Comme le Christ a aimé l’Eglise

Le mariage est le sacrement qui tend à rendre un amour humain parfait comme celui du Christ et de l’Église. À travers cette image, nous observons que dans l’amour des époux, Dieu a non seulement donné deux rôles différents et complémentaires à l’homme et à la femme ; mais Il offre aussi un rôle commun aux deux époux dans leur collaboration à l’édification du temple de l’Église composé de nouvelles âmes baptisées, reçues de Dieu par leur naissance au foyer, pour les lui consacrer.

Quand l’amour de l’époux doit avoir la caractéristique d’être chef (comme le Christ est chef de l’Église), d’aimer et sanctifier (comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant), et de nourrir l’âme de sa femme (« Nul n’a jamais haï sa propre chair ; il la nourrit au contraire et il en prend soin. » Saint Paul) ; l’idéal de l’amour de l’épouse prend modèle sur l’Église à travers l’exemple de NotreDame, son modèle le plus parfait. Or la Vierge Marie a été à la fois Mère de Jésus, sa collaboratrice et sa créature (c’est-à-dire celle qui a tout reçu, tout appris de Lui.)

L’exemple du Christ rappelle au mari qu’être le chef, c’est se dévouer pour le salut de son épouse (et celui de sa famille), par exemple en la soutenant dans l’effort qu’elle fait pour devenir meilleure, en l’encourageant et l’épaulant dans son rôle d’épouse et de mère. L’amour des époux catholiques est un don total, qui n’est pas une alliance purement humaine, mais « un contrat où Dieu a sa place, la seule qui lui convienne, c’est-à-dire la première* ». Dans une volonté de sanctification mutuelle et de collaboration avec Dieu lui-même à la continuation de son œuvre « créatrice, conservatrice et rédemptrice ». Ainsi le Christ voulut-il que l’Église, sa mystique épouse, « fût sans tache, sans ride, mais sainte et immaculée » (Saint Paul, Eph.). Est sans tache devant Dieu « quiconque accomplit, avec fidélité et sans faiblesse, les obligations de son état* ». Dieu n’appelle pas tous ses enfants à l’état de perfection, mais Il invite chacun d’eux à la perfection de son état.

 Telle est l’union des époux chrétiens, et celle du Christ et de son Église, selon la célèbre expression de saint Paul. « Dans l’une comme  >>> >>> dans l’autre, le don de soi est total, exclusif, irrévocable ; dans l’une et dans l’autre, l’époux est le chef de l’épouse, qui lui est soumise comme au Seigneur ; dans l’une et dans l’autre, le don mutuel devient principe d’expansion et source de vie*. »

En s’incarnant, le Fils de Dieu, sauveur du genre humain, éleva le lien conjugal de l’homme et de la femme à la dignité de sacrement. La mission des époux chrétiens dans l’Église n’est pas seulement d’engendrer des enfants pour les offrir, pierres vivantes, au travail des prêtres, ministres plus élevés de Dieu. Les grâces, si abondantes, que le mariage a communiquées aux époux par le sacrement de mariage, leur ont été données également pour se sanctifier, s’éclairer et se fortifier mutuellement dans leur ministère corporel et spirituel, pour mener toute leur famille au bonheur du ciel voulu par Dieu.

Notre mariage est un travail quotidien d’abnégation, de dépouillement de nous-mêmes pour l’amour de l’autre, pour son bien supérieur. Le considérons-nous avec les yeux de Dieu, ou ceux du monde ? Ce qu’une épouse fait à son mari, elle le fait au Christ lui-même. L’amour de l’époux pour sa femme doit être celui du Christ pour son Église. Comme dit si bien l’abbé Ludger Grün (Le vin de Cana) « l’amour dans le mariage devient le thermomètre de l’amour pour Dieu ».

N’oublions pas que les grâces de notre mariage nous aident à nous rapprocher du Christ-Église. La branche doit s’accorder à l’arbre. Plus nous sommes fidèles aux grâces, plus la vie du Christ et de l’Église apparaît dans la vie des époux. Le Christ attend de sa vigne les fruits correspondants. Alors ne laissons pas perdre, ne gaspillons pas les fruits de la grâce de notre mariage.

