Le communisme et le message de Notre-Dame de Fatima

Lorsque nous considérons les événements de la vie du monde et de l’Eglise à la lumière de la Foi, nous savons que l’histoire n’est pas le fruit du hasard ou de l’obscure dialectique des forces économiques et politiques, comme le pensait Marx. Rien n’échappe à la Providence et au Gouvernement divin et tous les événements sont voulus ou permis par Dieu dans les moindres détails. Ainsi, de toutes les apparitions de la Sainte Vierge au XXème siècle reconnues par l’Église, Fatima est de loin la plus importante. La Sainte Vierge y est intervenue de façon décisive et nous pouvons affirmer sans nous tromper que le Cœur Immaculé de Marie est la clé du siècle que nous vivons depuis 1917. Les apparitions de Fatima établissent un lien nécessaire entre la conversion de la Russie, la sauvegarde de la Chrétienté et le triomphe du Cœur Immaculé de Marie. Notre Dame indiqua à Sœur Lucie à Fatima, le 13 juin 1917 « Jésus veut se servir de toi afin de me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon cœur Immaculé ». Le Christ lui-même lui déclara, le 18 mai 1936 : « Je veux que toute mon Église reconnaisse cette consécration comme un triomphe du Cœur Immaculé de Marie, afin d’étendre son culte et placer à côté de la dévotion à mon divin Cœur, la dévotion à ce Cœur Immaculé ». Quel rapport pourrait-il y avoir entre une dévotion, celle du Cœur Immaculé de Marie, et les forces économiques, politiques et idéologiques en présence dans le monde à ce moment-là, et comme nous l’avons vu, encore à l’œuvre dans les évènements actuels ? Pour comprendre ce lien, il ne faut pas oublier que c’est la Sainte Vierge qui écrasera la tête du serpent. Comme le confiait Sœur Lucie au P. Fuentes : « La très Sainte Vierge m’a dit que le démon est en train de livrer maintenant une bataille décisive avec la Vierge… ». Certes, l’inimitié entre la femme et le démon dure depuis l’origine. Mais dans cette dernière bataille commencée avec la révolution communiste, le diable a jeté toutes ses forces pour entrainer les hommes avec lui dans sa chute. C’est pourquoi la Très Sainte Vierge Marie a décidé d’intervenir directement pour informer dès avant la Révolution rouge d’Octobre 1917 le peuple chrétien du danger inouï qui se préparait pour la Russie et pour le monde et pour nous proposer plusieurs remèdes.

Le 13 juillet 1917, à Fatima au Portugal, la Sainte Vierge apparaît ainsi à des petits bergers.

A l’un d’entre eux, Lucie, elle fera la révélation suivante :

« Quand vous verrez une nuit illuminée par une lumière inconnue, sachez que c’est le grand signe que Dieu vous donne qu’il va punir le monde de ses crimes, par le moyen de la guerre, de la famine et des persécutions contre l’Eglise et le Saint-Père.

Pour empêcher cela, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis du mois. Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix. Sinon elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, plusieurs nations seront anéanties. A la fin mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie qui se convertira, et il sera donné au monde un certain temps de paix ».

Il faut bien considérer le contenu politique du message de la Sainte Vierge :

  • Le salut des nations prises dans leur ensemble par la consécration de la Russie aux Cœurs de Jésus et de Marie (tant qu’elle n’aura pas été consacrée, la Russie continuera à répandre ses erreurs et à provoquer des guerres).
  • Le salut particulier de chaque nation par sa propre consécration au Cœur Immaculé de Marie.

Un exemple patent de salut d’une nation est celui du Portugal. C’est le 13 mai 1931 que les évêques du Portugal consacrent leur pays au Cœur Immaculé́ de Marie. Dès lors, le pays va connaître (jusqu’à la fin du gouvernement de Salazar en  1968) un renouveau religieux et politique miraculeux. Salazar combattit le communisme et la franc-maçonnerie (qui fut dissoute en 1935). Il laissa à l’Église pleine et entière liberté tout en aidant son action. Il rectifia la législation du mariage pour la rendre plus conforme à la doctrine catholique et au droit canon. Grâce à la consécration du Portugal, le pays a été protégé contre la guerre mondiale de 1939-1945. Sœur Lucie l’écrira le 18 août 1940, dans une lettre au P. Gonçalves :

« La preuve que Dieu nous fournit est la protection spéciale du Cœur Immaculé de Marie sur le Portugal à cause de la consécration qui lui a été faite. ». A un journaliste américain qui, en 1946, l’interrogeait sur la Russie, Salazar fit cette réponse remarquable, parce qu’elle nous ramène au cœur même du Secret de Fatima : « D’après ce que nous savons des affaires intérieures de Russie, une révolution y paraît improbable pour le moment. Mais il y a une espérance de paix : c’est que la Providence fasse en Russie ce qu’elle a fait ici au Portugal».

