La Croisade du Rosaire

L’activité de l’association de la Croisade du Rosaire est intimement liée aux apparitions de Fatima, au cours desquelles la Très Sainte Vierge Marie rappela avec insistance qu’il fallait réciter le Rosaire : « Afin de sauver les âmes, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé1.»

Son principe s’inspire des œuvres fondées par Pauline Jaricot, femme à l’âme d’apôtre, née le 22 juillet 1799 à Lyon. À la fois contemplative et active, ayant un sens pratique développé, elle fonda plusieurs œuvres de charité :

– La « Propagation de la foi » en 1817, destinée à soutenir les missions de Chine dans une situation critique (l’Eglise reprendra en 1822 sous ce vocable l’œuvre pontificale du même nom). Des groupes de dix personnes, dont chacune devant former un nouveau groupe de dix et ainsi de suite, s’engageaient à réciter une prière quotidienne pour les missions, accompagnée d’une offrande à leur intention. Très vite, cette œuvre prit des proportions importantes.

– Le « Rosaire vivant » fondé en 1826, était basé sur le même principe. Il s’agissait de constituer des groupes de prières avec quinze « Rosaristes » qui méditaient chacun un mystère différent, de sorte que chaque jour ils soient unis dans la récitation d’un Rosaire entier avec toutes les grâces que cela comporte pour les intéressés.  A une période où cette dévotion avait besoin d’être ranimée, elle répandait ainsi un moyen d’apostolat. La fin essentielle de l’association était de fléchir la colère de Dieu par l’entremise de Notre-Dame du Rosaire, de vivifier de plus en plus la foi dans les âmes des fidèles, d’obtenir la conversion des pécheurs, de conserver la foi en France, et également d’établir une union entre les associés. Le Rosaire était appelé « vivant » car il s’agissait de faire revivre, par la méditation et la contemplation les mystères de la vie de Jésus et de Marie, et de les mettre en œuvre dans la vie quotidienne. Il formait alors une couronne vivante de roses offerte au Seigneur ; les roses étant les différents mystères.

Le Rosaire vivant eut un succès considérable et ranima la foi dans les cœurs engourdis. Pauline Marie Jaricot avait placé son œuvre sous la protection de sainte Philomène – la petite Sainte du Curé d’Ars -, martyre, par qui elle fut guérie miraculeusement en 1830.

A sa mort en 1862, l’association comptait deux millions et demi d’associés dans le monde entier.

Si à l’époque de Pauline Jaricot, où l’Église était encore très présente dans tous les villages de France, le besoin se faisait sentir de « ranimer la foi », que ne dirait-elle pas à notre époque ?

La Croisade du Rosaire approuvée et encouragée par saint Pie X

Inspirées par cette œuvre, un certain nombre d’associations se sont constituées sur cette base. Aujourd’hui, la « Croisade du Rosaire », fondée par le Révérend Père Jean Reynaud, dans les années 1970, dans le cadre du M.J.C.F2, est très active. Cette association se propose d’organiser des groupes de prières et plus généralement de  faire connaître, d’encourager, de propager, d’utiliser tous les moyens propres à développer, en France et dans le Monde, la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, telle qu’elle est reconnue et approuvée par l’Eglise catholique romaine. Le développement de la dévotion au Cœur Douloureux et Immaculé de Marie s’opérera spécialement par la récitation du chapelet, – comme Notre-Dame l’a demandé avec insistance au cours de chacune de ses six apparitions à Fatima en 1917 – et par la Consécration de ses enfants à son Cœur Douloureux et Immaculé. Cette consécration à la Très Sainte Vierge devant tout naturellement conduire à la Consécration au Sacré-Cœur et à l’intronisation du Sacré-Cœur dans les foyers.

Plusieurs actions sont organisées par cette association :

– Le rosaire vivant organisé par « un zélateur3 »

Les personnes qui s’inscrivent à la Croisade du Rosaire s’engagent à réciter au moins une dizaine de chapelet chaque jour. Ces personnes sont désignées par le terme de « Croisé ». De la sorte, tous les jours, les quinze dizaines correspondant aux quinze mystères du Rosaire sont récitées, et chacun, en communion de prière avec les autres, bénéficie des grâces attachées à la récitation du Rosaire dans son entier, car Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux4. » On peut se procurer auprès du secrétariat de la Croisade du Rosaire, des livrets illustrés avec méditation sur chaque mystère5.

Chaque personne, dévouée envers la Très Sainte Vierge, peut rechercher quatorze personnes dans son entourage pour former avec elle un Rosaire Vivant. Elle devient ainsi « zélateur ». Bien sûr, de prime abord, il peut paraître difficile de trouver autour de soi quatorze personnes qui consentent à s’associer dans un Rosaire Vivant, mais dès que deux ou trois personnes sont réunies, il est possible de lancer Le Rosaire Vivant sans attendre qu’il soit complet. Ces deux ou trois personnes aideront à compléter ce Rosaire Vivant grâce à leurs parents et à leurs amis. Il suffit de commencer et la Très Sainte Vierge nous aide à faire le reste : elle répand ses grâces sur nous et sur nos familles dès que nous commençons à nous mobiliser à son service. Chaque trimestre, des intentions de prières sont données par notre Aumônier. Les zélateurs qui s’inscrivent auprès du secrétariat recevront les instructions nécessaires.

Pour démultiplier localement son action, la Croisade du Rosaire s’efforce de mettre en place dans chaque lieu de messe où elle le peut, en accord avec le prêtre responsable, un correspondant de bonne volonté et dévoué à la Sainte Vierge.                           

– Le chapelet continu pour les mois consacrés à Notre-Dame

La Croisade du Rosaire organise un chapelet continu, nuit et jour, pendant le mois de mai (mois de Marie) et le mois d’octobre (mois du Rosaire). Les Croisés et personnes volontaires s’inscrivent pour réciter le chapelet, chez eux ou dans une église, pendant une demi-heure ou plus, un jour de ce mois, à l’heure de leur choix. Cette inscription peut se faire soit directement6 et individuellement auprès de la Croisade du Rosaire, soit auprès du correspondant local dans le cadre d’une journée attribuée au prieuré ou à la chapelle de leur domicile, et en union aux intentions de la Croisade. 