Sophie de Lédinghen

 

* Pie XII, Allocution aux jeunes époux (8 nov. 1939)

 

 

La vie familiale

Nous vous livrons ici quelques pensées tirées du livre du Père A.D. Sertillanges (1863-1948), La vie familiale.

Notre idée générale de la vie catholique : union à Jésus-Christ en tout, de telle sorte que par l’infusion de son Esprit dans tous les cas humains qu’il adopte, Jésus-Christ se poursuive en nous tout au long du temps.

Voyez comme Jésus-Christ dépend du foyer où naissent et s’alimentent toutes les existences. Le foyer, point de départ de tout, siège d’une humanité en raccourci : la famille.

Pour que Jésus vive dans l’humanité et pour que l’Église, sa continuation authentique, subsiste, il faut que le foyer l’abrite et l’adopte ; il faut que la vie, qui meurt, soit sans cesse renouvelée, que l’avenir sorte du passé, que l’amour procrée et que l’éducation achève d’enfanter ceux que le baptême et les autres sacrements auront pour rôle de régénérer, c’est-à-dire d’engendrer à la vie de la grâce.

Jésus attend, pour naître en nous tous, que la famille chrétienne lui donne vie ; qu’elle fasse éclore sa nouvelle flamme et ne la tienne pas sous le boisseau ; qu’elle lui procure la chaleur vitale d’où procèdent les jaillissements, d’où partent les élargissements qui répandront la vie sur la terre.

Miracle du foyer ! L’humanité sans cesse fléchissante assure à Dieu qui ne meurt pas une perpétuité temporelle pour son œuvre. 

De génération en génération, de baptême en baptême, de mariage en mariage, d’esprit en esprit et de cœur en cœur comme de chair en chair, de maison en maison, de domaine en domaine, de fortune en fortune, de situation en situation, de famille élargie en famille plus complète et plus ample : cité, peuple ou famille de peuples, la chrétienté avance. La route des âges voit se dérouler le cortège ainsi qu’une procession. Jésus est en tête avec sa croix ; Jésus est en arrière en son Sacrement ; Jésus aussi est tout du long, comme une eucharistie humble et grande, comme un Dieu spirituellement incarné en tous ses enfants ; car ce n’est pas seulement sur le pain, c’est aussi sur les hommes que la consécration se prononce, et c’est bien une réalité, l’appel de tous à devenir dans l’Église comme un « corps de Dieu ».

Les vagissements des berceaux préluderont au murmure des prières, aux paroles de vérité et de vie, et toute l’activité chrétienne portera promesse d’immortalité pour ce que notre vie s’incorpore et entraîne.

Toute famille est une sainte famille ; tout père rappelle Joseph ; toute pieuse mère

Marie, et tout enfant Jésus.

Après tant d’autres sur la terre et avant tant d’autres, qu’il est donc grand de marcher en famille vers le ciel !

Pour les parents, toute la vie familiale est un dévouement ; ceux qui y chercheraient uniquement leur propre bonheur n’en seraient pas capables ; en tout cas le bonheur qu’ils goûteraient ne serait pas celui d’aimer ainsi que père et mère. L’amour des père et mère est un amour de don ; il coule, il ne remonte pas ; il n’exige pas de retour.

Voici le père qui peine : car il faut peiner pour faire face à une situation qui engage plusieurs êtres et qui est ambitieuse du fait que la famille ouvre sur l’avenir. La vie du père, sa vie catholique, c’est d’être père en tous les sens du mot ; c’est d’être pourvoyeur, défenseur, gardien, modérateur ou excitateur, justicier au besoin, correcteur en tout cas, nourricier pour le corps et l’âme. C’est ensuite d’être époux chrétien, c’est-à-dire d’enfermer l’amour dans un ordre qui en assure l’emploi paisible et utile, loin des passions malsaines, dans une exacte discipline du cœur et des sens, domptant, en même temps qu’il la satisfait, la nature physique.

