L’émaillerie limousine au XIIe siècle : les reliquaires de sainte Valérie et de saint Thomas Beckett

S’il est un art dans lequel le Limousin excelle, c’est bien celui de l’émail. Avant d’être connue pour sa porcelaine, la ville de Limoges fut tout au long des XIIe-XIVe siècles un centre de production d’émaux particulièrement important. C’est l’âge d’or de l’émail limousin. L’œuvre de Limoges s’exporte dans toute l’Europe, et encore aujourd’hui on en retrouve des pièces dans les musées de France, d’Angleterre, d’Espagne et même du Danemark ! La plupart sont réalisés via la technique de l’émail champelevé : l’artisan creuse le métal pour ensuite y déposer l’émail sous forme de poudre humide. Après cuisson, l’émail est fixé et n’a plus qu’à être poli. La châsse est alors partiellement dorée pour perfectionner le tout. Comme ce diocèse ne manquait pas de saints, que la population aime encore porter en procession dans les rues lors des grandes ostensions septennales, pratique toujours en vigueur et récemment classée au patrimoine immatériel de l’humanité, les émailleurs fabriquèrent moult reliquaires en l’honneur de leurs saints locaux, comme sainte Valérie, ou de saints « étrangers » comme saint Thomas de Cantorbéry, également connu sous le nom de Thomas Beckett.

 

Sainte Valérie : la protomartyre d’Aquitaine

Sainte Valérie est une vierge martyre du IIIe siècle, contemporaine de la christianisation du Limousin par saint Martial, premier évêque de Limoges. Fille d’un dignitaire romain de Limoges, elle se convertit au christianisme et refuse d’épouser le haut fonctionnaire païen auquel elle était promise. Elle est alors décapitée. La vita prolixior de saint Martial, rédigée par Adémar de Chabannes, moine de Saint-Martial de Limoges au tournant des Xe-XIe siècles, rapporte un miracle étonnant : Valérie décapitée se relève, prend sa tête et l’apporte à saint Martial alors que celui-ci célèbre la messe en la cathédrale de Limoges. Elle est enterrée dans la crypte de la cathédrale Saint-Etienne de Limoges.

 

Cet épisode dit « de céphalophorie » est souvent représenté sur les châsses reliquaires réalisées en son honneur. La plupart du temps la sainte est debout ou à genoux, présentant sa tête entre ses mains à saint Martial qui se tient devant un autel. Souvent, le bourreau est encore présent par derrière, armé d’un glaive. Le récit de ce miracle, qui vise en partie à affirmer que la sainte elle-même confie ses reliques à l’évêque de Limoges, qui en assure la garde dorénavant, fait également du martyre de Valérie une union au sacrifice du Christ. Valérie apporte l’offrande de sa vie sur l’autel où Martial célèbre l’Eucharistie. Elle s’unit au sacrifice du Christ, ce qui n’est pas sans conférer une réelle dimension liturgique à l’épisode.

 

La popularité du culte de sainte Valérie tient beaucoup à ce miracle. Mais à l’époque ce n’est pas tant le caractère extraordinaire du miracle qui compte que ce qu’il sous-entend : d’une part le culte de ses reliques est encadré par l’évêque de Limoges, autrement dit il est légitime ; d’autre part, son histoire étant liée à celle du premier évêque de Limoges, elle devient véritablement la protomartyre d’Aquitaine. Par son sang, elle christianise la ville, comme saint Martial par sa prédication. Or au XIIe siècle, saint Martial est au cœur d’un débat qui agite toutes les abbayes d’Aquitaine. En raison d’un engouement pour les temps apostoliques, la cathédrale de Limoges prend le nom de Saint-Etienne, dont elle revendique une part des reliques. Saint Martial lui-même devient le treizième apôtre, contemporain du Christ. Et c’est ainsi que Valérie, par imitation de saint Etienne, premier martyr chrétien, devient la protomartyre d’Aquitaine.

 

Saint Thomas Beckett : l’évêque assassiné

Il est un autre saint que les émailleurs limougeauds apprécient plus que d’autres, saint Thomas de Cantorbéry, connu en Angleterre sous le nom de Thomas Beckett. Né à Londres au début du XIIe siècle, Thomas Beckett devint archevêque de Cantorbéry, haut-lieu intellectuel du monde anglo-normand. En raison d’un désaccord avec le roi Henri II Plantagenêt, il fut assassiné dans sa propre cathédrale le 29 décembre 1170 par des chevaliers aux ordres du roi. La raison de leur désaccord : l’indépendance du pouvoir religieux vis-à-vis du pouvoir politique. Naturellement Henri II nia avoir donné l’ordre, ce qui ne l’empêcha pas de faire pénitence publique à Avranches. L’assassinat du prélat anglais eut un retentissement considérable dans toute la Chrétienté du XIIe siècle et, pour se le faire pardonner, Henri II dut promettre de partir en croisade et contribuer financièrement à de nombreuses fondations monastiques sur le continent.

