La communion des saints

 

Le dogme de la communion des saints est l’un des plus beaux et des plus consolants qui soit. Ayons à cœur de le connaître avec suffisamment de précision pour l’en aimer davantage et mieux en profiter. A cet effet, nous le définirons en nous attardant sur les biens spirituels qu’il évoque (I). Nous regarderons ensuite de quelle façon cette communication des biens se fait (II) avant d’en tirer les bienfaits dans le cadre familial (III).

I – Ce qu’est la communion des saints

Les membres de l’Église catholique sont tous ceux qui, soumis à un même chef, qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ, se trouvent de ce fait unis entre eux. Cette union leur ouvre la possibilité d’avoir accès au patrimoine de l’Église, vrai capital de cette société, et de faire tourner le bien de chacun au profit de tous.

Ce patrimoine est constitué des mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de la très sainte Vierge Marie et des saints, du Saint Sacrifice de la messe, des prières et des bonnes œuvres de fidèles. La richesse de ce trésor spirituel est inestimable et inépuisable car les mérites de Notre-Seigneur sont infinis, ceux de Notre-Dame incomparables. Et à eux, s’ajoutent les mérites surabondants des saints du Ciel ou des justes de la terre.

Chacun d’entre nous, accomplissant une œuvre méritoire, peut augmenter ce trésor. Dans toute œuvre méritoire, il n’y a en effet pas seulement une part personnelle à celui qui l’accomplit, mais également une autre qu’on appelle réversible, c’est-à-dire, précisément applicable à d’autres. C’est cette partie réversible qui entre dans le trésor de l’Église.

Cette communication se fait merveilleusement entre les fidèles de l’Eglise militante, qui sont sur la terre, de l’Église souffrante, au Purgatoire, et de l’Eglise triomphante qui est au Ciel et qui comprend aussi les anges.

II – La communication de ces biens spirituels

Voilà comment se fait la communication de ces biens spirituels entre ces trois Eglises qui n’en font qu’une seule : tout d’abord, les fidèles de la terre rendent un culte d’honneur aux saints du Ciel et leur adressent des prières, et d’autre part, ils intercèdent pour les âmes du Purgatoire en leur demandant de les délivrer et de les soulager. De leur côté, les saints du Ciel intercèdent en retour pour les fidèles de la terre et leur obtiennent par les mérites de Jésus-Christ et leurs propres mérites, des grâces abondantes. Ils leur suggèrent aussi de venir en aide aux âmes du Purgatoire en satisfaisant pour elles. Enfin, c’est une pieuse croyance que les âmes du Purgatoire, à leur tour, prient pour les fidèles de la terre, spécialement pour ceux qui, ayant pitié de leur sort, travaillent à les délivrer. Elles procurent aussi aux saints du Ciel, par le culte qu’elles leur rendent, un accroissement de joie et de bonheur.

Un autre aspect très important de la communion des saints est, cette fois-ci, l’aide que peuvent s’apporter les uns aux autres les membres de l’Eglise militante. Ils le font en intercédant les uns pour les autres, en demandant à Dieu la conversion des pécheurs, la persévérance des justes, l’exaltation de la Sainte Eglise, la cessation des fléaux qui affligent l’humanité. En outre, les grâces que chacun reçoit et les bonnes œuvres qu’il opère profitent à tous.

Ayons conscience, dans cette communication si élevée, que ce sont ceux qui donnent le plus qui sont également ceux qui reçoivent le plus. Plus on acquiert donc de mérites pour soi-même (puisque nos œuvres méritoires ont toujours cette part réversible), plus on participe aux mérites des autres.

III – Application de ce dogme à la famille

Il est extrêmement consolant, dans une famille, de savoir que l’on peut venir en aide aux autres membres de l’Église souffrante ou militante, par cette communication. Quel bonheur de penser aussi que l’on est aidé par ceux de notre famille, parvenus au Ciel, et qui ne nous oublient pas ! Quelle forte motivation pour leur vie chrétienne doivent trouver les parents dans cette vérité ! Qu’ils pensent tous les jours dans leurs prières, dans leurs travaux, dans leurs fatigues, dans leurs épreuves continuelles, qu’ils ont à faire du bien à ceux pour lesquels ils offrent, ils endurent et ils prient !

