La communion des saints expliquée aux enfants

Communion veut dire union commune de plusieurs personnes. La communion des saints est l’union de tous les baptisés qui sont en état de grâce (qui n’ont pas fait de péché mortel), que l’on appelle saints parce qu’ils sont tous appelés à se sanctifier pour aller au Ciel. Parmi ces saints, on compte trois grands groupes différents– les saints du Ciel (la sainte Vierge, les anges, les saints et les saintes qui ont déjà gagné le Ciel, c’est l’Église triomphante)

– les âmes du Purgatoire (qui attendent le Ciel en se purifiant au Purgatoire, c’est l’Église souffrante)

– les âmes de la terre (qui luttent encore sur la terre pour mériter le Ciel, et dont nous faisons partie, c’est l’Église militante).

L’ensemble de ces âmes forme une grande famille (appelée le corps mystique de l’Église) dont Jésus-Christ est le chef (la tête). Comme dans toutes les familles, ces âmes ont une grande union entre elles. Cette union n’est pas celle des corps, mais celle des âmes, elle est donc une union spirituelle.

Examinons maintenant une famille dans laquelle il y a plusieurs personnes. Je remarque un grand-père et une grand-mère, tous deux sont très vieux et ne peuvent plus travailler, ils sont infirmes et ont besoin de secours. Ces deux membres de la famille sont donc impuissants à s’aider entre eux et à aider les autres.

Puis, voici les enfants : de jolies petites têtes un peu ébouriffées, qui vont à l’école. Ces enfants cherchent à devenir de petits savants, mais ils ne gagnent pas encore leur vie. Ils espèrent gagner de l’argent un jour mais sont encore à la charge de leurs parents.

Enfin il y a la mère, et le père qui a un bon métier et gagne de l’argent. Cet argent sert à faire vivre la famille tout entière, chacun en profite, et il en reste même une certaine somme qui constitue un fond de réserve : c’est la richesse de la famille.

Or, la grande famille de Jésus-Christ a amassé un trésor de richesses comme la famille de la terre. Vous allez voir comment.

Qui est le grand chef de l’Église ? C’est Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Qu’a-t-il fait toute sa vie ? Il a mérité. Il a amassé un immense trésor de mérites infinis ou de richesses spirituelles. Il n’en avait pas besoin pour Lui, puisqu’Il est Dieu. Il a donc mis de côté toutes ses richesses pour les laisser aux membres de la famille.

La Sainte Vierge et les saints ont eu aussi une vie pleine de mérites infinis, pleine de richesses spirituelles, car vous le savez, mes enfants, quand on fait une bonne action, un sacrifice, cette bonne action ou ce sacrifice se change en mérite ou en richesse spirituelle. Or, la vie de la Sainte Vierge et celle des saints a été une vie si pleine de mérites que vous imaginez combien le trésor de la famille a augmenté encore ! Ces mérites peuvent servir pour nos péchés puisque la Sainte Vierge et les saints les ont abandonnés au trésor commun.

Et nous-mêmes, mes enfants, quand nous faisons de bonnes prières, de bonnes actions, des sacrifices, nous gagnons des richesses spirituelles. Elles peuvent servir à payer pour réparer nos péchés, mais si nous n’avons pas trop de dettes contractées par nos fautes, cette richesse est à notre disposition « en réserve ».

Voyons maintenant comment nous pouvons communiquer entre nous. Dans la famille de la terre nous entretenons des relations en nous parlant, en nous écrivant ou en nous rendant des visites. Eh bien, nous pouvons également parler aux saints et correspondre avec eux par la prière. De même que par la parole, nous demandons aux membres de notre famille de la terre de nous aider, de même aussi nous exposons nos besoins aux saints du Ciel, et ils nous aident en obtenant de Dieu, pour nous, toutes sortes de grâces. Nous pouvons même leur rendre visite dans leurs sanctuaires. Avec les âmes du Purgatoire, nous pouvons aussi avoir des relations suivies. Mais ces pauvres âmes sont impuissantes pour elles-mêmes. Dans la famille terrestre, le grand père et la grand-mère paralysés ont besoin d’aide. Il en est de même pour les âmes du Purgatoire qui ont grand besoin de notre secours. Nous pouvons les aider à sortir du Purgatoire où elles souffrent en payant pour elles les réparations de leurs péchés et l’insuffisance de leurs sacrifices et bonnes œuvres. Nous prions, nous faisons des sacrifices, de bonnes communions, nous faisons dire des messes pour elles, et tout cela sert à les délivrer en payant leurs dettes. En retour, quand ces âmes sont enfin dans le Ciel, elles nous remercient en priant Dieu pour nous, car tous les membres de la grande famille se soutiennent.

Enfin, voyons comment nous pouvons établir entre nous, fidèles de la terre, des relations spirituelles.