De son côté, la mère trouvera dans Nazareth la femme qui lui offre et lui intime doucement l’idéal des mères. Unie à son époux et formant avec lui en faveur de l’enfant un unique principe ; sachant aider, patienter, régenter et organiser, acceptant au besoin de souffrir ; vivant pour ses enfants en vivant avec ses enfants, pour son mari en vivant la vie de son mari qu’elle double au-dedans et qu’elle secourt ou conseille plus d’une fois au dehors. Elle est reine de l’intimité. C’est à elle de veiller à ce qu’une même attirance fixe au foyer celui que sollicite le dehors, y ramène l’inconstant, y attache la parenté, y invite ceux que l’amitié peut élire au profit commun.

Les frères, les sœurs, enfants principalement doivent demeurer aussi sous la loi qui veut que tout soit donné, au foyer, à l’heureuse poussée des êtres. Ils obéissent pour être formés ; ils travaillent ou s’efforce(nt) en de petits services, ce que doit être chrétiennement une association de frères. On joue ensemble avec entrain, car le jeu est la vie de l’enfance ; mais peu à peu le jeu cède et le sérieux s’installe. On se connaît à fond ; on se rejoint sans peine ; on se complète l’un par l’autre, additionnant les ressources et soustrayant les défauts que le frottement réduit ; on partage les mêmes soins ; on se réjouit des mêmes affections ; on n’est jaloux qu’en faveur de l’un ou de l’autre ; on évite les disputes ; on se porte secours ; on se sert de lien entre enfants et avec les parents ; on s’aide à mieux juger et à se mieux disposer ; on sourit au présent qui est paisible encore et, en face d’une croix minuscule, on apprend à souffrir.

La famille est un départ de vie, et la famille chrétienne divinise cette vie par sa jonction avec celle du Christ qui l’adopte et l’inspire. Elle se fait des trésors dans le ciel. Et elle s’en fait également sur la terre. En acceptant l’harmonie des devoirs on assure la vie tout entière. On ne peut en bannir la souffrance, qui est le lot inévitable et d’ailleurs utile.

Avant l’éternité, rien ne donne une sécurité plus grande, parmi les arrangements humains, qu’une famille étroitement unie, adonnée à tous ses devoirs, et chrétienne.

Dans ce modèle réduit de l’existence, il y a tout ce qu’il faut pour donner le chef-d’œuvre ; car Dieu est un sculpteur qui essaie dans la glaise et qui ébauche sur la sellette étroite du foyer les marbres destinés aux avenues de la terre et aux pavillons du ciel.

 

Père A. D. Sertillanges (1863-1948)

Extraits de La vie familiale

 

L’homme et la femme, une énigme l’un pour l’autre

 

Que deux êtres aussi différents que l’homme et la femme arrivent à s’ajuster en une entité vivante, le couple : voilà bien un des miracles du mariage. Ce n’est qu’à la longue qu’on se rend compte de la profondeur de leur différence. Homme et femme n’ont pas seulement des idées différentes, mais ils pensent et ressentent tous les éléments de leur vie selon un mode différent.

Cette opposition psychologique est fondée en partie sur leurs fonctions biologiques. La femme qui conçoit et forme en elle un enfant, qui l’allaite, l’éduque et le construit pas à pas pendant des années, est douée d’une compréhension naturelle pour ce qui est vivant, animé, personnel.

L’homme, en revanche, confie son germe à la femme et ne s’occupe plus de son développement. En revanche, il est appelé à construire une habitation pour sa famille, à lui procurer la nourriture, à la défendre. Son orientation est donc avant tout technique, son objet étant les choses inanimées qu’on peut partager et ajuster à volonté. Son œuvre, il peut la faire et défaire une douzaine de fois afin de la perfectionner toujours plus. L’homme « classique » sera l’artisan, l’inventeur, l’explorateur, le chevalier sans peur et sans reproche. Son désir de perfection le rendra souvent révolutionnaire, tandis que la femme a un trait conservateur. Elle conserve la vie !

