Honneur à nos parents

Toute la famille est agenouillée devant la statue de la Vierge qui occupe la place d’honneur sur le buffet. Le petit dernier joue dans un coin avec quelques cubes de bois qui traînaient là. Les plus grands récitent le chapelet avec les parents. Les « je vous salue Marie » s’égrènent lentement. Pendant un court quart d’heure, l’agitation quotidienne cesse et vient s’échouer aux pieds de la Vierge. Avec plus ou moins de ferveur, se tenant plus ou moins droit, articulant plus ou moins bien, la famille récite le chapelet. Le temps semble se mettre en pause quelques instants. Les cahiers d’école sont laissés sur la table, le dîner mijote dans la casserole, le téléphone est silencieux… Seuls les ave rythment le temps. Les mystères divins, comme des bannières familières, processionnent dans notre âme. Avant chaque dizaine, les enfants donnent parfois une intention de prière qui leur tient à cœur. C’est la Communion des Saints. On prie pour le voisin, la maîtresse, la mère titulaire, la nouvelle élève, la famille de convertis, l’abbé, les cousins, les amis, pour papa et maman, pour le pape, l’Eglise, la France. Pour les défunts aussi. Nos chères âmes du Purgatoire… Près de la statue de la Vierge, les visages souriants des images « in memoriam » nous regardent. Les petites images sont des fenêtres sur mille souvenirs qui animent les visages figés sur le papier. On entend le rire de bonne-maman, son doux regard, ses petites attentions. Ses précieux conseils aussi. On revoit sa silhouette, mantille sur ses cheveux blancs comme neige, pieusement recueillie à la messe. Et le chapelet qui, souvent, coulait entre ses doigts fatigués. Une petite voix ouvre la cinquième dizaine. « Nous dirons cette dizaine pour bonne-Maman.»

La petite, malgré ses sept ans, conserve jalousement le souvenir précieux de son arrière grand-mère, sa bonne-maman, partie vers le Père, il y a deux ans déjà. Après tout, n’est-ce pas un de nos premiers devoirs que d’honorer nos parents ? Sous le regard de la Providence, ils nous ont donné la vie, en s’engageant dans le mariage, en nous donnant naissance, en nous portant sur les fonds baptismaux. Et bonne-maman, si elle n’avait pas dit « oui » à bon-papa, où serions-nous ? Et bon-papa, s’il ne nous avait donné l’exemple du travail, de l’étude et de la formation, qu’aurions-nous aujourd’hui ? Si tous les deux n’avaient pas fait de Dieu le centre de leur vie, de leur choix, de leurs préoccupations, que ferions-nous aujourd’hui ? S’ils n’avaient pas fait de la Tradition et de la Vérité les piliers de l’éducation de leurs enfants, que penserions-nous aujourd’hui ? S’ils n’avaient pas suivi Monseigneur Lefebvre malgré les sacrifices, à quelle messe assisterions-nous aujourd’hui ? Quel catéchisme professerions-nous ?

Honorer son père et sa mère… Honorer ceux qui exercent une autorité sur nous… Ce commandement vient percuter notre époque moderne. De plus en plus, les générations se détestent. On rejette l’autorité. On méprise l’héritage civilisationnel et chrétien de nos aïeux tout en dilapidant l’héritage matériel qu’ils nous ont laissé. On dit souvent qu’il faut trois générations pour détruire une famille. La première construit, la deuxième profite, la troisième dilapide, ayant perdu le sens de l’effort, du sacrifice et de l’honneur. Combien de générations faudra-t-il pour détruire la Chrétienté et la France ? Cinq ou six, depuis 1918, point de bascule de l’Europe dans la décadence après avoir sacrifié sa courageuse jeunesse ? Il n’est pas certain que beaucoup de générations suivront l’actuelle avant que la France ne change de visage. Peut-être est-elle la dernière… La natalité s’effondre, le pays sombre dans le déclassement sur tous les plans, économique, culturel, diplomatique, la guerre civile guette notre avenir, les églises sont vides quand elles ne sont pas détruites par les pelles mécaniques ou les pyromanes.

