L’éducation bienveillante

« Cela empire ! Je le vois dans les magasins, dans la rue, les petits diables, mes « enfants roi » pullulent. Et mes consultations vont dans le même sens : les enfants ou adolescents que je reçois n’ont guère de problèmes d’estime de soi ou de confiance en soi. Ils ne souffrent pas plus de quelconques cicatrices ou carences affectives, la majorité d’entre eux ne peut tout simplement pas s’accommoder des frustrations inhérentes à la vie. Et je tente d’aider des parents qui ne savent plus quoi faire, des adultes qui me disent avoir « tout » essayé : en fait ils ont, pour la plupart, été séduits par la nouvelle méthode éducative de la dernière décennie : l’éducation positive ou bienveillante. » (Didier Pleux)

Ce que ce psychologue clinicien et psychothérapeute constate ici, il l’a aussi observé dans les milieux le plus souvent bourgeois aisés de plusieurs pays (Maroc, Côte d’Ivoire…) où les parents disent avoir tout fait pour leur progéniture (souvent en les gâtant matériellement), n’obtenant en retour que des conflits, des refus de la scolarité, des comportements addictifs. Ces parents témoignent pourtant qu’ils ont toujours été « bienveillants », voulant donner à leurs enfants une éducation moins autoritaire que celle qu’ils avaient connue.

 

D’un excès à un autre

L’enfant n’est donc plus considéré comme un être en devenir qu’il faut élever (e-ducere), mais comme un égal qui, lui aussi, doit avoir très tôt son autonomie. « Le parent se doit d’être le moins « parent » possible et de n’intervenir que dans le positif, avec empathie, et toujours privilégier l’ego de son enfant, au détriment, le plus souvent, de son épanouissement d’adulte. L’enfant doit être avant tout heureux. » (Idem) Dans cette « recherche du bonheur » se sont engouffrés de nombreux « experts en éducation » : puisque l’humain se doit d’être heureux, il faut désormais proposer aux enfants une philosophie de vie positive, un rationnel toujours bienveillant. Bref, de l’amour, de l’amour, mais jamais au grand jamais la moindre hypothèse éducative « déplaisante » voire « frustrante » !

Voulant fuir une sévérité qui leur a semblé excessive, les parents adoptent une attitude parfaitement démagogique. Devenant les « meilleurs copains » de leurs enfants, ils se mettent à leur niveau, et croient les aimer mieux en n’osant pas les contraindre, en faisant les choses à leur place, et l’on mesure aujourd’hui la qualité des fruits de cet arbre !

 

Aimer vraiment ses enfants

L’autorité des parents est une délégation de Dieu, c’est de lui que découle toute autorité. Ayant reçu la mission de collaborer à ses œuvres tant pour la procréation que pour l’éducation des enfants, les parents exercent légitimement le pouvoir de commander. Mais, devant Dieu, ils ne restent pas moins responsables de la manière dont ils exercent leur autorité. C’est pour donner des âmes à Dieu que les parents procréent et éduquent leurs enfants. C’est parce que l’enfant est destiné à la perfection que ses parents doivent le respecter et considérer sans se lasser son bien supérieur.

Cet enfant porte en lui les germes du bien et du mal, il est ainsi destiné à bien ou mal tourner suivant qu’il sera bien ou mal élevé. Naturellement confiant, il croit à la parole de ceux qui sont chargés de son éducation. Le respect qui lui est dû exige qu’on ne le trompe jamais et qu’on lui dise toujours la vérité. Élever un enfant, c’est lui faire prendre toute sa taille d’homme et de fils de Dieu, c’est le soulever au-dessus de l’animal, jusqu’à l’homme, bien plus, jusqu’au Christ, jusqu’au ciel, jusqu’à Dieu.

L’éducation doit s’effectuer par le dedans, par l’intérieur, que les parents ne l’oublient jamais, elle est autant l’œuvre de l’enfant que celle de ses parents, à condition que ces derniers sachent éveiller chez lui le désir de se grandir, de progresser, de se perfectionner.