– « Le Lien »

L’association édite un bulletin trimestriel expédié à chaque Croisé adhérent qui le demande ; il est destiné à maintenir et renforcer la dévotion mariale. Outre l’éditorial et un article de fond de l’aumônier et éventuellement d’autres articles, « Le Lien » publie une méditation sur un mystère du Rosaire, les intentions communes et des intentions de prières particulières demandées par les Croisés. Son financement est assuré par la générosité de ses membres. Il n’y a ni cotisation, ni abonnement. Nous ne voulons pas en effet que certains, faute de moyens, soient privés de le recevoir. Il faut reconnaître que c’est là peut-être, aux yeux du monde, le point faible de l’organisation, car de ce fait, la marge de manœuvre financière est extrêmement faible. Nous n’avons pratiquement aucune trésorerie et l’édition ou l’expédition de nouveaux documents est parfois acrobatique. Néanmoins, jamais la Très Sainte Vierge ne nous a laissés manquer du nécessaire. Elle a toujours su mobiliser la générosité des Croisés et a  permis, grâce à eux, de faire face aux dépenses.

Nombreuses sont les personnes qui s’inquiètent de l’état de l’Eglise, de la France ou du monde : les intentions de prières ne manquent pas ; mais au lieu de se lamenter, n’est-il pas temps de s’unir pour implorer notre bonne Mère du ciel qui ne nous abandonnera jamais, elle nous l’a assuré ! Unissons-nous alors par ce moyen si simple qu’offre la Croisade du Rosaire ! C’est le premier pas qui coûte car une fois que nous y adhérons, quand le groupe est lancé, tout se fait facilement ! Soyons certains que Notre-Dame verra notre effort et ne manquera pas de répandre ses grâces sur chacun d’entre nous et sur les nôtres, « maintenant et à l’heure de notre mort ».

Emmanuel du Tertre

 

Croisade du Rosaire – 22 chemin des Baratteries 37360 Saint Antoine -du-Rocher – 06.47.50.13.94

croisadedurosaire@outlook.fr

 

 

Trouver la paix avec Marie dans le monde d’aujourd’hui

Saint Louis-Marie de Montfort a joui plusieurs fois du charisme de prophétie. On peut lire, par exemple, dans sa Prière embrasée : « Votre divine loi est transgressée, votre Evangile est abandonné, les torrents d’iniquité inondent toute la terre et entraînent jusqu’à vos serviteurs, toute la terre est désolée, l’impiété est sur le trône, votre sanctuaire est profané et l’abomination est jusque dans le lieu saint… Tout deviendra-t-il à la fin comme Sodome et Gomorrhe ?   Ah ! Permettez-moi de crier partout : au feu, au feu, au feu ! A l’aide, à l’aide, à l’aide ! Au feu dans la maison de Dieu, au feu dans les âmes, au feu jusque dans le sanctuaire ! A l’aide de notre frère qu’on assassine, à l’aide de nos enfants qu’on égorge, à l’aide de notre bon père qu’on poignarde !  Seigneur, levez-vous ! Pourquoi semblez-Vous dormir ? » (5, 28 et 30).

Cette prophétie, écrite au début du XVIIIe siècle, est étonnante d’actualité. On y trouve : 1) le libéralisme, dans la divine loi transgressée ; 2) l’apostasie, dans l’Evangile abandonné ; 3) l’impudicité s’étalant dans les rues et se déversant dans les torrents d’iniquité qui inondent toute la terre ; 4) les défections et scandales des âmes consacrées, dans les serviteurs de Dieu entraînés par ces torrents d’iniquité ; 5) les catastrophes naturelles, dans la terre désolée ; 6) les gouvernements maçonniques, dans l’impiété qui est sur le trône ; 7) les messes sacrilèges, à travers le sanctuaire profané ; 8) l’homosexualité, lorsqu’il parle de Sodome et Gomorrhe ; 9) l’œcuménisme d’Assise, lorsqu’il dénonce l’abomination dans le lieu saint ; 10) l’insécurité permanente qui se cache derrière le frère qu’on assassine ; 11) l’avortement qui transparaît derrière les enfants qu’on égorge ; 12) l’euthanasie que révèle le bon père qu’on poignarde.

En 2017, à l’occasion de la publication du livre Une pensée par jour, Saint Louis-Marie Grignion de Montfort (Éditions Clovis), le passage qu’on vient de citer était choisi pour la date du 15 avril. Or, deux ans plus tard, à cette même date, Notre-Dame brûlait à Paris : « Au feu, au feu, au feu ! Au feu dans la maison de Dieu, au feu dans les âmes, au feu jusque dans le sanctuaire ! » Prophétique encore !

Après le XVIIIe siècle passons aux XIXe et XXe. Il y a plus de 15 ans, je tentais de faire une petite théologie de notre histoire contemporaine à partir d’affirmations des deux frères Huxley, Julian et Aldous, glanées dans le livre écrit par Epiphanius intitulé Maçonnerie et sectes secrètes paru aux Publications du Courrier de Rome (2000). Dans ce petit travail, je disais que, si le XIXe siècle a été le siècle du Libéralisme et le XXe siècle celui du Communisme, le XXIe siècle sera celui du Mondialisme. Thèse, antithèse, synthèse : c’est la « logique » de la pensée hégelienne.

Je décrivais ensuite le Mondialisme en ces termes : un Libéralisme-communiste ou un Communisme-libéral. C’est-à-dire, une synthèse et une fusion entre le Libéralisme et le Communisme. Plus précisément ? « Un système juridique dans lequel la législation n’autorise et ne favorise que l’erreur et le vice, et interdit et sanctionne la vérité et la vertu.» En définitive, c’est « un esclavage juridique imposant tyranniquement au genre humain le faux et le mal ».

