Partager son enthousiasme pour la lecture

Foyers Ardents a récemment rencontré une jeune mère de famille qui, au cœur de son village, a ouvert une bibliothèque accessible à tous dans une dépendance de son habitation.

Cette initiative nous a semblé excellente et nous avons décidé de la faire découvrir à nos lecteurs, qui auront peut-être envie de suivre son exemple et de faire ainsi fructifier un ou plusieurs talents…

 FA : Bonjour Laetitia, vous avez ouvert, il y a tout juste un an : Ma Biblio Catho, pouvez-vous nous dire comment cette idée originale et magnifique vous est venue à l’esprit ?

 LB : L’idée est venue tout simplement quand j’étais une jeune maman très disponible. En effet, je suis d’un naturel très actif et en début de mariage, j’avais beaucoup de temps libre. Ne souhaitant pas reprendre le travail, et comme je m’occupais plus ou moins de la procure de notre paroisse, j’ai eu idée d’exploiter ma passion pour les livres. J’ai commencé par acheter et revendre des bons livres d’occasion que je découvrais par de bons plans. Puis l’idée d’ouvrir un espace au public est venue car la disposition de la maison était adaptée. Aussi, je trouvais cela vraiment réjouissant de recevoir des personnes partageant la même ardeur pour la lecture car je me sentais terriblement… seule dans cette région totalement inconnue.

 FA : Quel est le but (ou les buts) recherché(s) à travers cette bibliothèque ?

LB : Mon objectif initial était de proposer aux parents des livres pour leurs enfants sans avoir à mettre des milles et des cents dans les achats de livres ; en effet, ceux-ci ne sont souvent lus qu’une fois (peut-être une fois par enfant et encore…) et coûtent cher. Je voulais « investir » pour les autres. Aussi, je voulais donner la possibilité à ces parents de venir me demander l’avis sur un livre ou voir si je pouvais le leur prêter avant de l’acheter.

Dans la réalité, j’ai actuellement plutôt un public d’adultes. Cela convient aussi car les personnes moins religieuses trouvent dans ma bibliothèque de quoi se divertir sainement à travers les ouvrages que je propose. « Petit à petit, l’oiseau fait son nid » comme on dit. On peut commencer avec un bon roman avant d’aller vers les témoignages puis la vie d’un saint pour en arriver à des ouvrages religieux et donc à des réflexions d’ordre plus moral et spirituel.

 FA : Vous proposez des livres bien sûr ; mais aussi d’autres produits attractifs ?

LB : En effet, Ma Biblio Catho est non seulement bibliothèque mais médiathèque et ludothèque. Je propose donc aussi des jeux de société comme les jeux de Loupio ou La Rose des Saints, ainsi que des CD de musique classique ou chants religieux, quelques bons DVD (pièces de théâtre, vraies vies édifiantes et aussi de bons films), des CD avec des histoires pour enfants à mettre dans la voiture quand on part en vacances, et autres divertissements tout à fait sains.

Je propose, une fois par mois, une matinée de découverte de jeux de société.

FA : Quels sont vos critères de choix pour les ouvrages que vous proposez ?

LB : Mes critères sont les références que je peux avoir d’abord par ma maman, puis des conseils de prêtres. J’ai aussi une amie religieuse qui m’a suggéré toute une liste d’excellents ouvrages. Les comités de lecture sont évidemment sources d’inspiration. Quoi qu’il arrive, je me fais mes propres opinions des ouvrages en les lisant tous avant de les proposer.

Parce que j’ai certaines convictions que je sais défendre par des arguments construits, je ne propose pas d’ouvrages de Fantastique ou Science-Fiction moderne. Et, concernant la politique, je n’ai que quelques ouvrages sur les fondements.

FA : Combien de livres avez-vous en stock ? Et comment vous les procurez-vous ?

LB : Je n’ai qu’une petite structure d’environ 600 ouvrages, pour l’instant. Et ils ne sont pas tous exposés car j’ai une étagère qui bouge régulièrement (période de Noël / période de la semaine sainte / proposition de revues, etc…). Beaucoup de livres sont des ouvrages qui appartiennent à ma famille et que je prête. J’achète beaucoup d’occasion (recherches ciblées) et j’ai de bons plans que je garde pour moi… Les quelques livres neufs achetés sur facture appartiennent à l’association Ma Biblio Catho. On m’a aussi donné plusieurs ouvrages pour la bibliothèque associative. Je propose un avoir pour les personnes qui donnent et / ou qui prêtent des livres à l’association, ce qui permet d’avoir aussi une bibliothèque non figée.

 FA : Dans le concret, combien de temps cela vous prend-il par semaine ?

LB : Au lancement, je passais beaucoup de temps pour chercher de bons livres d’occasion. C’était surtout du temps passé sur des sites internet divers et variés. Tout ce temps n’est pas compté. Aujourd’hui, ma bibliothèque n’est ouverte qu’un après-midi par semaine en plus d’un samedi par mois. C’est un temps que je réserve donc de manière exclusive à la Bibliothèque. Au début, je prenais sur ce temps pour référencer tous les ouvrages. Désormais, je le prends aussi pour couvrir les nouveaux arrivages. Je ne laisse pas un livre sortir sans qu’il soit recouvert.

 FA : Quelle est la principale difficulté rencontrée ?

LB : Mon point faible est ma base de données. Dieu merci, j’ai récemment fait la connaissance d’une jeune bibliothécaire qui m’aide à réparer cette lacune. En effet, ce n’est pas tant l’enregistrement de tous les ouvrages, qui est le plus compliqué, mais la gestion des entrées et sorties.

 FA : Quel accueil avez-vous rencontré dans votre village ?

LB : Quasiment tous nos voisins directs étaient présents pour la bénédiction de Ma Biblio Catho. Certains voisins sont mes plus fidèles clients. Au-delà, c’est mon manque de publicité qui a fait défaut. J’ai laissé faire le bouche à oreille car Ma Biblio Catho va déjà déménager…

 FA : Quels sont les moyens que vous avez mis en œuvre pour vous faire connaître ?

LB : Tout a commencé uniquement par mes connaissances. Certaines, de la région, ont parlé de moi et m’ont ramené du monde. J’ai aussi fait une sortie de la messe paroissiale de la petite ville la plus proche pour distribuer ma carte de visite. Après cela, j’avoue ne pas avoir beaucoup donné dans la publicité car j’ai une toute petite bibliothèque et je savais que nous n’allions pas demeurer dans la région très longtemps. En fait, notre présence dans la région n’aura pas duré deux ans, mais j’ai bien l’intention de déménager Ma Biblio Catho ! Un sondage a d’ailleurs déjà été lancé en Vendée pour connaître les attentes du public et mieux organiser mon installation.