Enfin, il est de la plus haute importance, pour enraciner les enfants dans la Foi, de les familiariser avec cette vérité. Leur générosité chrétienne s’enthousiasmera de cette capacité immense de faire du bien, qu’ils apprendront à connaître et à expérimenter.

Puisse ce numéro donner le désir aux pères et mères de famille d’aimer à expliquer ces belles vérités catholiques à leurs enfants, par exemple à la prière du soir. Nul doute qu’ils en verront les bienfaits étonnants dans l’épanouissement de la vie surnaturelle de toute leur famille.

 

R.P. Joseph

 

La parabole des talents

La parabole des talents nous est rapportée par saint Mathieu au chapitre 25, versets 14 à 30. Saint Luc, de son côté, nous donne une autre parabole, celle des mines1, qui est très proche de la première tout en comportant des différences notables. Dans cette parabole des talents, il nous est rappelé que tout ce que nous avons nous a été donné par Dieu (I) et que les dons de Dieu nous ont été dévolus pour que nous les fassions fructifier (II). Il s’agit d’un devoir essentiel auquel se trouve suspendu la récompense ou le châtiment éternel (III).

 

I – Tout est don de Dieu

On s’est posé la question de savoir si « les talents » de la parabole signifiaient davantage les dons de la nature ou ceux de la grâce. La réponse juste consiste à penser que ce sont vraiment tous les dons divins qui sont figurés par les talents. Mais les dons surnaturels, étant les meilleurs de tous les dons, sont plus directement visés. Les serviteurs ne peuvent se glorifier de rien car c’est de Dieu qu’ils ont tout reçu. Ils ne doivent pas se laisser entraîner par une vanité coupable en se souvenant de la leçon que saint Paul donne aux Corinthiens : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu et, si tu l’as reçu, pourquoi t’en vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ?2 » Au lieu donc de commencer à s’enorgueillir des largesses de Dieu à leur égard, les hommes ne doivent cesser de rendre grâce à leur divin bienfaiteur et de s’interroger sur le bon usage qu’ils en doivent faire. Dieu, en effet, qui ne cesse de donner, ne veut pas que les hommes gardent pour eux-mêmes ce qu’Il leur a donné.

 

II – La fructification

Bien que la comparaison nous surprenne, Dieu, figuré dans la parabole des talents par le maître, encourage les pratiques bancaires, voire usuraires !

Il donne, certes, mais Il demande à ceux auxquels Il donne de s’activer afin de faire fructifier l’argent qu’Il leur confie. La comparaison nous surprend parce que le Deutéronome3 condamnait déjà le profit illégitime que l’on retire de l’argent ou de marchandises, même si les Hébreux croyaient l’usure permise avec les étrangers. Dans la parabole de Notre-Seigneur, le maître, après avoir confié ses talents à ses serviteurs pour qu’ils les fassent fructifier, revient longtemps après et leur fait rendre compte, récompensant ceux qui par leur industrie, ont fait profiter les biens qui leur avaient été confiés, et châtiant celui qui n’en a rien tiré. On voit bien qu’il s’agit d’une véritable spéculation à laquelle devaient se prêter les serviteurs, au blâme qu’il adresse à celui des trois serviteurs qui s’est contenté de cacher son talent en terre. Il lui dit en effet : « Vous deviez donc mettre mon argent entre les mains des banquiers ; et à mon retour, j’eusse retiré avec intérêt ce qui est à moi4.» Notre-Seigneur fait donc raisonner ce maître suivant les principes de la banque.

Nous en sommes intrigués. Et c’est bien cet effet de surprise que vise la parabole pour nous donner le goût de creuser sa signification profonde.