 

Le diocèse de Limoges faisait partie du duché d’Aquitaine. Et, depuis son mariage avec Aliénor d’Aquitaine, Henri Plantagenêt, alors simple comte d’Anjou, était en possession d’un bon quart sud-ouest du royaume de France, avant de devenir, par un jeu d’héritage et de succession, duc de Normandie et roi d’Angleterre. Le retentissement de l’assassinat de Thomas Beckett explique donc la forte présence de son martyre sur les châsses reliquaires limousines, exportées par la suite sur l’ensemble des territoires Plantagenêt et au-delà. On y voit saint Thomas, célébrant la messe, attaqué et décapité au pied de l’autel par les hommes aux ordres du roi. Comme pour sainte Valérie, un martyr offre sa vie au pied de l’autel, lors du sacrifice de la messe.

 

Conclusion 

La récurrence du martyre de sainte Valérie et de saint Thomas Beckett sur les châsses limousines est donc en grande partie liée à la dynastie Plantagenêt. Richard Cœur de Lion, fils d’Henri II, lors de son investiture ducale en 1170, l’année même de l’assassinat de saint Thomas de Cantorbéry, avait reçu l’anneau de sainte Valérie. Depuis lors, il se considérait uni à la sainte par un lien mystique tout particulier. Devenu roi, il partit en croisade pour honorer la pénitence de son père. La dynastie angevine se mit donc sous la protection du martyr politique assassiné par son père devant l’autel, et de la protomartyre d’Aquitaine apportant sa tête au pied de l’autel. En leur dédiant ces nombreux reliquaires, les descendants d’Henri Plantagenêt imploraient leur intercession pour obtenir le pardon de la faute qui entachait la dynastie.

Une médiéviste

 

La Pentecôte dans l’art médiéval : « Et chacun les comprenait dans sa langue »

Qui ne se souvient de ces quelques mots des Actes des apôtres évoquant leur toute première prédication, le jour même de la Pentecôte : « et chacun les comprenait dans sa langue ». Et le texte de continuer en listant les différents peuples assistant au miracle : Parthes, Mèdes, Elamites, habitants de Mésopotamie, etc. Le jour de la Pentecôte, les douze apôtres reçurent le don si particulier de la glossolalie, également appelé don des langues, dont le propre est de se faire comprendre de tous et ce en dépit de la frontière de la langue. C’est ce don si spectaculaire qui explique certaines représentations étonnantes de la Pentecôte dans l’art médiéval.

L’iconographie de la Pentecôte : les apôtres au cénacle

La représentation de la Pentecôte connut quelques variations au fil des siècles et ne fut pas toujours clairement distincte de l’Ascension. Il faut dire que les deux épisodes mettent en scène les douze apôtres après la Résurrection. Le jour de l’Ascension, le Christ montant aux Cieux leur donne pour mission de prêcher l’Evangile et leur promet l’envoi du Saint-Esprit pour les assister dans cette tâche. Puis, le jour de la Pentecôte, leur mission débute par la réalisation de cette promesse : l’Esprit Saint descend sur eux. Parfois la Vierge Marie les accompagne, parfois non. Ainsi, dans les Evangiles de Rabula (Syrie, VIe siècle) l’Ascension prend l’apparence d’une pré-pentecôte : de part et d’autre de la Vierge, les apôtres, les yeux levés au ciel, assistent à la montée du Christ aux Cieux sur un char de feu. Des langues de feu descendent alors sur chacun d’eux. En dépit de ce détail troublant, il s’agit bien d’une Ascension ! La Pentecôte est elle-même représentée quelques folios plus loin dans le même manuscrit et cette fois-ci plus de doute : les apôtres et la Vierge réunis au cénacle reçoivent à nouveau l’Esprit Saint.

De manière générale, deux éléments constituent la Pentecôte : la descente de l’Esprit Saint et la réunion du collège apostolique au cénacle. À l’époque carolingienne, le Sacramentaire de Drogon (IXe siècle) la représente ainsi : sous un dôme supporté par des colonnes et orné de drapés, les douze apôtres sont placés en demi-cercle, dos au lecteur. Tous portent un nimbe qu’une flamme vient compléter. Dans le coin supérieur gauche, le Père et le Fils réunis leur envoient l’Esprit Saint, tandis que dans le coin supérieur droit une main divine déploie un phylactère inscrit.

Cette image de la Pentecôte d’une certaine manière fait écho aux nombreux conciles réunis par l’Église à l’époque carolingienne. En effet, parfois, au-delà du récit lui-même, l’image renvoie à l’institution de l’Église qui, en la personne des apôtres, se voit confier la mission d’annoncer l’Evangile à toutes les nations. Ainsi il arrive que la Vierge, souvent image de l’Église, soit placée en avant du collège apostolique. Ou bien, comme sur le lectionnaire de Cluny (XIe-XIIe siècles), c’est saint Pierre, en tant que chef de l’Église, qui occupe cette place.