Quand, dans une famille, quelqu’un a beaucoup d’argent, il peut, s’il est bon, en donner à ses frères, à ses parents. Avec la richesse qu’il possède, il fait du bien. De la même façon, nous pouvons donner aux âmes que nous aimons avec la richesse que le Bon Dieu nous accorde en paiement de nos bonnes œuvres, de nos prières, et de nos sacrifices. Si nous prions pour quelqu’un, notre prière retombe sur celui pour qui nous prions. Si nous faisons un sacrifice et l’offrons au Bon Dieu pour telle ou telle personne, c’est une façon de mériter pour elle. Puis le Bon Dieu, en bon père de famille, rassemble les mérites de tous et en fait profiter tous ses enfants. Ainsi chacun tire profit des prières et des mérites des autres.

 

Vous voyez combien le Bon Dieu nous aime et nous voudrait tous auprès de Lui au Paradis céleste en nous permettant de payer nos dettes et celles d’autres âmes ! Alors, promettez-vous de gagner beaucoup de mérites en priant et en vous sacrifiant pour remplir votre réserve de trésor, et la distribuer aux pauvres pécheurs ? Penserez-vous aux âmes qui souffrent au Purgatoire, aux malades, aux prisonniers, aux malheureux, mais aussi au Pape, aux prêtres, aux missionnaires tout seuls dans des pays lointains, et aux moines et religieuses qui prient et se sacrifient en secret pour nous  dans leurs monastères, promettez-vous de beaucoup donner aux âmes pour l’amour de Jésus ? Car, je vous livre peut-être ici un secret, chers petits amis, mais à vous le Bon Dieu donne beaucoup de richesses si vous les lui demandez, parce qu’Il aime et écoute les enfants. Alors, profitez de ce petit privilège… Et n’oubliez surtout pas votre papa et votre maman !

 

   Sophie de Lédinghen

 

Les fidèles serviteurs

Le grand pouvoir des parents, dans l’éducation de leurs enfants, est de façonner leur intelligence et leur volonté de telle manière que ceux-ci soient en mesure de résister aux tentations et aux orages de la vie, et de ne jamais abandonner l’idéal moral que l’on aura su déposer dans leur cœur. Élever un enfant n’est pas lui éviter toute peine et tout effort, c’est, au contraire, développer en lui les forces morales qui lui permettront de faire face aux difficultés de l’existence, mais aussi toutes ces richesses que le divin Maître remet au tout petit dès sa naissance, avec pour mission de les faire fructifier jusqu’au soir de sa vie. Cette fortune, don gratuit que Dieu dépose dans nos âmes, nous n’en sommes que dépositaires, et devrons tous Lui en rendre compte à notre mort.

C’est d’abord à nous, parents, d’apprendre à discerner les talents encore cachés chez nos petits, observant leurs capacités, qualités et défauts, facilités et faiblesses, puis les aidant peu à peu à  les exploiter ou les maîtriser jusqu’à devenir capables de se « commander » à eux-mêmes. Voyons comment nous pouvons aider un enfant à mieux se connaître et s’épanouir en développant ses atouts.

L’observer 

C’est en regardant évoluer son enfant, en voyant ses réactions dans différentes situations que l’on découvre son caractère, ses tendances spontanées, ses goûts. L’intrépide, le colérique ou le farceur ne réagira pas de la même façon en dégringolant de son tabouret ! La vue (et l’odeur !) d’un beau gâteau qui sort du four enchantera le gourmand expansif, quand le solitaire n’y jettera qu’un rapide coup d’œil et retournera paisiblement finir son puzzle.

Le jeu est un autre bon moyen de connaître ses enfants qui inventent des jeux collectifs et obligent les participants à se soumettre aux « règles du jeu ». Les jeux préparent l’enfant à s’adapter aux exigences de la vie en société : on respecte la règle, on ne triche pas, on accepte de perdre, sinon, on est exclu du jeu et méprisé des autres. Il y a des jeux pour le corps, d’autres pour l’esprit, l’imagination, les jeux d’imitation, de vitesse, certains pour se défendre, d’autres pour attaquer… Pour qu’un jeu soit éducatif, il doit demander un effort personnel à l’enfant.

Le choix des jeux de l’enfant, la manière dont il s’y comporte sont autant d’indices qui permettront à l’éducateur de discerner, sinon la vocation, du moins le sens dans lequel il faudra orienter la recherche de la vocation. Celui-ci a un tempérament de chef alors que celui-là est destiné à obéir et à suivre une filière fixée d’avance… Donner des responsabilités de chef à ceux qui sont destinés à suivre un chemin tracé d’avance, c’est les préparer aux pires échecs, n’en déplaise à leurs parents !

Dans les jeux, l’enfant se fait connaître tel qu’il est. Les parents qui n’ont pas pris le temps d’observer leurs enfants au cours des jeux ne les connaissent pas vraiment. C’est là que se manifestent les passions les plus spontanées. C’est en voyant l’enfant perdre que l’on découvre chez lui la jalousie qui le porte à détruire le jeu pour se venger ; c’est en assistant à ses réussites triomphantes que l’on constate un certain manque de modestie. C’est en jouant qu’il manifeste son pouvoir de chef ou sa tendance grégaire, qu’il se montre juste ou injuste, loyal ou tricheur. Jouer avec ses enfants est un formidable spectacle qui les révèle « au naturel » !