Les biens que Dieu nous a donnés et qu’Il nous demande de faire fructifier ne nous ont été donnés qu’en vue de cette fin ultime qu’est sa gloire car Dieu ne peut pas ne pas vouloir en toutes choses sa gloire. S’Il voulait autre chose, Il ne serait pas Dieu. C’est donc toujours pour Lui que nous devons faire tout ce qui nous est demandé. Ajoutons que nous retirons nous-mêmes les véritables « intérêts » de notre fidélité dans l’amour et le service de Dieu car les récompenses dont Dieu désire nous combler vont au-delà de tout ce dont nous pourrions rêver. Le bonheur du Ciel est au-delà de tout bonheur. En réalité, « l’économie divine » est toute tournée à notre profit. Nous ne pouvons rien faire pour augmenter le bonheur de Dieu et Il n’a pas besoin de la gloire extérieure que nous lui procurons car Il se procure à lui-même sa gloire essentielle. S’Il nous prodigue les biens qu’Il nous distribue, c’est pour que nous en fassions un bon usage qui permettra alors de nous combler au-delà de toute mesure.

Selon les canons terrestres, Dieu est un bien piètre banquier qui ne prête pas mais qui donne et qui ne cesse de donner, et qui donne de plus en plus et sans compter, à mesure que ceux à qui Il donne font bon usage de ses dons.

 

III – Bons ou mauvais serviteurs

Qu’est-ce que Dieu attend de ses serviteurs ? Qu’ils mettent à profit le temps dont ils disposent pour bien utiliser leurs talents. Il exige que ses serviteurs consacrent à sa gloire tout ce qu’ils ont reçu de Lui afin de les en récompenser. On remarque que le Maître donne ses talents inégalement. Ce qui amène saint Grégoire à faire cette réflexion : « Ceux qui ont reçu en ce monde des grâces plus abondantes seront l’objet d’un jugement plus sévère car, plus on reçoit, plus grand est le compte que l’on devra rendre. »

Dans la parabole, le mauvais serviteur n’est pas un homme malhonnête. Il a reçu un talent et il le restitue au retour de son maître. Il est châtié pour sa paresse, sa pusillanimité et son insolence. En effet, il n’a rien fait de son talent. Il l’a enfoui et n’a rien produit alors que le maître escomptait une fructification. Son comportement est celui d’un pusillanime qui ne risque rien de peur de ses maladresses. La peur de ne pas pouvoir rendre son talent le paralyse et il ne fait rien. Sa pusillanimité provient de son manque de confiance en Dieu. Il a peur d’agir parce que, au lieu de se fonder sur l’aide divine, il ne compte que sur lui. On voit enfin comment il a bâti une justification détestable de son comportement où apparaît sa méconnaissance dramatique des intentions  si nobles de son maître.

Conclusion

« Il en est beaucoup dans l’Église, dont ce serviteur est la figure, qui craignent d’entrer dans les voies d’une vie plus sainte, et qui ne craignent pas de croupir dans une négligence sensuelle et honteuse.» Voilà un autre commentaire de saint Grégoire sur la parabole des talents. Il est important de noter dans cette parole que saint Grégoire envisage avant tout la fructification intérieure « les voies d’une vie plus sainte ». C’est en effet toujours par là que l’on doit commencer. L’activité -même extraordinaire – n’est rien si elle n’est pas un vrai débordement de cette vie, de cette fructification des dons intérieurs.

R.P. Joseph

 

 

1 Luc 19,12

2 I Cor. 4, 7

3 Deut. 23

4 Mt 25, 27

 

 

Le mot de l’aumônier

L’esprit de famille

Bien sûr, lorsqu’on lit les ouvrages de la Comtesse de Ségur, « Les vacances », « Les petites filles modèles » par exemple, on peut se dire avec nostalgie que, à d’autres  époques et dans certains milieux, il était tout de même plus aisé de former et de transmettre l’esprit de famille.

Qui pourrait le nier ? Une jolie propriété ancienne où la même famille vit depuis des siècles ; un passé familial dont les pages, parfois glorieuses et édifiantes, sont connues et servent de référence ; des meubles, des bibelots, des tableaux, des portraits auxquels sont attachés tant d’anecdotes pittoresques, amusantes ou dramatiques ; un parc dont les cachettes et les secrets avaient déjà fait le bonheur des arrière-grands-pères ou des arrière-grands-mères ! Et cette chapelle sous laquelle sont enterrés les ancêtres et dans laquelle tant de messes ont été célébrées et tant de prières se sont élevées à l’occasion de ces événements qui jalonnent l’histoire d’une famille : baptêmes, mariages, enterrements. Une telle propriété était comme l’incarnation d’une famille et restait pour tous le point de ralliement et la robuste racine qui ancrait ses membres sur tel arpent de la terre de France.

