Il n’arrive pas à prononcer le mot « pardon » !  

« C’est plus fort que lui, mon mari est tout à fait incapable de me dire « pardon », ce mot ne peut franchir ses lèvres, il est trop orgueilleux et je veux arriver à le lui faire dire… C’est trop facile de toujours s’en sortir sans s’excuser ! »

Chère amie, ce n’est pas en vous énervant ainsi que vous obtiendrez ce que vous attendez si impatiemment. Vous savez comme il faut de la patience et de la douceur pour obtenir le progrès d’une âme ! Ce genre de défaut est plus particulièrement masculin, mais combien de femmes ont également à s’en corriger !

Il vous faut d’abord comprendre quelle éducation a reçu votre époux, car il est bien certain que si on lui avait appris enfant à demander pardon, la chose aurait été plus facile et naturelle par la suite. Si l’on n’a pas été exigeant sur ce point avec lui, vous avez raison de penser que cela est un tort. Vis-à-vis de vous bien sûr, et de tout prochain quel qu’il soit, mais cela peut surtout être grave dans sa vie spirituelle, dans la contrition qu’il doit avoir vis-à-vis de Dieu dans le sacrement de Pénitence.

La contrition est le regret d’avoir offensé Dieu. Il faut avoir ce grand regret pour obtenir le pardon de Dieu, devant le prêtre au confessionnal, si l’on veut que Dieu nous pardonne ces offenses que nous Lui avons faites. C’est par cette contrition que Dieu, de la main du prêtre, lavera notre âme des péchés avoués avec regret. Il est donc très important de donner l’habitude de demander « pardon » aux jeunes enfants. C’est peut-être la première chose à expliquer à l’époux qui peine à faire ce pas. Ensuite, il est normal d’avoir cette charité entre époux.

Si, par exemple, votre mari vous offre un joli bouquet de fleurs pour se faire pardonner, on peut considérer alors qu’il y a une vraie contrition, et même une volonté de réparation. Vous ne pouvez pas être indifférente à ce moyen « en acte » de demander pardon. Cela vaut peut-être même beaucoup plus que le « pardon » instantané et assez automatique prononcé par un mari qui se débarrasse d’une formalité sans aucun regret d’avoir peiné son épouse !

Comment aider à dire « pardon » ?

Vous avez compris que le plus important est la contrition. Si vous voyez votre mari tout malheureux de vous avoir fait de la peine, ou contrariée, c’est déjà beaucoup ! Vous avez un rôle à jouer pour l’aider à exprimer ce regret, et cela ne se fera sûrement pas par la force ou l’humiliation. Donnez-lui déjà l’exemple de vos « pardons » sincères et aimables si cela vous est plus facile qu’à lui. D’ailleurs, dans la plupart des peines ou querelles en ménage, les torts sont partagés. Demandez-lui donc pardon la première pour l’aider à suivre votre démarche. Il vous enviera, vous admirera d’y arriver si facilement, et cela le motivera davantage à y parvenir. Ensuite essayez donc un peu d’humour affectueux, une petite taquinerie qui le fera céder, un petit geste tendre qui l’encouragera… Ou bien encore attendez d’être le soir sur l’oreiller, dans la pénombre si cela lui est plus facile d’arriver ainsi à vous le prononcer.

Et votre mari attend-il, lui aussi, quelque chose de vous que vous n’avez pas encore fait ? Un petit effort de caractère, de comportement, un service matériel ? Voilà encore un bon moyen de l’encourager : « J’ai fait ce que tu attendais de moi, veux-tu bien aussi me faire plaisir en me demandant pardon ? »

Le plus important est d’abord le regret, viendra ensuite le mot « pardon » (et non pas l’expression « je m’excuse » qui ne veut rien dire. Comment pourrait-on s’excuser soi-même ?!).

Dans le mariage, comme dans la foi chrétienne, aimer et se pardonner ne vont pas l’un sans l’autre. Le pardon est un baume curatif pour l’âme de votre époux comme pour la vôtre, petite épouse triomphante alors d’avoir fait céder une fière pudeur masculine qui vous rendait malheureux autant l’un que l’autre !