À partir de cette observation, les parents ajusteront à chacun de leurs enfants les principes d’éducation : tempérer l’expansif, encourager le timide, calmer le colérique, pousser le directif à écouter les autres avant de s’imposer, apprendre à perdre de bon cœur…

Gagner sa confiance

La confiance naît de la sympathie. « Cette lente pénétration de la loi morale dans la conscience personnelle de l’enfant se fait par l’intermédiaire du milieu, pour peu que ce milieu lui soit sympathique. S’il lui est antipathique, il se raidit et s’oppose à l’influence que l’on prétendrait exercer sur son caractère. »  (Abbé J. Viollet). Pour que cette influence se fasse normalement, il faut d’abord gagner la confiance de l’enfant. Plus la confiance est grande et plus facilement il accepte les conseils et s’adapte aux idées que l’on s’efforce de faire pénétrer dans son âme. Tout change dès que l’enfant se sent en confiance. Celle-ci provoque la franchise, elle établit une collaboration entre l’enfant et son éducateur… Et voici résolu le plus difficile problème de l’éducation : obtenir de l’enfant qu’il se corrige lui-même, qu’il « s’élève » en même temps qu’on l’élève.

Pour cela, il faut surtout garder son calme, lui faire comprendre que l’on veut son bien. L’enfant sait très bien faire la distinction entre ceux qui le gâtent et qu’il exploite sans les aimer, et ceux qui s’appliquent à le former pour son bien, et pour lesquels il éprouve à la fois respect et affection. Ensuite garder l’intimité des cœurs sans confondre cette intimité avec la camaraderie dont se vantent certains parents maladroits. La confiance n’exclut pas le respect. Permettre à l’enfant de parler à ses parents comme il le ferait avec ses camarades, autoriser des attitudes sans gêne, serait détruire le sentiment de vénération qui accompagne toujours la croyance en la supériorité de l’éducateur. En outre, l’intimité suppose que les parents aient pris la peine de cesser tout travail personnel pour laisser à l’enfant le temps de « se raconter » (sa journée, ses petits malheurs et réjouissances…), et pour lui parler de tout ce qui peut l’intéresser. C’est le moment précieux où ils glissent leurs conseils, encouragent la bonne volonté, éveillent le goût du mieux et du plus parfait.

Lui donner confiance en lui

Si les parents ont su gagner la confiance de leur enfant, alors il sera plus facile pour lui d’avoir, sans être orgueilleux pour autant, une certaine confiance en lui qui lui donnera le courage d’avancer, d’entreprendre, de prendre des initiatives, des responsabilités, cette assurance pour oser, affronter, se dépasser… !

Mais, Madame, mon enfant est beaucoup trop timide…, ma fille gâche tout ce qu’elle touche… ! Qu’à cela ne tienne, proposez-leur donc des efforts progressifs et précis. En voulez-vous quelques exemples ?

De façon générale, l’enfant timide ou maladroit se sous-estime, il se croit bon à rien, inintéressant pour avoir des amis, et il se replie sur lui, bien à l’abri dans sa chambre. La plupart du temps, ces enfants-là ont des difficultés scolaires ou alors se réfugient complètement dans leur travail pour oublier le reste. Le remède commence en leur donnant confiance en eux. Pour cela que la maman ne fasse pas à leur place, ou ne refasse pas devant eux ce qu’elle leur avait demandé, et tant pis si une fourchette est un peu de travers sur le couvert, ou s’il y a un pli sur la nappe ! Demandez à votre enfant de vous accompagner chez le boulanger, et expliquez-lui gentiment sur le chemin que c’est lui qui va demander le pain à la boulangère. La fois suivante, vous le laisserez entrer seul dans la boutique, et voilà de jolies petites victoires personnelles que vous ne laisserez pas sans félicitations ou témoignage de votre fierté ! Et peut-être bien que dans quelque temps, il vous proposera d’aller seul vous faire une petite course…

Si votre enfant ne participe pas en classe ou ne raconte rien à la maison… (surtout devant les autres !), profitez du repas en famille pour discuter avec chacun, un par un, posant des questions simples sur la journée. Au début, votre timide répondra par oui ou non. Quelques jours plus tard, poussez-le à vous en dire un peu plus… Puis à développer peu à peu son avis personnel : pourquoi est-ce-que tu apprécies ce livre ? Comment était la sortie de louveteaux ? Ainsi prendra-t-il la parole avec plus d’aisance, passant sur le regard des autres.