Cette analyse, je ne l’ai pas inventée. Elle a été élaborée par les deux frères Huxley, avant même 1989, année de la chute du mur de Berlin. Sir Julian Huxley (+1975), premier directeur général de l’UNESCO, a rédigé un opuscule dans lequel il affirme : « Le conflit (entre capitalisme et communisme) peut être évité et les contraires réconciliés ; cette antithèse peut-elle être résolue par une synthèse supérieure ? Je crois non seulement que cela peut se produire, mais qu’à travers l’inexorable dialectique de l’évolution cela doit se produire… Je suis convaincu que cette synthèse réalisée à temps pour prévenir un conflit ouvert doit constituer le but dominant de l’UNESCO. » (op. cit. p. 311).

Son frère Aldous (+ 1963) explique, dans la Préface du Meilleur des mondes, que cette nouvelle société trouvera un levier puissant dans le vice : « Au fur et à mesure que la liberté politique et économique diminue, la liberté sexuelle a tendance à s’accroître à titre de compensation. Et le dictateur sera bien avisé d’encourager cette liberté. S’ajoutant au droit de rêver sous l’influence de la drogue, du cinéma, de la radio, elle contribuera à réconcilier avec l’esclavage ceux dont il est le destin. » (op. cit. p. 369) Le destin des masses ? L’esclavage de l’impureté sous l’influence des médias et, même s’il ne le savait pas encore, d’internet.

En 1961, Aldous Huxley fit même allusion à la possibilité de créer « une sorte de camp de concentration mental non douloureux pour des sociétés entières, un lavage de cerveau par des méthodes pharmacologiques. Et ceci – ajouta-t-il énigmatiquement – semble être la solution finale. » (op. cit. pp. 373-374) Selon Julian, ce système politique serait insupportable pour les catholiques : « Certains types d’hommes devraient être exclus : l’asthénique christianisé de type général, fanatique, exagérément zélé, terrorisé par une morale excessivement rigide… de telles personnes devront être exclues de certaines charges, telles que juges des mœurs, magistrats, enseignants, et il n’y aura pas non plus de place pour eux dans l’administration » (op. cit. p. 310). Quelle actualité !

Comment garder la paix dans ces circonstances ? Montfort ne sombre pas dans un pessimisme déprimant et relève notre courage : « Ne craignez point, petit troupeau, quoique naturellement vous ayez tout à appréhender… Mais encore un coup, ne craignez point volontairement, écoutez Jésus-Christ qui vous dit : c’est moi, ne craignez point… C’est moi qui suis votre Bon Pasteur… Je vous délivrerai des pièges qu’on vous tend, des assauts du démon… Je vous cacherai sous mes ailes ; je vous porterai sur mes épaules… Je vous exaucerai dans vos prières ; je vous accompagnerai dans vos souffrances ; je vous délivrerai de tous vos maux ; je vous glorifierai de toute ma gloire que je vous montrerai dans mon royaume à découvert, après que je vous aurai comblés de jours et de bénédictions sur la terre. Ce sont là les promesses admirables que Dieu vous fait par la bouche du prophète, si vous mettez par Marie toute votre confiance en lui !  »

Pour garder la paix aujourd’hui, l’idéal, c’est la mariothérapie : Se consacrer à Marie1 dans le saint esclavage pour résister à l’esclavage mondialiste…

M. l’abbé Guy Castelain

1 Ed. Clovis – Se consacrer à Marie – 33 jours avec saint Louis-Marie Grignion de Montfort – 208 p., 2022

 

 

 

La maternité cachée des épouses sans enfants

C’est un témoignage, parmi d’autres, que nous vous livrons.

 

Quand chacune de nous s’est mariée, nous étions loin de penser être confrontées à cette épreuve et avions comme tout le monde le désir d’avoir des enfants ; pour nous, cela allait de soi.

Mais après des inquiétudes et des déceptions, quelle douleur quand nous avons compris que nous n’aurions pas cette joie !

Nous avons prié, confié notre peine à Dieu et espéré dans l’intercession de tant de saints, mais rien n’y faisait ; nous ne comprenions pas pourquoi le Bon Dieu ne nous écoutait pas.

Ce n’était pas sa volonté. Nous le récitons pourtant chaque jour dans le Notre Père… « Que votre volonté soit faite… » Y être confrontées, c’est autre chose !

Commence alors un long deuil, avec ses moments de douleur, d’incompréhension, de révolte…

Le deuil de ces enfants que nous aurions eus, le deuil de toute la vie maternelle que nous pensions connaître, avec des tout-petits, des enfants qui grandissent et qu’on élève, dans la chaleur de la vie de famille, avec ses fatigues, ses difficultés et ses joies.

Ce sentiment de vide, de solitude du cœur, et d’inutilité devient lancinant, obsédant, et il est bien difficile à notre entourage même de tenter de nous aider. Il faut vivre cette épreuve pour la comprendre. Toutes les paroles, tous les gestes, même pleins de bonne volonté, nous pouvons les ressentir comme des maladresses tant nous sommes blessées jusqu’au fond de notre cœur. Il nous faut affronter le regard des autres : nous nous sentons si différentes. Et que répondre lorsqu’on nous interroge sur nos enfants ?! Car c’est souvent la première question posée lorsque l’on fait connaissance…

C’est la Croix, notre croix, nous le savons ! Mais comment la porter ? Et la porter quotidiennement, heure après heure ? En effet, ce n’est pas possible de la saisir d’un coup. Alors nous avons essayé, sans voir où nous allions, « de porter doucement, chaque jour, la Croix de chaque jour, avec la grâce de chaque jour1 ».  Aujourd’hui après aujourd’hui sans regarder demain.

Quand, maintenant, nous  regardons en arrière, nous  constatons qu’avec le temps et la grâce, le Bon Dieu et la Vierge Marie nous aidaient jour après jour et nous soutenaient pour soulager nos souffrances.