En raison de leurs fonctions propres, l’homme et la femme ne verront donc pas la vie sous le même aspect. La femme a une tendance à regarder les objets inanimés comme des êtres vivants tandis que l’homme, lui, cherche à démonter le « mécanisme intérieur » des êtres vivants. […] L’homme a une logique uniforme pour toute chose […]. Pour lui, deux fois deux font quatre, en tout temps et sous toutes les latitudes. La femme, elle, voit dans chaque personne un être unique, qui doit être compris comme tel et qu’on ne peut assimiler à aucun autre. Elle a l’esprit de finesse et trouve que la logique reste toujours à la surface. Aussi pour elle, deux fois deux ne font jamais exactement quatre. Ce n’est pas un manque de logique comme le croient volontiers les hommes, mais une mathématique appliquée à la vie, qui est l’élément de la femme. Tous les biologistes savent en effet que dans le règne du vivant, deux fois deux ne font jamais exactement quatre.

Or ces deux modes de pensée de l’homme et de la femme s’appliquent aussi à la manière dont ils éprouvent leur propre vie. La femme est une unité indissoluble de corps, d’âme et d’esprit. Un souci, une émotion, se traduiront très vite chez elle par un trouble physique, tandis qu’une fatigue ou indisposition physique aura tout de suite une répercussion psychologique. L’homme fait des cloisons étanches entre le corps, l’âme et l’esprit c’est pourquoi il ne se connaît jamais aussi bien que la femme, il se frappe davantage quand son corps est malade, il ne comprend pas ses rêves et a peur du mystère de la Vie. La femme, qui est douée de cette compréhension naturelle de la vie et des personnes, est plus sûre d’elle que l’homme. Inversement l’homme ressent, plus ou moins consciemment, un certain sentiment d’infériorité à son égard. C’est pourquoi l’épouse avisée tâchera toujours d’atténuer ce sentiment d’infériorité chez son mari, en lui faisant confiance, en l’admirant, en l’inspirant de son intuition et de son sentiment vital. Inspirer veut dire insuffler à quelqu’un ce qu’il n’a pas.

Voilà quelques traits de caractère des deux êtres qui s’affrontent dans le mariage. Cela signifie qu’ils vont avoir quelque peine à s’entendre, qu’ils vont se reprocher leur « manque de compréhension » ou leur « manque de logique ». Peut-être même qu’ils n’arriveront jamais à se comprendre « parfaitement ». Mais est-ce nécessaire, au fond ? […] Point n’est besoin de se comprendre jusqu’au fond pour s’aimer, pour se compléter, pour former un couple. Aussi bien ces quelques explications n’ont pas pour but d’augmenter nos connaissances psychologiques afin de permettre une pleine compréhension entre mari et femme : à cela des volumes ne suffiraient pas. Elles voudraient simplement montrer au mari que si sa femme pense tout autrement que lui, ce n’est pas par « bêtise », mais parce qu’elle est d’essence différente. Et elles voudraient consoler la femme sur « l’incompréhension » de son mari en lui montrant que la fonction de celui-ci n’est pas de la comprendre parfaitement mais de l’aimer en chevalier.

Dans le couple, dans l’ « être conjugal », le mari est le « chef », c’est-à-dire la tête, la femme est le « cœur »1. Leurs fonctions respectives se distinguent et se complètent en parfaite analogie avec ces deux organes. Le mari regarde et écoute au loin, il parle au nom du couple, il dirige la marche commune ; la femme nourrit et réchauffe toute la famille, sa présence bienveillante est partout ; là où elle manque, on ressent un vide mortel. Mieux chaque époux acceptera sa propre fonction, plus il jouira de la fonction de son conjoint.