Depuis la demande de Notre Dame à Sœur Lucie, il y eut 5 tentatives de consécration de la Russie au Cœur Immaculée de Marie en 1942, 1952, 1964,1982, 1984, et aucune ne respecta les indications précises de la Sainte Vierge. Ces consécrations ont été effectuées soit par le pape seul, soit par le pape avec le concours d’un certain nombre d’évêques (mais pas avec les évêques de monde entier) et très souvent avec un texte de consécration insuffisant (il ne faut pas dire « monde, genre humain, humanité, toutes les nations, tous les peuples », mais dire uniquement « consécration de la Russie »). Un siècle s’est écoulé depuis l’avertissement de Notre Dame à Fatima et son exactitude a été prouvée par les faits : guerres mondiales, immenses désordres, les erreurs de la Russie répandues dans le monde entier, massacres de chrétiens par millions. On comprend que la Russie, qui a été le symbole de l’indépendance à l’égard de Dieu et l’instrument actif en même temps que la première victime du processus d’athéisation du monde moderne, ait besoin, pour être guérie, d’une consécration spéciale qui la remettra dans la voie de dépendance dont elle n’aurait jamais dû s’écarter. Cette consécration ayant lieu par Marie, sera en même temps une réaffirmation solennelle de la médiation universelle de Notre-Dame. Dieu, comme il le fait habituellement, retournera contre Satan son propre plan : la Russie, l’instrument de notre malheur, convertie, deviendra l’instrument du retour du catholicisme dans le monde entier, comme l’a souligné en son temps Dom Guéranger :

« La Russie catholique, c’est la fin de l’Islam et le triomphe définitif de la Croix sur le Bosphore, sans péril aucun pour l’Europe ; c’est l’empire chrétien d’Orient relevé avec un éclat et une puissance qu’il n’eut jamais ;  c’est l’Asie évangélisée, non plus seulement par quelques prêtres pauvres et isolés, mais avec le concours d’une autorité plus forte que Charlemagne. C’est enfin la grande famille slave réconciliée dans l’unité de foi et d’aspirations pour sa propre grandeur. Cette transformation sera le plus grand événement du siècle qui la verra s’accomplir, et changera la face du monde. »

La Très Sainte Vierge Marie attend toujours que les autorités responsables fassent ce qui leur a été demandé, et c’est pourquoi nous devons plus que jamais continuer à prier pour que le pape, en union avec les évêques du monde entier, consacre la Russie au Cœur Immaculé de Marie, et que chacun de nous s’efforce de pratiquer la communion réparatrice des premiers samedis du mois.

Louis Lafargue

Références utilisées pour l’article :

  • Arnaud De Lassus, Fatima, un éclair dans le Ciel, éditions de l’Action Familiale et Scolaire, octobre 2003
  • Le Sel de la Terre, n°53, été 2005 : Fatima, notre espérance (notamment les articles de P. Bernardin et de frère Innocent Marie)
  • Toute la vérité sur Fatima – Frère Michel de la sainte Trinité Éditions C.R.C.
    • Tome I La science et les faits
    • Tome II Le secret et l’Église (1917-1942)
    • Tome III Le troisième secret (1943-1983)

La conférence d’Anca-Maria Cernea sur le “marxisme culturel” au Rome Life Forum 2016 (traduction par Jeanne Smits, http://leblogdejeannesmits.blogspot.fr/2016/05/anca-maria-cernea-denonce-le-marxisme.html

Pour approfondir :

  • L’encyclique Divini Redemptoris du Pape Pie XI, publiée le 19 mars 1937.
  • Jean Ousset, (préf. Mgr Ivan Bučko), Le Marxisme-léninisme, La Cité catholique, 1960. Réédition refondue : Marxisme et Révolution, Éditions CLC, 1992.