En nous guidant pour avancer, dans l’obscurité, sur ce chemin d’humilité, ils nous ont poussées petit à petit à nous unir à la volonté de Dieu. Et après avoir d’abord aimé Notre-Seigneur en dépit de la Croix, à nous unir à Lui, avec sa Croix2. Oui, sans le ressentir, nous le croyons, la Croix est l’Arbre de Vie, l’Arbre de la Rédemption.

Par ailleurs, alors que tout, dans la société, nous fait croire que nous sommes maîtres de notre vie, la vérité est que la vie est un don de Dieu, et un don purement gratuit. « La fécondité n’est nullement un droit des époux, elle est un droit de Dieu qui en use comme il veut. Le foyer sans enfants qui porte vaillamment cette croix (…) chante à la face des anges que Dieu est maître de la vie3 ».

Cette épreuve, c’est aussi celle de notre foyer, même si chacun la porte différemment ; nous la vivons à deux. Par la grâce du sacrement de mariage, la peine partagée par les époux porte des fruits de sanctification ; et la même épreuve, bien vécue ensemble, renforce l’union des âmes.

L’expérience nous a depuis longtemps fait comprendre que, si nous nous apitoyons sur notre sort, nous tombons dans le piège du découragement.

Pour redonner un équilibre et un sens à notre foyer, il nous a donc fallu nous détourner de notre peine en nous tournant vers les autres, y trouvant une véritable source de joie.

Car l’expérience de la souffrance nous aide à mieux percevoir celle des autres, à nous mettre à leur place, pour les aider à notre manière, avec notre attention, notre compréhension, notre aide pratique… et bien sûr notre prière. Par notre sourire, notre écoute, nos conseils, nous nous donnons, et combien nous recevons en retour ! Que nous choisissions une activité directement orientée vers les enfants, ou dans tout autre domaine, qu’il soit caritatif ou professionnel, c’est là que nous pouvons soulager notre peine et nous épanouir au service des autres.

Ainsi, sans nous en rendre compte, naturellement, le Bon Dieu nous guide, Il nous fait comprendre que nous aussi, si nous le voulons, nous pouvons avoir un rôle auprès des enfants qui nous entourent (famille, amis…) Il nous fait évoluer vers une autre forme de maternité. Celle-ci est certes plus cachée, mais elle peut trouver sa place entre celle des mères de famille et celle des religieuses, à la fois concrète et spirituelle. Quelle joie quand nous nous apercevons que le lien d’affection que nous avons noué avec tel filleul ou telle nièce est devenu, grâce au temps et à l’attention que nous lui avons consacré, une relation de confiance, une amitié, et que nous contribuons, à notre place, à faire fleurir les talents et l’âme de ces enfants. Et il arrive parfois que leurs oreilles qui étaient imperméables au discours de leurs parents s’entrouvrent au nôtre, et que leur cœur soit touché.

Aujourd’hui, nous comprenons mieux ces paroles du Père Jean-Dominique : « Cette souffrance n’est pas vaine, elle n’est pas un amoindrissement ni un rejet de la part de Dieu, mais la porte ouverte vers la sainteté et vers une fécondité supérieure4

Nous avons expérimenté que la maternité ne se limite pas à porter des enfants, elle est l’essence de notre nature de femme, elle est un appel à aimer, à entourer de soins et à guider la jeune génération, et ceux qui, à tout âge, en ont besoin ; et nous avons compris que cet appel était le nôtre, que nous ayons enfanté ou non. Car nous savons aujourd’hui ce que c’est qu’être mère auprès des âmes en les menant doucement vers Dieu, et nous savons que cela est beau !

En espérant que ce témoignage apportera un soulagement, un réconfort, à celles qui sont dans la peine.

Claire et Constance

 

 

1 Monseigneur de Ségur

2 Citation de source inconnue… Si quelqu’un en connaît l’auteur, merci de nous en informer (malgré la Croix, avec la Croix, par la Croix).

3 Père Jean-Dominique, D’Eve à Marie, Editions du Saint Nom, p. 98

4 Même ouvrage, p. 97

 

 

 

 

 

Bouddhisme, yoga et autres pratiques…

Foyers Ardents a rencontré Marion Dapsance, docteur en anthropologie et auteur de plusieurs livres sur le bouddhisme. (Nous avons conservé le style oral de cet entretien)

 Foyers Ardents : Chère Madame, les nouvelles pratiques d’inspiration asiatique sont à la mode et utilisent un vocabulaire dont la signification nous dépasse (zen, karma, shakras, mandala, etc…).

Tout d’abord, pouvez-vous nous résumer ce qu’est le bouddhisme et son origine ?

Marion Dapsance : Le fameux Bouddha serait le prince Siddhartha Gautama qui aurait vécu au Ve siècle avant Jésus-Christ. Nous n’avons cependant aucune preuve historique de son existence. Le bouddhisme est né dans un milieu d’ascètes qui se sont séparés des hindouistes originaires d’Iran, qui pratiquaient des rituels védiques (liés au feu). Ces ascètes ont inventé ce qu’on a appelé plus tard « le yoga » c’est-à-dire des pratiques corporelles qui étaient initialement des pénitences pour brûler – en référence au feu védique – le mauvais karma, c’est-à-dire les conséquences des mauvaises actions de cette vie et des vies passées.

Pour brûler ce karma, il fallait faire des pratiques de privation et de rejet du corps, par exemple rester les 2 bras en l’air sans jamais les baisser, rester suspendu à des arbres la tête en bas ou rester sur un pied pendant des années ; certains même se coupaient une main, un bras, un pied ou s’arrachaient un œil !

Ensuite différentes écoles bouddhiques ont essaimé en Asie.