Mais Dieu est bon ! Haut les cœurs, car au milieu des ruines, des îlots de chrétienté se dressent, comme les clochers de nos campagnes qui sonnent l’angélus pour continuer d’annoncer à contretemps la Bonne Nouvelle du salut. Des familles portent encore la croix, autour du cou, mais surtout dans leur cœur. Leurs membres sont fiers de porter la croix, leur étendard, ce signe de contradiction face au monde. C’est dans leur sein que Dieu trouve ses derniers amis privilégiés, les dernières vocations, si peu nombreuses, mais si précieuses, pour continuer de donner le Bon  Dieu aux hommes. Ces îlots de chrétienté n’existeraient pas sans le courage de certains pères et mères de famille, qui après 1962, firent le choix de la Tradition, qui malgré le monde moderne, décidèrent de rester fidèles au Christ et à ses commandements, quoiqu’il en coûte. Ils sont nos parents. Honneur à eux ! Honneur selon les hommes, mais surtout, honneur selon Dieu.

Certains ont déjà quitté ce monde pour l’Au-delà. Leurs visages se découvrent entre les pages de nos missels ou sur le buffet, à côté de la statue de la Vierge. Leur souvenir vit dans nos cœurs et dans nos intentions de prières. Car nous connaissons notre catéchisme, nous ne canonisons pas nos parents en les mettant au Ciel trop vite, souvent d’abord pour soulager notre sensibilité. Non, nous prions pour eux, pour que Dieu leur pardonne leurs péchés, qu’Il purifie leurs âmes comme l’or dans le creuset de l’orfèvre pour être lavé de toute impureté, puis, qu’Il les libère du Purgatoire et les emmène au Ciel. Jusqu’au bout, jusqu’à notre propre mort, nous les honorerons, par nos prières, par leur souvenir que nous entretiendrons, par leurs images que nous garderons précieusement.

Honneur à nos parents ! A nos grands-parents !  A nos ancêtres ! A nos prélats, nos prêtres, nos pères, nos saints !

 

Louis d’Henriques

 

Catholique et Français, toujours !

« Paris, c’est nul. C’est tout gris et tout moche. Il n’y a que du béton et du goudron », affirma vigoureusement le garçon.

« N’importe quoi, rétorqua sa sœur, les joues rougies par la colère, Paris c’est la capitale de la France, avec les plus beaux monuments du monde. Notre-Dame, les Invalides, La Tour Eiffel (…) »

« La Tour Eiffel, ce gros tas de ferraille !?! » ricana son frère.

La discussion est animée. Les enfants ne sont pas loin de s’écharper. Lors d’un passage à Paris, à l’occasion du pèlerinage, le grand frère affirma fortement sa satisfaction de quitter enfin la capitale et son béton pour retrouver sa verte contrée, chez lui. Sa sœur, au contraire, les yeux encore remplis des images des grandes avenues parcourues et de la messe, rétorqua que la vie à la campagne dans l’ouest, c’était chouette pour les vacances, pour contempler les vaches aussi, mais que rien ne pouvait dépasser Paris. De là vint une discussion animée. Chacun des enfants ajouta son grain de sel, se réclamant de Corrèze, d’Alsace, de Paris, de la Vendée… La dispute était sur le point d’éclater mais les parents coupèrent court aux échanges.

De plus en plus, les familles déménagent au cours d’une vie. Cela est particulièrement vrai pour les militaires : ils emmènent femme et enfants, dans leur paquetage, au gré des mutations. Mais de plus en plus aussi, les familles de civils changent de région, pour se rapprocher d’une bonne école, pour quitter la ville, pour prendre un nouveau poste. Ainsi, les familles sont moins enracinées qu’autrefois. Certaines ont la chance d’avoir un point d’ancrage, une vieille maison de famille, transmise sur deux ou trois générations, parfois sur plusieurs siècles. D’autres n’ont plus la vieille maison chargée du souvenir des anciens, mais les enfants gardent dans leur cœur le souvenir et la fierté des origines familiales. Et chaque fois que le nom du village des aïeux, celui de la rivière qui le traverse ou la silhouette des paysages qui l’entourent, surgissent dans leur mémoire, les enfants dispersés éprouvent un doux sentiment joyeux et nostalgique, comme un parfum d’enfance qui apaise le cœur. Mais, dispersés de plus en plus aux quatre coins de France, voire au-delà, les familles du XXIe siècle s’enracinent dans de nouvelles contrées. Les enfants, notamment, en plus de la fierté des origines familiales, s’identifient à leur terre d’adoption. Voilà qu’untel, né à Versailles, se sent presque chez lui dans la Galerie des Glaces. Ou unetelle, née à Carcassonne, ne se défend pas contre la pointe d’accent qui chante parfois dans sa voix. Ainsi, le pays de naissance, celui des vacances, des études ou de la première installation devient parfois une nouvelle petite patrie. Mais une patrie naturelle seulement.