Pour cela, l’enfant doit comprendre que ses parents veulent son bien parce qu’ils l’aiment et veulent son salut, qu’ils le reprennent, se fâchent parfois dans le seul but d’obtenir un progrès de sa part parce que ce progrès le rendra meilleur ou plus fort. S’il a compris cela, l’enfant se laissera guider, « élever » par ses parents, et cela ne se fera pas sans efforts de caractère, sans renoncement à sa volonté propre.

Pour grandir, un enfant a besoin de règles, de limites, de repères, qui le sécuriseront. Il a besoin d’interdits pour se construire en fuyant le mal au bénéfice du bien. C’est parce que les parents aiment leurs enfants qu’ils se doivent d’être exigeants, en fortifiant peu à peu leur caractère et leur volonté. Cela commence par des petits efforts quotidiens : faire son lit le matin, ranger sa chambre, rendre service, respecter ses parents…

En faire « les hommes de demain »

Certains parents ont mauvaise conscience à demander un service à leur enfant, pensant que c’est lui demander d’assumer leur propre travail ; or l’enfant a besoin de responsabilités, de sortir de lui-même en se donnant aux autres ; c’est aussi là une marque de confiance que ses parents lui font en le responsabilisant, et n’est-ce pas en faisant que l’on apprend ?

En élargissant son domaine d’apprentissage, l’enfant, tout heureux de faire comme un grand, prend lui-même confiance en lui et se fortifie en devenant plus audacieux, jusqu’à même oser prendre des initiatives ! Quelle joie, alors, pour lui, d’avoir fait une bonne surprise à ses parents !

Les activités extérieures, en groupe ou cours particuliers, lui ouvriront de nouveaux horizons, en dehors de la maison, et selon ses aptitudes ou talents. Qui se souvient de son premier camp de louveteaux, de la joie d’avoir dormi sous la tente, allumé tout seul un feu…, est marqué à vie ! Il suffit de voir tous les bon sourires épanouis au retour de nos jeunes « guerriers » crasseux, fatigués, mais si heureux !

Grand imitateur, l’enfant observe tout et reproduit inévitablement. Fâchez-vous en lui criant dessus, et il vous répondra quasiment sur le même ton…Parlez-lui gentiment mais fermement, il vous écoutera davantage. Les parents ont vraiment un exemple à donner : vie de prière, bonne tenue, langage châtié, occupations saines et constructives, don de soi… En étant une sorte de modèle, le père s’assure une autorité auprès de ses fils, il suscite une admiration que l’enfant imite par réflexe. Très tôt, l’enfant doit avoir le sens du respect de l’autorité, quelle qu’elle soit (parents, professeurs, religieux…). C’est aussi souvent en observant ceux qu’il admire que l’enfant découvre le sens de l’effort, de la persévérance. Sous les encouragements de ses parents, il apprendra à forcer sa volonté pour terminer quelque chose ou atteindre un but fixé, développant ainsi son courage pour atteindre une fin heureuse. Il mettra ensuite tout naturellement ces vertus au service de sa vie spirituelle : fortifié dans sa lutte contre les tentations, conservant un idéal élevé, confiant en ce que la Providence veut pour lui.

La vie elle-même n’est pas rose, elle est plutôt faite de contraintes, d’échecs, et de beaucoup de joies aussi ! Si l’éducation n’a pas préparé l’enfant à surmonter les obstacles d’un quotidien normal, si l’on n’a pas forgé sa volonté, son sens de l’effort, comment fera-t-il face à l’adversité ? S’il tombe, qui l’aidera à se relever si on ne le lui a pas appris ?

L’éducation catholique prépare le ciel sur la terre. Une vraie éducation sera tout orientée en ce sens : apprendre à nos enfants à supporter une injustice, surmonter une colère, accepter une punition ou une réflexion désagréable… transformer en vertus des instincts de rébellion ! Nous, parents, ne sommes pas responsables de la « matière première » de nos enfants, de leurs atavismes ou de leur patrimoine génétique, mais nous sommes responsables de ce que nous faisons de cette matière première ! 