Ce que nous appelons « le bouddhisme », c’est (d’après les dernières recherches publiées dans mon livre : Le bouddhisme des bouddhistes1) la secte qui s’est distinguée des autres dans le culte des reliques du Bouddha, dans la vénération d’images » (icônes et statues de divinités particulières qui venaient de l’Inde ancienne) et dans la domestication des démons pour obtenir les pouvoirs de se libérer du cycle des réincarnations. La vie pour eux est considérée comme uniquement négative. Le corps est considéré comme un obstacle et il faut sortir de ce cycle sans fin des morts et des renaissances en découvrant à l’intérieur de soi la conscience pure qui n’est pas non plus l’esprit mais qui est une sorte d’âme éternelle cachée par tout ce qui est matière. Le but est donc de se détacher du corps et de se faire aider en cela par des divinités, par des démons.

 FA : Existe-t-il, comme dans le protestantisme, différents bouddhismes ?

MD : Il y a en effet différentes écoles bouddhiques puisqu’il n’y a pas d’autorité centrale qui définirait des dogmes ou une doctrine claire, comme dans l’Eglise catholique. Dans le bouddhisme, selon les tendances, on peut donc trouver une idée et son contraire. Certaines écoles considèrent que l’âme n’existe pas, que les êtres humains n’ont pas d’âme et que l’éveil c’est justement de comprendre que l’homme n’a pas d’âme. D’autres écoles disent au contraire qu’il faut retrouver cette conscience pure – plus ou moins une âme -, qui est en fait divine et que tout le monde possède à l’intérieur de soi.

 FA : Retrouve-t-on une idée principale dans toutes ces philosophies bouddhiques ?

MD : Il  y en a plusieurs parce que le but recherché appelé l’éveil, autrement dit la libération du cycle sans fin des renaissances, n’est pas défini. Cependant on retrouve quelques idées centrales : ce sont les fameuses « quatre nobles vérités2 ».

Ces 4 vérités affirment que :

– le monde est souffrance et illusion,

– la cause de la souffrance est l’ignorance (ignorer que l’on n’existe pas, qu’il n’y a pas d’âme ou que cette âme est obscurcie par les mauvais karma),

– on peut se libérer de cette ignorance,

– il y a un chemin vers la libération que les bouddhistes appellent le noble sentier octuple donc un sentier en 8 étapes.

Le karma régit l’existence, c’est-à-dire que l’être humain et même l’être animal posent des actes entraînant des conséquences qui donnent des sortes de bons points karmiques ou de mauvais points. Plus on obtient de points positifs, plus on aura une renaissance favorable ; à l’inverse plus on acquiert de mauvais points, plus on risque de se réincarner comme un animal sale, misérable. Cette loi du karma est l’un des points importants du bouddhisme.

Une autre idée importante dans le bouddhisme est que le monde est une illusion et par conséquent on ne peut pas se fier au monde, on ne peut pas se fier à ses sens, ni à sa raison, qui, de fait, n’existe pas. L’être humain est prisonnier d’un monde qui est comme un film ; ce film, cette illusion « existe », ou plus exactement apparaît, se manifeste en raison de l’illusion qui réside dans les esprits du fait de l’accumulation du karma. Prendre le monde et le soi comme des réalités tangibles est selon eux la cause de la souffrance. Pour faire disparaître la souffrance, il suffit de prendre conscience que « je » n’existe pas réellement, et le monde non plus.

 FA : Les personnes qui sont attirées par le bouddhisme pensent à la « non-violence », à la « zen attitude », au calme, au bien-être, au refus de la souffrance. Ce n’est pas ce que vous décrivez !

MD : Il faut savoir au départ ce que signifie le mot « zen » : son objet n’est pas du tout de trouver le calme. Au départ la méditation zen avait pour but de voir le Bouddha en la personne même de l’abbé du monastère, alors que dans les versions antérieures du zen et de son ancêtre chinois le chan, il fallait le voir dans les icônes. La discipline très stricte qui entoure ces pratiques de « vision du Bouddha » (darshan) sont à l’opposé de ce que l’on appelle chez nous « zen », c’est-à-dire « détendu », « calme », « cool ». Le zen japonais est tout sauf « cool ». D’autre part, les rituels zen étaient surtout dédiés à la protection de l’empereur, de la nation et de l’ordre moral. Jamais pour le « développement personnel » ou le confort.

FA : Votre livre de 2018 s’appelle : Qu’ont-ils fait du bouddhisme ? Une analyse sans concession du bouddhisme à l’occidentale3. Y-a-t-il alors un bon, un vrai bouddhisme ?

MD : Il faut savoir que toutes les écoles de bouddhisme pratiquent des rituels qui sont souvent basés sur des principes de magie, c’est-à-dire où l’on se transforme en autre chose que ce qu’on est. Le bouddhisme qu’on appelle tantrique est une religion qui a dominé toute l’Inde et toutes les traditions d’Inde au Moyen-Âge. Dans le tantrisme, on se transforme en divinité et on fait appel à des rituels où on convoque une divinité en l’appelant, en l’invoquant, en répétant son mantra. La divinité prend alors possession du corps de l’adepte qui devient cette divinité et a des pouvoirs surnaturels, supposément des pouvoirs d’omniscience, de voler dans les airs, de se transformer en ce qu’il veut et d’obtenir ce qu’il recherche et notamment le pouvoir d’atteindre l’éveil c’est-à-dire la libération. Fondamentalement, il s’agit de pratiques de possession par des entités préternaturelles : « divinités » ou démons dont on entend s’accaparer les pouvoirs.

Le bouddhisme est aussi, en Asie, un culte des reliques, reliques qui appartiennent, prétend-on, au Bouddha. Par exemple, une tenue de Bouddha est vénérée au Sri Lanka et promenée dans un festival annuel. Remarquons que dans le christianisme on vénère les reliques de celui qui a démontré sa sainteté tandis que dans le bouddhisme, c’est la relique qui fait la sainteté. On brûle le corps du moine bouddhiste sans trop savoir s’il avait des pouvoirs particuliers : si on trouve dans ses cendres des petits galets colorés, alors on considère que ce sont des reliques, donc que cette personne avait des pouvoirs surnaturels ou super humains. Mais ce ne sont pas ces formes-là du bouddhisme asiatique qui ont intéressé les Occidentaux des XIXe et XXe siècles. Pour satisfaire leur désir d’une « meilleure religion » que le >>>           >>> christianisme qu’ils rejetaient, ils ont inventé un « bouddhisme » à leur goût, sur la base de quelques textes philosophiques sanskrits. Ce « bouddhisme » est devenu « rationnel » parce qu’ils ont opéré une sélection drastique entre l’immense matériau de possession, de sorcellerie, de magie, de merveilleux, dont ils se sont débarrassés, et quelques textes de pure philosophie, qu’ils ont conservés et montés en épingle.