 FA : Personnellement, pouvez-vous nous dire après cette première année d’ouverture ce que cette expérience vous a apporté ? Ses richesses ? Et éventuellement vos projets d’amélioration ?

LB : Honnêtement, j’ai été très déçue du manque d’intérêt d’un public que j’espérais viser. Nous habitons à dix minutes de Paray-le-Monial (Apparitions du Sacré-Cœur à sainte Marguerite Marie Alacoque). C’est donc une région assez croyante, j’espérais toucher toutes ces familles qui fréquentent l’école privée hors-contrat de Paray-le-Monial, mais j’ai appris à mes dépens plusieurs choses :

– Les jeunes que je pensais toucher ne lisent pas autant que les jeunes conservateurs ou traditionnalistes ; ou s’ils lisent, ce sont des ouvrages que l’on trouve partout. Autant dire que ce n’est pas ce que je vise comme public puisque mon idée est bien de proposer ce que l’on ne trouve dans aucune autre bibliothèque publique.

– Il est difficile de « faire bouger » les gens qui ont déjà leurs habitudes. Ils sont bien dans leur petite ville. Ils ont des librairies à quelques coups de pédales, pourquoi prendre la voiture pour fréquenter une petite bibliothèque ?

– La localisation n’aide pas, il faut le dire. Nous sommes non seulement excentrés, mais les gens n’aiment pas beaucoup avoir l’impression de rentrer chez nous (même si nous sommes dans une dépendance de la maison). Le public est réticent à aller chez les gens. Lorsque je déménagerai Ma Biblio Catho, j’ai l’intention de l’ouvrir dans un bourg, avec une vraie visibilité, avec pignon sur rue. La visibilité est essentielle si on veut que ça fonctionne. J’aurais été en centre-ville de Paray-le-Monial, je suis sûre que ça aurait mieux pris.

Malgré cette déception, j’ai réalisé que j’avais touché, de manière inattendue, des personnes plus mûres. L’apostolat aura été de courte durée mais c’est toujours cela qui a été semé. Cela me suffit pour me donner l’envie de continuer et de faire mieux.

 FA : Recommanderiez-vous à d’autres cette initiative ? Quelles qualités principales cela demande-t-il ?

LB : Je recommande, oui, bien sûr ! Pourquoi pas, même, en étant rattaché à l’association Ma Biblio Catho ? Pour les qualités, il faut avant tout aimer lire ! Que cela concerne le roman jusqu’à la morale, on doit être capable de répondre à toutes les questions (ou presque) qui sont susceptibles de nous être posées. Pour ma part, j’ai une expérience d’aide-documentaliste qui m’a aidé à monter tout cela mais il suffit d’avoir une grande qualité : l’organisation. Il faut aimer le contact social, évidemment ! Partager quelque chose que l’on aime doit être presque de l’ordre de la passion. La passion est bonne quand on se passionne pour les bonnes choses !

 FA : Un très grand merci, chère Laetitia, pour ce témoignage très intéressant qui va sans doute faire des émules ! Et bon courage pour le déménagement !

 

La famille

« C’est une œuvre formidable que de refaire tout un monde depuis ses fondations ; mais si l’on veut affronter cette entreprise avec des chances de succès, il est certain que le premier élément organique qui devra être fortifié sera toujours la famille, appelée constamment « la cellule fondamentale de la société ». Tout le corps sera ce qu’elle est ; et ils démontrent qu’ils l’ont bien compris ceux qui l’assaillent de tous côtés1. » En quelques années, on constate que même le vocabulaire a dû être modifié : on entend parler de « familles monoparentales, décomposées, recomposées, homoparentales », et autres mots barbares ou néologismes… Les expressions toutes simples et bien connues telles que : réunion de famille, maison de famille, fonder une famille prennent un petit air « vintage » qui font sourire certains mais qui irritent ceux qui sont convaincus qu’avoir trop d’enfants est nuisible pour la planète…

Faut-il croire que les heures de gloire de la famille sont définitivement dépassées ?

« La famille ne peut être abolie, écrivait Trotsky2, il faut la remplacer. »

La technique n’est pas nouvelle : sous apparence de bien, on nous présente des lois funestes mais qui, grâce à des évènements bien orchestrés, conquièrent les ignorants et les faibles par des arguments doucereux et font croire encore que c’est pour leur bien que l’Etat prend en charge nos enfants… N’y a-t-il pas des enfants maltraités, enlevés, à qui l’on n’apprend rien, enchaînés même ? Et grâce à des faits horribles mais rarissimes, nous allons nous soumettre à des techniques d’asservissement qui n’auront rien à envier au monde communiste du début du XXe siècle…

« La famille était jadis un temple, un Etat, un atelier. Elle a cessé de l’être. Elle est encore un hôtel mais elle perdra à son tour ce caractère. La famille n’est plus une école, à peine une nursery », écrivait-on déjà dans le Revue du Ministère français de l’Education Nationale en Octobre 1964. Mais nous y voilà ! Elle n’est plus maintenant qu’une nursery puisqu’on lui enlève ses enfants dès l’âge de 3 ans ! Le président Emmanuel Macron a même annoncé le 26 juin 2023 l’ouverture de l’école maternelle aux enfants de 2 ans dans les quartiers prioritaires, à partir de 2027. Que ce soit dans le domaine de la médecine où l’on a perdu l’habitude de demander aux parents ce qu’ils souhaitent pour leurs enfants, ou dans celui de la sexualité où l’on fait croire aux parents qu’ils n’ont pas les compétences pour savoir si leur enfant est un garçon ou une fille, tout laisse penser que ce monde est devenu fou. Et n’entend-on pas parler de projets toujours plus inquiétants ?

Et la famille dans tout cela ?

On le sait, seule la famille peut donner les racines de toutes les éducations : éducation de la responsabilité, de la justice, du respect, de la piété, de l’intelligence et de la volonté, du soutien mutuel, de la gratuité, le sens du passé, le souci du présent, la prévoyance de l’avenir, le sens du sacré, l’éducation du sacrifice, de la soumission à la Providence : tous ces éléments sont directement menacés par l’esprit de la société moderne qui ne cherche que la discontinuité, la primauté de l’intérêt matériel, le refus du passé et de toute hiérarchie morale, l’isolement social, l’instabilité  chronique et surtout la négation de Dieu.