Vous verrez ensuite comme, les années passant, mieux vous vous aimerez et plus il vous sera facile de vous dire du fond du cœur « pardonne-moi ! » 

Sophie de Lédinghen

 

 

Confiance mutuelle et discrétion  

Certains époux sont parfois capables de s’infliger de très profondes blessures dans l’intimité de leur mariage. Mais il est également vrai que l’on ne peut mesurer l’immensité de la joie et de la paix qu’ils peuvent se donner l’un à l’autre dans un mariage fondé sur une confiance absolue et sur une totale intimité de cœur et d’âme.

Comme toutes les grandes choses de notre vie, le mariage revêt une forme certaine d’héroïsme lorsque l’on s’oublie pour l’autre. Plus on devient proche, mieux l’on se confie, en toute quiétude et avec simplicité, sans penser au jugement de l’autre sur nous : nous pouvons tout nous dire, nous nous comprenons et nous soutenons en toutes circonstances. Il semble que cela fasse partie d’un pacte d’amour que de garder précieusement en notre âme les secrets que nous nous confions, et c’est ainsi que nous pourrons ensemble, mieux résoudre les difficultés qui surviendront dans notre mariage. Ces secrets seraient « désacralisés » s’ils étaient partagés avec d’autres. Ne serait-ce pas alors une trahison de la confiance ? Que dire, par ailleurs, d’un mariage sans confiance, où l’on ne se dit que des banalités et dans lequel les époux ne se partageraient que le lit et le compte en banque, mais non le tréfond de leur âme ? Quelle horrible solitude !

Grandeur des époux qui se respectent et se confient de façon habituelle, prenant conseil ou soutien l’un auprès de l’autre, dans la certitude de ne jamais être « trahi » ! Voyez la Vierge Marie et son époux Joseph, quelle discrétion, quelle simple humilité ! « Pas de charité sans le respect d’autrui qui se traduit par les égards que nous lui rendons » (Père Chevrot). Après Cana, Marie n’intervient qu’une fois, pour s’effacer ensuite jusqu’à l’heure terrible de la Croix où elle revient auprès de son Jésus qui va mourir. Quant à saint Joseph, l’Évangile signale sa présence chaque fois que l’Enfant et sa Mère ont besoin de ses services. Ensuite, il n’est plus question de lui.

L’humilité ne consiste pas à se cacher pour ne rien faire, mais à ne pas s’admirer quand on a fait le plus et le mieux possible. À ne pas se raconter et monopoliser la parole dans les conversations, ce qui est souvent source de débordements que l’on regrette bien souvent quand on réalise soudain qu’on en a dit plus que nécessaire.  Ce qui se traduit généralement par de la médisance ou un manque de réserve, d’autant plus regrettable lorsque le sujet portait sur son époux ou sur sa femme ! Si l’on veut réussir un travail, il ne faut avoir en vue que ce travail, sans chercher les applaudissements. Si l’on veut parler utilement, il faut songer uniquement à ce qu’on dit, sans « amuser la galerie ». Et si l’on veut garder la précieuse confiance de son époux, on se gardera bien de la trahir en se laissant aller à des bavardages inutiles et qui ne regardent que l’intimité de son ménage.

Si l’époux chrétien ne s’admire pas lui-même, en revanche il reconnaît ce que les autres font de bien, et en particulier son conjoint. Il voit ce qu’ils font de mieux que lui-même. « Que chacun d’entre vous, dit saint Paul, estime en toute humilité que les autres lui sont supérieurs ». Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur nos propres qualités, nous savons bien qu’en distribuant des talents à chaque homme, Dieu ne nous a pas oubliés ! Cherchons toujours à reconnaître les qualités des autres et effaçons-nous loyalement devant leur supériorité.

Puisque notre époux a comme nous, des mérites et des droits, pourquoi exigerions-nous qu’il se plie toujours à toutes nos volontés ? À notre tour, sachons accepter ses désirs ou ses préférences. Il y a des situations où le chef de famille doit imposer sa décision sous peine de trahir son devoir d’état, mais il ne s’agit là ni de son opinion, ni de son goût personnel, même si souvent les deux peuvent correspondre. En d’autres circonstances la bonne entente sera toujours mieux assurée lorsque chacun se proposera de faire plaisir à l’autre.