FA : Vous avez parlé de mantra ; pouvez-vous nous définir ce mot ?

MD : Un mantra, c’est à la fois l’invocation d’une divinité ou d’un démon. C’est aussi une formule magique, c’est-à-dire une formule qui n’a pas un sens rationnel mais qui produit des effets de transformation donc des effets magiques. C’est enfin une sorte de condensation sonore ou écrite d’une divinité. Chaque divinité a son mantra par lequel on la célèbre et on la vénère.

 FA : On entend souvent dire en entreprise et à la radio « ouvrons les chakras ! ». De quoi s’agit-il ?

MD : Au départ, le chakra c’est la roue d’un char de guerre puis ce mot en est venu à désigner ces fameux centres d’« énergies » (« souffles » et « nectars » pour les Indiens), que l’on aurait le long de la colonne vertébrale dans le corps dit subtil ou imaginal. Mais ce sont aussi et surtout des panthéons, c’est-à-dire des univers de divinité. Chaque chakra est un univers de divinité, univers gouverné par une divinité en particulier, entourée d’autres divinités secondaires. Le yogi ou le pratiquant du bouddhisme tantrique imagine que son corps est empli de divinités et qu’elles sont à l’intérieur de ses chakras, à l’intérieur des roues.

 FA : Que faut-il penser du yoga qui est pratiqué en France sous la forme d’exercices respiratoires, d’étirements et de gymnastique et parfois dans certaines préparations à l’accouchement ? Cela ne ressemble pas à la pratique du yoga telle que vous l’avez définie plus haut. Pouvez-vous nous expliquer ces deux pratiques différentes ?

MD : Différencions le Hatha yoga du yoga pratiqué aujourd’hui en Europe.

– le Hatha Yoga a pour but de permettre au yogi, donc aux pratiquants, d’atteindre l’immortalité ; le but de ce yoga c’est d’avoir un corps immortel, un corps divin. Les rituels pratiqués utilisent sang et sécrétions corporelles ; nous ne les décrirons pas davantage ici.

– Le « yoga » qu’on nous propose aujourd’hui en Occident est un mélange de pratiques dans lesquelles on trouve essentiellement de la gymnastique suédoise et des méthodes de gymnastique qui ont été développées à la fin du XIXe et début du XXe siècle quand les États européens ont pensé qu’il fallait que leur population soit forte et résistante et quand les Anglais répandirent ces pratiques en Inde. Plusieurs « gourous » (maîtres) indiens ont repris ces méthodes de culture physique et y ont adjoint du hatha yoga plus traditionnel, donc en lien avec des pratiques sexuelles d’union avec des « divinités ».

 FA : Le catholique peut-il pratiquer sans danger ce « yoga » en le séparant de toute idée de religion ?

MD : La réponse est évidemment non. Qu’il se mette plutôt aux pilates, à la gymnastique, à la barre au sol, à la danse… Les possibilités sont nombreuses.

             FA : De grandes entreprises, des consultants et You Tube promeuvent des séances de « méditation en pleine conscience » ou de « méditation anti-stress ». Ont-elles un rapport avec le bouddhisme ? Sont-elles comparables à la méditation pratiquée par le catholique ?

MD : L’origine de la méditation bouddhique, qu’on appelle chez nous pleine conscience est, comme le yoga, un mélange de tradition indienne médiévale et de tradition du sud-est asiatique où l’esprit doit passer en revue le corps pour se focaliser sur la respiration en vue d’atteindre la libération du samsara (cycle des morts et des renaissances). Dans les traditions bouddhiques indiennes qui sont supposées être les plus pures on trouve en réalité des « méditations sur l’impur » ou sur « l’abject » où l’on se visualise soi-même comme un sac de substances dégoûtantes et comme un cadavre en devenir. Cette méditation n’a donc rien à voir avec la méditation catholique qui a pour but de se rapprocher de Dieu.

FA : Que pensez-vous des mandalas, ces coloriages « zen », pour enfants et adultes ?

MD : Un mandala à l’origine est une représentation symbolique de l’univers en peinture, en sable ou en différents matériaux centrée sur le Mont Mérou qui est supposé être le centre de l’univers. C’est aussi un panthéon, et également une aire rituelle, un cercle magique, que le pratiquant trace sur le sol avant de commencer ses rituels. C’est exactement ce que font les sorciers quand ils pratiquent la magie. On ne peut que déconseiller la fréquentation de ces pratiques inspirées de la magie et on se demande donc quel intérêt l’occidental trouve à colorier des mandalas… Pourquoi ne pas plutôt colorier des vitraux de cathédrales ?

 FA : Puisque c’est le thème de ce numéro, qu’est-ce que le mot « amitié » représente pour un bouddhiste ?

MD : L’amour, l’amitié, la charité sont les grands absents du bouddhisme. Il y a certes « la compassion », mais elle reste surtout abstraite. Les rituels du mahayana (« grand véhicule ») mentionnent que le pratiquant « souhaite que tous les êtres parviennent à l’éveil », ce qui paraît un peu court.

 Merci Madame, d’avoir éclairé pour nous ce monde mal connu en Occident et dont les pratiques tentent de se répandre « en douceur ».

 

 

 

 

Que penser de l’éducation bienveillante ?