Appuyons-nous sur les grâces de notre mariage et sur celles de notre état d’éducateurs pour accomplir la volonté de Dieu sur nos enfants, en nous souvenant qu’« il n’y a pas de saints en dehors de l’accomplissement du devoir d’état » (Mgr Nguyen).

 

Sophie de Lédinghen

 

Le Cœur Immaculé de Marie expliqué aux enfants

« Je vous salue, pleine de grâce ! » Voilà comment l’archange Gabriel s’est adressé à la Sainte Vierge, le jour de l’Annonciation, lorsqu’il est venu lui demander si elle voulait devenir la maman de Jésus. On se rappelle que la grâce est cette vie surnaturelle qui fait de nous les enfants de Dieu le jour de notre baptême, et par laquelle notre âme devient le temple de la très Sainte Trinité (Dieu le Père, Dieu le Fils, et Dieu le Saint Esprit). Et bien, la Sainte Vierge est remplie de la grâce, et cela dès le premier instant de son existence. Son âme n’a jamais été souillée par le moindre péché, et le Père, le Fils et le Saint-Esprit habitent en elle plus qu’en aucune autre créature. Il fallait bien une maman sans tache, toute pure, pour enfanter le Fils de Dieu. Un peu comme le tabernacle, tout tapissé d’or et magnifique, reçoit et abrite Jésus-Hostie. C’est pourquoi l’ange adresse à la Vierge Marie ces belles paroles : « Je vous salue pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes ! »

 

Ainsi la Sainte Vierge est la plus merveilleuse des créatures, celle qui est la plus aimée de Dieu. Et nous devons nous réjouir de penser qu’elle est notre Maman du Ciel car c’est par elle que nous recevons la vie de la grâce et que nous devenons enfants de Dieu. Il n’y a pas d’autre moyen : toute grâce nous vient par Marie. Voilà pourquoi nous devons l’aimer de tout notre cœur, et pourquoi elle nous aime comme une maman ! Voyons comment elle nous l’a rappelé à Fatima.

Le Cœur Immaculé de Marie

En 1917, dans un petit village du Portugal, la Sainte Vierge est apparue plusieurs fois à trois jeunes bergers (Lucie, François et Jacinthe) pour leur dire que Jésus veut établir dans le monde la dévotion à son Cœur ImmaculéQu’est-ce que cela veut dire « Immaculé » ? Cela signifie « sans tache ». En effet, dans le cœur de Notre-Dame, il n’y a absolument aucune tache de péché. La Sainte Vierge a toujours aimé le Bon Dieu de tout son cœur et de toutes ses forces jusqu’au dernier soupir de sa vie. Et elle L’aime encore plus aujourd’hui, dans le Ciel. Elle n’a donc jamais offensé le Bon Dieu, et elle ne l’offensera jamais.

Le Cœur Douloureux de Marie

Mais Notre-Dame n’a pas seulement parlé de son Cœur aux trois jeunes bergers, elle le leur a aussi montré, tout entouré d’épines qui semblent s’y enfoncer. Ces épines représentent les péchés des hommes, qui offensent Dieu et causent beaucoup de peine à la Sainte Vierge. Le Cœur de Marie est donc aussi un Cœur Douloureux, un Cœur qui souffre beaucoup.

La dévotion au Cœur Douloureux et Immaculé de Marie

La Sainte Vierge s’adresse alors à Lucie : « Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. A qui embrassera cette dévotion à mon Cœur Immaculé, je promets le salut, et ces âmes seront chéries de Dieu, comme des fleurs placées par moi pour orner son trône. »         

    Mais que veut dire avoir la dévotion envers le Cœur Immaculé de Marie ? Cela signifie que nous devons l’aimer de toutes nos forces, comme la petite Jacinthe qui disait : « J’aime tant le Cœur Immaculé de Marie, c’est le Cœur de notre petite Maman du Ciel ! » Nous devons l’aimer au point de lui donner tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes, nous devons nous consacrer totalement, et pour toujours, au Cœur Immaculé de Marie. Plus tard, lorsqu’elle sera devenue religieuse, Lucie expliquera bien cela : « Établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie veut dire amener les gens à une totale consécration… C’est dans cet esprit de consécration que Dieu veut établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. »

 Alors, faisons ou renouvelons notre consécration au Cœur de notre bonne Mère du Ciel, donnons-nous tout entiers à elle pour lui prouver notre amour, et tâchons de lui faire toujours plaisir en évitant tout péché, en offrant des sacrifices pour réparer les offenses, obtenir la conversion des pécheurs et consoler son Cœur Douloureux, et en récitant tous les jours notre chapelet.