Lors de la grande procession, comme chaque année, les pèlerins chantèrent à tue-tête le traditionnel « Catholique et Français toujours » ! Les deux mots sont dans le bon ordre : catholique d’abord, Français ensuite. Car avant notre patrie naturelle, notre patrie du Ciel, notre patrie surnaturelle est la plus importante. C’est elle qui nous vivifie véritablement, c’est en elle que vit notre Père du Ciel, c’est d’elle que nous tenons notre héritage par l’intermédiaire du Christ et de son Eglise. Notre patrie de la terre vient après. Oh, il ne faut pas la négliger, cela ne serait pas chrétien. Dieu a voulu les nations, comme il a voulu les familles. Mais il faut considérer notre patrie de la terre à l’aune de celle du Ciel. Nous sommes fiers d’elle quand elle aime Notre Seigneur, porte son étendard, se soumet à ses lois, instaure son règne social. Mais nous devons combattre ses représentants, son influence, ses lois mêmes, si elle venait à prendre l’étendard de Satan contre Dieu. Alors oui, Catholique et Français, d’abord  Catholique, puis Français. D’abord Jésus-Christ, puis nos pères, nos villages, nos pays, notre nation. Et en ce sens, notre première patrie charnelle sur la terre, c’est Rome.

Rome, choisie par Dieu, entre toutes les cités, pour devenir le siège de son Eglise … Notre patrie à nous tous, les Catholiques. Cet été, beaucoup auront la chance d’y péleriner, de pénétrer dans les grandes basiliques par les portes saintes, d’obtenir les indulgences, biens insignes donnés par Dieu aux hommes, par l’intermédiaire de son vicaire. A Rome, le catholique est chez lui. Il doit se sentir chez lui. Comme parfois, dans d’autres cités de la Chrétienté, devant un calvaire ou à l’intérieur d’une cathédrale, il retrouve l’étendard du Christ et la maison du Père, et s’y sent chez lui. Cela est plus vrai encore à Rome, mère de toutes les églises. Alors oui, chantons gaiement « Catholique et Français », toujours ! Catholique romain d’abord, Français ensuite.

 Louis d’Henriques

 

Catholique et Français, toujours !

« Paris, c’est nul. C’est tout gris et tout moche. Il n’y a que du béton et du goudron », affirma vigoureusement le garçon.

« N’importe quoi, rétorqua sa sœur, les joues rougies par la colère, Paris c’est la capitale de la France, avec les plus beaux monuments du monde. Notre-Dame, les Invalides, La Tour Eiffel (…) »

« La Tour Eiffel, ce gros tas de ferraille !?! » ricana son frère.

La discussion est animée. Les enfants ne sont pas loin de s’écharper. Lors d’un passage à Paris, à l’occasion du pèlerinage, le grand frère affirma fortement sa satisfaction de quitter enfin la capitale et son béton pour retrouver sa verte contrée, chez lui. Sa sœur, au contraire, les yeux encore remplis des images des grandes avenues parcourues et de la messe, rétorqua que la vie à la campagne dans l’ouest, c’était chouette pour les vacances, pour contempler les vaches aussi, mais que rien ne pouvait dépasser Paris. De là vint une discussion animée. Chacun des enfants ajouta son grain de sel, se réclamant de Corrèze, d’Alsace, de Paris, de la Vendée… La dispute était sur le point d’éclater mais les parents coupèrent court aux échanges.

De plus en plus, les familles déménagent au cours d’une vie. Cela est particulièrement vrai pour les militaires : ils emmènent femme et enfants, dans leur paquetage, au gré des mutations. Mais de plus en plus aussi, les familles de civils changent de région, pour se rapprocher d’une bonne école, pour quitter la ville, pour prendre un nouveau poste. Ainsi, les familles sont moins enracinées qu’autrefois. Certaines ont la chance d’avoir un point d’ancrage, une vieille maison de famille, transmise sur deux ou trois générations, parfois sur plusieurs siècles. D’autres n’ont plus la vieille maison chargée du souvenir des anciens, mais les enfants gardent dans leur cœur le souvenir et la fierté des origines familiales. Et chaque fois que le nom du village des aïeux, celui de la rivière qui le traverse ou la silhouette des paysages qui l’entourent, surgissent dans leur mémoire, les enfants dispersés éprouvent un doux sentiment joyeux et nostalgique, comme un parfum d’enfance qui apaise le cœur. Mais, dispersés de plus en plus aux quatre coins de France, voire au-delà, les familles du XXIe siècle s’enracinent dans de nouvelles contrées. Les enfants, notamment, en plus de la fierté des origines familiales, s’identifient à leur terre d’adoption. Voilà qu’untel, né à Versailles, se sent presque chez lui dans la Galerie des Glaces. Ou unetelle, née à Carcassonne, ne se défend pas contre la pointe d’accent qui chante parfois dans sa voix. Ainsi, le pays de naissance, celui des vacances, des études ou de la première installation devient parfois une nouvelle petite patrie. Mais une patrie naturelle seulement.

