Le pardon des époux

           Oh voilà un grand sujet ! Comme nous aimerions maîtriser parfaitement notre humeur pour qu’elle ne blesse jamais ceux qui nous entourent, et surtout celui ou celle à qui nous avons donné notre vie devant Dieu ! Combien nous aimerions aussi savoir accepter ces petites phrases acides, ou plaisanteries si faciles à prendre de travers ! Malheureusement nous sommes de bien faibles créatures et il nous arrive souvent de faire souffrir tout autant que de souffrir nous-mêmes.

Vous savez comme, au fil des années, l’égoïsme s’infiltre dans le mariage, laissant place à une recherche de soi déguisée en amour ! On se dispute pour des choses de bien peu d’importance au risque de mettre en danger le don précieux de notre mariage. Et voilà que la colère monte et nous pousse à nous dire des paroles désagréables ou blessantes, personne ne voulant lâcher l’affaire !

C’est là que rentre en scène notre susceptibilité ! – « Comment a-t-il pu me dire ces paroles ?! » – « Elle m’a manqué de respect ! » …et chacun de partir ruminer dans son coin, ressassant ces quelques mots en trop. Pour les femmes surtout, cela peut prendre des proportions démesurées…et on tourne ça, et on interprète à sa façon quitte à prêter de mauvaises intentions…cela peut même durer des jours ! Vient alors l’heure de la vengeance, car il faut bien lui montrer combien il nous a fait mal et le pousser à s’excuser ! Alors, c’est bien simple, on ne lui parle plus !

« O que nous sommes misérables nous autres, car à peine pouvons-nous oublier une injure dix ans après qu’elle nous a été faite ! » s’attriste saint François de Sales. Cette susceptibilité, qu’est-elle sinon de l’orgueil, de l’amour propre ?

Par amour nous devons être capable de passer par-dessus cet orgueil en demandant pardon et en reconnaissant nos propres torts. Cela n’est pas toujours si simple, surtout si l’on a beaucoup attendu avant de le faire. Prenons alors un peu de recul : « Je le connais et je sais que ces paroles ne lui ressemblent pas, il doit être fatigué. Il m’a énervée mais ce n’est pas si grave ». On se trouve alors l’esprit en paix et capable d’aller au-devant de l’époux lui demander pardon.

En dehors du principe que le chef de famille prend la décision finale des affaires importantes, celui qui « cède » par humilité et pour l’amour de l’autre est toujours le plus grand des deux. Surtout lorsque les arguments sont également convaincants des deux côtés et que la question ne peut être résolue à la seule lumière des faits. Il y a une façon de « perdre » qui est en réalité une grande victoire. L’époux qui cède non par faiblesse, mais par amour, sera le plus fort des deux car il aura remporté le plus difficile des combats : la conquête de sa propre volonté ! Celui qui aime vraiment désire le bien de l’être aimé. Celui qui veut « tirer la couverture à lui » sans trop se préoccuper de l’autre est un triste époux ! Il nous faut donc parfois, faire abnégation de nous-même en vue d’un plus grand bien, la paix familiale, la concorde entre nous, notre sanctification mutuelle.

 

Mais voilà plusieurs fois que vous avez accepté patiemment des réflexions sarcastiques, et que vous n’arrivez plus à les « avaler » ! « Je suis tellement en colère quand j’y pense…cela me rend furieuse et me fait de plus en plus mal. Je sais que ce n’est pas bien mais je ne peux pas m’en empêcher ! ». À force de passer et repasser le disque, la colère s’est transformée en amertume qui tourne ensuite à une haine malfaisante. Vous vous dites que votre conjoint a rendu votre vie misérable mais, en réalité, vous avez choisi la compagnie de la colère ! Si le sentiment de colère est normal, l’amertume résulte du choix quotidien de laisser la colère vivre dans son cœur… (on parle alors de justice ou d’honneur pour la justifier !) A moins d’avoir un tempérament très, très flegmatique, nous nous sentons tous en colère lorsque nous pensons avoir été maltraités. Cela nous incline à une mauvaise conduite, une perte de contrôle de nos émotions, et nous encourage à la fameuse « vengeance » !

 

  Le défi est alors de refuser de se laisser submerger par cette colère, ce qui demande un vrai travail personnel et beaucoup de volonté. Le premier moyen est de trouver la paix dans la prière, en offrant nos contrariétés au bon Dieu pour qu’il nous aide à les accepter. Si cela ne suffit pas en dépit d’un réel effort, le meilleur moyen de s’en débarrasser est de l’exprimer en en parlant et non en la refoulant. Quand on retient la vexation ou la contrariété, et qu’on se dit « non, je ne suis pas énervée », on prépare la survenue d’une éruption volcanique gigantesque et alors démesurée !

 

  Il convient donc de se confier à une personne de confiance, un prêtre, une sœur, une bonne amie. Il est indispensable ensuite de chasser l’idée de cette colère si elle revient, et de lutter contre elle pour s’en débarrasser (le démon est tenace !). La confession est enfin un moyen imparable, on peut même expliquer au prêtre que l’on désire, par cette confession, obtenir la grâce de pardonner, avec la ferme intention de s’y tenir.

Mais l’aveu de notre amertume et l’acceptation du pardon de Dieu par la Pénitence ne suffisent pas. Il faudra que le pardon devienne une discipline quotidienne, et se refuser toute rancœur. A mesure que l’on décide de pardonner, toute pensée, tout sentiment de colère et d’amertume se dissiperont. La dernière étape est enfin celle d’aller « réparer » auprès de votre époux.

Vous auriez été déçus si je n’avais pas mentionné cette fameuse sentence de saint Paul : « Si vous vous mettez en colère, ne péchez point ; que le soleil ne se couche pas sur votre colère, et ne donnez pas accès au diable ». Demandez bien pardon à votre époux, le plus vite étant le mieux, en lui montrant une conduite affectueuse et bienveillante. Bien souvent, cela pourra l’encourager à reconnaître ses propres faiblesses dont il vous demandera pardon à son tour. Quelle grande paix retrouveront alors vos deux âmes !

 

  Nous serons jugés, considérés comme nous l’auront fait aux autres, cela nécessite un combat de chaque jour contre nous-même. Par amour, pour Dieu et pour notre époux, nous devons être capables des plus grands efforts, de passer par-dessus notre orgueil en pardonnant et en reconnaissant nos propres torts. Je ne parle pas d’un pardon dit du bout des lèvres et par devoir, non, mais d’une vraie contrition qui part du fond de votre cœur avec la plus belle des sincérités !

 

Sophie de Lédinghen