Les avantages de la littérature

Il arrive souvent que l’on reproche à la Littérature d’avoir une mauvaise influence dans la formation de l’esprit, mettant le lecteur assidu au contact de personnages fictifs, d’un univers parfois imaginaire, éparpillant son intelligence dans des suites sans fin d’élucubrations qui ne la structurent pas, ou qui, du moins, ne lui donnent pas la rigueur, l’assurance et la précision que pourraient lui apporter les mathématiques. Ne désigne-t-on pas d’un ton ironique les rêveurs, les idéalistes en disant : « C’est un poète ! » ? Dès lors, le littéraire peut apparaître comme un être un peu en marge, enfermé dans une sorte de tour d’ivoire, et ne s’estimant bien accompagné que de ses livres.

Mais c’est méconnaître la Littérature et son étude que de leur imputer de tels effets. L’étude de la Littérature présente de réels avantages, mais quels sont-ils ? Une bibliothèque, n’est-ce que, selon le mot de Julien Green, « le carrefour de tous les rêves de l’humanité » ? S’agit-il simplement d’acquérir une imagination plus fertile, ou de savoir manier à la perfection la langue aussi bien que la plume ? Ces avantages finalement assez matériels, s’ils étaient les seuls, rendraient l’étude de la Littérature assez décevante pour des esprits en quête de savoir. En outre, ce serait la réduire à quelque chose de très superficiel ; mais bien au contraire, loin d’éloigner les hommes de la réalité, la Littérature ne les en rapproche-t-elle pas davantage? Loin de rendre frivole leur regard sur le monde, ne les aide-t-elle pas au contraire à l’approfondir ?

Un constat simple de la réalité permet de comprendre que son étude constitue un véritable avantage : celui de l’appréciation des littéraires dans le monde professionnel et politique ; celle-ci découle de la formation de l’esprit que la Littérature leur prodigue ; elle leur donne en fait une appréhension plus juste de la réalité.

Chercheurs ? Professeurs ?

            Contrairement à ce que l’on pourrait penser, tous les Littéraires ne sont pas destinés à devenir chercheurs ou professeurs. Actuellement, les profils littéraires sont appréciés, et même recherchés dans les entreprises ; dans un article du Capital, Jeanne Bordeau[1] en explique les raisons : « Ils disposent d’une solide culture générale, de vraies capacités de synthèse et d’analyse, mais surtout d’une sensibilité humaine et d’une créativité qui peuvent faire défaut aux esprits plus scientifiques. »[2] Elle appuie son propos en énumérant un certain nombre d’entreprises comme Axa, HSBC, L’Oréal, Danone, Leroy Merlin, Vinci… qui embauchent des étudiants en Lettres, Sciences Humaines et Sociales (LSHS) en tant que cadres. On constate que l’étude de la Littérature, en effet, mettant les étudiants au contact des textes littéraires les mieux écrits, leur permet de développer une expression orale assez aisée, de posséder un vocabulaire juste et choisi ; dans le cadre de l’entreprise, ils sont donc plus à même de soutenir une conversation et de convaincre leur auditoire. À l’écrit, les chefs d’entreprise considèrent aujourd’hui comme une denrée rare ceux qui peuvent rédiger une lettre ou un rapport sans faute d’orthographe et dans un style suffisamment clair et élégant. D’ailleurs, les Littéraires n’ont-ils pas toujours eu un rôle indispensable dans la société, comme le montre la participation des hommes de Lettres à la politique ? Au Moyen Âge, les moines, seuls dépositaires des écrits, étaient les conseillers des rois ; pendant la Renaissance, l’amour des souverains pour les Lettres s’alliait à leur désir de favoriser l’essor intellectuel de leur pays; Racine n’a-t-il pas été historiographe du roi ? Sans compter les discours enflammés d’un Victor Hugo ou d’un Lamartine à l’Assemblée… Ces quelques exemples permettent de comprendre le rôle indispensable des Littéraires dans l’élite intellectuelle d’un pays.

D’où leur viennent ces avantages incontestables ?