En retour, la très Sainte Vierge nous aimera d’un amour tout particulier. « Vous vous êtes consacrés au Cœur Immaculé de Marie, au Cœur de notre bonne Mère du Ciel ! écrivait un jour sœur Lucie. Comptez sur ce Cœur maternel qui, au Ciel, palpite d’amour pour ses enfants qui l’aiment sur la terre ! »

Sophie de Lédinghen

Consécration de la famille au Cœur Immaculé de Marie

Ô Vierge Marie, nous consacrons aujourd’hui notre foyer et tous ceux qui l’habitent à votre Cœur Immaculé. Que notre maison soit comme celle de Nazareth, une demeure de paix et de bonheur simple, par l’accomplissement de la volonté de Dieu, la pratique de la charité et le plein abandon à la divine Providence. Veillez sur tous ceux qui l’habitent : aidez-les à vivre toujours chrétiennement, enveloppez-les de votre maternelle protection et daignez, dans votre bonté, ô Vierge Marie, reformer au Ciel notre foyer d’ici-bas consacré à jamais à votre Cœur Immaculé. Ainsi soit-il.

 

 

 

 

 

Appuie-toi contre moi

« Tu es las, ce soir, mon petit, mon pauvre petit ! La vie est si dure, si épineuse, si longue… Depuis le temps que tu batailles !

Tu ne peux plus même prier, faire l’effort d’une pensée volontairement orientée vers moi. Laisse là tout effort, appuie-toi contre moi. Je ne dis pas « sur moi » c’est encore trop peu, « appuie-toi contre moi ». Mets là ton front, ferme les yeux, et ne bouge plus, sois toute lassitude et tout abandon.

Je sais, oui je sais ! J’ai été moi aussi recru de fatigue pendant ma vie terrestre lorsque je parcourais les chemins de Palestine, et les routes sans bornes de l’ingratitude, de la bassesse et toute la misère humaine. J’ai haleté péniblement en traînant ma croix sur les pavés de Jérusalem, et mes épaules épuisées par la flagellation ont laissé tomber mon fardeau, puis j’ai roulé dans la poussière.

Qui pourrait savoir mieux que moi !…

Ne dis rien, je connais la souffrance, ce qui ce soir a vidé ton cœur de toute joie. Ce n’est peut-être rien de grave, mais c’est un peu tout. La goutte d’amertume que chaque jour ajoute au précédent a fait déborder la coupe.

L’âme de chacun de mes enfants doit passer tour à tour par cette grande lassitude :

Cette maman que ses « tout-petits épuisent jour et nuit ». Cette autre que ses grands enfants inquiètent : que se passe-t-il dans ces jeunes cervelles, et comme le fossé s’élargit chaque jour entre les deux générations.

Ici ce sont les soucis matériels qui vous écrasent un peu plus chaque année. L’avenir de chacun reste incertain malgré un labeur acharné.

Voilà pour ceux-ci la solitude qui élargit son cercle vide. Après les premières années d’union des cœurs et des pensées, la vie vous roule en son manteau d’indifférence, fait de mille petites déceptions, et les chemins divergent.

Pour d’autres, atteints dans leur chair, c’est l’usure épuisante de la souffrance physique, ou la servitude d’infirmités douloureuses qui les isolent et les amoindrissent.

Là, c’est la ruée de la jeunesse à quelque noble tâche, son effort généreux se brisant aux dures lois économiques, à la crise qui secoue les assises du monde aujourd’hui.

