailleurs encore mieux parce qu’ils ont vécu plus proches d’elle -. Souvenons-nous que les conséquences de nos actes pourraient retentir de longues années plus tard !

C’est alors que naîtront des conflits interminables… Et si ce n’était que pour un temps… mais n’oublions pas que c’est à cet âge que se construit toute la personnalité, que se créent les grandes amitiés ; cet esprit de révolte ne va-t-il pas bien souvent polluer non seulement leur vie mais, de par l’esprit qu’il entraîne, abîmer des générations entières (manque de volonté, paresse dans le devoir d’état, mariage inconsidéré, etc….) Que d’énergie perdue ! Au lieu de mettre la force et les qualités des deux parents ensembles, sous le regard de Dieu, pour les orienter dans un même but, les voilà occupées par la discorde, les tiraillements et les oppositions !

Une union de tous les instants.

  Au cours de sa vie terrestre, Notre-Seigneur n’a cessé de recommander la charité et l’union fraternelle : « Efforcez-vous de conserver l’unité d’esprit dans le lien de la paix5 » La vocation du christianisme est bien une vocation d’amour dans l’ordre défini. Cet amour qui doit être le lien qui nous unit tous en un seul cœur, comme le Père et le Fils sont unis dans le lien de l’Esprit-Saint. Conserver l’unité dans le lien de la paix est tout à la fois, facile et difficile. Facile, car quand le cœur est vraiment humble, doux et patient, il supporte tout avec amour, prenant soin de se conformer aux dispositions, aux goûts de l’époux plutôt que de faire valoir les siens. Difficile car, tant que nous sommes ici-bas, l’amour-propre, même mortifié, tente toujours de ressusciter et d’affirmer ses droits, créant de continuelles occasions de froissement réciproque pour nous empêcher de renoncer à nous-mêmes et de faire preuve de délicatesse à l’égard de celui qui est pourtant la moitié de nous-mêmes. Soyons convaincues que tout ce qui trouble, affaiblit et détruit l’union entre époux, ne peut plaire à Dieu, même si nous le faisons sous prétexte de zèle (sauf en ce qui concerne le respect de la loi de Dieu).

L’excès de personnalité, le trop grand désir d’agir à sa guise, sont très souvent la cause de nos divisions internes. Pourtant il nous faut savoir que même si nos idées sont bonnes et lumineuses, notre époux, à qui nous avons donné notre confiance, peut avoir aussi son avis sur la question ; il a reçu les grâces d’état nécessaires et ses idées pourront être encore meilleures que les nôtres, même si nous ne percevons pas tout de suite leurs tenants et aboutissants. Et si parfois elles étaient moins bonnes, il serait toujours plus bénéfique pour le salut de tous d’y renoncer dès lors qu’elles sont source d’opposition. Il est plus sage, plus humble et charitable d’accepter les vues de son époux, plutôt que de les écarter pour ne point renoncer à des nuances trop personnelles. Ce personnalisme est l’ennemi de l’union, il empêche le succès des œuvres et même notre progrès spirituel. Et quel réconfort pour le catholique que de savoir que tous les renoncements à notre volonté propre seront des occasions de sacrifice à offrir à Dieu pour le salut de notre famille.

Ces germes de discordes semés par Lucifer le jour du « Non serviam » deviendront alors autant d’oiseaux du Paradis qui viendront se jeter aux pieds du Seigneur lors du jugement dernier.

Ces sacrifices ne seront pas les moindres de notre vie d’épouse, et, selon les tempéraments, ils seront parfois véritablement des épines crucifiantes, mais n’oublions jamais que le mot « sacrifice » signifie : « rendre sacré » et là seulement nous en comprendrons la valeur. N’est-ce pas là en particulier la mission de l’épouse et de la mère, âme du foyer, que de rendre à Dieu ceux qu’Il lui a confiés et de les mener vers le ciel en les ayant sanctifiés par ses larmes et ses prières ? Et si vraiment vous ne pouvez supporter ce que vous considérez comme un joug, offrez, comme un cadeau à votre mari, cette place et cette autorité dans un belle abnégation ; Notre-Seigneur tiendra compte de votre élan et le transformera progressivement pour le perfectionner. Ce combat personnel, assez contraignant pour les natures moins dociles, deviendra peu à peu naturel et même suave…quelle joie intérieure alors !

Courage donc chères amies ! Que cette période de l’Avent nous aide à examiner ce point toujours très sensible, afin que chacune d’entre nous parvienne à garder son foyer dans la paix, de la naissance à la mort, traversant plus facilement cette délicate période de l’adolescence si notre foyer rayonne dans l’union et la charité. Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre ! Que le Saint-Esprit nous guide toutes. Que Saint Joseph nous aide, lui à qui Notre-Dame – pourtant plus sainte que lui- a obéi et fait confiance dans toutes ses décisions, même les plus surprenantes à vue humaine, telle que la fuite en Egypte. Qu’il donne aux époux les grâces pour être de véritables chefs de famille et aux épouses celles de savoir se remettre à leur autorité dans la confiance et une vraie paix de l’âme.

Marguerite-Marie

 

1 Foyers Ardents N°20

2 Ephésiens Chap. 5

3 Voltaire – Femmes, soyez soumises à vos maris – Œuvres complètes de Voltaire, Garnier, tome 26 (p. 563-566)

4 Je ne servirai pas

5 Eph – Chap. IV, 1-3