Un enfant qui ne réussit pas bien à l’école, parfois même en dépit de beaucoup d’efforts, a besoin de faire une chose qu’il aime pour la réussir ! Le Bon Dieu n’a créé personne qui soit mauvais en tout, et votre enfant a forcément quelques bonnes dispositions dans un domaine ou un autre (cuisine, jardin, bricolage, broderie, dessin, chant, sport…), que vous aurez observées depuis sa petite enfance (!) et dans lesquelles vous pouvez l’encourager, en faisant avec lui d’abord, puis en le laissant faire seul. Si rien ne l’attire spécialement, pourquoi ne pas lui offrir un poisson rouge, ou un petit animal dont la responsabilité l’affirmera ? Si votre enfant n’a pas d’amis, ou ne veut voir personne, faites donc venir chez vous un camarade avec lequel il pourrait s’entendre pour un court après-midi. Cela pourrait lui changer l’existence qu’un « ami » soit venu le voir, et il le retrouvera à l’école avec plus de plaisir. Avant que votre enfant ne grandisse trop, de nombreuses petites barrières pourraient ainsi peu à peu s’abaisser et le soulager en fortifiant sa confiance en lui. Ainsi pourra-t-il plus aisément donner le meilleur de lui-même. Cela demande beaucoup de temps et de courage, mais offre aussi le goût de l’effort pour réussir les choses en se vainquant soi-même. Rien ne donne plus confiance à l’enfant dans ses propres capacités que l’effort constructeur.

 

Ainsi, peu importe les dons que Dieu a accordés à nos enfants. Qu’ils soient nombreux ou non, visibles ou discrets, ce qui compte c’est que chacun les ait travaillés et fortifiés pour son propre salut mais aussi dans la communion des saints pour la plus grande gloire de Dieu. Alors, comme au fidèle serviteur, le Maître pourra dire : « Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Seigneur ».

 

   Sophie de Lédinghen

 

Qu’il est bon d’habiter ensemble !

Il y a des familles rayonnantes d’une joie vraie, unies en toutes circonstances, fortes d’un esprit commun, d’une touchante solidarité, et cela se voit au premier coup d’œil ! Est-ce donc possible ? Bien sûr que cela est possible, même si toute œuvre humaine n’est jamais parfaite, il suffit de le vouloir, de le décider et d’en prendre les moyens.

 

Vouloir un foyer chrétien uni 

Pour créer, maintenir ou renforcer l’unité familiale, il est tout d’abord nécessaire de croire que cette unité est possible, et se dire qu’elle ne pourra se faire sans notre volonté. Unis par les liens du sang, les membres d’une même famille sont également unis par l’union de vie surnaturelle : union de la grâce, de la foi, de la charité. « La grâce ne détruit pas la nature mais la perfectionne.» « La charité maintient les affections naturelles dans l’ordre en même temps qu’elle les élève, qu’elle les purifie, qu’elle les ennoblit et, en un mot, les surnaturalise1.» La charité entraîne ainsi l’homme à aimer toujours davantage les membres de sa famille pour leurs biens supérieurs que sont la vie éternelle, la grâce, les vertus. Toute la famille doit donc être également unie par le désir de progresser spirituellement.

 

Ce qui unit 

La prière : « Si la famille prie, elle vit, si elle prie unie elle vit unie.» (Pie XII) On ne recommandera jamais assez de dire la prière en famille. L’enfant qui aura vu son père, sa mère à genoux reproduira naturellement ce geste tout au long de sa vie. Prière du matin, du soir, examen de conscience, chapelet ainsi qu’une éducation spirituelle régulière donneront le sens de la présence habituelle de Dieu dans la petite âme. Le dimanche, toute la famille assistera regroupée à la messe, comme une petite Église domestique qu’elle est. On est plus fort lorsque l’on est ensemble, on prie mieux et on se tient bien en voyant Papa et Maman à côté.

 

– L’ambiance : si les parents sont eux-mêmes bien unis, se témoignant délicatement leur affection mutuelle, cela engendrera un climat de paix, de sérénité qui aura beaucoup de retentissement sur le climat général de la famille. Les enfants reproduiront entre eux, et envers leurs parents, des gestes affectueux ; se parleront comme ils entendent leurs parents se parler (ou leur parler) ; seront joyeux si l’ambiance y entraîne et qu’ils ont le cœur léger. Et s’il arrive que les parents aient besoin de s’expliquer, qu’ils le fassent sans éclats, et en dehors des enfants. Ou si encore un mouvement d’impatience ou un mot vif venait à fuser, que les parents s’en demandent pardon aussitôt.

 

L’atmosphère de la maison doit être joyeuse et chaleureuse. La joie n’est pas le plaisir, la facilité. Non, la joie chrétienne n’amollit pas, ne décourage pas, au contraire elle ranime l’énergie dont elle est le reflet, et s’accroît elle-même par le combat. La joie qu’il faut établir en famille est donc la joie de l’effort, la joie de la victoire, la joie du sacrifice. Ce sourire dans la générosité qui plaît tant à Dieu ! « La seule manière qui soit vraie, utile, chrétienne, de regarder cette terre de péché, c’est celle du vainqueur ; il faut racheter le monde avec joie2. »

 