Il serait injuste que l’épouse, la maman, fût seule à s’effacer. Tous doivent l’imiter et contribuer au bien-être de la famille. Les foyers malheureux sont ceux que régissent les affreuses lois du « chacun pour soi » et du « moi d’abord ». Le Christ a enseigné le règne d’un amour qui implique l’oubli de soi. On trouve son bonheur à rendre les autres heureux. Les époux sont toujours d’accord lorsque, avant d’exprimer un désir, le mari et la femme, chacun de son côté, s’interroge intérieurement : « Que préfère-t-elle ? » « Que souhaiterait-il ? » C’est à qui voudra contenter l’autre.

Dans une famille où tout le monde s’efforce de s’effacer, nul n’est sacrifié. On n’a plus besoin de penser à soi, les autres y pensent avant nous. Nul n’est oublié lorsque chacun s’oublie pour les autres !

Alors « vidons-nous » de nous-même, de tout ce tumulte qui tourne autour de notre pauvre petite personne qui, finalement, n’intéresse personne d’autre que nous. Et dans le vide qui se fait soudain, laissons entrer dans nos âmes la paix du bon Dieu qui, elle seule, unira d’une solide confiance mutuelle nos deux âmes d’époux. Si cela n’est pas le paradis sur terre, cela ressemble déjà à un bon avant-goût du Ciel !

 

Sophie de Lédinghen

 

Inspiré des « Petites vertus du foyer » (Georges Chevrot), Collection du Laurier.

 

C’est la rentrée!

Eh oui, après de bonnes vacances ensoleillées pendant lesquelles nous aurons changé d’air et pu nous détendre en famille, nous voici de retour à la maison, prêts à reprendre le cours normal de notre petite vie déjà bien organisée…

Le cours normal ? Non, n’en reprenons pas le cours « normal », comme s’il ne s’était rien passé pendant ces semaines de repos ! Ne poursuivons pas le cours de notre vie en la reprenant exactement là où on l’avait laissée ! Nous revenons fortifiés de bon air et de saines activités, le moral au beau fixe après avoir vu tant de belles choses et passé de si précieux moments réunis en plusieurs générations… Ne sentons-nous pas cet allant qui nous motive, nous donne envie d’aller plus loin, d’être meilleurs dans ce que nous entreprendrons ? Et si nous décidions de nous améliorer ? de gommer ces petits défauts qui rendraient la vie de notre époux encore plus agréable ? De bannir quelques mauvaises habitudes qui, sournoisement, se sont confortablement installées dans notre quotidien ? Et si on en parlait à deux pour décider vraiment et précisément tout ce que nous aimerions améliorer durant cette nouvelle année qui commence ?

Voici une idée: organisons un dîner en tête à tête, là, dès les premiers jours après notre retour ! Cela peut se faire aussi bien à la maison qu’à l’extérieur, mais que ce soit agréable, un peu intime et hors de l’ordinaire !

Avant toute chose, nous devons être bien d’accord, tous les deux, de ce que nous voulons que soit notre foyer : aussi saint que possible, uni, équilibré, dans la volonté du bon Dieu. Nous sommes également prêts à fournir les efforts nécessaires pour progresser vers ce but commun. Et il est normal que cela coûte de se réformer !