La famille est le seul remède aux maladies du monde moderne parce qu’on y côtoie la vie, le mérite, le travail, l’amour, le pardon, le détachement, la souffrance et la mort et ces réalités resteront toujours les seules maîtresses d’éducation pour ceux qui savent les recevoir.

Mais comment faire en sorte de se mettre en condition pour hériter et transmettre ce qui, de tout temps, a construit la famille ?

Dieu ne nous demande pas l’impossible. Un temps viendra, et nul ne sait ni le jour ni l’heure, où Il manifestera sa puissance. En attendant, Il ne nous demande qu’une seule chose : faire notre devoir d’état, sans nous laisser annihiler par la crainte, sans nous laisser impressionner par le langage des sirènes et sans non plus nous laisser noyer comme la grenouille bien célèbre…

 

III. Pour une famille catholique !

Avant tout il nous faut être des hommes et des femmes instruits, habiles, résolus et tenaces, capables d’agir sans nous laisser décontenancer, sans nous décourager par une fausse impression d’isolement. « Car Dieu se sert de ce qu’il y a de petit et de faible ici-bas pour confondre ce qu’il y a de fort et de sage selon le siècle3. »

 

A) Transmettons une Foi vivante

Pour illustrer cette affirmation, je ne vous citerai que ces deux exemples qui se passent de commentaires, mais qui démontrent les conséquences de deux éducations radicalement différentes : l’une sans foi, la seconde fécondée par l’espérance :

– Un détenu de la prison du Mont-Saint-Michel, condamné aux travaux forcés, entendant sa sentence avec calme, s’écriait : « Je pardonne aux juges, leur sentence est juste. Je pardonne aux gendarmes, ils ont bien fait de m’arrêter. Mais il y a dans cette enceinte un homme à qui je ne pardonne pas ; cet homme, c’est mon père. Il m’a élevé sans religion. A cause de lui, je suis aujourd’hui condamné. »

– Le grenadier Louis Azéma, mort à 20 ans en 1914, avant le dernier assaut, écrivait : « Maman, si je suis tué, ne pleure pas : regarde au ciel. » Ou encore, après 5 jours d’agonie dans une tranchée : « Que Dieu me donne son ciel ! Je vous recommande mes parents ; dites-leur merci de m’avoir élevé chrétiennement…»

B) Aimons d’un amour chrétien et intelligent

L’éducation est une œuvre d’amour. Il ne suffit pas d’avoir une famille, il faut la bien élever, c’est-à-dire, la hisser vers le ciel, le vrai, le bien, le beau, au-dessus des passions naissantes, au-dessus de tous les périls qui nous environnent et nous attirent vers le bas. L’amour chrétien est un amour qui croit, qui agit et qui prie. La prière des parents est la cuirasse d’airain qui protège les enfants et la clef d’or qui leur ouvre le Paradis !

Il ne suffit pas, loin s’en faut, de donner de l’instruction et une situation : l’éducation est une formation profonde qui atteint l’être spirituel de l’enfant jusqu’à le vivifier dans ses racines et jusqu’à l’agrandir et le transfigurer dans ses cimes. L’amour intelligent met l’âme au-dessus du corps, préfère le fond à la forme et place la vertu au-dessus de la science. Cohérence, rectitude et énergie morale en sont les maîtres mots.

 C) Manifestons une autorité qui surveille et qui réprime

Qui aime bien, montre le bon exemple, commande, surveille, réprime, et au besoin châtie bien. Depuis le péché d’Adam et Eve, Satan se déchaîne pour tenter leurs malheureux enfants… Le XXIe siècle, qui met dans la poche et dans la chambre de chacun un outil, porteur des pires tentations, exige des parents fermeté et rigueur pour leurs enfants. La tenue exemplaire qu’ils montreront eux-mêmes à ce sujet sera la meilleure leçon. Lectures, revues, amitiés, relations, mais aussi occupations, jeux, musique, ordinateur et téléphone… : rien ne doit être laissé à l’abandon !

Si les parents abdiquent leur autorité (et si, pire encore, l’un des parents cède en cachette de son époux), s’ils ont pris pour de la bonté de leur part ce qui n’était qu’aveuglement, s’ils ont obéi à leur cœur plus qu’à leur conscience, alors qu’ils relisent la Sainte Ecriture : « Le fils qui n’est pas retenu devient un cheval indompté ; si vous faites un jeu de ses passions, vous grincerez des dents au dernier jour. »

Si nous voulons que la France chrétienne survive, il ne faut pas faiblir sur ces sujets capitaux ! A nous donc d’infuser cette vertu dans l’âme de ceux qui feront la France de demain !             

 D) Gouvernons avec sagesse

Si la famille nécessite une vie spirituelle, morale et religieuse, elle a aussi une vie extérieure, matérielle et sociale. C’est la Sagesse qui y mettra l’ordre. Elle quantifie et domine avec intelligence la part nécessaire au rang social, gère le reste avec prudence et sacrifie ce luxe inutile qui amollit les âmes, prépare une jeunesse impuissante, sans ressort, énervée, sans élan et sans avenir parce qu’il annihile la volonté et la force d’âme.

Le luxe endurcit les âmes car l’homme est prêt à tout lui sacrifier. On voit aujourd’hui pour quelques euros de plus – qui viendront assouvir des désirs dont le sacrifice aurait été vertueux-, de plus en plus de familles céder aux tentations actuelles du double salaire. Au père de famille d’examiner en sa conscience si cela est vraiment nécessaire et si aucune autre solution ne peut être envisagée (travail à domicile de la mère par exemple laissant une certaine souplesse). Mais dès qu’il est possible de sortir de cette situation, empressons-nous d’y mettre fin. Luttons collectivement contre ce moyen mis en place pour détruire la famille. En quittant le foyer familial pour exécuter un travail rémunéré, les mamans ajoutent une fatigue supplémentaire au remord qui les rongera de ne pas avoir été disponibles aux heures où tel enfant aurait eu besoin de vider son cœur, où tel autre nécessitait de trouver une présence à la maison pour éviter de mauvaises occupations, où un époux, las du combat quotidien, aurait eu besoin de réconfort. Epuisée par sa double journée, comment  la mère pourrait-elle trouver le moment de se remplir par un doux cœur à cœur avec Dieu pour répandre ensuite autour d’elle toutes les grâces reçues et la paix acquise ? Comment ne pas voir là – encore une fois sauf dans les situations exceptionnelles – un des moyens fondamentaux mis en place pour détruire la famille ?