– Tout ce qui ne se dit pas mais qui se vit comme une évidence : le respect de soi et celui des autres. La valeur morale des gestes comme celle du langage porteront l’enfant au respect ou à la grossièreté, à la délicatesse ou à la brutalité. Si le père de famille se laisse aller à des vulgarités, comme jurer au volant de sa voiture, inévitablement les jeunes enfants répèteront très spontanément ce qu’ils auront entendu ! Les parents veilleront sur leur propre langage, et ne se laisseront pas aller à des paroles ou à des expressions qui témoigneraient qu’ils ont perdu le contrôle d’eux-mêmes. Ils auront une autorité juste, ne critiqueront pas leur prochain, resteront bienveillants et sans rancune, pardonnant toujours même s’ils ont été péniblement offensés. À ce sujet, il y a des « affaires de grandes personnes » qui ne concernent en rien les enfants et que les parents doivent garder pour eux. Cela ramène plus vite une paix de l’esprit, puis le pardon, plutôt que de troubler toute la famille. « Toute vérité n’est pas toujours bonne à dire ! »

 

– Le règlement familial : « La liturgie de l’Église se compose d’un très riche ensemble de rites, réguliers et obligatoires. Elle compte sur la puissance de ces rites pour nous inspirer le respect et l’amour que nous devons avoir pour Dieu3.» Si donc on veut développer dans l’âme des enfants de bonnes habitudes tout empruntes de sentiments chrétiens, il faut qu’il y ait des règles, pour ainsi dire des « rites chrétiens » de la vie de famille, bien définis, et respectés par tous. Ces rites, pour être efficaces, seront stables et communs à tous les membres, car la famille a besoin d’homogénéité pour conserver la force de sa vitalité et de son caractère, pour calmer l’agitation de la vie et faire régner la paix. En rentrant chez soi, on les y trouvera et l’on se ressourcera. « La règle n’est pas un obstacle pour l’enfance. Elle est un besoin, elle est une nécessité4. »

 

Commençons par bannir les caprices, les plaintes, le mensonge, les gros mots, les portes qui claquent, au profit de la franchise, la bonne humeur, la confiance mutuelle, l’esprit de service… Ensuite, ne nous critiquons jamais entre nous. Protégeons notre intimité familiale en « réglant nos affaires » entre nous, et toujours chrétiennement ! Pensons surtout à voir notre prochain avec le regard de la foi plutôt que celui de la passion, en nous efforçant de bien vite pardonner, et du fond de notre cœur.

 

Les horaires et la régularité dans le rythme quotidien ou hebdomadaire sont un socle pour la fidélité aux petites, puis aux grandes choses.

Le milieu familial doit aussi avoir la « splendeur de l’ordre » (saint Augustin). Le désordre matériel entraîne en effet l’esprit à ne pas plus s’étonner du désordre des idées et de la conduite que du désordre de sa chambre. Le mot « désordre » lui-même est devenu synonyme de « dérèglement des mœurs ». Il faut donc exiger que, dans leur petit domaine, les enfants rangent eux-mêmes le fatras de livres, de jeux et de vêtements qui traînent dans leur chambre. Si l’on a eu cette exigence pour eux et que le reste de la maison est habituellement propre et ordonné, les petits s’imprègneront naturellement de ce goût de l’ordre et acquerront une qualité éminente : la maîtrise de soi.

Il est nécessaire que tous se sentent bien en famille. C’est à chacun d’y mettre du sien, d’y contribuer en une fusion des pensées, des sentiments et des vertus comme les flammes entremêlées d’un même feu consumant l’égoïsme, l’individualisme, les recherches de soi… Toutes ces duretés étouffent un véritable esprit de famille. C’est de tout cela que dépend le bonheur d’un foyer où il fait bon se retrouver le soir, et « habiter ensemble ».

 

   Sophie de Lédinghen 

 

Nos enfants sont-ils de petits anges innocents ?

« Tu ne mangeras pas du fruit de cet arbre. » (Gen 2, 17) En établissant cette restriction dans l’usage de toutes les choses créées qu’Il venait de donner à l’homme, Dieu voulait par là lui rappeler qu’il n’est pas son propre maître : c’est de Dieu qu’il doit recevoir la connaissance du Bien et du Mal. Prétendre atteindre sa fin hors de Dieu, refuser de reconnaître sa dépendance à son égard, cela s’appelle : le péché.

Séduits par le démon, Adam et Eve désobéirent gravement à Dieu, l’homme commit ainsi le premier péché, il s’est séparé volontairement de Dieu et s’est lui-même privé de l’amitié divine. Ayant perdu ce trésor, comment alors aurait-il pu le transmettre à ses descendants ? Voilà pourquoi nous naissons tous privés de la grâce divine. C’est cette privation que l’on appelle le péché originel. « Voici que je suis né dans l’iniquité, dans le péché ma mère m’a conçu. » (Ps 50,7)

Quoique propre à chacun, le péché originel n’a, en aucun descendant d’Adam, un caractère de faute personnelle. C’est la privation de la sainteté et de la justice originelles, la nature humaine n’est pas totalement corrompue mais blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et inclinée au péché (cette inclination au mal appelée « concupiscence »).

Le Baptême (enseigné par Jésus-Christ lui-même à ses Apôtres), en donnant la vie de la grâce, efface ce péché originel et retourne l’homme vers Dieu. Mais demeure la blessure de ce péché, comme la cicatrice d’une plaie guérie, qui affaiblit et entraîne au mal la nature de l’homme et l’appelle au combat spirituel. Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l’éducation.