La différence entre homme et femme se traduit même dans notre attitude envers Dieu. En effet, Dieu n’a pas créé d’être asexué, mais il a créé l’homme et la femme et il leur parle à chacun différemment. En lisant la Bible, on est frappé de voir combien souvent Dieu « envoie » un homme. Il envoie Moïse, il envoie Gédéon, il envoie Nathan et tous les prophètes ; enfin il envoie Jésus, son Fils, et celui-ci envoie ses disciples « comme des brebis parmi les loups ». Or il n’est jamais dit que Dieu envoie une femme, bien qu’il y ait eu des prophétesses et même, si nous pensons à Déborah, des femmes qui s’entendaient mieux à la guerre que les hommes.

Cet être sans cesse porté au dehors de lui-même, qui cherche toujours à se dépasser, à créer du nouveau, qui poursuit une image intérieure et cherche à la réaliser coûte que coûte, cet être qui est toujours prêt à renier ce qu’il a fait pour inventer du meilleur, cet être fier et inquiet, destructeur et constructeur de villes – l’homme -, Dieu s’en sert pour ses plans. L’homme est comme une flèche dans la main de Dieu. Sa liberté consiste à accomplir Sa volonté. Car tant qu’une flèche repose à terre, elle n’est pas libre, ce n’est que quand elle est envoyée, quand elle vole en l’air qu’elle est vraiment libre. Ainsi en est-il de l’homme.

La femme, au contraire, assiste à la création de Dieu dans son propre sein, dans son enfant. « Elle conserve sa Parole et la repasse dans son cœur.» Sa grande œuvre est simplement de dire oui à Son appel. « Me voici : je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole ! … »

Toutes les énigmes ont des solutions. L’énigme de la femme pour son mari, celle du mari pour sa femme, trouvent leur solution à l’instant où nous nous rendons compte qu’elles ne sont qu’une petite facette d’un grand mystère. Et qu’en vivant le mystère de notre mariage, en le vivant dans tous ses détails quotidiens et charnels, nous participons au grand Mystère dont il est l’image et qui est tout notre salut.

 

Théodore BOVET

 

1 Cf « La tête et le cœur » FA n° 8

 

L’amour est exigeant

En se mariant, les époux catholiques cherchent dans la vie matrimoniale une nouvelle dimension qui perfectionne leur vie. Lorsqu’ils se donnent vraiment l’un à l’autre par le mariage, corps et âmes, ils s’enrichissent mutuellement des vertus de chacun. Au début, tout est simple ; c’est avec le temps que viennent peu à peu les petits désaccords, les douleurs, les épreuves de toute vie qui risquent de diviser si l’on n’y prend garde.

L’amour authentique exige une démarche de dépassement continuel, d’où sa grandeur. Si on lutte pour l’augmenter, s’il est sans cesse renouvelé avec courage, cet amour sera protégé. Les épreuves et difficultés ne représenteront alors aucun danger pour l’amour des époux, au contraire, elles le consolideront et le confirmeront. Le sacrifice partagé les unira profondément.

Aimer et être aimé

L’homme et la femme trouvent leur épanouissement dans le fait d’aimer et d’être aimés. Il en est de même pour leurs enfants, fruits de cette union, qui auront besoin d’affection, de joie et d’enthousiasme, dans le foyer où ils grandiront. Vis-à-vis des enfants aussi, les parents ont le devoir de s’aimer mutuellement, de rester unis, dans un souci quotidien de perfection.

Ainsi les époux comprennent que la sainteté ne consiste pas seulement à accomplir des actes de piété, mais à faire preuve d’indulgence, de patience, de pardon, d’oubli de soi-même pour l’autre, laissant l’amour de Dieu guider leur vie entière.

L’amour est exigeant

Comme le dit saint Paul, l’amour est patient, rend service et supporte tout. Seul celui qui sait être exigeant pour lui-même, au nom de l’amour, peut demander de l’amour en retour. C’est dans cet amour exigeant que se trouve le fondement, la solidité de la famille : il supporte tout, il n’est pas hautain ni envieux, il croit tout, il espère tout, il endure tout. Dans un tel amour agit la grâce du Christ Rédempteur et Sauveur du monde.