Préparons donc cela chacun de notre côté en notant sur une feuille :

Ce qui doit changer (vie spirituelle, habitudes de notre vie familiale, amélioration matérielle, horaires…)

Commençons par le plus douloureux, car il est bien étonnant de voir combien, pour chacun de nous, toucher à notre téléphone portable est un sujet sensible ! Et nous savons bien, au fond de nous-mêmes, que nous l’utilisons trop souvent de façon désordonnée, compulsive et boulimique ! Quelles que soient nos habitudes, il y a des règles intransigeantes à nous imposer, la première étant que cet outil-là ne doit pas entrer dans le salon, ni même franchir le seuil de notre chambre matrimoniale. Cet endroit est un peu le «Saint des saints» de la maison, il ne regarde que notre intimité d’époux et « le monde » n’a pas à y pénétrer. Décidons donc de laisser nos téléphones à l’extérieur de ces pièces, l’entrée de la maison étant l’endroit idéal pour ne pas avoir la tentation de le sortir à tout prétexte (dont celui de ces fameuses notifications à bannir, et qui vous alertent de la moindre nouvelle tirée de la rubrique des faits divers les plus croustillants !). Et imposons-nous de ne le consulter que trois fois par jour, ce qui devrait largement suffire dans une journée normale (chacun adaptera, bien sûr, cette fréquence en fonctions de ses besoins professionnels ou des circonstances). On en coupera le son pour limiter les tentations.             >>> >>> Puisque le téléphone ne sera plus dans notre poche, voilà qui nous motivera à décider de reprendre la lecture de vrais livres, mieux écrits et plus complets que les « brèves » lues à la va vite sur nos petits écrans. Il y a tant de bons livres qui pourraient nous aider à progresser en stimulant notre âme, notre réflexion, intelligence, mémoire, et il est d’ailleurs surprenant de constater soudain que cette lecture-là est bien plus reposante et enrichissante que « l’autre ».

Peut-être que les vacances en famille ont aussi permis de prendre quelques bonnes habitudes de prières ou de chapelet en commun qui n’étaient pas encore bien acquises. Décidons de les maintenir. Et pourquoi pas essayer d’aller une ou plusieurs fois à la messe en semaine ? Ou bien de faire, ensemble ou non, une retraite spirituelle dans l’année ?

Ce qu’on aimerait que l’autre améliore (petits travers de caractère, manies dans le quotidien matériel, efforts sur tel ou tel point…)

Cela regarde chacun d’entre nous, et en général nous ne manquons pas d’idées à suggérer à notre conjoint dans ce domaine ! Il va de soi que chacun fera preuve de patience et d’indulgence. L’épouse ne pourra pas demander à son mari fumeur de ne plus fumer sur le champ… Il en est de même pour bien des choses à corriger. Pour cela, il faut vraiment définir à deux et avec précision le progrès à faire: « Je ne fume plus que trois cigarettes par jour au lieu de cinq et toi tu ne téléphones plus à ta mère après que je suis rentré…»

Les résolutions d’activités, d’engagements de services à l’extérieur… Vie sociale

Il est normal que des époux rayonnent sur l’extérieur, nous avons tous à donner de nous-mêmes pour soutenir une œuvre, aider notre prochain, partager notre expérience personnelle, c’est un devoir de charité, et civique. Bien sûr, il faut un peu se pousser à sortir pour des réunions après une longue journée de travail, mais bien souvent, on y fait de formidables rencontres qui, elles aussi, nous apportent beaucoup ! Quelle communauté religieuse n’a pas besoin d’aide ? Quelle association n’accepterait pas de renforcer ses rangs ? Il y a encore les kermesses, les chorales, les visites aux malades ou aux personnes âgées…

Que ce dîner soit comme un nouveau départ. Après avoir pris soin de noter toutes nos résolutions pour l’année, et discuté librement, mis à plat quelques petites déceptions ou attentes, on se sentira un peu plus « neufs » pour repartir! Parfois même on réalisera, par ces bons échanges d’impressions, que l’autre était à cent lieues de ce que l’on s’imaginait bêtement dans son coin, et tout ira mieux ! Le mariage a ceci de rassurant que nous sommes à deux pour avancer, mais aussi pour nous soutenir : aussitôt que l’un trébuche, l’autre est plus fort à ses côtés pour le relever en une merveilleuse expression de notre amour mutuel.

Alors, très bonne rentrée !