C’est toute cette marée de peines, de froissements, de fatigues physiques, d’activités épuisantes, d’inquiétudes et d’espoirs déçus qui accable la pauvre âme humaine.

Alors le meilleur ami paraît lointain ; raconter sa peine n’est qu’un fardeau de plus, et tâcher de se ressaisir est une courageuse mais souvent vaine tentative.

Alors, mon petit enfant, appuie contre moi cette âme trop lasse, sans rien dire (je sais tout ce que tu ne peux exprimer), sans rien penser, sans rien demander. Tu n’es plus en état d’espérer ; reste là seulement, tout contre moi. Les mamans ainsi endorment leurs tout petits-enfants qui pleurent, dans la chaleur de leurs bras.

Ce n’est pas à toi d’agir maintenant, laisse-moi faire. Je vais délier tes chaussures, elles meurtrissent les pieds qui ont trop marché – la douceur de Madeleine autrefois m’a baigné les pieds de parfums. Puis je vais étendre doucement ton pauvre corps exténué, et je veillerai auprès de toi, pour chasser la solitude. Je suis toujours là. Si tu savais me voir au long de tes journées, ton âme en serait rafraîchie. Moi, je te vois très bien, je te suis en chacun de tes mouvements, comme une maman qui a confié à son enfant une tâche difficile. Mais tu regardes tant de choses ! Tu n’as pas toujours le temps de m’apercevoir !

Je vais rafraîchir de la main ton front las. Si tu savais goûter dès ce monde la joie de ceux que j’aime, ton chagrin peu à peu s’effacerait de ce front, car la douleur serait accueillie comme la messagère d’amour.

Ai-je en vain porté ma croix, pour te donner l’exemple de l’inexorable condition humaine ? Il faut que tu sois à bout de forces, exténué comme ce soir, pour venir tomber ainsi sur mon seuil. C’est quand la fatigue t’enlève tout moyen qu’enfin tu consens à me laisser faire.

Peut-être n’as-tu pas tout à fait perdu ton temps en gravissant ainsi l’ultime sommet de ton épuisement, car c’est seulement lorsque tu es tombé que je peux te relever, et porter dans mes bras, raviver, délasser, réchauffer, l’âme de mon enfant, de mon petit enfant.

 

Abbé de Tourville, Paris 1938-1941

 

L’éducation de la jeune fille

La personne tout indiquée pour remplir cette délicate mission est la mère. Dans une famille chrétiennement constituée, la mère jouit auprès de ses enfants d’une espèce « d’infaillibilité » qui lui donne l’avantage d’être crue sans discussion, avec confiance. Si la Providence a confié aux mères une telle influence, c’est pour qu’elles s’en servent comme d’un stimulant puissant au Bien. Négliger d’user de ce pouvoir d’enseignement serait une faute inexcusable.

La mère a ensuite la « compétence », étant passée par toutes les phases que traverse l’âme de ses filles. Elle a éprouvé les mêmes craintes devant les mystères du changement de son corps ; elle s’attachera à procurer à ses filles le calme et la sécurité dont elle a peut-être eu le bonheur de profiter de sa mère, dans sa jeunesse. Si, au contraire, elle n’a pas reçu les éclaircissements utiles de sa mère, dont la bouche était probablement close par une pruderie exagérée, elle se rappellera ses anxiétés, ses hésitations, les périls courus, et elle se préoccupera de les éviter à ses enfants.

Elle obtiendra ce résultat avec facilité. Car à l’autorité et la compétence, la mère joint la « délicatesse ». Seuls les cœurs de mère savent révéler à des cœurs de jeunes filles les grandes vérités concernant les aspirations et les obligations de leur sexe. Une fille n’a habituellement pas de secret pour sa mère : tous les détails de santé qui accompagnent la profonde transformation corporelle de l’enfant en jeune fille, sont suivis par elle avec un intérêt discret et constant ; aucune des impressions de cette âme qui, sortant de sa chrysalide, voit pousser ses ailes de papillon, n’est ignorée de cette confidente providentielle, éminemment capable de les pénétrer et analyser. La mère intelligente et désireuse du bien aura, dans chaque circonstance, le mot voulu, la réponse précise, le conseil approprié au besoin présent. Elle ne dira rien de trop, rien de pas assez, mais ce qu’il faut.