Le Tympan de Vézelay (XIIe siècle) : les peuples de l’Univers

La plus fameuse représentation médiévale de la Pentecôte se trouve à Vézelay sur l’un des tympans du narthex parfois qualifié à tort de tympan de l’Ascension en raison de la place centrale qu’y occupe le Christ. Toutefois, l’observation attentive du tympan nous prouve que nous avons ici à faire à une véritable Pentecôte. Des mains du Christ s’échappent des rayons qui partent en direction des douze apôtres répartis de part et d’autre du Christ. La promesse de l’envoi de l’Esprit Saint se superpose avec la réalisation de cette promesse.

Mais surtout, les peuples de l’Univers, auxquels est adressée la Bonne Nouvelle, occupent les voussures de ce tympan. Et il faut dire que ceux-ci sont nombreux et variés : il y a évidemment les Romains accompagnés des bœufs qu’ils sacrifiaient, les Arméniens montés sur des patins, les siamois qui partagent un même corps, les pygmées qui ont la réputation d’être si petits qu’ils montent sur leurs chevaux à l’aide d’une échelle. Plus étonnants encore sont les Panotii ou Panotéens, peuple des confins de la terre qui ont la réputation d’être dotés de grandes oreilles dans lesquelles ils s’enveloppent pour dormir ; ou bien les Cynocéphales, peuple à tête de chien, vivant sur les bords du Gange ou, d’après d’autres auteurs, en Cyrénaïque.

Évidemment, tout cela paraît grotesque. Pour bien comprendre ces sculptures surprenantes, il faut se rappeler que le but est de représenter tous les peuples de la terre, y compris ceux des antipodes, dont l’apparence physique étonnante est rapportée dès l’Antiquité par des auteurs comme Hérodote (Ve siècle avt J.-C.), repris plus tard par Isidore de Séville (VIe siècle après J.-C.). Mais au-delà de ces récits exotiques, les dimorphismes mis en avant à Vézelay résultent moins d’une croyance en l’existence de peuples difformes que d’une volonté de donner une formule visuelle aux différents paganismes existant sur terre avant la venue du Christ. La déviance spirituelle s’accompagne soit d’un usage rituel païen comme le sacrifice des bœufs par les Romains, soit d’une difformité physique qui lui est souvent liée puisque, pour le cas des cynocéphales, leur apparence va de pair avec une réputation de cruauté.

Le plus célèbre d’entre eux est saint Christophe, patron des voyageurs. À partir du XIIe siècle se popularise en Occident la légende orientale selon laquelle le patron des voyageurs, connu pour sa taille de géant, était un cynocéphale. Christophe s’appelait le « Réprouvé » et vivait dans le pays de Canaan, pays dont le nom ressemble phonétiquement au mot latin canis, désignant le chien. Un jour, il rencontre le Christ enfant et l’aide à traverser un fleuve. En remerciement, le Christ lui donne une apparence normale. Il devient Christophe, perd sa tête de chien et la monstruosité qui va avec, et reçoit le baptême. Comme dans l’histoire de saint Christophe, sur le tympan de Vézelay, la difformité physique est l’image de la faute originelle impactant chaque peuple de la terre. Cette faute originelle sera lavée par le baptême dès que ces peuples seront évangélisés. C’est donc tout l’intérêt de les représenter ainsi associés à la Pentecôte. Les apôtres reçoivent la mission d’évangéliser les peuples de la terre, de porter la Bonne Nouvelle là où elle n’est pas encore parvenue.

La Pentecôte définie comme l’anti-Babel

Mais, dans la plupart des cas, les peuples de l’Univers sont représentés de manière moins extravagante. Sur les mosaïques du dôme de la Pentecôte (XIIIe siècle) de Saint-Marc de Venise, les différents peuples cités dans les Actes des apôtres sont représentés par un binôme de chaque. Ces représentations peuvent nous interpeller car elles reflètent l’image que les Vénitiens du XIIIe siècle se faisaient de chacun de ces peuples. C’est ainsi que les Égyptiens ont la peau noire, probablement en référence aux Soudanais ou aux Éthiopiens, que les Élamites ressemblent à des asiatiques, et que les Romains ne sont pas les légionnaires de l’Antiquité mais plutôt les habitants de la ville de Rome, rivale de Venise.

La présence de tous ces peuples rappelle la mission évangélisatrice des apôtres qui ne doit pas se limiter au seul pourtour méditerranéen, au seul Empire Romain. Elle évoque aussi directement la glossolalie. Ce don mystérieux est la raison pour laquelle la Pentecôte est définie comme l’anti-Babel. La glossolalie est le remède à la diversité des langues, initialement créées pour contrer l’orgueil humain et obtenir de l’homme qu’il peuple les extrémités de la terre, conformément à l’ordre divin donné à Adam puis à Noé à la sortie de l’arche, ordre auquel les hommes se sont soustraits en construisant la Tour de Babel. Dans la Cité de Dieu, saint Augustin insiste sur ce point : la Pentecôte rétablit l’unité que l’orgueil humain avait brisé. C’est pourquoi certains manuscrits représentent les deux épisodes en parallèle, notamment ceux conservant le Speculum Humanae Salvationis, texte théologique du XIVe siècle qui procède à des mises en parallèle typologiques entre Ancien et Nouveau Testament. Ainsi, au folio 64v d’un Speculum Humanae Salvationis conservé à Cologne, les deux épisodes sont superposés. Tandis que les apôtres et la Vierge reçoivent l’Esprit Saint au registre supérieur, quatre ouvriers s’activent au registre inférieur pour édifier la Tour de Babel.