Lors de la grande procession, comme chaque année, les pèlerins chantèrent à tue-tête le traditionnel « Catholique et Français toujours » ! Les deux mots sont dans le bon ordre : catholique d’abord, Français ensuite. Car avant notre patrie naturelle, notre patrie du Ciel, notre patrie surnaturelle est la plus importante. C’est elle qui nous vivifie véritablement, c’est en elle que vit notre Père du Ciel, c’est d’elle que nous tenons notre héritage par l’intermédiaire du Christ et de son Eglise. Notre patrie de la terre vient après. Oh, il ne faut pas la négliger, cela ne serait pas chrétien. Dieu a voulu les nations, comme il a voulu les familles. Mais il faut considérer notre patrie de la terre à l’aune de celle du Ciel. Nous sommes fiers d’elle quand elle aime Notre Seigneur, porte son étendard, se soumet à ses lois, instaure son règne social. Mais nous devons combattre ses représentants, son influence, ses lois mêmes, si elle venait à prendre l’étendard de Satan contre Dieu. Alors oui, Catholique et Français, d’abord  Catholique, puis Français. D’abord Jésus-Christ, puis nos pères, nos villages, nos pays, notre nation. Et en ce sens, notre première patrie charnelle sur la terre, c’est Rome.

Rome, choisie par Dieu, entre toutes les cités, pour devenir le siège de son Eglise … Notre patrie à nous tous, les Catholiques. Cet été, beaucoup auront la chance d’y péleriner, de pénétrer dans les grandes basiliques par les portes saintes, d’obtenir les indulgences, biens insignes donnés par Dieu aux hommes, par l’intermédiaire de son vicaire. A Rome, le catholique est chez lui. Il doit se sentir chez lui. Comme parfois, dans d’autres cités de la Chrétienté, devant un calvaire ou à l’intérieur d’une cathédrale, il retrouve l’étendard du Christ et la maison du Père, et s’y sent chez lui. Cela est plus vrai encore à Rome, mère de toutes les églises. Alors oui, chantons gaiement « Catholique et Français », toujours ! Catholique romain d’abord, Français ensuite.

 

 Louis d’Henriques

 

Montjoie, Saint Denis !

La forêt grouille du bruit des godillots qui piétinent le sous-bois. Des files de garçons s’avancent précautionneusement, espérant que personne ne les entend. Ils prennent possession du fort. Dans les broussailles, une troupe de garçons en culottes courtes observe « l’ennemi ». Le chef de la bande garde ses yeux rivés vers ces fourbes d’Anglais. Lui-même, avec sa troupe de Français, doit rejoindre sainte Jehanne d’Arc et les armées du roi Charles. Mais après leur avoir volé leur ravitaillement lors du dernier « largage de bouffe », voilà que ces foutus Anglais se sont rendus coupables d’avoir volé Joyeuse, l’épée de Charlemagne. Ils ont déposé la précieuse relique dans leur fortin afin de la protéger des Français. Cela ne se fera. La détermination se lit dans le regard du chef des Français. Il récupérera la précieuse relique et la rendra à Jehanne. Dans sa tête, le chef de patrouille compte les Anglais. Ils sont bien une vingtaine. Le perfide ennemi est sur ses gardes, le gros des troupes est entassé dans le fortin, faisant une muraille humaine derrière les palissades de branches. Le visage illuminé, il se retourne et observe ses petits gars tapis derrière lui. Ils ont les mains sales, le visage barbouillé de charbon, certains se sont attachés des feuilles de fougères avec une ficelle pour améliorer leur camouflage. Les mollets et les bras sont striés de griffures de ronces. Tous les visages sont fixés sur lui, attendant son signal. Dans les yeux des garçons, l’aventure brille de mille feux. La grande aventure, celle qui élève les cœurs et emporte tous les sacrifices. Le chef leur sourit. L’heure de la grande bataille a sonné. Il se lève, en hurlant de toutes ses forces. Derrière lui, le sol tremble sous la charge des scouts. Un grand cri résonne sous les arbres : « Montjoie, Saint Denis ! » Des siècles d’héroïsme déferlent dans les pas des petits gars.