Il n’est guère besoin d’épiloguer longtemps sur la prolétarisation des Français. Comprenons bien qu’elle est idéologique, recherchée pour elle-même au nom des idéaux révolutionnaires. Il s’agit de protéger tout individu venant en ce monde des influences néfastes qui viennent de la société. Pour qu’il soit libre, il faut le défendre de l’Église, de sa famille, des traditions et de tout enracinement. Tout est donc conçu, savamment pensé, traduit dans le Code Civil, pour anéantir la société d’autrefois qui était si forte de ses corps intermédiaires. Le bonheur surviendra quand chacun, arraché par l’Etat à la mamelle, sera éduqué par lui et vivra dans le refus de tout engagement profond, dans une existence de relations éphémères, sans jamais rien construire. La famille doit donc, en particulier, disparaître.

Dans ces conditions révolutionnaires, reconnaissons qu’il est bien plus difficile de transmettre l’esprit d’une famille. Toutefois, il ne faut jamais baisser les bras, et il faut affirmer que, même dans ces conditions si défavorables de la modernité, l’esprit de famille peut étonnamment subsister.

Il est fondé, dans les milieux catholiques fidèles à la Tradition, sur un ensemble de considérations dont voici quelques-unes :

– Conscience de la grâce d’avoir gardé ou retrouvé la Foi en ces temps d’apostasie ;

– Volonté de fonder sa famille dans la Foi et de faire tous les sacrifices nécessaires pour la transmettre aux enfants ;

– Acceptation courageuse de vivre à contre-courant de ce monde corrompu ;

– Fierté de maintenir et de transmettre l’héritage catholique et français, coûte que coûte ;

– Foi en ce que Dieu n’a pas dit son dernier mot, que nous devons être ses soldats chaque jour de notre vie et que nous devons rayonner autour de nous pour faire connaître nos trésors ;

– Possibilité, pour ceux qui le peuvent, de retourner à la terre, ainsi que le conseillait Monseigneur Lefebvre, il y a déjà presque cinquante ans ;

– Amour de la France, terre catholique et terre de nos aïeux.

Il est évident que la détermination à vivre dans cette orientation résolument catholique et française ne manquera pas de susciter, dans les familles, là où elle existera, un esprit excellent qui marquera tous ses membres à vie.

S’il est vrai que l’époque de la Comtesse de Ségur est révolue, et que l’on veut nous faire entrer dans celle de la dissolution de la famille, enracinons-nous dans la Foi pour garder nos familles fortes, fierté de l’Église, pépinière de vocations et espérance de résurrection.

 

Je bénis vos familles et les confie au Cœur Douloureux et Immaculé de Marie.

 

R.P. Joseph

 

Le naturalisme

Le naturalisme est cette philosophie qui prétend expliquer le monde et le cours des événements sans qu’il soit nécessaire de recourir au surnaturel. Il s’agit d’un a priori : même si Dieu existe, Il n’intervient pas dans l’existence des hommes.

L’historien naturaliste en sera, par exemple, amené à chercher à expliquer l’épopée de sainte Jeanne d’Arc à l’aide de considérations seulement humaines. Inutile de dire que ses efforts sont particulièrement vains. La disproportion qui existe entre les raisons qu’il donne et l’extraordinaire au quotidien de notre héroïne nationale saute aux yeux de tous ceux qui ne sont pas prisonniers de cet a priori naturaliste.