Conclusion 

Que retenir de tout cela ? Il est peu probable que l’un d’entre nous soit amené dans sa vie à converser avec des hommes dotés d’oreilles d’éléphant, et il est évident que le bilinguisme n’est pas à la portée de tous. Mais tous, nous sommes apôtres et il sera donné à chacun selon sa vocation propre les grâces et les dons nécessaires à l’accomplissement de la volonté de Dieu. Aux apôtres, il fut donné la glossolalie pour que la Bonne Nouvelle soit entendue de tous. Et, de manière générale, même si cela peut prendre des apparences étonnantes, c’est le propre des dons de l’Esprit Saint et des talents que Dieu nous donne de faciliter l’apostolat. C’est donc en les cultivant que l’on devient apôtre et que l’on œuvre au Salut de ce monde.

 

Une médiéviste

 

Châteauneuf-sur-Cher : un sanctuaire marial pour petits et grands

Sise sur un côteau bordé par le Cher, au beau milieu du Berry, la petite cité de Châteauneuf-sur-Cher attire par la hauteur de son clocher, inhabituelle pour une commune rurale d’un petit millier d’habitants. En traversant cette ville de la couronne de Bourges, nul ne peut en effet ignorer l’imposant portail néogothique qui surgit comme de nulle part et révèle l’existence cachée d’une basilique qui y a pris place au XIXe siècle : la basilique Notre-Dame des Enfants.

 

A l’origine, une église en ruine et un curé démuni 

Antérieurement, une église plus ancienne occupait le plateau de Châteauneuf. Sous le vocable de Saint-Éloi, cette première église paroissiale érigée au XIe siècle était, dit-on, déjà en ruine au milieu du XVe siècle. La fonction d’église paroissiale fut donc déplacée en 1452 à un ancien prieuré bénédictin, l’église Saint-Pierre et Saint-Paul. Cette seconde église paroissiale fut pillée lors des guerres de religion par les huguenots qui avaient pris possession du château. Une fois ceux-ci chassés au terme d’une lutte acharnée, une troisième église fut construite, de dimension modeste pour satisfaire provisoirement les besoins du culte. Faute de finance ou de volonté, aucune nouvelle entreprise de construction ne survint et l’église paroissiale de Châteauneuf-sur-Cher demeura telle quelle, d’humbles proportions et semblable à une grange, pendant plus de trois siècles.

 

Vers l’an 1861, un nouveau curé est nommé à Châteauneuf. Il s’agit de M. le curé doyen Jacques-Marie Ducros qui, à son arrivée, déplore l’état misérable de l’église paroissiale. Comme la plupart des églises ayant survécu à la Révolution, celle-ci menaçait de s’effondrer. Issu d’une famille berrichonne très catholique – deux de ses oncles sont prêtres et l’un de ses frères le devint également à sa suite -, l’abbé Ducros s’en remet donc à la Providence divine. Nul ne sait où trouver les fonds nécessaires, ne serait-ce que pour financer les travaux de réfection de l’église qui, de jour en jour, menace de s’écrouler. Les notables de la ville s’associaient pour mettre en commun, la mairie apportait le soutien de l’administration mais les fonds récoltés n’étaient pas suffisants vu l’ampleur des travaux.

C’est alors que le pieux curé eut l’idée de solliciter les enfants, non seulement ceux de Châteauneuf-sur-Cher, mais aussi ceux des villages alentour et de tous les villages de France. Il demanda humblement à chacun « deux sous » pour l’aider à rebâtir son église, en échange de quoi il s’engageait à prier la Vierge Marie à leur intention.

 

Les dons affluent 

L’aumône implorée par le curé Ducros fut publiée en 1865 dans une circulaire diocésaine, et très vite il reçut de nombreux courriers apportant des dons de toute la France. L’un d’eux, signé d’une petite fille de dix ans, originaire de Semur-en-Brionais (diocèse d’Autun), lui souffla le nom de la future église : Notre-Dame des Enfants. Ayant eu vent de la demande, elle avait rédigé la lettre suivante :

« Vous nous annoncez dans votre circulaire, Monsieur le Curé, que le nouveau sanctuaire que vous élèverez sera dédié à Notre-Dame des Enfants. Quel beau nom! La sainte Vierge, invoquée sous ce nouveau titre, se plaira à combler l’enfance des grâces les plus abondantes : combien nous en sommes joyeuses !…»