La sagesse remet l’accessoire à sa place et revient à l’essentiel. C’est la belle simplicité qui modère et contient le superflu en ne conservant que ce qui est primordial. Il y va du retentissement sur le salut des âmes d’une, voire plusieurs générations, de l’honneur de la société familiale et de l’avenir même de la patrie.

Les inquiets rétorqueront qu’il n’y a rien de plus petit et de plus faible, socialement parlant, que la famille, et que celle-ci est déjà détruite. Qu’ils se détrompent : si l’ardeur dépensée aujourd’hui contre elle est si violente, c’est bien parce qu’elle est encore bien présente tellement ses racines sont profondes dans notre terre de France où tous nos ancêtres reposent ! Qu’y a-t-il de plus naturellement et surnaturellement ordonné au règne de la vérité ici-bas et donc au règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ ? Et n’est-ce pas notre devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir – en premier lieu dans notre foyer – pour restaurer cette cellule, quelles que soient les fureurs du vent de l’Histoire ? La famille n’est-elle pas comme une petite pierre telle que celle dont se servit le tout jeune David ? Pierre toute divine qui suffit à abattre Goliath, le totalitaire ? Alors reprenons-nous, et, sous le regard de Dieu, examinons ce que nous pouvons améliorer pour la plus grande gloire de Dieu et le règne du Christ-Roi !

 

Inspiré du livre de Monseigneur Gibier, Famille

Saint Michel et la France

Le monde moderne, imbu de naturalisme et de subjectivisme, est plus que jamais déterminé à s’affranchir de la tutelle de Dieu et prétend construire seul sa destinée et son bonheur. Avant même que le temps n’existe, après la création des premiers esprits, alors que Satan et ses sbires cherchaient leur indépendance, saint Michel faisait déjà tonner son « Quis ut Deus ?1 ». Pas plus que Satan, le monde n’est à l’égal de Dieu. Et c’est justement pour le protéger du démon que Dieu envoie sur terre ses anges, en particulier l’archange saint Michel, le chef de l’armée céleste. Ces apparitions sont signes de grandes choses, car comme l’exprimait le pape saint Grégoire le Grand, « Saint Michel est envoyé chaque fois qu’il s’agit d’opérer une œuvre éclatante. » Or nous remarquons que nombreuses sont les manifestations de cet archange sur notre sol français, ce qui semble signifier l’importance que Dieu accorde à notre pays dans son plan divin.

L’archange Saint Michel

Les anges (du grec aggelos, messager) sont les premiers êtres créés. Saint Augustin attribue leur apparition à l’œuvre du premier jour : « Que la lumière soit.» Non pas que les anges soient la lumière, mais plutôt qu’ils participent à la lumière éternelle de Dieu2, et qu’ils soient les témoins de son action créatrice. Ils sont de purs esprits, c’est-à-dire qu’ils ne possèdent pas de corps ou de parties physiques. Ils sont ainsi doués de certaines capacités que ne peuvent avoir les êtres matériels, telle que l’incorruptibilité. Tous, comme les hommes, ils ont été créés par Dieu avec des différences, des particularités qui répondent à un rôle qu’Il leur a défini. Cela se traduit par une hiérarchie des esprits célestes en neuf ordres rangés dans trois triades. La première comprend les Séraphins, dont les trois principaux anges Michel, Raphaël et Gabriel, les Dominations et les Trônes. Ce sont les anges les plus proches de Dieu, les premiers serviteurs de Sa volonté. La deuxième triade comprend les Dominations, les Vertus et les Puissances. Enfin, la troisième comprend les Principautés, les Archanges et les Anges. Elle est l’intermédiaire entre le monde surnaturel et le monde naturel, entre Dieu et les hommes, et c’est parmi ses troupes que sont choisis les anges gardiens de chaque homme et de chaque société.                  

Parmi toute l’armée céleste, saint Michel occupe la première place, au plus proche de Dieu. Son opposition à Satan lui a en effet mérité cette place, alors que sa nature d’archange ne le prédisposait pas à être aussi élevé dans l’ordre céleste3. Saint Clément d’Alexandrie parle de lui en ces termes : « Le chef d’œuvre de la création angélique est l’archange Michel. C’est l’ange par excellence, l’ange du Seigneur, (…) le Grand Prince, le Vice-Roi de l’éternité. »  Il est le chef des anges, et le plus ardent adversaire du démon. De ce fait, il est tout naturel qu’il soit le plus zélé défenseur des hommes, dont il assure la protection sous les ordres de la Sainte Vierge, qu’il précède ou accompagne lors de ses visites sur terre. Gardien des hommes, il est aussi gardien du Paradis. Non pas que le Paradis doive être protégé d’une invasion quelconque, mais plutôt qu’il siège avec Dieu au jugement particulier de chaque âme qui se présente devant la majesté divine lorsque son heure est venue. L’iconographie sacrée le présente souvent tenant d’une main la balance où se pèsent le bien et le mal faits durant la vie terrestre, et de l’autre l’épée qui se tient prête à repousser l’âme dans les tréfonds de l’enfer. Les manifestations de saint Michel sur terre revêtent une importance toute particulière, à l’instar de celles de Notre-Dame. Ses apparitions, annonciatrices d’une « œuvre éclatante4 », sont signes du grand combat qui oppose les forces du diable à celles de Dieu pour le sort des hommes. Et il est certainement révélateur que la France ait été témoin de nombreuses révélations de saint Michel, tant visibles qu’invisibles.

Saint Michel en France

C’est à Lyon que l’on retrouve la trace la plus ancienne du culte à saint Michel en France, dans une église érigée en 506 et dédiée au chœur des anges par la reine Carétène5. Disparue depuis, elle a  été remplacée dans le culte de l’archange par la basilique de Notre-Dame de Fourvière, où sa statue domine l’abside. On retrouve également saint Michel aux côtés de la Vierge Marie, dans son sanctuaire du Puy-en-Velay où elle apparut en 430. Une fresque peinte de plus de 5 m de haut sur 2 m de large, la plus grande de l’époque romane, le représente, la lance à la main, dans une chapelle du Xe siècle qui lui est dédiée, signe de la grande vénération du peuple franc pour cet ange protecteur. Mais c’est bien sûr au Mont-Saint-Michel que se trouve le plus grand sanctuaire du Prince des milices célestes. Le 16 octobre 708, il apparaît en songe à saint Aubert, évêque d’Avranches, pour lui ordonner de construire une église à son intention, sur le rocher dit du Mont Tombe. Il marque ainsi sa volonté de prendre sous sa protection la terre de France, protection qu’il assurera à plusieurs reprises, à commencer par la victoire de Poitiers sur l’Islam conquérant, vingt-quatre ans seulement après la fondation de son sanctuaire du Mont Tombe, en 732. Il apparaît dans la même période, en 709, sur le mont Châtillon, à une vingtaine de kilomètres de Domrémy où naîtra sainte Jeanne d’Arc, dans la commune qui porte aujourd’hui le nom de Saint-Mihel. Le Mont-Saint-Michel et l’abbaye de Saint Mihel vont voir affluer les pèlerins et se succéder les miracles attestant de la protection de l’archange.