Nous connaissons ces cris de guerre qui transportent les cœurs et anéantissent les peurs. Certains résonnent encore entre les pages des livres d’Histoire : le « Deus Vult » des Croisés, le « Semper Fidelis » des Templiers, le « Saint Georges » des Anglais, le « Toulouse » des comtes de Toulouse ou le « Montjoie Notre Dame » des Bourbons !

Beaucoup de familles héritent aussi d’une devise avec leur nom. Ces cris de ralliement sont comme des bannières sous lesquelles on se rassemble pour faire face à l’adversité ou simplement pour afficher son attachement à quelque chose qui nous dépasse : la famille, la patrie, Dieu. Parfois, le simple fait de crier sa devise, même simplement en pensée, raffermit notre volonté vacillante.

 

Peu après la fin de la deuxième guerre mondiale, un jeune homme mourut accidentellement, tué par une mine anti-personnelle laissée par les Allemands. Sa mort causa une grande douleur à ses parents, ses frères et sœurs, à ses amis, à ses scouts et à son aumônier. Gérald était son prénom. Ses proches l’estimaient pour sa grandeur d’âme, sa générosité, son enthousiasme, sa fidélité à servir là où Dieu l’avait placé. On retrouva quelques écrits et pensées dans ses affaires après sa mort, qui témoignèrent de la Charité qui habitait son âme. Dieu révèlera au Jugement Dernier la grandeur de ces nombreuses âmes saintes et cachées aux hommes, qui fleurissent dans les familles vraiment catholiques. Le jeune homme avait une devise qui résumait toute sa vie : « A bloc, avec le sourire, par la grâce de Dieu ». Les mots d’un chrétien, d’un scout, d’un chevalier dans l’âme ! Peut-être ces simples mots étaient-ils la clé de sa vie intérieure ?

L’enthousiasme du chrétien est un mélange d’abandon et de joie. Abandon, car tout ce qui nous arrive est voulu par Dieu. Sa Providence gouverne le monde. Rien n’est laissé au hasard. Dans toutes les situations, Dieu est présent. Alors, sourions ! Sursum Corda !  Et de là, découle la joie. Peu importe les choses d’ici-bas, seules comptent les choses d’en-haut. Peu importe nos états d’âmes et nos petits désagréments, seule compte la gloire de Dieu. Peu importe notre petite personne et nos faiblesses, seul compte le règne de Notre-Seigneur. Alors, que ne crions-nous pas « Montjoie » avec nos aïeux ! Avec Jeanne, osons, « Seigneur Dieu Premier Servi » !

Nous pouvons nous inventer une devise personnelle ou nous en approprier une, dans le secret de notre cœur. Pourquoi pas « A bloc, avec le sourire, par la grâce de Dieu » ? Ou autre chose. « A Dieu, pour toujours ! » ? Demandons à notre Ange Gardien de nous inspirer. Les anges n’ont-ils pas crié avec saint Michel : « Qui est comme Dieu ? »

Quelques mots qui terrasseront nos peurs et nos caprices ! Quelques mots qui nous aideront à nous vider de nous-mêmes pour nous remplir de Dieu. N’est-ce pas cela, l’enthousiasme ?

Montjoie ! Sursum corda !

 

 Louis d’Henriques

 

Ô saint Joseph, apprenez-nous !

« Oh, papa, vous allez faire des travaux ? » La mine réjouie du petit garçon arrache un sourire à son père. Ses yeux pétillent de joie à l’idée qu’aujourd’hui, avec papa, il va pouvoir jouer avec quelques outils. Oh, il ne lui faut pas grand-chose pour être comblé, à trois ans : un petit grattoir pour ôter les morceaux de tapisserie récalcitrants sur le mur, une vieille éponge imbibée d’eau tiède pour dissoudre la colle et arracher le papier peint, un marteau pour détacher les anciennes plinthes, un tournevis qui demandera toute sa concentration pour rester docilement dans la tête de vis et tourner sans récriminer. En fait, tous les enfants aiment ces journées de travaux dans la maison. Chacun, selon son âge, en fera plus ou moins. Petit à petit, à force de patience, leur aide devient véritablement efficace. Leurs petits travaux deviennent une vraie réalisation, qui, une fois achevée, les rend fiers. Peinture, papier peint, manutention de meubles, corvées de bois, potager, ou plus humblement, coups de balais, aide à la cuisine… Les petites mains s’activent dans la maison et les petits cœurs goûtent la joie du travail bien fait.

