L’un de nos lecteurs nous a envoyé un article, qui fait suite à notre précédent numéro. C’est bien volontiers que nous le publions. Nous le remercions vivement pour sa généreuse participation.
Que de rêves n’avons-nous formulés en attendant la retraite ? Que de projets et sollicitations avons-nous repoussés pour ne pas nuire à notre devoir d’état ?
Mais qu’est-ce que la retraite ?
Pour certains elle est attendue comme de grandes vacances, pour d’autres, c’est la rupture brutale d’une activité principale et d’un rythme de vie ; pour d’autres encore, c’est une diminution d’activité (certaines entreprises pratiquent même la retraite progressive) mais pour tous, c’est un changement de vie et d’activité important, libérant du temps disponible, l’occasion de redéfinir ses priorités.
Dans mon entreprise, de nombreux retours plus ou moins dramatiques de jeunes retraités, désorientés, perdus, déprimés, avaient alerté les services des ressources humaines sur la nécessaire préparation à la retraite.
Une formation sur deux jours fut mise en place ; quelques années plus tard cette formation était toujours en tête des indices de satisfaction. Je me décidai à la découvrir.
L’idée de base était que chaque participant ressorte de la formation avec son livre de retraite rempli, divisé en 3 parties avec les consignes suivantes :
– Premier chapitre : placer les occupations dont vous avez toujours rêvé mais que vous n’aviez pas le temps de réaliser, des activités pour lesquelles vous aimeriez consacrer du temps et de l’énergie, à condition que ce soient des activités où vous réaliseriez quelque chose.
– Deuxième chapitre : pris par la vie professionnelle, vous avez peut être mené des vies parallèles avec votre conjoint, c’est le moment de se rapprocher et d’inventer des activités à deux. Consigne : placer des occupations communes.
– Troisième chapitre : la retraite peut être un temps de repli ou d’isolement. Plus d’écoles ou d’entreprises pour retrouver un environnement social. Réfléchissons à donner de notre temps pour les autres : que ce soit la visite de malades ou de personnes âgées, aider dans une association, auprès de jeunes, etc. Ce temps donné est très gratifiant et nous donnera le sentiment d’être utile : placer des occupations au service des autres.
La session fut animée, des questions surgissaient, des idées aussi, des difficultés apparurent, notamment pour remplir le deuxième chapitre, bref les stagiaires construisaient leur nouvelle vie.
Si cette formation fut un succès, c’est à mon sens que les travaux demandés répondaient aux questions que chacun se posait : qu’est ce qui est important dans la vie, comment se rendre utile, conserver un rôle dans la société, comment rendre belle et heureuse cette nouvelle période de notre vie ?
– La grande affaire de notre vie
Bien sûr la grande affaire de notre vie est de gagner notre ciel, aussi la retraite en offrant du temps disponible et moins de soucis matériels est un moment favorable pour s’y préparer.
Nos abbés sauront très bien nous y aider pourvu que nous leur demandions.
Le choix de sa résidence est important. Mon voisin rêvait de passer sa retraite au bord de la mer ; la proximité d’une paroisse ou d’un prieuré apparaîtra sans doute plus essentielle.
Plus précisément, nos prêtres nous recommandent de suivre une retraite spirituelle chaque année, ou au moins tous les deux ans. Pendant notre vie professionnelle, un tel rythme était souvent impossible. Pour un retraité, cela devrait être possible. Tous ceux qui ont essayé disent que cela vaut la peine !
Nos abbés nous conseillent aussi de lire des ouvrages de piété ou de doctrine. Mais le temps nous manquait souvent pour appliquer ces recommandations. Une fois à la retraite, cela devient possible. Nombreux sont peut-être les livres qui occupent les étagères de notre bibliothèque et que nous n’avons jamais ouverts !
Nos prêtres nous répètent souvent qu’il est utile et même nécessaire de prier et de recevoir les sacrements. Là encore, il faut bien reconnaître que, par le passé, notre surcharge de travail ne nous a pas permis d’être à la hauteur. Maintenant, il est plus aisé d’aller à la messe en semaine, de réciter le chapelet sans précipitation, et même parfois d’assister à un salut du Saint Sacrement ou un chemin de croix.
– Transmettre
Au moment du départ à la retraite, ce que nous avons reçu, les histoires de la vie, les expériences acquises, peut-être les épreuves rencontrées, seront autant de choses qui pourront être utiles à transmettre aux générations suivantes.
Donner des cours ou des conférences, écrire des livres ou des articles ou simplement prendre la peine de raconter, de parler, peu importe le moyen mais quelle nécessité de transmettre cet héritage ! Et quel bonheur ce sera alors d’instruire, de fixer des repères, de donner des exemples, de faire aimer notre pays et notre religion.
– Donner du temps pour les autres
Lors de notre formation, chacun avait son idée pour donner un peu de son temps, et en ressentait la nécessité, notamment pour retrouver un environnement social. C’est une nécessité pour le retraité, mais c’est surtout une réponse adéquate à un réel besoin du prochain. Le Christ a dit : « Tout ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le ferez ». Ils sont innombrables, les gens qui ont besoin de nous. Par exemple, les multiples associations qui gravitent autour de la Tradition cherchent sans cesse des bénévoles, et n’en trouvent jamais suffisamment. Les prieurés aussi sont souvent à la recherche de personnes disposant d’un peu de temps pour des activités très variables : comptabilité, ménage, organisation de kermesse, de procession ou de pèlerinage, sacristie, secrétariat, couture, enseignement du catéchisme, procure, etc. Dans les écoles également, les bénévoles sont bienvenus : surveillance, service de cantine, jardinage, entretien des bâtiments, enseignement, etc. C’est donc une excellente initiative que le jeune retraité propose ses services explicitement à son prieur ou à telle association. La charité étant la plus importante et la plus excellente des vertus, celle qui nous rapproche de Dieu, nous pouvons difficilement nous donner une ambition plus appropriée que celle de terminer notre vie sur terre à aimer et à aider notre prochain. En voici un bel exemple.
La mère de saint Jean Bosco, maman Marguerite, avait accepté de consacrer les dernières années de sa vie à aider son fils prêtre dans son apostolat auprès des enfants. Un jour, elle perdit son sang-froid. Littéralement à bout de force, elle dit à son fils : « Cette fois, j’en ai assez, ça ne va plus. Hier, j’avais demandé aux enfants de rentrer la lessive que j’avais mise à sécher sur des cordes : ils me l’ont déchirée et traînée dans la boue. Dans le jardin, ils piétinent les légumes. Ils abîment tellement leurs vêtements que je ne sais plus où les raccommoder. Ils perdent leurs chaussettes. Ils cachent si bien la vaisselle de la cuisine que je dois la chercher pendant des heures. C’est fini, fini ! Je rentre à la maison pour avoir un peu de repos pour mes vieux jours ». Son fils, saint Jean Bosco, l’écouta sans l’interrompre ; il l’écouta sans dire un mot. Et quand elle eut fini, il montra simplement du doigt le crucifix qui était suspendu au mur. Maman Marguerite comprit. Elle réfléchit, puis dit en pleurant : « Tu as raison, mon enfant, je n’y avais pas pensé ». Et aussitôt, retrouvant son courage et son sourire, elle retourna à sa mission auprès des protégés de son fils, en silence à son ingrate besogne et y demeura jusqu’à son dernier soupir.
Bienvenue à la retraite !
Olivier de Lacoste