Toute mère devrait comprendre ce rôle important qui lui incombe et s’en acquitter avec scrupule. La jeune fille elle-même recherchera ce cœur à cœur auprès de sa mère. Là, pas de contrainte, ni de réserve ; là, aucun péril d’une touche trop rude.

 

Créée pour être mère

Plus d’une mère, très désireuse du bien de ses enfants, déclare impossible d’aborder avec ses filles de pareils sujets. Certaines compulsent des livres sur ces graves questions et se déclarent découragées. Elles sont effrayées parce qu’elles s’imaginent qu’il faut tout dire en bloc et d’un seul coup. Elles reculent devant ce travail. Si le jeune homme, d’un tempérament positif et moins sentimental, peut être, à l’heure voulue, instruit en une seule fois des choses essentielles à la pureté, l’âme et l’imagination plus sensibles de la jeune fille, au contraire, réclament de bien plus grands ménagements. Aussi ne conseillera-t-on jamais assez aux mères de famille de procéder par degré. On réclame d’elles « patience, persévérance et savoir-faire. »

L’idée qui servira de pivot à toute l’éducation morale de la jeune fille sera qu’elle est créée pour être mère.

La maman aura su profiter depuis longtemps de toutes les circonstances pour favoriser l’instinct de maternité, encourageant sa petite fille à « jouer à la maman » avec ses poupées, dirigeant avec sérieux la toilette ou le coucher du « bébé » : « Il faut prendre bien doucement votre bébé, Madame, il est petit et fragile !… N’oubliez pas la prière avant de le coucher… Pauvre bébé tout déshabillé, ce n’est pas une bonne habitude de le laisser tout nu, vite il faut l’habiller ! » Ainsi encouragé, l’instinct maternel grandit peu à peu.

Vers douze ou treize ans, quand viendra l’heure, la mère entreprendra de faire suivre très naturellement à l’esprit de la petite jeune fille un développement parallèle à celui qui s’opère dans son corps. La mère ne doit pas craindre, vers l’époque où elle voit sa fille prendre des allures de femme, de lui parler ouvertement de cette grande chose qu’est la « maternité ». La Providence fournira un prétexte tout simple aux conversations révélatrices. La mère, à propos d’une question ou d’une réflexion de son enfant, prendra le temps de lui expliquer la raison des phénomènes surprenants et mystérieux qui, bientôt, troubleront périodiquement son organisme. Voici venue l’heure d’expliquer à la jeune fille quel rappel perpétuel elle porte en elle-même de sa destination à la maternité.

L’explication de la Salutation Angélique sera éloquente pour la jeune fille, parce qu’elle est essentiellement l’hommage de la Maternité. Notre Seigneur Jésus, venant en ce monde, a voulu se choisir une mère ; il a été formé dans le sein de Marie, miraculeusement fécondée par l’Esprit-Saint ; il y a résidé le temps assigné par la Providence… Admirable et divin mystère devant lequel la jeune fille s’émerveille. Quoi de plus facile à la mère de tirer de là les conclusions évidentes :  les enfants viennent de leur mère, comme le fruit sort de la fleur… Ils sont portés et nourris par elle durant de longs mois avant la naissance… Le miracle de l’opération du Saint Esprit dans le sein de la mère de l’Enfant Dieu ne s’est jamais renouvelé pour aucune autre femme, mais Dieu pourvoit à la fécondité des mères d’une façon merveilleuse quoique parfaitement naturelle par l’intervention de l’époux dans la pratique du saint mariage. Pourvu qu’elle ne soit pas brusquée, l’âme féminine, faite pour la maternité, en accueille les secrets avec enthousiasme.