 

Le but de l’éducation

Dans son infinie sagesse, le Créateur a établi des règles pour notre bien. Il ne nous appartient pas de les changer, mais seulement de nous y soumettre en toute confiance : faire le bien, éviter le mal. C’est la voie du bonheur. Malheureusement, bien souvent on se trompe de bonheur, on le cherche où il n’est pas : richesse, bien-être, gloire humaine, pouvoir… Or c’est en Dieu seul, source de tout bien et de tout amour, que se trouve le vrai bonheur. Et chaque fois que nous nous détournons de ces règles établies par Dieu, nous devenons malheureux, parfois même au point de perdre cette vie de la grâce de notre baptême (péché mortel).

Lorsqu’un enfant nous arrive, c’est à nous ses parents de le former à cette vie morale, notamment en lui transmettant la connaissance du bien et du mal ; plus encore, en lui apprenant à vivre en conséquence, à mettre en pratique cette « formation morale », ou formation de la conscience qui tient une place de premier ordre dans l’ensemble d’une éducation qui doit être le moyen d’atteindre le but de sa vie, le Ciel.

 

Apprendre à obéir

Voilà l’une des premières notions à apprendre à nos tout jeunes enfants : si on respecte papa, maman, ou toute autorité, on respectera tout naturellement le Bon Dieu. Si l’enfant voit qu’il rend heureux ses parents lorsqu’il leur obéit, ou bien les fâche en ne les écoutant pas, il comprendra très vite ce qu’est l’obéissance ou ce qu’il en coûte de désobéir. Alors le récit de la chute de nos premiers parents ne présentera aucune difficulté pour lui. Il n’aura aucune peine à comprendre la situation. Il saura qu’il est normal d’être puni quand on désobéit et que si cela fait de la peine à papa et maman, cela fait aussi de la peine au Bon Dieu. Voilà pourquoi il est nécessaire d’encourager l’obéissance de nos enfants, de les récompenser ou punir, toujours avec mesure et justice, à la manière de Dieu envers nos âmes lorsqu’Il nous jugera ! C’est un grave devoir de savoir sévir et encourager, de faire comprendre très tôt aux petits ce qui est bien et ce qui est mal ; et que ce qui fait plaisir ou non à papa et maman fait également plaisir ou de la peine « au bon Dieu si bon » !

 

Ce qu’est le péché

Un peu plus tard, vers trois ou quatre ans, >>>    >>> on expliquera au petit que tout ce qui fait de la peine au Bon Dieu (ou « à Jésus ») est un péché, et que le péché salit son cœur qu’il doit garder bien propre pour, un jour, aller au Ciel voir Jésus. La notion du péché sera claire : une offense à Dieu. En application, dans la vie de tous les jours, les parents apprendront à l’enfant à lutter contre ses mauvaises tendances (colère, paresse, gourmandise…), lutte qui durera toute la vie.

On expliquera ensuite que le péché est le fait de désobéir, et que la tentation seule n’est pas péché. C’est l’action de désobéir à Dieu en « obéissant à la tentation » qui est un péché. Mais, avec l’aide de Dieu et de la Sainte Vierge, on est plus fort pour résister à la tentation. Si on se met sous la protection de Notre-Dame, le démon perd la bataille et ne peut rien nous faire ! On pourra alors montrer à l’enfant une image de la Sainte Vierge écrasant le serpent sous son pied.

 

La conscience

Elle est cette voix intérieure que Dieu a mise en nous comme un guide pour nous aider à faire le bien et rester son enfant. Pour les plus petits, il sera plus facile de dire d’« écouter son bon ange » et « ne pas écouter le démon ». Dès 5 ou 6 ans, quelquefois plus tôt selon les enfants, on les fera réfléchir sur eux-mêmes, sur l’importance d’être attentifs à cette « voix intérieure » et de la suivre fidèlement.

 

Demander pardon

Adam et Eve ont regretté leur péché, et ils ont demandé pardon. Pour leur montrer qu’Il pardonne, Dieu va leur promettre un sauveur. Consolés, ils supporteront avec courage et patience toutes les misères de leur vie.

Nous aussi, nous devons toujours demander pardon sans tarder, dès qu’on a fait quelque chose de mal. Les enfants doivent avoir la certitude que Dieu pardonne toujours si on regrette sa faute et si on en demande pardon. C’est le meilleur antidote contre l’orgueil (« l’éternité de l’enfer vient de ce que le diable ne veut pas demander pardon » disait Bossuet). Et c’est une habitude qu’il faut prendre très jeune : dès qu’un petit tape ou désobéit, on lui fera toujours faire un câlin ou un baiser avant qu’il sache prononcer « pardon » lui-même. Faire la paix, cela va dans les deux sens : à son tour il lui faudra aussi apprendre à pardonner aux autres, et cela ne se fait pas tout seul non plus ! Plus ces habitudes seront prises tôt, moins ce sera difficile.