La conception chrétienne du mariage suppose une harmonisation de l’union physique et affective avec l’union spirituelle et surnaturelle. S’il n’y a pas une union de ces quatre aspects, le mariage perdra sa stabilité.

Le perfectionnement de cet amour conjugal durera des années… Il est sans fin. Mais ce seront des années heureuses si l’on fait l’effort de surmonter les frictions, les difficultés, les incompréhensions, Dieu veuille que ce soit toujours avec le sourire, même si parfois cela coûte beaucoup ! Il est naturel que ce ne soit pas facile, ni tout rose. Il ne faut donc pas s’accabler lorsque tout semble s’effondrer. Il convient de toujours lutter, vouloir être heureux en rendant l’autre heureux, conquérir le bonheur. Souvent, grâce à un regard serein, une montagne insurmontable devient un petit col, dont le franchissement redonne un courage purifié de l’égoïsme.

La grâce sacramentelle n’est pas donnée seulement pour le jour des noces. Le mariage est une source continuelle de grâces ! Si les époux sont fatigués et pensent qu’il est impossible de persévérer, ils devraient s’en souvenir et demander à Dieu de raviver la force de la grâce qui est en eux.

Avec la grâce, la charité augmente et, enracinée dans la foi surnaturelle, elle donne à l’homme une capacité inaccessible par ses propres moyens et devient une réalité divine dans l’âme de vie intérieure. Saint Paul exprime le contenu de cette vertu en disant : « La charité est patiente, la charité est serviable ; elle n’est pas envieuse, ni fanfaronne, ni orgueilleuse, ni blessante, elle ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne garde pas rancune du mal ; elle ne se réjouit pas de l’injustice, elle met au contraire sa joie dans la vérité ; elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout. » (1 Co 13,4-7)                  

Dans le mariage, pour conserver et même augmenter leur amour conjugal, les époux seront donc attentifs à ne pas dissocier les quatre  aspects de leur amour :  l’amour physique, l’amour émotionnel, l’amour des idéaux et l’amour surnaturel, en pensant continuellement que la grâce reçue le jour béni de leur mariage ne meurt jamais.

 

Sophie de Lédinghen

 

Se sanctifier pour le salut des autres

Se sanctifier personnellement sans autre préoccupation que son propre salut, sans souci du salut de son prochain est une fausse conception de la vie chrétienne. Chercher la perfection égoïstement, c’est oublier la grande loi de charité et de solidarité chrétienne. « Aimer Dieu » et « aimer son prochain » sont deux commandements semblables.

Notre devoir absolu est de sauver notre prochain en même temps que nous nous sauvons nous-mêmes. Nous ne pouvons pas concevoir une âme vraiment chrétienne qui se désintéresserait du salut des autres. Aimerions-nous que Dieu nous pose la même question qu’à Caïn « Qu’as-tu fait de ton frère ? »

Pour que notre vie spirituelle soit conforme à la charité, il est nécessaire que soit implantée au fond de notre âme la certitude que Dieu a créé par amour tout homme sans exception. Pour être parfait comme notre Père est parfait, il nous faut les aimer tous indistinctement. La charité exige que les deux époux de notre foyer soient décidés au salut du prochain comme nous le sommes à assurer le nôtre. Tous, enfants du même Dieu, nous devons contribuer à notre sanctification mutuelle en vue de notre salut commun.

« Le sel de la terre »

Le salut n’est donc pas une œuvre individuelle puisque l’action des chrétiens du monde entier est comparée par Notre-Seigneur au sel qui donne le goût aux aliments. La vie humaine est fade, pleine d’embûches et de contradictions. Elle n’aurait aucun sens tant qu’on ignore le plan divin : devenir le sel de la foi et de la sagesse chrétienne. Ces paroles du Christ nous invitent à nous sanctifier pour que la vie spirituelle se communique en quelque sorte au monde entier. Pour donner la vie, il faut être vivant. C’est pourquoi seront rejetés ceux qui auront reçu les lumières de l’enseignement religieux et n’auront pas su s’en servir pour en vivre et le répandre autour d’eux, qui n’auront pas su changer d’âme et conformer leurs sentiments et leur conduite à l’enseignement reçu.