En dépit du contenu de la lettre, le curé n’avait pourtant mentionné aucun projet sous ce nom dans sa >>> >>> circulaire, il ne s’agissait pour lui que de reconstruire l’église paroissiale en ruine. L’accumulation progressive des « deux sous » venus de toute part et l’arrivée de cette lettre providentielle, l’encouragèrent donc à suivre les directives enfantines si mystérieusement manifestées, et à ériger un sanctuaire marial où les enfants viendraient se placer sous la protection de leur mère du Ciel. C’est ainsi qu’est née la Basilique Notre-Dame des Enfants. Bouleversé par la dévotion simple et innocente que ces enfants manifestaient envers la Vierge Marie, le curé Ducros leur offrit donc un asile, et fonda de surcroît la confrérie Notre-Dame des Enfants destinée à placer les enfants dès leur plus jeune âge sous la protection de la Vierge Marie. Erigée en archiconfrérie en 1870 par le pape Pie IX, elle existe toujours aujourd’hui.

 

Un sanctuaire est né 

Grâce aux dons généreux des enfants, le sanctuaire marial fut construit en moins de quinze ans avant que Léon XIII ne l’érige en basilique mineure le 18 juillet 1896. L’église, construite dans un style néo-gothique, s’impose par ses dimensions : 80 m de long, 21 m sous voûte. A l’extérieur, d’imposantes statues encadrent le portail occidental. Parmi les saints représentés on retrouve sainte Solange, patronne du Berry, mais aussi d’autres saints universels qu’une histoire relie aux enfants, tels que le saint curé d’Ars indiquant le chemin du ciel au petit qui lui avait montré le chemin d’Ars, saint Vincent de Paul qui œuvra tant pour les orphelins, ou encore le grand éducateur qu’était saint Jean-Baptiste de la Salle.

A l’intérieur, la haute nef voûtée d’ogives mène directement à une chapelle, cachée derrière le chœur, où trône la statue de Notre-Dame des Enfants. La Vierge Marie, entourée des tout-petits ou des plus grands lui amenant leurs cadets, étend les bras sur eux, thématique que l’on retrouve également sur les bas-reliefs de l’autel ou sur les vitraux, etc… Les murs des bas-côtés quant à eux sont tapissés d’ex-voto attestant des nombreuses grâces obtenues aussi bien par les petits que par les grands. Le tout constitue un espace immense doté d’une chaire imposante du haut de laquelle on imagine facilement les prêches mémorables des curés, évêques ou archevêques venus visiter ce lieu, où les vitraux narratifs perpétuent la catéchèse en image.

La dévotion mariale qui soufflait alors sur la France, durement éprouvée par les guerres et l’instabilité politique, permit à une ville sans ambition et dont l’église était dépourvue de tout apparat, d’accueillir un sanctuaire marial d’envergure alors qu’aucune apparition n’y était rapportée et qu’aucun grand saint ne s’y était illustré historiquement. Hormis la dévotion mariale préexistante, – la libération de la ville lors des guerres de religion est localement attribuée à l’intercession de la Vierge -, rien ne laissait présager un tel avenir. Tout est parti d’un curé qui, comme celui de Pontmain, vénérait profondément la Vierge Marie et qui, pour faire face aux travaux de son église, décida de s’en remettre à la générosité des plus petits de ses paroissiens. Et c’est ainsi que la Vierge exauça les vœux d’une ville qui, pendant des siècles, la priait humblement dans une grange, guère plus luxueuse que l’étable de Bethléem. Ces enfants qui, par leur modeste pécule, obtinrent des adultes de leur temps l’érection d’une telle basilique, nous rappellent qu’en ces temps de misère religieuse où nombre d’églises rurales disparaissent ou menacent de s’écrouler, rien ne sera possible qu’avec la Foi et surtout avec le Rosaire.

Une médiéviste

 

Le Mont-Saint-Michel au fil de sa construction

 

En dépit du millénaire fêté cette année, le très célèbre Mont-Saint-Michel est en réalité bien plus ancien. L’année 2008 était déjà l’occasion de fêter le 13e centenaire de sa fondation remontant au VIIIe siècle. 2023 marque toutefois le millénaire de la construction de l’abbaye romane telle que nous la connaissons, construction qui débuta en 1023. Pour autant, son édification ne s’est pas faite en un jour et le Mont, tel que nous le connaissons aujourd’hui, résulte d’une superposition de strates architecturales liée aux aléas de son histoire qui font son caractère exceptionnel. L’ensemble du Mont-Saint-Michel et de sa baie fut classé au patrimoine mondial de l’UNESCO une première fois en 1979, puis une seconde fois en 1998 au titre des chemins de saint Jacques de Compostelle, classement qui met en valeur aussi bien le site lui-même que son histoire en tant que lieu de pèlerinage.