Car oui, à l’école de leurs parents et maîtres, l’impatience des enfants à faire, souvent trop vite, laisse peu à peu la place à la joie d’avoir bien fait. Les enfants apprennent la docilité pour imiter le bon geste, la patience pour essayer à nouveau après l’échec, l’humilité pour comprendre que derrière les choses qui se voient se trouvent toujours des tâches plus ingrates, invisibles. Et même, qu’il n’existe pas de beauté dans un travail sans qu’il n’y ait, nécessairement, une tâche, un effort invisible, un sacrifice, un don caché derrière ce qu’on voit. Ce qui attire l’œil n’est véritablement achevé que si l’artisan, celui qui a réalisé l’œuvre, y a mis tout ou partie de son cœur.

Ô saint Joseph, apprenez-nous la charité ! Enseignez-nous, vous qui guidâtes les mains du Sauveur sur le rabot. Une œuvre d’art sans charité n’a aucune valeur aux yeux de Dieu. Mais la plus petite chose, faite avec la plus grande Charité, résonne dans l’éternité par-dessus les siècles. Ainsi, du parfum jeté sur les pieds de Jésus par sainte Marie-Madeleine, ainsi, du bâton sec arrosé par l’obéissance de sainte Rita, puis fleuri et porteur de fruit par sa charité. Ainsi du petit geste, humble, fait dans le secret de Dieu, par amour, qui claquera comme un étendard éclatant sur les parvis célestes au jour du jugement dernier. Ce qui n’est pas fait avec le cœur n’a pas de valeur.

Ô saint Joseph, apprenez-nous la patience ! Vous qui eûtes le plus pur des élèves, apprenez-nous à sans cesse recommencer. A ne pas rester sur un échec, mais toujours, à essayer à nouveau. Puis, à ne jamais se satisfaire du médiocre, mais à toujours chercher à faire mieux, à force d’entraînement. Dans nos œuvres manuelles comme dans nos œuvres intellectuelles et spirituelles. Que nos méditations soient de plus en plus profondes, que nos travaux manuels soient toujours plus aboutis, qu’au bureau comme à la maison, nous ne nous lassions jamais de faire mieux que la fois précédente. Par le travail, l’homme a le pouvoir, reçu de Dieu, de parfaire la Création. Pouvoir immense, qui confère au travailleur une noblesse qui oblige.

Ô saint Joseph, apprenez-nous l’humilité ! Vous qui demeurâtes caché dans l’ombre du Fils de Dieu, enseignez-nous une plus grande humilité, qui nous fera rechercher uniquement l’agrément de Dieu et non celui des hommes. L’authentique goût du travail bien fait comble de joie notre cœur quand nous offrons nos travaux pour la gloire de Dieu, peu importe l’opinion des hommes, peu importe même qu’un seul homme connaisse notre œuvre tant que Dieu la considère. Ainsi en est-il des pierres et poutres de Notre-Dame de Paris, dans des endroits inaccessibles, et pourtant, travaillées avec soin, parfois décorées d’une frise ou d’un autre ornement ouvragé. L’homme du XXe siècle s’étonne :  pourquoi mettre de la beauté là où aucun œil humain ne peut accéder ? Tout simplement parce que l’ouvrier est véritablement chrétien lorsqu’il œuvre pour Dieu d’abord, indépendamment du regard des hommes. Que la pierre soit sur le tympan admiré des pèlerins ou sur le faîte d’un arc de la voûte, elle doit être faite avec le même soin, car Dieu voit les deux.

Ô saint Joseph, apprenez-nous à donner du cœur à l’ouvrage, à patiemment chercher à toujours faire mieux, à ne travailler que pour la gloire de Dieu. Ainsi, nous pourrons enseigner à nos enfants ce goût du travail chrétien, celui qui bâtit jadis les cathédrales de nos villes, celui qui recopia les textes sacrés à la lumière d’une bougie, celui qui défricha les forêts et draina les marais autour des abbayes. Un père qui n’emmènerait pas ses garçons et ses filles travailler avec lui, dans la maison ou au jardin, manquerait à son devoir d’éducateur. Car le travail que nous faisons avec nos mains et notre tête, sur cette terre, à la manière de saint Joseph, est l’image du travail que nous faisons dans notre âme pour édifier la cathédrale de notre sanctification, éternelle, toute offerte à la gloire de Dieu.

 Louis d’Henriques