Il est tout à fait possible de trouver des penseurs atteints par le naturalisme qui sont cependant lucides sur de nombreuses questions que pose le monde contemporain. Nous en trouvons à nos côtés pour dénoncer la démence de la théorie du gender et de la sexualisation non fondée sur la biologie. Certains sont très actifs pour s’exprimer contre la tyrannie mondialiste, les fantasmes du réchauffement climatique ou du transhumanisme. Nous pouvons nous en réjouir, utiliser avec avantage leur réflexion et mener des combats avec eux.

Cependant, leur faiblesse essentielle dans ces batailles, consécutive à leur erreur naturaliste, sera leur rejet ou leur méconnaissance de la dimension surnaturelle des combats. Ils ne croient pas, comme l’a écrit saint Paul, que « ce n’est pas contre la chair et le sang que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Dominations, contre les Souverains de ce monde des ténèbres, contre les Esprits du mal qui sont dans les régions célestes1

Une telle méconnaissance de l’ennemi et de sa puissance est fatale dans un combat. Elle entraîne l’inadaptation des armes qu’on emploie. En effet, après avoir désigné les démons comme étant nos adversaires les plus redoutables, saint Paul n’a pas de mal à nous convaincre de nous munir de « la panoplie de Dieu, afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister, mettre tout en œuvre et demeurer debout. Debout donc ! Avec aux reins la vérité pour ceinture, avec la justice pour cuirasse, et pour chaussures aux pieds l’empressement à propager l’Evangile de la paix. Avec tout cela, prenez le bouclier de la Foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais. Recevez aussi le casque du Salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu2. » Mais, nos malheureuses victimes des erreurs naturalistes ignorent autant les ennemis que les armes appropriées que Dieu nous a fabriquées pour combattre dans son armée.

Ajoutons que, trop souvent, ces erreurs ont contaminé et contaminent encore des catholiques plus ou moins profondément. Certains d’entre eux admettent en théorie l’existence des anges déchus mais vivent comme s’ils n’existaient pas. D’autres ont le souci de s’en protéger dans leur vie privée ou familiale mais semblent ne plus s’en souvenir dans les combats politiques. Ce qui les a amenés dans le passé ou les amène encore présentement à mener leurs luttes dans une atmosphère naturaliste, sans se confier à Dieu, sans s’appuyer sur la grâce, sur la prière, sur les sacrements. Et il y a certainement là l’explication de l’insuccès de beaucoup d’entreprises aux buts naturellement sains mais qui furent oublieuses de la dimension religieuse du combat.

Voilà pourquoi il est salutaire de nous replacer sous la protection de saint Michel à qui nous pouvons adresser cette belle prière :

« Archange Saint Michel, priez pour nous.

Prince de la milice céleste,

Recevez-nous parmi vos soldats.

Vengeur des droits de Dieu, armez-nous

chevaliers de sa cause sainte.

Porte-étendard des armées du Christ, gardez-nous de rougir de sa croix.

Vainqueur de Satan, faites que nous ne reculions jamais devant lui.

Ange des batailles, assistez-nous dans les combats de la vie.

Ange de la paix, restaurez en nous l’ordre divin.

Prévôt du paradis, introduisez-nous dans la lumière éternelle.

Ange gardien du peuple des Francs, venez à son aide,

bénissez son épée, sauvez-le de toute « grande pitié »

et que, guidé par vous, il reste à jamais le fils aîné de l’Église

 et le bras de Dieu dans le monde.

Ainsi soit-il. »

 

R.P. Joseph

 

Notre-Seigneur et Notre-Dame

« Lorsque l’Esprit de Dieu agit dans certaines âmes élues pour accomplir une même œuvre, il les pousse, les unes vers les autres, et les rapproche par un mouvement irrésistible1