Cette éducation à faire le bien et éviter le mal guidera l’enfant toute sa vie, le préparera au sacrement de Pénitence en le conduisant régulièrement au confessionnal où il s’agenouillera devant le ministre de Dieu, humble et repentant. Notre responsabilité n’est-elle pas de lui ouvrir la voie du vrai bonheur, celle du Ciel, en lui en donnant les meilleurs moyens d’aimer et de servir Dieu, plutôt qu’en le comblant de gâteries et flatteries qui l’en écarteraient pour l’éternité ?

Le monde dans lequel nous vivons est aux antipodes de cette vision des choses : matérialisme, esprit de consommation, recherche du plaisir, individualisme… Un monde totalement déboussolé, jusqu’à perdre le plus élémentaire bon sens naturel ! Pourtant, c’est dans ce monde que nous sommes appelés à vivre. Cela ne doit pas nous décourager : si Dieu nous a placés là, c’est pour que nous servions de témoins de la Lumière au milieu des ténèbres. Ayons confiance, tant que nous Lui restons fidèles, Il nous donnera toute la force dont nous avons besoin.

Restons solides et fermes dans l’éducation de nos petits, ne leur trouvons pas sans cesse des excuses en nous rappelant que, marqués du péché originel, ils ont un combat à mener contre leurs propres faiblesses. Fortifions-les dans cette lutte pour la vertu plutôt que de les amollir en leur évitant toute sanction ou contrariété : faisons-en avec courage les saints de demain !

 

Sophie de Lédinghen

 

Se connaître, se comprendre, s’aimer

C’est faute de se connaître respectivement et mutuellement que bien des époux, des frères et sœurs, des amis se heurtent parfois jusqu’à se blesser profondément. Ce sujet passionnant et délicat devrait constituer un chapitre important au grand livre de l’éducation parentale.

Voici quelques pistes, très générales, qui guideront peut-être les parents sur les différences psychologiques, biologiques masculine et féminine, leurs richesses et nécessaire complémentarité pour une meilleure compréhension.

 

Ce n’est ni dans l’art, ni dans la science, ni dans les découvertes, ni dans les lettres pour elles-mêmes, ni dans la domination que la femme atteindra sa fin : elle est ordonnée de corps et d’âme pour la maternité ou pour le sacrifice, dans le dévouement. Rôles sublimes auxquels elle n’apportera jamais trop de compétences, et qui nécessite donc une intelligente et solide éducation.

Tandis que généralement le garçon perçoit, compare, juge, la femme saisira souvent par une perception intérieure mystérieuse, « l’intuition », le sens d’un geste, d’une démarche, d’un regard, d’un sourire, d’un mot. Cette différence essentielle dans la manière d’aborder le champ des conceptions intellectuelles saute déjà aux yeux chez le petit garçon comparé à la fillette.

 

L’intelligence :

En face d’un objet inconnu, le premier demande : « Comment l’a-t-on fait ? D’où cela vient-il ? » La petite fille s’exclame : « C’est beau ! » ou « C’est laid ! », « Pour qui est-ce ? » Dans le premier cas, recherche de la vérité ; dans le second, expression d’émotion.

La mémoire de la femme subit le contrecoup de son affectivité envahissante pour tout ce qui l’intéresse. Ses souvenirs se fixent ou se transforment au gré de ses impressions du moment. Celles-ci sont renforcées par l’imagination dominante. Les devoirs de rédaction des jeunes filles sont riches de fantaisies précisément parce qu’elles ont une facilité à s’évader du réel dans le rêve (ou le roman vécu jusqu’à l’intime !). Le langage des fillettes est, de ce fait, très aisé et coloré, alors que celui des garçons du même âge reste hésitant, embarrassé, sec, comme un énoncé de problème ! De cette vérité découle la nécessité d’une culture, d’une éducation spirituelle et temporelle, pour contrebalancer les effets souvent désastreux de leurs penchants innés.

 

La raison :

L’homme se place nettement en face de la situation, en dégage le côté immuable et concentre toutes ses énergies pour résoudre au mieux le problème de sa propre existence en fonction de son milieu, de ses charges familiales ou professionnelles, de ses moyens. Logique raisonnable, capacité d’atteindre, dans le cours des événements, une tranquillité d’âme relative, « égocentrique », qui peut tenir lieu de bonheur.

La femme, souvent, répugne instinctivement à calquer sa vie sur la réalité, et lutte contre les points fixes qui la jalonnent, même si de perpétuelles désillusions meurtrissent son cœur. Illogisme poussé à fond dans la recherche du possible dans l’impossible, souffrance perpétuelle qui parfois diffuse d’étranges mélopées !

Selon les psychologues, il n’y a là ni incohérence, ni manque de raison, mais différence entre la logique abstraite masculine et la logique concrète féminine. L’une repose sur la loi théorique des idées, la seconde sur l’imprévu pratique de l’existence. Ce déséquilibre apparent est permis par la Providence pour rétablir sur un autre plan la stabilité familiale compromise par les événements anormaux dont la vie de chacun de nos foyers est épinglée.