 

Les débuts du Mons Sancti Michaelis in Tumba

Le Mont-Tombe, devenu le Mont-Saint-Michel après l’intervention directe de l’Archange, reçut la première chapelle construite en 708 par saint Aubert, évêque d’Avranches, en l’honneur du prince des archanges1. Après sa construction, une communauté de douze chanoines y remplace les ermites qui précédemment peuplaient le lieu, retirés, loin de la côte.

Rapidement, l’endroit isolé du continent par un bras de mer assure la protection des populations fuyant les pillages normands et, à plusieurs reprises, aux VIIIe et IXe siècles, des villageois y trouvent refuge. Un siècle plus tard, ces mêmes Normands qui terrorisaient les populations et pillaient les monastères, poseront les bases de l’abbaye du Mont-Saint-Michel. Ainsi, vers 965-966, le duc de Normandie Richard Ier y implante une communauté bénédictine. De cet ensemble monastique carolingien, il ne reste que Notre-Dame-Sous-Terre, chapelle d’une superficie de 14 x 12 m, comportant deux nefs menant à deux absidioles surmontées de tribunes dont l’usage était probablement lié à l’ostension de reliques. A l’origine elle supportait les piliers de la nef romane. Elle aurait été construite à l’emplacement de la première chapelle entièrement disparue aujourd’hui et, selon le De translatione et miraculis beati Autberti, les reliques de saint Aubert y furent ensevelies.

 

La construction de l’abbaye et ses remaniements

L’abbaye carolingienne, ainsi que l’ensemble de l’île, est victime d’un incendie vers 992. Grâce à la protection des ducs de Normandie Richard Ier et Richard II, la reconstruction est entreprise. Elle débute par le chevet en 1023 sous l’abbé Hildebert II. Différents abbés se succèderont avant que l’ensemble ne soit achevé. Des incendies successifs ou écroulements partiels des bâtiments ralentiront le projet mais seront autant d’occasions de rénover le lieu.

Le véritable défi des architectes du Mont était d’installer un monastère sur une île relativement petite et peu pratique car les bâtiments conventuels ne pouvaient y être aménagés en longueur et comme de coutume autour d’un cloître. Le rocher présente une base de 950 m de circonférence pour une superficie de 28 ha et mesure 91 m de haut sans les bâtiments. La solution trouvée fut donc de superposer l’ensemble des bâtiments constitutifs  d’un monastère sur trois étages, plutôt que de les aligner. Mais à plusieurs reprises certains bâtiments s’écrouleront en raison de contreforts trop faibles.

 

L’église abbatiale est soutenue par trois cryptes : la chapelle des Trente-Cierges, la crypte des Gros-Piliers et la chapelle Saint-Martin. Une partie de la nef repose également sur Notre-Dame-sous-Terre. Le chevet est à déambulatoire et chapelles rayonnantes, et la nef s’élève sur trois niveaux d’élévation comme de coutume pour l’art roman normand. Elle mesure 70 m de long pour une hauteur de 17 m au niveau des murs de la nef et de 25 m sous la voûte du chœur. En 1080, trois étages de bâtiments conventuels sont édifiés au nord de Notre-Dame-sous-Terre, comprenant la salle de l’Aquilon, servant d’aumônerie accueillant les pèlerins, le promenoir des moines et le dortoir. Une partie sera reconstruite au XIIe siècle suite à l’effondrement des bas-côtés et le chœur sera refait au XVe siècle en style gothique.

 

L’un des abbés bâtisseurs les plus célèbres du Mont est Robert de Torigny, abbé entre 1154 et 1186, également connu pour avoir été le conseiller du roi d’Angleterre et duc de Normandie Henri II Plantagenêt, et l’artisan principal de sa réconciliation momentanée avec son homologue et souverain le roi de France Louis VII. Sous son abbatiat, le Mont connaît une véritable période d’apogée car en plus d’être un centre de pèlerinage majeur, il devient un foyer intellectuel de renom. Il est à l’origine de la réfection au XIIe siècle des logis abbatiaux.

Dernière grande étape, la construction de la Merveille, ajoutée en 1211 grâce aux dons prodigués par Philippe-Auguste. Située au nord de l’église abbatiale romane, elle s’élève sur trois niveaux où sont aménagées des salles de plus en plus légères à mesure que l’on accède au sommet. Ces trois niveaux étaient également une manière de distinguer l’étage des moines, au plus près du ciel, des espaces d’accueil des hôtes de marque, à l’étage intermédiaire et enfin, les pèlerins aux pieds du Mont. Le réfectoire des moines impressionne notamment par la capacité des architectes à concilier la nécessité de lumière et la solidité des murs. Aussi, chaque mur est percé d’un  nombre important de baies très fines séparées par des colonnettes engagées pour le consolider. Le tout conduit à un effet d’optique impressionnant puisqu’en entrant, les murs paraissent pleins, c’est-à-dire sans fenêtres, celles-ci ne se dévoilant que progressivement en avançant. La sensation obtenue est que la lumière parvient à traverser les murs épais.