Les pharisiens ont reçu le sel de la foi, mais n’ont pas su en garder la saveur. Leur faux zèle leur vaut de la part de Jésus les pires sévérités. C’est donc qu’Il considère que, par leur orgueil, leur matérialisme religieux, par la transformation de la vie spirituelle en pratiques purement cultuelles et extérieures, ils ont affadi le sel qu’ils étaient. Ils sont devenus inutiles, voire dangereux.

Si nous ne voulons pas laisser s’affadir le sel que nous sommes, il nous faut constamment vérifier nos dispositions : voir comment nous pratiquons les enseignements de Jésus-Christ, si nous vivons notre foi sans nous contenter des pratiques extérieures, si notre zèle apostolique est désintéressé et n’est pas un moyen de nous imposer aux autres par esprit de domination ou volonté orgueilleuse.

« La lumière du monde »

Que votre lumière brille donc devant les hommes pour qu’ils puissent voir vos bonnes œuvres et rendre gloire à Dieu qui est dans les cieux. Nos bonnes œuvres sont les fruits qui permettent à nos frères de découvrir la valeur de l’arbre, et de conclure que le Dieu auquel nous croyons est également bon ! Si le disciple ressemble au figuier maudit (arbre ayant beaucoup de feuilles magnifiques, mais sans fruit), il est inutile et bon pour le feu. Les belles paroles ne suffisent pas ! Seuls les croyants qui se sanctifient seront la lumière du monde. Leur vie sera la lumière qui luit dans les ténèbres.

« L’aveugle qui conduit un aveugle »

Si un aveugle conduit un autre aveugle, enseigne Jésus, l’un et l’autre tomberont dans le fossé. Les pharisiens prétendent convertir le monde, imposent à tous leur façon de voir et sont aveuglés au point de voir dans Jésus un possédé au lieu du Messie attendu. Ils entraînent dans leurs errements ceux qui les suivent, et tous se perdent.

Que les chrétiens soient éclairés s’ils ont la prétention de conduire les autres. Avant de voir la paille dans l’œil du prochain, il faut que nous voyions la poutre dans le nôtre ! Seuls les cœurs purs verront Dieu et aideront les autres à le voir.

 

« Je suis la vigne et mon Père est le vigneron »

Si Jésus est la vigne dont nous sommes les sarments, rappelons-nous que le vigneron tranche les sarments qui ne portent pas de fruits et les jette au feu. Il émonde au contraire ceux qui portent déjà des fruits pour qu’ils en portent davantage. La même sève coule dans nos veines et dans celle de Jésus. C’est pourquoi il nous faut demeurer en Lui pour qu’Il demeure en nous. Le sarment ne peut porter du fruit par lui-même, mais seulement s’il demeure uni à la vigne. Sans Jésus nous ne pouvons rien. Cette union est d’autant plus utile que ce n’est pas notre vie qui sauvera les autres, mais la vie de Jésus-Christ.

C’est par cette union à Jésus-Christ que nous sommes instruments de conversion, et que notre prière et nos actions seront efficaces auprès de notre prochain. Il ne s’agit pas de porter du fruit avec orgueil, ou pour s’assurer égoïstement le Ciel, mais pour que Dieu soit glorifié par notre intermédiaire.

Il n’y a donc pas, à proprement parler, de méthode d’apostolat. La pédagogie remarquable des enseignements de Notre Seigneur suffit ! Il y a seulement la sainteté qui éclaire et l’amour qui enflamme.

L’âme sainte plaît à Dieu ; elle vit avec Lui dans une intimité de tous les instants. Elle lui parle, elle l’implore, elle lui demande des grâces, et Jésus les lui obtient parce que Dieu n’a rien à refuser à ses amis.

Sophie de Lédinghen

 

Inspiré de : Quelques principes de vie et d’action chrétienne (Abbé Jean Viollet)