Pour donner de la lumière sur la question de la complémentarité de l’homme et de la femme, nous nous proposons de considérer, dans la perfection du plan divin de notre Rédemption, les rôles que tiennent Jésus et sa Mère. Leur divine association en vue d’assurer notre salut constitue à jamais le modèle de toutes les œuvres accomplies de concert par un homme et par une femme. Nous avons l’assurance que la part respective que chacun d’entre eux y prend est exactement celle qu’il doit y tenir puisqu’elle a été déterminée par Dieu. Cette pensée est d’une très grande importance à nos yeux puisque nous savons ainsi ce que la Sagesse divine a décidé de confier au nouvel Adam et à la nouvelle Eve. Toutes les plus secrètes harmonies étant connues et respectées de Dieu, ne nous suffit-il pas de remonter, à partir de la répartition de leurs attributions respectives, vers les caractères propres de la masculinité et de la féminité, et de mieux comprendre leur admirable complémentarité ? Nous ne serons pas exhaustifs, loin s’en faut ! Nous nous bornerons à remarquer trois aspects de cette complémentarité entre le Christ et sa Mère. Le premier sera celui de l’extériorité et de l’intériorité ; le deuxième de la paternité et de la maternité et le troisième de la parole et de l’exemple.

A) Extériorité et Intériorité

Celui dont nous parlent les Evangiles, dont les paroles et les actes nous sont rapportés, c’est le Verbe qui s’est incarné, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est de sa passion que la narration nous est donnée. Nous y lisons tous les supplices que son corps endura et nous comprenons un petit quelque chose du martyre intérieur dans lequel vécut son âme. Nous savons qu’en toutes choses, Il réalise à la perfection le plan que son Père lui avait fixé pour l’accomplissement de notre Rédemption. C’est l’exécution par l’obéissance du Christ du grand sacrifice salvateur, qui se trouve au cœur du Mystère, que nous découvre la Révélation.

Pour comprendre la place qu’y prend Marie, il nous faut considérer qu’elle vit en elle-même, avec toute la force de son amour, tout ce que Jésus entreprend sous ses yeux. La plus parfaite harmonie unit leurs deux cœurs au point que ce qui affecte l’un retentit au même instant dans l’autre. Pour comprendre donc la compassion de Marie, il suffit de s’arrêter sur chaque information que nous donnent les Evangiles à propos de Notre-Seigneur, pour en méditer la répercussion dans son âme. C’est au-dedans d’elle-même qu’elle vit l’agonie de Gethsémani, la flagellation ou la crucifixion. C’est elle qui recueille dans toute leur plénitude les sept paroles tombées de la Croix. Rien de ce qui émane de Jésus n’est perdu par sa divine associée. Saint Luc l’a excellemment noté et sa parole est l’une des plus éclairantes qui soit sur la très Sainte Vierge Marie : « Elle gardait fidèlement toutes choses en son cœur2

Ce que nous avons dit là du rôle extérieur et du rôle intérieur de Jésus et de Marie ne leur a pas été dévolu par Dieu sans la prise en considération de ce que le premier est homme et que la seconde est femme. Au premier revient l’œuvre visible, qui apparaît extérieurement, dont le caractère est public. A la seconde, l’appropriation intérieure de cette réalisation masculine. Au génie et à l’amour qui se dévoilent se trouvent associés le génie et l’amour qui demeurent sous le voile.

Est-ce à dire que nous refusons à la femme la capacité d’initiative et d’œuvre personnelle ? Ne le penseront que des esprits univoques. Ce n’est pas en effet parce que nous admirons la merveilleuse capacité féminine à s’ouvrir par l’intelligence et par le cœur aux œuvres masculines que nous leur déniions pour autant l’intuition de l’entreprise adéquate. Nous avons simplement voulu dire bienheureux l’homme à qui Dieu a associé cette créature féminine qui devine son cœur et l’épouse avant même qu’il ait formulé un mot.

B) Les réalisations de l’homme et l’homme à réaliser :