 

La sensibilité : 

L’élan originel de la femme la porte spontanément vers autrui, vers l’homme « pour lequel, dit saint Paul, elle a été créée ». C’est sa tendance, son but.

« Par ce don vital, supérieur à tout don, la femme sait qu’elle vaut surtout par le cœur. Mais, en raison de sa constitution délicate, vibrante, les risques de sa sensibilité sont extrêmes, et c’est parce qu’elle éprouve, pour un rien, ce frémissement intense qui irradie le flux nerveux jusqu’aux ultimes ramifications de son organisme, qu’elle croit « trop » en son cœur1. »

La grande illusion des jeunes filles et des femmes est de tenir pour raisonnable cette passion de sentir à fond, cette erreur qui les livre cœur et âme à la faculté « d’éprouver », de faire du sentiment à tout propos, de confondre l’épanouissement du cœur avec ce culte exagéré de la sensibilité : sensualisme des émotions qui détourne peu à peu du véritable amour ! La maîtrise de ce sentiment est difficile, mais nécessaire, bien avant la puberté (surveillance des lectures, musiques, amitiés, travail de la volonté, etc). L’aiguillage de ce sentimentalisme requiert une force en dehors de sa nature (la raison), et comme base d’élan un idéal supérieur à celle-ci (la foi) : deux ailes capables de stabiliser en plein vol l’amour féminin. Ce déséquilibre apparent justifie son besoin de dévouement, de protection, de direction. Se dévouer, c’est-à-dire entourer l’élu, qu’il soit le mari ou l’enfant, de toutes les délicatesses de l’amour, de tout l’appui d’une tendresse indéfectible.

 

L’amour propre :

Chez l’homme, l’amour propre est souvent basé sur l’intérêt, il s’appelle ambition et vise le profit (puissance ou fortune). La femme dédaigne, en général, les privilèges qui ne visent que la domination, les honneurs, l’autorité ; elle désire être première dans l’estime des autres pour augmenter leur affection à son endroit. C’est la logique de sa dépendance passionnelle pour autrui : le jugement des autres prévaut sur la réalité. Cela se remarque dès l’enfance des petites filles, très facilement portées à « être sages » quand il s’agit de mériter un éloge. Ce travers, s’il n’est pas combattu par l’éducation et la grâce divine, est un frein moral puissant et source de graves défauts : se vanter à tout propos, se mettre en lumière, dénigrer le prochain, avoir recours au mensonge…

Le remède à cet amour propre est d’abord dans la formation familiale sérieuse des filles, qui les habitue à raisonner, et surtout dans l’éducation chrétienne qui leur fait rechercher la cause de leurs fautes. Il appartient aux hommes de ne pas se laisser prendre par la critique ou la médisance féminine. Leur silence éloquent arrêtera comme par magie les critiques. Qu’ils en usent sans crainte, et n’exploitent jamais la vanité des jeunes filles ou femmes avec lesquelles ils se trouvent.

 

L’expansion :

Dans un jardin public où sont groupés des bébés qui essayent leurs premiers pas ou premiers mots, il est facile de distinguer les fillettes des garçons, aux avances, aux gazouillis, aux caresses prodiguées par celles-là à ceux-ci, lesquels en demeurent comme étonnés et gênés ! Toute jeune, la petite fille manifeste ce besoin d’extériorisation. Quand les unes et les autres ont grandi, les petites sœurs racontent beaucoup plus volontiers que leurs frères les menus incidents. S’il s’agit d’écrire en famille, entre amies, les fillettes le font spontanément avec satisfaction, tandis que les garçons considèrent l’exercice comme un supplice. Ils n’ont rien à dire parce que chez eux le besoin d’expansion n’existe pas. Le raisonnement, aptitude originelle développée dans le cerveau masculin, apporte avec lui une certitude qui n’exige pas de contrôle ; l’intuition, l’émotion, instinctives à la femme, demeurent essentiellement vagues, il leur faut la communion intellectuelle avec d’autres êtres vivants. C’est l’abus de ce besoin qui est cause du bavardage excessif des jeunes filles et des femmes. Les écolières parlent entre elles en reproduisant, en se racontant les unes aux autres, les manières d’agir de leurs mères ou de leurs professeurs. Alors que les garçons jouent rarement aux jeux d’imitation, et ne convoitent des camarades que pour dépenser leurs forces musculaires ou partager des récréations mouvementées.

Le jeune homme, comme la jeune fille doivent se souvenir qu’ils sont des êtres complémentaires, convaincus que si le fond entre les deux sexes est commun, il y a entre eux, du fait de leurs caractéristiques et de leurs fonctions physiques, des différences morales considérables. Il a des déficiences qu’elle doit compenser, comme elle a des faiblesses qui appellent le soutien de l’homme. Il leur faut se connaître tels qu’ils sont, non pas pour se mépriser, se comparer, mais pour se comprendre, et en se comprenant s’attacher l’un à l’autre, être une aide réciproque et vraiment aimer.        

 

Sophie de Lédinghen

 

1 Marie-Madeleine Defrance, Psychologie des filles pour l’instruction des garçons.