Cette protection de saint Michel sur la France est reconnue et proclamée par divers souverains. Le premier, Charlemagne, décrète le 29 septembre comme fête officielle de saint Michel dans tout l’empire6. Il le nomme « Princeps Imperii Francorum », Prince et Patron de l’Empire des Gaules, et ajoute sur ses étendards l’inscription « Voici Michel, grand prince, il vient à mon aide ». Ses successeurs n’ont également cessé de rendre hommage à l’archange, notamment par de riches dons à son sanctuaire du Mont-Saint-Michel, permettant l’édification au XIIIe siècle de la Merveille, joyau français de l’architecture sacrée. Tous les rois de France, jusqu’à Louis XIV, s’y rendront en pèlerinage, pour placer leur couronne et le Royaume sous la protection de ce si puissant patron.

La plus éclatante preuve de la protection exercée par saint Michel sur le royaume de France est son rôle primordial dans l’épopée de sainte Jeanne d’Arc. En 1424, moins d’un an après une grand-messe célébrée en son honneur par le roi Charles VII7, saint Michel apparaît à Jeanne, afin de la préparer à accomplir la mission que Dieu lui a confiée. Nous connaissons cette histoire : accompagnée de l’archange, de sainte Catherine et de sainte Marguerite, Jeanne va mener la reconquête du royaume et le sauver de l’envahisseur anglais. Contre toute attente, les troupes françaises vont remporter victoire sur victoire, permettant le couronnement du roi à Reims, première étape du redressement de la France.

Pour conclure ce trop bref résumé de la relation entre saint Michel et notre pays, il nous faut ne serait-ce qu’aborder la raison de cette protection particulière. Ce ne peut en effet être un hasard que le chef des anges fasse le choix de protéger cette terre de France. Il a certes honoré plusieurs pays de ses apparitions (l’Italie avec le Mont Gargan, le monastère de Skellig Michael en Irlande), mais de tous, la France se distingue par le nombre et le retentissement de ses visites. Cela s’explique par la place qu’occupe cette nation dans le plan de Dieu : depuis le sacre de Clovis jusqu’à la Révolution, elle a été le glaive et le bouclier de la Sainte Eglise, sa « Fille aînée », et son monarque le « Lieutenant de Dieu sur Terre ». Il fallait bien, pour la protéger des ennemis de l’Eglise et la guider dans le droit chemin, la mettre sous le secours du plus ardent soldat de Dieu, de son champion. Tant qu’elle a été fidèle à sa destinée, saint Michel est venu l’aider et la tirer des plus grands dangers. Même lorsqu’elle a renié sa mission, il était toujours là pour l’empêcher de tomber plus bas, secondant l’action, ô combien salutaire de Marie, Reine des Anges, elle-même patronne principale de notre terre de France. Et il est encore présent à son chevet, la protégeant dans le secret des plans du diable et de ses sbires, restant tout prêt à la relever comme par le passé. Nous ne l’avons que trop oublié, aussi ne tardons pas à nous mettre de nouveau sous sa puissante protection, avec notre pays, afin qu’il nous protège et nous guide jusqu’au Ciel dont il est le gardien.

 

RJ

 

1 D’où il tire son nom, Michel, signifiant Qui est comme Dieu.

2 Cf St Augustin, in La Cité de Dieu.

3 La hiérarchie naturelle qui peut exister entre les êtres est remplacée, dans l’ordre surnaturel, par une hiérarchie de sainteté. Il en va ainsi de la Sainte Vierge : inférieure aux anges par sa nature humaine, elle leur est infiniment supérieure par son niveau de sainteté.

4 Saint Grégoire le Grand, ci-dessus.

5 435~506, épouse de Chilpéric.

6 En 813.

7 Le 11 octobre 1423, suite à un accident dont il a miraculeusement été préservé.

 

 

L’autorité de l’époux vis-à-vis de l’épouse

Comment comprendre l’injonction de saint Paul, entendue lors des messes de mariage : « Que les femmes soient soumises à leurs maris1 » ? En quel sens le mari est-il « le chef de la femme2 » ? Jusqu’où s’étend l’autorité de l’époux à l’égard de l’épouse ? Avançons pas à pas, en vue d’essayer d’apporter quelques éléments de réponse à ces questions.

 

  1. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je lui ferai une aide semblable à lui3 Dieu donne à Adam une aide, une compagne qui lui est semblable en humanité et en dignité. Par conséquent, l’époux et l’épouse seront égaux en droits dans les choses qui sont propres à la personne et à la dignité humaine. S’étant engagés par le même contrat de mariage, ils seront encore égaux en droits et en devoirs à l’égard des choses qui découlent du pacte nuptial et qui sont impliquées par la vie conjugale. Par exemple, ils auront le même droit sur le corps du conjoint, et le même devoir général d’éducation des enfants.

 

  1. Égale en nature et semblable à l’homme, la femme n’est pourtant pas sa copie pure et simple. « Je lui ferai une aide qui soit semblable à lui » : ce ne serait pas assez aider le premier homme que de le répéter tel qu’il est ; il vaut mieux l’achever, en dotant sa compagne de certaines qualités qui ne se rencontraient pas suffisamment en sa personne : la sensibilité, la délicatesse, la grâce…

Ainsi, il y a égalité de nature, mais encore, du fait de la différenciation des sexes, mutuelle complémentarité.