Une nouvelle façon d’éduquer les enfants est apparue en France depuis quelques années, venue tout droit des Etats-Unis : « l’éducation bienveillante », dite aussi « éducation positive ». C’est une approche de la relation adulte – enfant sans violences physiques (gifle, fessée) ni psychologiques (privation, chantage, etc). Plus on lit sur l’éducation bienveillante, plus on a envie d’en savoir davantage : c’est une méthode qui intrigue, qui passionne ; aurait-on enfin, grâce à l’avancée des recherches psychologiques, découvert une méthode d’éducation infaillible ?

Dans un premier temps, nous parlerons de ce que nous avons entendu et lu à propos de l’éducation positive. Dans un second temps, nous réfuterons certains poncifs qui sont malheureux, voire dangereux pour l’éducation de nos enfants, en nous appuyant sur des témoignages de médecins ainsi que sur l’Histoire de l’Église et la pédagogie de certains grands saints.

 L’éducation positive concrètement

Isabelle Filliozat1, psychothérapeute, conférencière et essayiste française, et même distinguée par la Légion d’Honneur, est le maître à penser de l’éducation bienveillante en France. Elle s’intéresse essentiellement au développement psycho-affectif de l’enfant. Selon elle, tous les parents doivent apprendre des émotions de leur enfant et l’éduquer en fonction de ces mêmes émotions. Le docteur Didier Pleux2 en donne la description suivante : « Si l’enfant fait une crise parce qu’il refuse de prêter son jouet, cela signifie qu’il est en détresse. S’il pleure parce qu’il ne veut pas apprendre son solfège, attention à ne pas l’y obliger : il pourrait développer des carences affectives. Le doute est semé chez les parents, inquiets à l’idée de traumatiser leur enfant. »

L’enfant qui a fait une bêtise ou qui est énervé doit dire ce qu’il ressent et montrer une couleur qui correspond à une émotion (joie : jaune / colère : rouge / tristesse : bleu et ainsi de suite – vous trouverez quantité de livres d’enfants sur ce sujet), et ensuite il pourra passer à autre chose, tout en douceur. Il pourra aussi dire ce dont il a besoin : être en sécurité, être aimé, s’amuser…

Ensuite, vient le temps du câlin, très important dans l’éducation bienveillante : « C’est la clé pour faire baisser les tensions au cours d’une grosse colère ou d’un conflit. L’ocytocine (hormone du bonheur) est déclenchée au bout de 7 secondes d’un câlin et a un effet immédiat sur le niveau de stress », nous explique Caroline Jambon, créatrice du blog « apprendre à éduquer ».

Et si les parents deviennent la décharge à émotions de leur enfant, c’est normal. C’est leur rôle : à eux de décrypter ce que veut dire leur enfant de 3-8-15 ans, à eux de l’entourer d’amour, de l’écouter et d’évacuer ses tensions, tout en l’impliquant dans la tâche proposée, sans le contraindre bien sûr, en lui donnant des consignes en phrases affirmatives et non négatives (ne pas dire : « ne cours pas », mais « marche lentement »), tout en pensant à ses envies (« tu aimerais sans doute lire tranquillement au rayon librairie pendant que je continue de faire les courses au supermarché »), et enfin en réfléchissant aux causes des crises fréquentes de leur enfant et en s’excusant si besoin. « A force d’empathie affective, les parents ne disent jamais non et se contorsionnent parfois jusqu’au burn-out. Ils se transforment en animateurs du Club-Med, proposent des activités incessantes pour que leur enfant ne s’ennuie pas3

Voilà donc les grandes lignes de l’éducation positive. Elle devient nettement moins bienveillante quand elle fustige les principes de l’éducation dite « traditionnelle », laquelle serait basée sur les châtiments corporels, l’humiliation et l’autoritarisme le plus absolu sur l’enfant de la part de l’adulte. La punition surtout – que ce soit être privé de dessert ou aller au coin – est complétement prohibée dans l’éducation positive : l’enfant se sent diminué, mauvais, indigne d’amour, il perd confiance en lui, peut avoir même un affaiblissement de son système immunitaire et veut se venger de cet adulte tout-puissant qui le brime. Ce cercle vicieux de la punition ou de la mauvaise parole (« Qu’est-ce que je vais faire de toi ? Que vas-tu devenir ? ») « empêcherait l’enfant d’être autonome, car l’attente d’affection de la part de ses parents le maintiendrait en état de dépendance4 ».

Nous ne reviendrons pas ici sur la définition chrétienne de l’éducation et ses grands principes, notre revue se faisant déjà largement l’écho de ce sujet et avec brio ! Ce qui nous a le plus frappé en entendant les exemples issus de l’éducation bienveillante, c’est la remise en cause permanente des parents qui doivent absolument tout faire pour que leur enfant se sente bien, que ses besoins soient comblés pour qu’il soit heureux et gentil, alors que l’enfant, lui, est considéré comme une victime de son tempérament, de ses hormones, de sa place dans la fratrie, de la météo et ainsi de suite.

Concrètement, il est plus facile de dire à son enfant qu’on l’aime au lieu de le gronder, et de lui expliquer calmement qu’il a fait de la peine à maman en coupant toutes les fleurs du jardin plutôt que de le priver de dessert. Est-ce que la peine faite à maman sera plus forte la prochaine fois que les fleurs auront repoussé ? Ou est-ce que le souvenir de la privation lui rappellera qu’il ne doit plus tailler les roses ? En tant que maîtresse aussi, ce sera facile de ne pas donner de lignes à recopier, de leçons à réapprendre, d’heures de colle pour l’élève récalcitrant. Mais grandira-t-il suffisamment ? Les enfants voyant leurs besoins primaires satisfaits n’auraient plus alors selon eux de raison de se mettre en colère, d’être tristes ou dégoûtés… Mais toute notion de privation, de sacrifice, d’effort ou de résolution ayant disparu, l’éducation reposera sur la satisfaction de ces « besoins ». L’éducation bienveillante met sur le même plan une tape sur la main et assommer son enfant avec une poêle en fonte. Inutile de rappeler ici que l’éducation classique n’a pas attendu la découverte de « l’éducation positive » pour comprendre que l’éducateur doit s’adapter à l’âge de l’enfant et à son tempérament ; certains enfants ont besoin de fessées, d’autres n’en auront jamais. Maman disait en riant de mon frère et moi (nous sommes nés la même année, lui en janvier et moi en décembre) : « mon fils obéit immédiatement quand on lui fait les gros yeux, ma fille, il lui en faut un peu plus pour qu’elle cède ! ». Il en va de même pour les paroles valorisantes ou au contraire les remontrances.