Entre les XIIIe et XVIe siècles, l’île jusque-là protégée par  de simples murailles de bois, reçoit des fortifications en pierre qui lui permettent de résister successivement aux assauts des Anglais lors de la Guerre de Cent Ans, puis des Huguenots lors des guerres de religion. Enfin, le dernier ajout sera la flèche servant de piédestal à la statue de saint Michel. Erigée en 1895, sa pointe atteint les 78 m de haut, faisant culminer le Mont à une hauteur de 157 m.          

Le lieu de pèlerinage 

Au-delà de la prouesse architecturale et du renom de ses abbés, le Mont-Saint-Michel fut surtout pour les médiévaux un lieu de pèlerinage où chacun venait affronter les marées pour implorer la protection de l’archange saint Michel. La particularité de ce sanctuaire étant que, dédié à un archange, aucun reste mortel ne pouvait y être vénéré comme relique. Certaines légendes rapportent qu’une plume de ses ailes aurait été rapportée du Mont Gargan, en Italie, sanctuaire plus ancien dédié également à saint Michel. D’autres comme Baudri de Dol au XIIe siècle affirmaient que le Mont conservait le bouclier et l’épée avec lesquels Michel avait terrassé le dragon. En réalité, aucune relique de l’archange n’y fut véritablement vénérée. Seule la trace de son passage au travers du crâne perforé de saint Aubert, aujourd’hui conservé à Avranches, atteste de la protection qu’il accordait au lieu. Comme pour le culte de la Vierge, montée aux Cieux avec son corps, le culte de saint Michel tient surtout aux apparitions à l’origine du sanctuaire et aux miracles survenus par son intermédiaire.

Le plus célèbre est celui de l’accouchée des grèves, cette femme enceinte qui fut prise au piège d’une marée alors qu’elle se rendait en pèlerinage sur le Mont. Saint Michel vint la secourir et lui permettre d’accoucher de son enfant puis de gagner le rivage saine et sauve. Cette protection de saint Michel, à la lecture de la légende dorée, rédigée au XIIIe siècle par le dominicain Jacques de Voragine, est accordée aux Gentils tout comme jadis elle l’était aux Hébreux. Michel, anciennement protecteur du peuple élu de Dieu, lui permit de traverser la Mer Rouge, comme il permet aux pèlerins du Mont de traverser la mer à sec et d’accéder au si bien nommé Mont-Saint-Michel aux périls de la mer.

Les vicissitudes de l’Histoire firent que le Mont devint une prison sous le règne de Louis XV, en 1731, ce qui lui valut le surnom de « bastille des mers ». Cette fonction pénitentiaire sera maintenue pendant la Révolution et une partie du XIXe siècle, faisant dire à Victor Hugo qu’il s’agissait d’un « crapeau dans un reliquaire », qualificatif qui pourrait convenir à de nombreux réaménagements contemporains d’édifices religieux. Au fond, les misères passées du Mont nous rappellent que l’Histoire n’est pas linéaire, que chaque pèlerin continue de l’écrire et que, quoiqu’il arrive, saint Michel veille, terrassant les assauts répétés du dragon.

 

Une médiéviste         

 

1 Cf. la rubrique : « Actualités culturelles »  de ce même numéro.

 

A la découverte de métiers d’art :

Le chantier archéologique de Notre-Dame de Paris

Le 15 avril 2019, chacun vivait avec émotion le terrible incendie qui ravageait Notre-Dame, assistant impuissant à la chute de sa flèche s’écroulant au fond du brasier ardent. Les réactions des autorités politiques et religieuses ne se firent pas attendre et, comme souvent, il y eut polémique, précisément à propos de sa reconstruction. Pourtant, avant de reconstruire, il faut évaluer l’ampleur des dégâts et nettoyer les lieux. Et c’est là qu’interviennent l’INRAP (Institut National d’Archéologie Préventive), le LRMH (Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques), épaulés par de nombreux spécialistes archéologues, historiens ou historiens de l’art de l’Université ou du CNRS. Les ruines fumantes de Notre-Dame devinrent alors un chantier archéologique à ciel ouvert dont l’étude des gravats, devenus vestiges archéologiques, nous dévoile aujourd’hui une part des secrets de cette cathédrale de plus de 800 ans.

 

Une hauteur sous voûte record à l’époque :

Paradoxalement, Notre-Dame, qui attire foule de visiteurs et de fidèles chaque année, a rarement été étudiée, au point que des zones d’ombres demeurent, notamment autour de la prouesse architecturale qu’elle représente. La hauteur des voûtes atteignant les 33,50 m dans la nef, et réputée la plus haute de son temps, demeurait, jusqu’à l’incendie, une énigme. Les portions de voûtes tombées au sol ou partiellement effondrées livrèrent quelques explications en la matière. Véritable manteau de pierre, ces voûtes d’ogive sexpartites de 12 à 15 cm d’épaisseur sont étonnamment fines. Par comparaison, celles de la cathédrale Saint-Étienne de Sens, première cathédrale où la voûte d’ogive sexpartite est utilisée, avoisinent les 30 cm d’épaisseur, soit le double. Plus lourde, la voûte ne peut donc s’élever aussi haut et se contente d’atteindre les 30 m de hauteur. L’architecte anonyme de Notre-Dame de Paris a donc réussi la prouesse d’amincir les voûtes pour dépasser de peu le record de hauteur de l’époque, record qui sera battu ensuite par les cathédrales de Bourges, Amiens et Beauvais.