 

  1. L’égalité de nature et la complémentarité n’empêchent pas qu’il y ait une hiérarchie et par conséquent une subordination entre les époux. Ceux-ci, égaux en humanité et en dignité, sont inégaux dans la société conjugale, en tant que celle-ci, comme toute société, exige, avec la distinction des fonctions, d’un côté l’exercice de l’autorité et de l’autre la soumission ct l’obéissance. C’est à l’homme que Dieu a conféré l’autorité au sein du foyer. « Ton mari dominera sur toi4. » Cette domination n’est pas en elle-même la conséquence du péché originel, car elle aurait existé même sans le péché (et elle existait de fait avant qu’Adam et Eve ne pêchent) ; ce qui est un fruit du péché >>> >>> originel, c’est le caractère pénible que pourra revêtir cette subordination.

La supériorité conférée à l’homme dans l’ordre du gouvernement familial est en accord avec les dons particuliers que Dieu lui a concédés. En effet, l’intelligence masculine a généralement (selon la nature) plus d’étendue, plus d’élévation, considérant plus facilement les choses dans leur principe ; ses jugements sont moins dépendants de la sensibilité. C’est donc d’abord à l’homme que reviendra par nature la mission du gouvernement dans la cellule familiale. La femme devra, quant à elle, obéissance à son mari. Voici ce que dit Léon XIII à ce sujet, dans l’encyclique Arcanum : « L’homme est le chef de la famille et la tête de la femme ; celle-ci cependant, parce qu’elle est la chair de sa chair et l’os de ses os, doit se soumettre et obéir à son mari, non comme une esclave, mais comme une compagne, afin que l’obéissance qu’elle lui rend ne soit ni sans dignité ni sans honneur. »

 

  1. Jusqu’où s‘étend l’autorité de l’époux sur l’épouse ? A-t-il directement autorité sur elle, ou bien son autorité n’est-elle en quelque sorte qu’indirecte, par l’intermédiaire de la famille dont il est le chef ?

La famille est la première des sociétés ; et cette société existe dès lors qu’elle est formée par l’union légitime de l’homme et de la femme, quand bien même il n’y aurait pas encore d’enfants issus de cette union. Le mari, chef de la société familiale, est donc, selon l’ordre divin, le chef de la femme ; il détient une autorité directe et réelle sur son épouse : « Le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Eglise.5»  « Le chef de la femme (mariée), c’est l’homme (l’époux)6.» C’est ainsi que ces deux égaux sur le plan naturel sont inégaux sur le plan social (dans la société domestique). La femme pourra bien être plus riche en dons de la nature ou de la grâce (et être, sous ce rapport, supérieure à l’homme), elle n’en restera pas moins inférieure sous l’angle de la hiérarchie familiale, étant soumise au gouvernement du mari.

L’homme a donc le devoir de commander. « Maris, vous avez été investis de l’autorité. Dans vos foyers, chacun de vous est le chef, avec tous ses devoirs et toutes les responsabilités que comporte ce titre. N’hésitez donc point à exercer cette autorité ; ne vous soustrayez point à ces devoirs, ne fuyez point ces responsabilités. La barre de la nef domestique a été confiée à vos mains : que l’indolence, l’insouciance, l’égoïsme et les passe-temps ne vous fassent pas abandonner ce poste7.»

 

  1. Il va sans dire que cette autorité n’est pas absolue et qu’elle a des limites. La première de ces limites est la loi de Dieu. Lorsque l’ordre donné va à l’encontre des commandements, il ne faut pas obéir, mais résister, et défendre, avec respect, calme et affection sans doute, mais encore avec une inébranlable fermeté les droits de Dieu.

L’autorité étant donnée par Dieu à l’homme pour le bien commun de la famille, ce dernier ne doit rien demander à son épouse qui aille contre ce bien. S’il est évident que telle décision va contre le bien commun, l’épouse est tenue de s’y opposer par tous les moyens moralement permis. Mais si, à la place de la certitude, il y a seulement un doute, l’épouse, ayant fait part à son mari de ses réserves et appréhensions, obéira tout de même, si l’époux n’a pas changé d’avis.

Puisqu’il s’agit d’une autorité sociale, le mari n’a pas à diriger son épouse au for interne (dans le domaine de sa conscience). Cette dernière, dans les domaines de sa vie intérieure et spirituelle, reste parfaitement maîtresse d’elle-même et n’a de compte à rendre qu’à Dieu. Elle pourra bien sûr s’ouvrir de son intérieur à son mari ; mais son époux pourra faire de même à son égard, et sur ce plan, ils sont parfaitement libres et égaux.

Pie XI résumera ce paragraphe : « Cette soumission n’abolit pas la liberté qui revient de plein droit à la femme, tant à raison de ses prérogatives comme personne humaine, qu’à raison de ses fonctions si nobles d’épouse, de mère et de compagne ; elle ne lui commande pas de se plier à tous les désirs de son mari, quels qu’ils soient, même à ceux qui pourraient être peu >>>         >>> conformes à la raison ou bien à la dignité de l’épouse… mais elle interdit cette licence exagérée qui néglige le bien de la famille, elle ne veut pas que, dans le corps moral qu’est la famille, le cœur soit séparé de la tête, au très grand détriment du corps entier8.

 

  1. L’épouse se souviendra donc qu’elle doit obéissance à son mari, et qu’en lui obéissant dans les choses légitimes, elle accomplit la volonté de Dieu : « Que les femmes soient soumises à leurs maris, comme au Seigneur » dont l’époux est dans la famille, l’intermédiaire et le représentant.

Quant à l’homme, il devra se rappeler, dans l’exercice de son autorité, qu’il s’adresse à une compagne et non à une servante. L’épouse lui est soumise, mais comme une aide, une conseillère et une amie. Avec quelle précaution, quelle douceur et quelle délicatesse devra-t-il commander ! Son autorité sera extrêmement humble, condescendante, désireuse de s’effacer au maximum pour ne laisser paraître que l’amour et la liberté. D’où les recommandations de saint Paul : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle… Que chacun de vous aime sa femme comme soi-même. » Alors, transfigurés par l’amour, les ordres auront la douceur du conseil.