Ce qu’aurait pu faire la très sainte Vierge Marie si elle avait été évangéliste, apôtre ou premier pape dépasse, et de très loin, tout ce qu’ont fait de meilleur tous les évangélistes, tous les apôtres et tous les papes réunis. Bien mieux que tous, elle eût écrit la vie de son Fils, évangélisé les Juifs et les Gentils, gouverné l’Église naissante ! Allons-nous donc soupirer en regrettant que ces missions éminentes ne lui aient pas été confiées ? Que ce soit saint Pierre, et non pas elle, qui ait pris la parole le jour de la Pentecôte ? Qu’il n’existe pas un Evangile selon sainte Marie ? Nous sommes portés à considérer les œuvres extérieures, qui se voient et qui s’apprécient. Nous estimons ce qu’elles ont pu coûter d’énergie, supposer de vertu et de persévérance. Nous en saluons les héros avec enthousiasme et reconnaissance ! Mais il y a une pensée qu’on trouve dans l’Evangile, exprimée par une femme du peuple, mais qui vient malaisément dans nos esprits d’hommes. Saint Luc nous raconte qu’un jour, une voix s’éleva au milieu de la foule et s’adressant à Jésus, fit l’éloge de Marie : « Heureuse le sein qui t’a porté et les mamelles que tu as sucées3.» Et cette voix était celle d’une femme qui sait bien ce qu’un homme accompli doit à sa mère.

Infiniment mieux que de raconter la vie de Jésus, Notre-Dame L’a mis au monde, que d’évangéliser les foules, elle a appris à Jésus tout ce qu’Il devait apprendre de science humaine, que de gouverner l’Église, elle L’a enfanté. C’est ici qu’il s’agit d’établir la comparaison décisive entre la mission de l’homme et celle de la femme et de se demander ce qu’il y a de plus grand entre le gouvernement du monde et le façonnement du cœur de celui qui gouverne le monde. Marie est incomparablement plus grande que tous les anges et tous les saints pour Celui qu’elle a conçu, porté dans ses entrailles, tenu sur son sein et élevé, lui qui était le Fils de Dieu.

Chez les hommes comme chez les femmes, il n’est pire signe de superficialité que celui d’avoir oublié ou méconnu l’incomparable grandeur naturelle de la maternité.

C) La parole et l’exemple :

Notre dernière association est celui de la parole et de l’exemple. Celle des trois Personnes Trinitaires qui s’incarne est le Verbe, la Parole. Les Mystères de notre Foi nous ont été dévoilés par l’Homme-Dieu. Il nous a transmis toutes ces vérités inestimables qui forment ce dépôt révélé de la Foi. S’Il a aimé le silence et s’Il nous a donné l’exemple admirable de ses vertus, Il savait que son devoir était de nous instruire de sa Parole de vie qui transformerait les âmes et le monde. Et Il a voulu que ses apôtres et que ses disciples, sur lesquels des langues de feu s’étaient déposées au jour de la Pentecôte, parcourent après lui le monde pour évangéliser, pour annoncer la Bonne Nouvelle. Il faut bien le reconnaître : c’est ici la parole qui est d’or tandis que le silence n’est alors que d’argent.

Mais l’exemple ? Que vaut la parole et que reste-t il d’elle, si elle n’est accompagnée de l’exemple ? Ce qui demeure dans notre esprit est bien davantage l’image de nos parents agenouillés chaque soir pour la prière familiale que des bonnes raisons qu’ils nous fournirent de nous mettre à genou !

Nous comptons les paroles de Marie. La plus longue est le Magnificat et, toutes mises bout à bout, elles tiennent sur une page. Voilà donc tout ce qu’avait à nous dire la Mère de Dieu ? Elle est en réalité le premier et le meilleur disciple de son Fils, et sa fille chérie. Elle illustre par sa vie les paroles qu’Il prononce. Et cela tient encore à la complémentarité de l’homme et de la femme qu’on apprend à vivre en écoutant le premier et en regardant la seconde.

Là encore, ne conclura que la femme est perdante dans cette comparaison que celui qui ne pénètre pas dans les profondeurs de l’être et qui n’entend pas que le bon exemple qu’on reçoit exprime bien plus certainement la qualité d’un être que la bonne parole qu’on reçoit de lui.

Nous aurions une longue et édifiante litanie de comparaisons à égrener. Rien que d’y penser, elle nous ravit. Chacune d’entre elles chanterait à son tour que Dieu a fait une belle chose en créant l’homme et une non moins belle en créant la femme, mais que leur union et leur complémentarité ajoutent encore incomparablement à la beauté de l’un et de l’autre.

R.P. Joseph

1 Père Didon, Jésus-Christ, p. 110

2 Lc 2, 51

3 Lc 11, 27