Sophie de Lédinghen

 

 

La sagesse d’Anne  

La porte d’entrée claque enfin ! François est de retour chez lui, et son pas lourd laisse entendre à son épouse que l’humeur n’est pas des meilleures, ce soir… Anne soupire « Enfin ! Voilà maintenant quelques heures que je maintiens au chaud, comme je peux, ce dîner qui commence sérieusement à dessécher ! »

– Bonsoir, Chéri ! Dure journée, n’est-ce pas ?!

– Bonsoir !

A voir la mine renfrognée de son mari, Anne se retient de plaisanter, comme elle le fait bien souvent pour le dérider, d’une petite phrase enjouée comme : « Pardonnez-moi, Monsieur, êtes-vous bien mon mari ? Car, lui, est habituellement aimable et reconnaissant quand il me retrouve le soir… ». Mais elle sent bien que ce soir, cela ne servirait qu’à l’agacer.

Son mari, toujours muet, s’installe à table après un bénédicité rapide. Anne l’observe et a bien envie de lui dire « Moi aussi j’ai eu une journée longue et difficile, j’ai porté à bout de bras la maison et les enfants, tout est en ordre et accueillant avec un dîner encore chaud voilà ma récompense ? » mais elle se mord la langue, cela ne ferait qu’ajouter de l’huile sur le feu !

Il est clair que François, harassé par une dure journée, n’a pas été capable de retrouver son calme en revenant à la maison si tard. Il n’est pas sous son meilleur jour, c’est le moins que l’on puisse dire. Anne se dit alors que le mieux à faire est de dîner, que cela le détendrait, et qu’elle pourrait prendre des nouvelles de sa journée plus tard.

– Figure-toi que j’ai rencontré Marguerite aujourd’hui, lance t-elle gentiment, elle a pu me donner des nouvelles de son père si malade…

– Et comment va-t-il ?

– Les analyses sont très rassurantes, ils ont bon espoir de guérison…

« Victoire ! se dit Anne, au fond d’elle-même, la glace est rompue et le volcan n’a pas explosé ! », et la conversation se poursuit agréablement jusqu’à ce que les deux époux soient assez détendus pour prendre tranquillement, l’un et l’autre, des nouvelles de leur journée.

Pauvre Anne ! Elle qui attendait impatiemment le retour de son mari pour se reposer un peu sur lui, après une journée si bien remplie à courir de-ci pour l’un des enfants, de-là pour un autre, ponctuelle et souriante malgré les petits imprévus immanquables dans un quotidien de mère de famille. Non seulement François rentre bien plus tard que d’habitude, mais il fait mauvaise figure et se montre très tendu, comme si elle avait à « payer » ce qui ne s’était pas bien passé pour lui au bureau !

La voilà déçue, mais compréhensive, cherchant tout de suite à se rendre agréable à son mari fatigué et la tête encore dans ses soucis de travail. Une épouse ne se rend pas toujours bien compte du fossé qui existe entre le monde du travail de son mari et sa vie de famille. Les réunions qui s’enchaînent, les combats personnels, les contrats perdus de façon inattendue… Comme disait un prêtre de ma connaissance : « Mesdames, dites-vous bien que pour vos maris, c’est tous les jours la guerre au travail ! ». Bien sûr, l’époux >>> >>> doit faire tout ce qu’il peut pour laisser ses soucis professionnels à la porte de sa maison, mais parfois, il rentre avec le secret espoir d’être réconforté, sans vraiment reconnaître qu’il en a besoin… Se montrant grognon, en gardant l’idée que l’être aimé aura cette douce intuition qui lui permettra de comprendre qu’il a besoin d’affection alors qu’il agit comme si c’était la dernière chose qu’il voulait ! Voilà pourquoi réagir par des propos acerbes ne ferait qu’aggraver les choses.

L’épouse a compris qu’il fallait apaiser son mari, c’est l’heure de dîner, dînons ! Rien de tel pour refaire quelques forces et se changer les idées en parlant d’autre chose. Vous remarquerez qu’Anne ne vide pas son sac de la journée en énumérant tout ce qui s’est passé plus ou moins bien, non, elle donne une bonne nouvelle, et une nouvelle qui vient de l’extérieur du foyer pour distraire agréablement l’attention de son époux qui se montre reconnaissant de la douceur habile de sa femme en lui répondant gentiment. Anne sait que dans ce genre de situation délicate, il est dangereux de penser à soi-même et aux reproches qu’il aurait été si facile de lancer au nez de son mari en lui détaillant sa journée à elle, et lui faire ainsi la leçon.