Qu’en pensent les partisans de l’éducation dite « classique » ?

Le Docteur Didier Pleux pense que « l’enfant qui a été élevé selon l’éducation bienveillante risque de devenir un adulte susceptible, avec des problèmes relationnels et d’addiction. Il peut devenir vulnérable, car il a appris qu’il était beau, intelligent, et que rien ne lui résistait. Comme il n’a pas été encouragé à l’effort, la vie devra lui donner tout de suite sa dose de plaisir immédiat. Quand son époux, ses clients, patrons ou enfants, ne seront pas d’accord avec lui, et dès que la réalité ne lui plaira pas, il aura tendance à se mettre en colère ».

On trouve aussi des éléments de réponse dans la Bible car aucun élément dans tout l’Ancien et le Nouveau Testament ne permet de suivre cette voie de l’éducation positive. Bien au contraire ! Dieu n’envoya-t-il pas diverses punitions à plusieurs reprises : le déluge, les sept plaies d’Égypte… Rappelons que sept commandements sur les dix sont en forme négative.

Dans le Livre des Proverbes 29, il est écrit :

« Les coups de bâton et les réprimandes produisent la sagesse,

Mais un enfant livré à lui-même fera la honte de sa mère. (…)

Corrige ton enfant et tu auras lieu d’être sans inquiétude : Il fera les délices de ton cœur.»

 

Laurence Pernoud5 donne ce conseil : « Aux parents qui craignent de se montrer fermes avec leurs enfants, de les blesser en leur manifestant leur autorité, à ceux qui redoutent d’être moins aimés en étant exigeants, nous disons ceci : pouvoir compter sur la fermeté de ses parents rassure l’enfant, l’aide à se structurer, à créer les conditions pour qu’il s’épanouisse en toute tranquillité.»

Marielle Blanchier6, mère catholique de quatorze enfants, auteur de deux livres sur son parcours, nous dit : « Quelles que soient les personnes autour de nous, j’agis avec les enfants comme je pense devoir le faire pour notre bien commun. J’ai compris que me montrer très ferme était absolument nécessaire et structurant pour eux. »

« Maman Marguerite, la maman de Saint Jean Bosco, veuve à 29 ans, avait les mains occupées à l’ouvrage mais savait aussi caresser ses petits. (…) Elle les élevait avec douceur et fermeté. Cent ans plus tard, les psychologues écriront que pour grandir comme il faut, le bambin a besoin de l’amour calme et joyeux de la mère. Ils diront aussi qu’être orphelin fait courir à l’enfant le risque d’être affectivement incliné d’un seul côté : vers la mollesse sans vigueur pour les enfants d’une maman, vers la sècheresse anxieuse pour les enfants d’un papa. Maman Marguerite trouva en elle-même un équilibre instinctif qui la fit joindre et utiliser alternativement la fermeté calme et la joie apaisante. Don Bosco, dans son style éducatif, devra beaucoup à sa mère. Dieu te voit était une expression fréquente dans la bouche de Marguerite Bosco7. »

On a souvent demandé à Don Bosco d’expliquer sa méthode éducative dans un livre. En 1876, il prend son courage à deux mains et écrit neuf pages sur « son système éducatif en usage dans les maisons salésiennes ». La pratique de ce système est entièrement fondée sur ces paroles de Saint Paul : « La charité est douce et patiente ; elle endure tout mais espère tout ; elle supporte n’importe quel dérangement.» C’est pourquoi seul un chrétien peut appliquer avec succès le système préventif. Raison et religion sont les moyens dont l’éducateur doit faire continuellement usage.

L’éducation bienveillante issue directement de la vague New Age produit des enfants rois, centrés sur eux et leur plaisir immédiat, qui refusent l’autorité et l’effort. Nous, catholiques, savons que la vertu et la sainteté s’acquièrent avec des sacrifices (obéissance, fidélité, chasteté). Éduquer, cela vient de « ex ducere » : conduire hors de. Donner une discipline de vie à un enfant pour le conduire justement hors du péché originel et en faire un saint.

 

Agnès Lafargue

 

1 Isabelle Filliozat n’est pas baptisée. Elle se déclare elle-même agnostique. Issue d’une famille athée, elle a pratiqué le bouddhisme ainsi que des exercices ésotériques et New Age. Elle est par ailleurs vice-présidente de la Commission des 1000 premiers jours de l’enfant voulue par le président Macron en 2019 pour renforcer le contrôle de l’État sur les parents pendant cette période qui suit la naissance du bébé. Cette commission a été instaurée en même temps que la fin de l’instruction libre en famille et l’obligation de scolariser son enfant à partir de 3 ans.

2 Didier Pleux est docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien et psychothérapeute. Fondateur et directeur de l’Institut français de thérapie cognitive depuis 2004. Il est aussi diplômé de l’Institut Hadassah de Jérusalem en remédiation cognitive. Il est professeur à l’Université de Caen.

3 Ibid.

4 Caroline Jambon, créatrice du blog « apprendre à éduquer ».

5 Laurence Pernoud, auteur reconnue sur la naissance et l’éducation enfantine. In J’élève mon enfant, Albin Michel, édition 2013-2014, chapitre 5, page 285.

6 Marielle Blanchier, Et ils eurent beaucoup d’enfants, édition Les Arènes, 2013, chapitre 11, page 107.

7 Teresio Bosco, Don Bosco, chapitre 2, page 13