La première grande pensée qu’il faut développer devant la future épouse est que le but principal de la femme ici-bas, c’est d’être mère ; elle est créée et mise au monde en vue de procurer la survivance du genre humain, et conduire ses enfants au Ciel. Aujourd’hui, sous couvert de féminisme, on cherche à arracher la femme à son véritable rôle en assignant d’autres directions à sa vie. L’enfant devient une femme, elle change d’allure et d’apparence…Pourquoi ? Il est facile de convaincre la jeune fille que cette métamorphose s’opère uniquement en vue de la maternité.

La vertu de pureté

À mesure que devant les yeux de la jeune fille se précisera davantage la vision de son rôle maternel, en même temps grandira dans son cœur le culte de la chasteté. Maintenant qu’elle sait apprécier la valeur de son corps et de son âme, tout naturellement elle craint pour un trésor si précieux, et cherche à le conserver intact. Dieu veut que les petits enfants naissent dans le mariage légitime, dès le jour béni où les deux jeunes époux scellent leur union devant Lui. La vertu de pureté entoure de charmes la future épouse en lui apprenant à garder précieusement le jardin intérieur de son âme durant les longues années de sa vie de jeune fille.

Si cette vertu est la parure des fiancées, que dire de l’éclat qu’elle procure aux jeunes filles, qui, renonçant aux espoirs temporels, ont résolu de sacrifier à Dieu ce que la femme a de plus précieux, son désir même de la maternité ? Alors chez celles-là, la chasteté brille d’une gloire encore plus étincelante, empruntée à celle de Marie belle comme la lune, brillante comme le soleil.

Ainsi avertie de ces grandes vérités, convaincue des graves obligations qui en découlent et aussi des soutiens que Dieu lui donne pour les remplir, la jeune fille marchera confiante sur ce sentier de la vie, si enténébré pour tant d’autres, si brillamment éclairé pour elle. Qu’elle travaille avec ardeur à cultiver et à défendre cet intérieur, qu’elle tâchera d’orner de toutes les vertus, afin de répondre aux désirs et à l’attente de celui qui, un jour, viendra en partager les charmes.

 

Sophie de Lédinghen

 

Inspiré de : « Futures épouses », Abbé Charles Grimaud.

 

Et toi, aimerais-tu « être ton ami » ?

C’est au sein de sa famille que le jeune enfant développe ses premiers contacts avec les autres : parents, frères et sœurs, grands-parents ou cousins qui passent ou rendent visite. Les parents s’appliquent à ce que s’établissent d’excellents rapports entre tout ce petit monde, un bon esprit, le désir de se comprendre, de s’entraider, de se confier. Peu à peu les connaissances s’élargissent aux amis de passage, aux gens que l’on croise dans la rue ou à l’église. Le petit fait souvent la grimace devant un nouveau visage, puis s’y habitue après plusieurs rencontres…

Parfois des familles très unies ont tendance à défendre jalousement l’entrée du foyer à tout étranger. Mieux vaut préserver nos enfants de cette forme de repliement familial en leur montrant assez jeunes qu’il y a d’autres familles, d’autres enfants, auxquels, à l’occasion, on pourra rendre service, saluer d’un mot gentil, d’un geste de politesse, d’un sourire.

Quand il ira à l’école, l’horizon du nouvel écolier s’agrandira encore, et il apprendra à bien s’intégrer dans sa classe et à respecter ses camarades, pour de nombreuses années ! C’est sa personnalité, polie et modelée par son éducation, qui fera de lui un être plus ou moins sociable et avenant. Que seront ses camarades, pour lui ? Des êtres indifférents ? Des souffre-douleurs dont on s’amuse parce qu’ils n’ont ni son nom, ni sa désinvolture… ? Des objets de mépris car concurrents, trop « bigots » ou dévergondés ? Non, ils ne peuvent ni ne doivent être cela ! L’écolier devra d’abord voir en chacun de ses camarades, en chaque homme, une âme créée par le Bon Dieu. Ses parents l’aideront dès son jeune âge à voir, non s’il a tel ou tel caractère, non s’il est déplaisant ou sympathique, mais une âme. Une âme qui se prépare, comme lui, un avenir éternel de joie ou d’horreur. Avant de juger, il doit déjà respecter l’âme de ses congénères, et l’aimer comme Dieu l’aime.