Elle doit à tout prix aider son mari à aller mieux, elle s’oublie pour lui, sachant qu’ensuite, il sera possible de discuter de leur journée avec moins de passion.

Bien des discussions malheureuses s’engagent parce qu’on n’a pas su adapter son attitude à la circonstance. Le simple bon sens nous dit par exemple, qu’il n’est pas sage de discuter de problèmes épineux l’estomac vide, dans les moments de grande fatigue ou de mauvaise humeur. Que les époux apprennent à discerner le comportement à adopter en face de chaque situation : faut-il s’affronter ou se réconforter, et quand le faire… C’est d’abord en se réformant soi-même que l’on obtient un changement dans l’attitude de l’autre.   

Sophie de Lédinghen

 

 

La puissance de l’exemple  

Rien n’échappe à nos enfants, notre conduite, nos paroles, le ton même de notre voix, et tout petits déjà, ils nous imitent plus ou moins consciemment. Nous sommes de véritables références pour eux : « Papa a dit », « Maman a fait » ; et dans la mesure où nous voulons de bons enfants, ne sont-ils pas notre premier encouragement à la perfection ? Or, pour être de bons et saints parents, nous devons d’abord être de bons et saints époux.

 

  Pour nous y aider, nous avons nous-mêmes besoin de modèles à suivre, d’exemples de saints époux à observer. Il est fort probable que vous en ayez tous dans votre entourage, et cela est bien rassurant de voir leur bonne entente, leur affection mutuelle, leur rayonnement qui laisse entendre que cela a l’air tout simple, ou du moins réalisable ! 

 

  Voici trois grands et beaux modèles : les époux Louis et Zélie Martin, les époux René et Gabrielle Lefebvre, et les époux Luigi et Maria Beltrame Quattrocci. Ces trois ménages ont en commun d’avoir été très unis, d’avoir fondé un foyer profondément catholique, et d’avoir plusieurs vocations religieuses parmi leurs enfants puisque les Martin ont eu cinq carmélites sur cinq enfants, les Lefebvre deux prêtres et trois religieuses sur huit enfants, les Beltrame un prêtre, un moine bénédictin et deux religieuses sur quatre enfants. On pourrait penser que ces foyers devaient être de vrais petits couvents, des endroits tristes et ennuyeux. Bien au contraire, voyons ensemble ce qu’il s’y passait…

Une famille stable et unie

  C’est l’amour des parents qui créé l’atmosphère du foyer, et c’est cette atmosphère qui, dès les premières minutes de sa vie, pénètre l’enfant et compose son âme. Par la façon dont ils s’aiment et dont ils vivent, les parents enseignent ce qu’est aimer, ce qu’est le mariage. Pour un enfant, les images de l’enfance toutes centrées sur le père et la mère laissent des marques indélébiles : modèle ou cauchemar. Les souvenirs laissés par un père ou une mère qui s’aimaient noblement éclairent à jamais la conscience. La clé de l’énigme, c’est de s’aimer en chrétiens. La charité est l’âme du foyer. « La communauté ainsi fondée se trouve spiritualisée dans son essence. La sainteté, loin de dessécher l’amour, en fait une création continue, un chef d’œuvre de compréhension mutuelle, de dévouement désintéressé, de don total dans l’oubli de soi. Leur vie à deux n’est pas un égoïsme dans le mariage, mais une ascension collective dans et par le mariage. Ainsi réalisèrent ils en plénitude le plan du Créateur1. »

  Un foyer où règne le respect, où l’amour se prouve davantage qu’il ne se déclare, où la générosité entretient la gaieté, où la prière en commun nourrit les âmes et scelle l’union, est un foyer éducateur par son seul rythme, par son simple style de vie. Rien ne remplace cette péda- >>> >>> -gogie du bonheur, cette paix profonde qui récompense les vraies tendresses et qui rend supportables les peines et les souffrances.