 

  1. La femme, soumise à son mari « comme au Seigneur », n’oubliera pas qu’elle est son aide, sa conseillère, et qu’elle ne doit pas être passive à l’égard de l’autorité de son mari. Elle a, vis-à-vis de son époux et de sa famille, un rôle actif à jouer. Sans parler des cas exceptionnels (car, en soi, il ne devrait pas en être ainsi), quoique fréquents (car en fait, cela arrive souvent), ou c’est la femme qui possède les qualités masculines du gouvernement et doit les exercer, en cas de défaillance du mari, pour le bien commun de la famille, l’épouse apporte dans le foyer les richesses du cœur et du dévouement, les intuitions ct les finesses qui sont le fruit de sa grande sensibilité. Ainsi, elle « affine » l’homme, lui communique l’esprit de douceur et de patience et se fait en toutes choses son conseil et son soutien. Cette influence, la femme l’exerce avant tout par l’amour. C’est pourquoi elle est en vérité le cœur du foyer dont la tête est l’époux : « Si le mari est la tête, la femme est le cœur, et, comme le premier possède la primauté du gouvernement, celle-ci peut et doit revendiquer comme sienne la primauté de l’amour. »

 

  1. La maîtresse vertu de l’épouse, c’est l’obéissance surnaturelle. Cela signifie que l’épouse fait son salut principalement en obéissant à son époux. Bien entendu, l’épouse chrétienne a d’autres obligations que celle-là ; mais c’est l’obéissance qui donne son mérite surnaturel à sa vie d’épouse. Rien de ce qui la détourne de cette obéissance ne sera fécond devant Dieu. Mais si elle obéit surnaturellement, par amour et comme au représentant du Christ, alors elle progresse incomparablement mieux que si elle faisait tout autre chose selon son jugement propre.

Il y a dans l’attitude de soumission chrétienne de l’épouse un profond acte de foi en la Providence qui mène à bien son dessein surnaturel avec des instruments limités et déficients. Il ne s’agit donc pas d’abord d’estimer les qualités humaines de son mari, son intelligence ou sa prudence ; non, il s’agit d’avoir confiance dans le Christ, dans le Christ qui saura, malgré toutes les déficiences humaines de l’époux, rattraper les choses si l’épouse obéit. C’est dans cet acte de foi et d’espérance, renouvelé quotidiennement, que l’épouse trouvera le secret de sa sainteté.

 

Alors, épouses, « élevez vos cœurs ! Ne vous contentez pas d’accepter et presque de subir l’autorité de votre époux à qui Dieu vous a soumises par les dispositions de la nature et de la grâce. Dans votre sincère soumission, vous devez aimer l’autorité de votre mari, l’aimer avec l’amour respectueux que vous portez à l’autorité même de Notre-Seigneur, de qui descend tout pouvoir de chef10. »

R.P. Cassien-Marie

1 Eph. 5, 22

2 id. 23

3 Gen. 2, 18

4 Gen. 3,16

5 Eph. 5, 23

6 I Cor. 11, 2

7 Pie XII, 10 septembre l94l

8 Encyclique : Casti Connubii (31 décembre 1930)

9 S. S. Pie XII

10 Pie XII, 10 septembre 1941

 

Au pays des contes à l’envers

Il était une fois un pays où l’on écrivait les contes à l’endroit. Dans ce pays-ci, le méchant loup, qui dévorait les agneaux, était chassé. L’ours, qui menaçait les troupeaux, était tué. Et puis un jour, des gens qui pensaient, assis dans leur bureau, bureau qui se trouvait dans un immeuble, immeuble situé au cœur d’une grande ville, ces gens-là se dirent : « Il est mauvais de chasser les loups, les lynx et les ours. Ils étaient dans notre pays bien avant nous. Ils ont donc le droit, bien plus que nous, d’occuper notre sol. D’ailleurs, nous préférons penser que tout être vivant étant égal à l’homme, c’est à l’homme de s’adapter. » Leur esprit se mit à fumer et, forts de leur idée révolutionnaire qui allait rétablir un ordre pour eux perdu, ces ronds de cuir écrivirent des lois, donnèrent des ordres pour que, à leur avis, la nature pût reprendre ses droits.

Les loups arrivèrent par l’Italie, dit-on. Quant aux ours, on les fit venir de Slovénie pour les réintroduire dans les Pyrénées. L’idée était merveilleuse. Ces ours de moyenne montagne furent lâchés sur les sommets. Il leur fut naturel de descendre vers des lieux plus cléments, habités par l’homme. Les Pyrénéens réagirent. Comment ? s’écria-t-on en haut lieu. L’homme menaçait la liberté de l’ours ? C’était indécent ! Inacceptable ! C’est pourquoi, depuis ce jour, dans ce pays, on commença à écrire les contes à l’envers.

Le loup arriva dans la forêt des Maures. Il s’y trouva bien, le territoire était vaste, le climat agréable ; les cours d’eau, c’est regrettable, étaient parfois réduits en été, à un filet mais il y avait des troupeaux. De beaux troupeaux de brebis et d’agneaux bien tendres. Ces brebis, nommées « museau rouge » en provençal, ne portent pas de cornes. C’est encore mieux, pensaient les novateurs, parce qu’un coup de corne de brebis, cela fait mal. Mais c’est moins bien pour se défendre. Notre loup rencontra une louve et fonda une meute. C’étaient les fantômes de la nuit. Ils avançaient sans bruit, comme en dansant sur leurs hautes pattes. De belles bêtes fourrées de gris et blanc. Crocs pointus, regard luisant, ils n’avaient qu’un seul défaut : il leur fallait manger. Comme la grand-mère du petit chaperon rouge n’était pas là, ils aimaient bien croquer un agneau. Ils n’avaient pas l’habitude de faire des méchouis. Non, les loups avaient des goûts simples, ils attaquaient, mordaient au cou et la victime, en quelques instants, se trouvait pantelante dans leur gueule.

Ils attaqueront nos enfants ! criaient les bonnes gens.

Mais les bonnes gens n’avaient pas de pouvoir, ils étaient relégués, mis de côté. Comment ? Se réclamer du bon sens ? Quel mauvais goût, quel manque de discernement ! N’avaient-ils donc pas lu dans les derniers avis que le pays avait changé de nom ? Un poète avait même rimaillé une nouvelle charte affichée sur les murs de chaque mairie. Ce ne fut pas suffisant pour faire changer les mentalités. On exigea donc que cette charte figure en bonne place dans chaque foyer. Ce texte, d’une valeur littéraire discutable, avait cependant l’avantage d’être clair. En voici quelques extraits :

Cet édit, vous le pensez bien, causa un brave trouble aux bonnes gens. Cependant, leur bon sens étant à toute épreuve, ils trouvèrent un moyen d’obéir sans céder. Le tableau, tenu par un clou vacillant, se trouva affiché la tête en bas sur le mur extérieur des maisons, où bientôt la pluie, le soleil et le vent en firent disparaître le texte.