Qui sait si le salut de l’une de ces âmes n’est pas lié à l’attitude qu’aura l’enfant vis-à-vis de lui ? Souvent, les hommes se damnent par les hommes, et Dieu les sauve aussi les uns par les autres. En tout cas, cet enfant peut beaucoup compter pour en entraîner un autre dans un sursaut ou une chute, selon sa bonne ou mauvaise influence sur lui (et inversement !). À l’école, l’élève « bon camarade » cherchera à élever le niveau d’entente entre tous, à contribuer à donner un esprit de classe qui est comme une âme collective frondeuse ou disciplinaire, vulgaire ou distinguée, fervente ou indifférente… Il apprendra également à se défier des mauvais sujets pour lesquels il aura tout tenté avec gentillesse, mais sans succès. On le mettra en garde de ne pas mettre son âme en danger sous prétexte de « convertir » un camarade de mauvaise influence. Prier pour le malheureux sera alors son réconfort, et la Providence fera le reste.

Cela n’est pas donné à tout le monde d’être meneur d’hommes, fédérateur dans sa classe, mais cela est à la portée de tous d’être le bon camarade sur lequel on peut compter, auquel on songe spontanément quand on a un service à demander, dont on est sûr de n’être jamais repoussé. Celui-là devient alors un modèle vivant qui sans pose, s’impose ; sans rien dire, réprimande ; sans discours, prêche Dieu ; sans rien faire pour attirer l’attention, se distingue aux yeux de tous.

C’est en étant admirable, vertueux, que l’on se fait de bons amis. Vertueux ne veut pas dire « sainte Nitouche » qui se montre exemplaire par devant et détestable par derrière ; mais quelqu’un qui, se mettant à l’école de Notre-Seigneur, imite ses vertus de bonté, de joie, d’honnêteté, de franchise, de courage, de pureté… pour se faire un autre Christ parmi les autres. Cela est entraînant pour l’entourage qui voudrait imiter et devenir l’ami de ce si bon camarade. « Qui se ressemble s’assemble ! », les bons camarades, comme les mauvais, auront une bonne ou une mauvaise influence autour d’eux…

Plusieurs fois, des jeunes de mon entourage sont venus me trouver :

– Je n’ai pas d’amis, personne ne veut venir avec moi…

– Et toi, aimerais-tu « être ton ami » ? En quoi es-tu suffisamment aimable pour attirer de bons et sympathiques amis ?

C’est amusant comme à chaque fois cette question faisait « mouche » en ouvrant les yeux de l’âme. Nous n’avions pas besoin de développer davantage la question… Tout était clair, et je le voyais bien dans ce bon sourire entendu que j’avais alors en face de moi !

En amitié, ce sont les âmes qui s’attirent, qui s’entraînent et s’élèvent en s’encourageant mutuellement. Un bon ami n’est jamais parfait, il a ses propres défauts, ses propres combats pour son bien supérieur, il a comme nous tous son pèlerinage terrestre à accomplir avec ses dépouillements et ses enrichissements, ses labeurs, ses épreuves, ses chutes, et ses élans de grâces. Le véritable ami sait nous reprendre, nous encourager contre nos défauts ou faiblesses, et peut tout nous dire. Il est autant l’ami de notre âme que celui de notre personne humaine… et peut-être même plus !

Il faut donc guider nos enfants dans la recherche du bon ami, celui qui l’entraînera vers le Ciel. Le Bon Dieu en met toujours un et même plusieurs sur le chemin, parfois dès la petite enfance, parfois plus tard (scoutisme, pension, études supérieures, paroisse…), toujours il nous envoie ce soutien de l’âme. Mais surtout notre éducation fera de notre enfant « le » bon ami pour d’autres, un nouveau Jésus-Christ parmi ses congénères, en famille, en société, en entreprise, celui dont on pourra dire : « Si je ne l’avais pas connu, je ne vaudrais pas la moitié de moi-même. » Celui-là saura immanquablement se faire de bons et vrais amis !

   Sophie de Lédinghen