  « Un tel amour ignore l’inquiétude et la susceptibilité. Il n’est ni ombrageux ni jaloux. C’est une force paisible, faite de confiance et de sécurité. Le mari laisse à la femme le ministère de l’intérieur, c’est-à-dire totale liberté dans l’agencement de la maison et la conduite du ménage. […] L’épouse pourvoit à tout amoureusement1. »

  La vie de prière est régulière et quasi diffuse, elle imprègne les âmes des enfants sans que l’on en parle à tout moment car ils comprennent bien que Dieu est partout et en toutes choses, qu’il les aime et les protège, mais veut des preuves d’amour en retour. Aimer, c’est se donner, et c’est aussi se vaincre pour plaire à celui que l’on aime, son conjoint, ou le bon Dieu.  Dans ces trois familles on peut dire que « les parents avaient l’âme religieuse, éloignant de leurs enfants les mauvaises influences, orientant leur piété et les disposant à vouloir, en tout, ce que Dieu veut, enfin les stimulant au sacrifice des âmes façonnées à dire « oui » au devoir1. »

  En toutes choses, ces parents-là montrent l’exemple, au travail comme dans les loisirs familiaux, dans le sacrifice comme dans les exercices de piété. « Nous avons passé quelques années de vie paisible en famille avec de bons parents chrétiens, profondément chrétiens. […] tous les matins mes parents s’y rendaient (à l’église) de bonne heure pour communier, et assister à la Messe quand ils le pouvaient2. »

 

Une affection équilibrée

  Deux aspects sont à relever dans cette éducation muette qu’est l’exemple des époux de ces trois familles : une affection et une entente mutuelles qui ont un grand retentissement sur l’équilibre de leurs enfants. « Je suis toujours très heureuse avec lui, il me rend la vie bien douce. C’est un saint homme que mon mari, j’en désire un pareil à toutes les femmes1. »

  Entre eux, ces ménages entretiennent une admiration mutuelle très épanouissante pour leurs enfants qui y puisent un réconfort propice à leur équilibre naturel autant que spirituel. « Entre eux, jamais le moindre nuage, tant est parfaite l’unité de vues. M. Martin exerce l’autorité à la façon d’un patriarche dont le caractère même impose le respect et la soumission […] Quant aux enfants, elles se sentaient enveloppées d’une affection tendre et ferme, accompagnée d’authentiques égards1 ».

 

  La désunion dans la famille met l’enfant en insécurité. Le ton de la discorde l’effraie, lui qui a un besoin profond d’unité se sent menacé. L’hésitation s’installe en lui : « Est-ce de ma faute ? ». Les parents doivent se persuader de l’influence de leur comportement sur celui de leurs enfants. Les foyers désunis, orageux, les foyers où manque une véritable union des âmes et des cœurs provoquent chez leurs enfants des conflits psychologiques. Ils établissent en eux l’insécurité et les poussent sans s’en rendre compte à chercher dans un monde factice l’épanouissement dont ils ont besoin. Personne n’est à l’abri de quelques tensions en ménage, mais que cela se fasse en dehors des enfants, et avec une volonté commune d’apaiser au plus vite et charitablement ses différends.

 

  Le foyer dans lequel les deux époux vivent de leur foi en toutes choses, pour leur amour et leur sanctification mutuels, seront récompensés dans l’éducation de leurs enfants qui deviendront leur couronne au ciel. On ne peut rien sans Dieu. Une vie religieuse profonde, les vertus théologales sont plus précieuses à l’éducateur que des compétences et des sécurités trop humaines. Par notre simple exemple, enseignons donc à nos enfants comment aimer, comment le grand et beau « oui » d’un jour peut durer toute la vie. Et puissent-ils à leur tour, prononcer un « oui » ferme et généreux devant Dieu, quel que soit le choix de leur état de vie.   

Sophie de Lédinghen

1 L’histoire de la famille Martin, Père Stéphane-Joseph Piat

2 La petite histoire de ma longue histoire, Mgr Marcel Lefebvre