Corrida, chasse à courre, combats de coqs, autant de pratiques traditionnelles remises en question à l’époque où le bien-être animal est devenu un élément essentiel qui tarabuste la conscience de l’homme moderne. Que faut-il en penser ? Quelles sont les idées sous-jacentes ? L’homme prendrait-il soudainement conscience au XXIème siècle de sa cruauté historique envers l’animal ?
Animal qui d’ailleurs est un être vivant, comme nous ! Capable de sentiments, comme nous ! Capable de s’exprimer, comme nous ! Capable de voir, entendre, toucher, se souvenir, comme nous ! Y a-t-il vraiment une différence entre l’Homme et l’animal ? Est-il normal qu’il y ait domination de l’Homme sur l’animal ? Ne faut-il pas que l’Homme, espèce envahissante, laisse s’exprimer, s’étendre au même titre que lui, les autres espèces qu’il a contraintes ? Le loup et l’ours ne doivent-ils pas eux aussi avoir droit de s’étendre et sinon, à quel titre l’Homme s’arrogerait-il cette supériorité ?
Autant de questions, de débats qui animent nos discussions avec nos contemporains et auxquels il n’est pas toujours facile de répondre. Nous essayerons ici de livrer quelques éléments philosophiques permettant d’initier la réflexion et de désamorcer les réflexes sentimentaux qui nous sont proposés quotidiennement !
Partons tout d’abord du résultat de l’observation : un animal, bien que capable de s’exprimer et de communiquer avec ses semblables (aboiement, chant d’oiseau), ne détient pas le langage. En effet, si c’était le cas, nous aurions observé une accumulation de l’expérience, et une évolution du comportement des animaux au cours du temps et dans l’espace en fonction des apprentissages des espèces, transmis et augmentés de génération en génération : le chien Choupette du XXIème siècle n’a rien appris de son arrière-grand-père Médor du XIXème ni de son ancêtre Idefix né en 50 av. Jésus-Christ.
Or le langage est intrinsèque à la pensée en plus d’en être l’expression : comment penser à une chose ou à un concept, sans le nommer même intérieurement et donc sans utiliser de mots issus du langage ?
Nous l’avons montré, l’animal par nature n’a pas le langage, donc il n’est pas capable de penser. Or la conscience de soi est l’utilisation sur soi de la puissance de penser, c’est-à-dire penser que je pense. Donc l’animal ne peut être conscient, il n’a donc pas dans sa nature, la conscience de soi. En effet, il n’est pas une personne.
Pourtant, s’il vous est arrivé d’observer un chien ou même un singe, ils semblent agir de façon rationnelle. L’animal serait-il tout de même capable de raisonner ?
Saint Thomas se pose la question et nous répond que « dans tous les étants que meut la raison, même s’ils ne sont pas doués de raison, l’ordre de la raison apparaît. Ainsi, la flèche va-t-elle droit au but sous l’impulsion de l’archer comme si elle-même avait une raison qui la dirige. On retrouve donc [dans l’ordre animal] une inclination naturelle à des processus merveilleusement agencés puisqu’ils sont ordonnés par l’Art souverain1 (de Dieu). » Ce sont en effet ces « inclinations naturelles à des processus merveilleusement agencés » que l’on observe chez l’animal, et qui ont l’apparence de raisonnements logiques. Peut-être, par exemple, avez-vous déjà observé une mouette lâcher de haut un coquillage sur du sable dur pour qu’il se brise en tombant ? Aussi « raisonnable » que cela puisse être, cela ne démontre pas pour autant que >>> >>> la mouette possède la raison. Les mouettes effectuent cela depuis des temps immémoriaux et n’en ont pas tiré de leçon ou de déduction applicable à une situation nouvelle. Elles ne font que reproduire encore et toujours les mêmes « inclinations naturelles… »
Nous avons établi que l’animal par nature n’est pas conscient, et qu’il n’a pas de raison. Il est cependant capable d’éprouver des passions animales qui ressemblent aux sentiments humains (craindre, aimer, désirer, haïr) et c’est pourquoi, la tentation est grande de considérer l’animal comme ayant une dignité presque égale à celle de l’homme. Car dans la conception actuelle, l’Homme tire sa dignité de ce qu’il est capable de sentir et de ressentir comme ses congénères !
Ceci étant dit, que penser de la corrida, de la chasse à courre et autres traditions qui « maltraitent » l’animal ? Et que penser de l’élevage intensif où les porcs et les poules vivent toute leur vie dans des espaces extrêmement réduits ?
L’animal, nous l’avons dit, n’a pas conscience de lui, il n’a donc pas conscience qu’il souffre, c’est pourquoi « il » ne souffre pas, mais plutôt « cela » souffre en lui. Au sens où ce qui s’oppose à ses tendances naturelles le fait souffrir. Sa nature, détournée de sa fin, souffre. Il est donc mauvais de faire souffrir un animal gratuitement, pour le faire souffrir, car c’est violenter un ordre naturel dans le seul but d’aller contre cet ordre. Cependant, il semble que se mesurer à l’animal – comme c’est le cas lors des corridas et des chasses à courre – et ce faisant, accidentellement faire souffrir l’animal dans cette lutte en le mettant à mort, ne soit pas contre nature car il est dans la nature de l’Homme de dominer l’animal et dans celle de l’animal d’être dominé par l’Homme. Et que sont ces pratiques si ce n’est l’actualisation de cette domination voulue par Dieu ?
Cette conclusion peut sembler un peu dure à entendre. Mais posons-nous la question pourquoi ? N’est-ce pas parce que nous avons souvent pitié de l’animal en lui prêtant des sentiments identiques aux nôtres ? Et cette pitié est souvent ressentie à différents degrés selon que l’animal en question nous ressemble plus. En effet, qui n’a jamais eu pitié de son poisson rouge pourtant enfermé dans un bocal ? Par contre un dauphin dans un delphinarium brisera les cœurs des moins sensibles d’entre nous.
Et si le loup est protégé, nous n’avons pas encore vu la naissance de la LPM (ligue protectrice des moustiques…).
Quant à l’élevage intensif, il semble que le désordre soit plutôt du côté de la recherche de la rentabilité à outrance dans notre société de consommation, pouvant entraîner des conditions de vie irrespectueuses de la Création et allant parfois contre la nature des animaux soit en cherchant à les développer le plus vite possible à l’aide d’agents chimiques, soit en les laissant dans un état et une saleté qui ne leur est pas naturelle.
Enfin, pour conclure, nous pouvons dire que le « bien-être » animal n’existe qu’en tant que conformité à sa nature, mais pas en tant qu’état de confort, de bonheur, tel que l’Homme seul peut le ressentir consciemment en nommant cet état « bien-être ».
Ces réflexions nous mènent à mille lieues du discours ambiant et cette distance vient du fait que c’est la raison éclairée par la philosophie réaliste qui oriente notre pensée et non le sentimentalisme négateur de la nature, qui mène le monde actuellement ! Nous pourrions même dire qu’il est plus contre nature de mettre l’Homme au niveau de l’animal dans son rapport à la souffrance et au bien-être que de faire souffrir l’animal accidentellement.
Antoine