Qui sont les vrais pères de l’Europe ? Quels sont ceux qui, à travers les siècles, ont concouru à former l’esprit européen et la civilisation occidentale ? Nous ne parlons pas ici de l’Europe d’après-guerre ou de l’Europe de Bruxelles, non, mais de l’Europe chrétienne, bimillénaire, sortie du travail laborieux de construction matérielle et spirituelle des Bénédictins, puis de toutes les communautés religieuses qui s’en sont inspirées.
C’est saint Benoît de Nursie qui est le vrai Père de notre Europe. La Règle qu’il a instaurée, qui codifie la vie des moines en partageant leur vie en trois tâches essentielles : oraison, travail intellectuel et travail manuel, est à l’origine de l’esprit européen et du brio de sa civilisation.
En imposant à ses clercs un tiers de temps consacré à la prière, il savait très bien que ce temps ne serait pas perdu, que c’est le point d’ancrage dans le Ciel qui permet aux facultés spirituelles de décupler, et aux capacités intellectuelles de s’ouvrir à une connaissance divine qui permet de mieux appréhender les réalités matérielles.
De plus, ce sont les Bénédictins qui ont été les premiers gardiens de l’histoire européenne, les passeurs de mémoire de la Grèce et de la Rome antiques, vers notre Haut Moyen-Age, grâce à leur travail de copistes et à leur étude des textes anciens. Ils ont enseigné et transmis ces rudiments de culture, de la Scandinavie à l’Andalousie, se servant de la langue de l’Eglise comme ciment intellectuel et spirituel des peuples convertis. Parallèlement, ce sont eux qui ont pu retransmettre les coutumes et légendes des pays du Nord qu’ils évangélisaient en les retranscrivant en latin, comme dans l’Histoire ecclésiastique des peuples anglais, de Bède le Vénérable, au VIIIème siècle.
Ce sont eux qui ont transmis leur esprit de prière aux peuples, même les plus rudes, leur apprenant ainsi comment éclairer leur intelligence à la source même du Savoir, par l’oraison.
Dans cette harmonie entre prière, travail intellectuel et manuel, ils ont permis à l’Europe occidentale de bénéficier d’un extraordinaire développement technique et économique. Grâce à leurs chantiers de défrichage, de déboisement, d’assèchement des marais, ils ont multiplié les ressources de régions entières, leur permettant par là même de sédentariser les peuples nomades et appauvris, et de leur procurer une prospérité que l’Europe n’avait pas connue auparavant. Les abbayes développaient également des techniques innovantes, tant en architecture qu’en agronomie, ainsi que l’étude approfondie des sciences, des arts et des lettres.
Refuges contre les invasions barbares et contre l’esprit du paganisme, ce sont elles qui ont réconcilié les anciens panthéistes avec l’univers. En délivrant l’homme païen de sa peur du cosmos qui paralyse l’intellect devant l’arbitraire d’une divinité incompréhensible, l’instruction des moines lui a expliqué que le Vrai Dieu est un Dieu personnel, créateur mais aussi amour incarné, atteignable par la raison. Il est le meilleur allié de l’expansion du génie humain.
Alors ce n’est pas par hasard que la civilisation chrétienne occidentale a eu ses siècles de gloire, aussi longtemps que le génie du christianisme a été transmis par ces générations de religieux catholiques. C’est cette alliance entre la liberté et les forces humaines orientées vers le Ciel, et l’action du Créateur, qui a permis l’épanouissement et le rayonnement de l’Europe chrétienne.
Plaise à Dieu que l’ancienne flamme des bâtisseurs de l’Europe puisse rapidement renaître de ses cendres encore fumantes ! C’est certainement l’intention de prière et le sujet de l’oraison de nombreux d’entre nous…