 

Le puzzle du grand arc doubleau :

Les blocs de pierre tombés au sol, notamment les claveaux composant les arcs doubleaux de la nef, révèlent également les gestes des tailleurs de pierre, les outils utilisés ainsi que l’organisation générale du chantier de construction. Ainsi, afin de limiter les erreurs d’assemblage, chaque face des claveaux était gravée d’une croix ou d’un autre signe qui permettait de reconnaître facilement la face de pose de la face d’attente, visible jusqu’à la pose de la pierre suivante. Les tailleurs de pierre produisaient les blocs en série, mais prenaient soin de préciser leur ordre d’installation aux ouvriers. De même, la taille des pierres impliquait la réalisation d’encoches, utiles pour maintenir avec des perches en bois les arcs une fois montés durant le temps de séchage. Grâce à ces indices minimes, les archéologues sollicités pour le chantier de reconstruction réalisèrent un puzzle géant du grand arc doubleau écroulé de la nef et surent, après maints rebondissements et aidés des nouvelles technologies, redonner sa place à chaque claveau en vue d’une réutilisation pour la reconstruction de l’édifice.

 

Une charpente du XIIIe siècle, témoin de la sylviculture médiévale :

Principale victime de l’incendie, la charpente médiévale, rare survivante du XIIIe siècle, a maintenant volé en fumée. En chêne, elle tenait sa résistance et sa structure aux connaissances médiévales en matière de sylviculture. Contrairement à une idée répandue, les bâtisseurs médiévaux n’ont pas déforesté l’Europe entière pour les besoins de leurs constructions. Bien au contraire, les forêts étaient cultivées en fonction des besoins. Il s’agissait alors de produire des chênes jeunes et fins, adaptés aux besoins des charpentes médiévales. Ceux-ci étaient cultivés en taillis comme la forêt de Gabor (Tarn) en présente encore. Un gros chêne initial était d’abord coupé au ras du sol, puis de cette souche renaissaient 3 à 5 rejets, qui poussaient ainsi ensemble, en compétition et sans lumière latérale. Ils poussaient donc très vite très haut pour avoir de la lumière et ne pouvaient développer de branches latérales en raison de la densité du peuplement de la forêt. En 50-60 ans, il était ainsi possible d’obtenir des arbres jeunes et droits, à partir desquels pouvaient être débitées des poutres solides, longues et de 10 m sans nœuds. Une forêt de 3 à 4 hectares suffisait donc pour approvisionner un chantier.

Puis les arbres, une fois abattus, étaient taillés a minima à la hache en suivant le fil du bois, c’est-à-dire que le cœur du chêne était préservé et que ses sinuosités étaient respectées de manière à conserver la solidité de l’ensemble. Les poutres obtenues étaient ainsi parfois courbes, mais demeuraient robustes et surtout, en raison de la jeunesse de l’arbre abattu, étaient flexibles et résistantes au vent, qualité nécessaire pour une charpente particulièrement pentue comme celle de Notre-Dame. Une véritable osmose existait donc entre les techniques de production, l’ouvrage final et la nature elle-même.

 

Et sous le sol ? 

Le nettoyage entrepris après l’incendie fut évidemment l’occasion d’observer de plus près les vitraux, notamment la superbe rose occidentale qui après nettoyage a retrouvé un éclat oublié. Mais après s’être intéressé au plafond et à tous ses ornements, le chantier archéologique fut l’occasion de fouiller le sol sous le dallage de la croisée du transept, et d’y découvrir non seulement le sarcophage en plomb d’un chanoine du XVIIIe siècle, mais aussi les vestiges de l’ancien jubé médiéval. Celui-ci, probablement érigé vers 1230, représentait la Passion du Christ. Finement sculpté et peint, il clôturait le chœur. Détruit au XVIIIe siècle, ses différentes composantes furent alors précieusement déposées, comme ensevelies au pied du chœur par respect pour leur caractère sacré. Les 500 blocs retrouvés permettront sans doute dans l’avenir de reconstituer au moins en partie ce jubé médiéval qui, jusque-là, ne nous était connu que grâce à des témoignages postérieurs.

La catastrophe de l’incendie hante encore les esprits, et, en attendant la phase finale de sa reconstruction, chacun se demande si Notre-Dame sera toujours la même. À son chevet depuis 2019, toute une équipe de spécialistes a scruté son corps meurtri par les flammes et c’est ainsi que Notre-Dame, avant de renaître tel un phénix, nous livre en brûlant une partie de ses secrets. Son histoire n’est pas encore terminée.

 

                Une médiéviste