Pendant ce temps, les loups progressaient. Les bergers imaginèrent de mêler les chiens élevés en même temps que les agneaux, à leurs troupeaux. Ces pauvres patous avaient beau veiller, aboyer, lutter, les meutes faisaient des ravages épisodiques. Ce n’était pas grave, les citadins haut placés pensaient qu’en donnant de l’argent aux bergers, le problème se tasserait. Mais les bergers manifestaient leur colère : « Nous n’élevons pas des brebis et des agneaux pour nourrir les loups ! Quelle colère, quel dégoût ! »

Seulement la forêt des Maures ne suffit bientôt plus à la nouvelle population canine. Elle émigra même dans les villes.

Il en fut de même dans les Pyrénées. Les gens de Paris avaient décidé de faire de cette région de montagne une sorte de réserve touristique. Les chemins de randonnée étaient entretenus, les troupeaux paissaient l’été, laissés plus ou moins à eux-mêmes ; les bergers étaient devenus des salariés qui bénéficiaient de leurs jours de congé obligatoires. Bref, les mentalités avaient bien changé. Seuls demeuraient quelques irréductibles qui se permirent, à leur tour, d’afficher leur charte sur les murs des maisons.

Dans ce pays des contes à l’envers, on vit bientôt des loups siéger dans les mairies et des ours enseigner dans les universités. Les sangliers piétinaient les jardins, les cerfs broutaient sur les chemins.

Les habitants ne pouvaient plus sortir et ne se faisaient plus entendre. Ils eurent alors recours aux bonnes vieilles méthodes, celles qui avaient été le guide de leurs grands-parents. Les églises étant habituellement fermées, peu desservies, ils s’en procurèrent les clefs et entrèrent en procession. Ils dépoussiérèrent les bancs, les allées, les statues. Les dames lavèrent les nappes et fleurirent les autels. Ils allumèrent des cierges, et, à défaut de présence réelle, ils se mirent à invoquer la Sainte Vierge et tous les saints. Mais la Sainte Vierge leur dit : « Comment ? Vous priez la mère et oubliez le Fils ? Comment ? Vous avez oublié que Jésus a confié les clés du royaume des Cieux à saint Pierre ? L’église est la maison de Dieu, allez chercher ses serviteurs, allez chercher les chefs du troupeau des fidèles. »

– Ah ! Pauvres de nous ! Comment allons-nous faire ? Bonne mère, les prêtres ont quitté leur soutane, certains sont allés hurler avec les loups, d’autres ont tout abandonné, perdus dans la forêt de leurs doutes.

– C’est vrai, leur répondit Marie. Mais si vous cherchez bien, vous trouverez les fidèles serviteurs de mon Fils. Ce ne sont pas ceux qui font le plus de bruit. Ils n’officient pas forcément dans de grandes et belles églises. Ils sont peut-être perdus au fond des bois ou au cœur des villes. Ils ont peut-être été rejetés comme la mer abandonne sur le rivage les restes d’un navire. « Cherchez et vous trouverez » a dit mon Fils.

Les Gaulois aiment discuter, disait déjà Jules César. Les Français n’en ont pas perdu l’habitude. Déjà de bonnes personnes ouvraient la bouche pour demander : « Mais à quoi les reconnaîtrons-nous ? » Alors la Sainte Vierge leva simplement les sourcils et tous comprirent : la conversation était terminée. Chacun fit un grand signe de croix. On souffla sur les cierges et sur les bougies. Et, dans toute la France, on sortit des églises. La nuit était tombée. Le ciel était d’un bleu profond et d’innombrables étoiles scintillaient. Tous entendirent au fond de leur cœur la même voix qui leur disait : « Levate capita vestra ! » et chacun obéit. Et cela suffit. Quand les bonnes gens reprirent leur chemin, une étoile brillait sur leur front. C’était la même étoile que celle qui brillait sur le front de saint Dominique, en plus petit, en plus discret. C’était une étoile légère comme la flamme des bougies, aussi claire, aussi belle, aussi fragile aussi. Il fallait certes la protéger des vents adverses mais elle avait la particularité de se fortifier dans la prière et les combats – car chaque prière est un combat et leur combat était une prière. Et ces nouveaux Chouans, ces chefs étoilés partirent à la recherche de leurs pasteurs. Ils ouvraient tout grand les yeux et c’était délicieux, rafraîchissant, d’avoir retrouvé son cœur d’enfant. Les faux bergers étaient tout ternes, les bons bergers avaient cette flamme au fond d’eux-mêmes. Et l’on recommença à prêcher. Et l’on recommença à prier. Les missions furent remises à l’honneur. Le peuple reprenait confiance, le peuple faisait un soulèvement silencieux. C’était une pluie d’étoiles.

Pour les chefs du pays des contes à l’envers, c’était insupportable. Il fallait que tout cela cesse. Ils organisèrent une véritable rencontre, un événement exceptionnel. De la Provence aux Pyrénées, des Alpes au Massif Central, des Vosges aux Ardennes et des Ardennes à la Bretagne, une journée de l’Egalité fut annoncée, prévue et minutieusement préparée. Pour ce jour mémorable, on choisit la date du 14 juillet, dite Fête Nationale. Tous les loups et les ours furent conviés, tous les personnages importants du pays furent réunis. Aucune étoile, hélas, ne brillait sur leur front. Le discours du président commença ainsi : « Si nous nous trouvons aujourd’hui ici, mes chers amis… »

Dès ces premiers mots, les loups grognèrent et les ours aussi. « Mes chers amis ! pensèrent-ils – car ces animaux-là pensaient – mais nous ne sommes pas et n’avons jamais été les amis de l’homme ! »

Cependant le président continuait : « Si nous sommes réunis, c’est pour témoigner aujourd’hui de l’égalité du loup et de l’homme, de l’ours et de l’homme et du loup et de l’ours. »

Le pauvre homme ne put dire un mot de plus.

Toutes les femmes se levèrent indignées : « Encore une fois, on ne parle pas de nous ! Nous sommes tenues pour rien, nous sommes rabaissées, invisibles, inexistantes !  »

Les loups et les ours n’ayant jamais tissé aucun lien d’amitié ni entre eux, ni avec personne, se rebellèrent en même temps.

Ce fut un fameux bouleversement, les animaux sauvages se livrèrent à un combat féroce, personne ne fut épargné, ni bête, ni être humain, sauf les plus intelligents qui partirent en courant. Ils courent et courent encore comme on l’écrit dans les contes de nos grand-mères.

Et c’est ainsi que notre pays put se remettre au travail pour remettre les choses et les contes à l’endroit, pas à pas, à pas d’amour, sous le regard de Dieu.

 

Sophie Oustallet