            Le Littéraire semble être plus sensible, parce qu’avant même d’analyser un texte et d’intellectualiser sa lecture, il est touché par la beauté de ce texte, l’élégance de son style, la poésie dont il est imprégné…Qui n’a pas admiré la prose de Voltaire, ou qui ne reconnaîtrait pas la musicalité rythmée de cette phrase de Sartre dans Les mouches : « Tu es le roi des dieux, Jupiter, le roi des pierres et des étoiles, le roi des vagues et de la mer. Mais tu n’es pas le roi des hommes. » ? Sensible, il l’est aussi parce que le texte littéraire est l’expression de sentiments éprouvés pas l’auteur, (exprimés à travers ses personnages s’il s’agit d’un roman), et que ce lecteur partage. Cette sensibilité lui donne une finesse, une délicatesse de cœur, qui le rendent plus perceptif aux dispositions ou aux émotions des autres. En effet, la Littérature explore le cœur humain jusque dans ses moindres recoins, elle en donne quasiment une connaissance expérimentale, et le vrai Littéraire, bien loin d’être un idéaliste renfermé, est en fait un vrai psychologue.

La Littérature joue aussi un rôle important dans la formation de l’esprit : « Cette étude exerce et cultive toutes les facultés à la fois, l’intelligence, l’imagination, la sensibilité; donne à chacune de ces facultés une nourriture convenable, des idées, des images, des sentiments…(…) Elle applique et exerce toutes les autres puissances actives de l’âme : la perception, l’attention, la comparaison, le jugement, le bon sens moral, le bon goût littéraire, la délicatesse de l’esprit et du cœur. [3]»

La Littérature développe en effet l’intelligence : analyser un texte nécessite d’abord de l’avoir compris, c’est-à-dire de saisir la signification exacte de chaque mot dans son contexte, ce qu’a voulu exprimer l’auteur et pourquoi, le cheminement de son raisonnement, et l’enchaînement de ses idées. Il ne suffit pas, en effet, de seulement reconnaître la beauté purement matérielle de l’écrit en question. De cela découle une certaine rigueur d’esprit, qui ne manque pas non plus de souplesse, car un texte n’est pas un raisonnement mathématique, et la diversité des styles, des genres, des époques et des auteurs demande de s’adapter.

Cette analyse permet ensuite de juger, et c’est là que s’exerce ce « bon sens moral » dont parle Mgr Dupanloup : si un texte littéraire n’est pas toujours l’expression d’un message, qu’il soit philosophique ou politique, il contient cependant toujours des idées. La beauté du texte n’entrave pas le jugement que l’on y porte, et la phrase de Sartre, citée plus haut, au-delà de sa beauté plastique, peut-être analysée, et critiquée à raison, dans son contexte. Pour prendre un autre exemple, la Littérature courtoise du début du Moyen Age, qui a influencé celle de la Renaissance, n’avait pas vocation à délivrer un message particulier, mais elle exprime bien une certaine conception de l’amour et de la femme. Le texte est non seulement le reflet de la pensée d’un auteur, mais aussi celui de son époque, et des circonstances qui l’ont influencé. Plus récemment,  les écrits de Mallarmé, Nerval, Maupassant, reflètent l’angoisse chronique des écrivains de cette fin de siècle. Juger un texte, c’est donc aussi reconnaître les mentalités d’une époque donnée.

Simultanément, cette analyse n’est pas seulement historique et psychologique, elle est aussi morale : le lecteur n’est pas passif devant un texte, mais il peut juger de sa vérité ou de son erreur. Et c’est là que le regard du chrétien s’exerce avec l’acuité que lui donnent les principes de la foi et de la morale chrétiennes : il lui permet en premier lieu de juger de la licéité de sa lecture ; puis d’appliquer ces principes à l’œuvre en question, de l’aborder en considérant ses héros, voire son auteur, dans leur réalité, c’est-à-dire dans leur subordination et leur dépendance vis-à-vis de Dieu, de sa loi, de ses vérités éternelles. C’est ainsi qu’il pourra répondre à Sartre, dans l’œuvre que nous citions : l’homme peut-il jouir d’une liberté absolue, n’est-il pas sous l’autorité d’un être supérieur, qui n’est autre que Dieu ?

C’est d’ailleurs l’un des avantages que présente la Littérature catholique : un Paul Bourget, ou un Bernanos, dressent les portraits d’hommes qui certes pèchent, certes ne sont pas parfaits, mais qu’ils placent sous le regard de Dieu, qu’ils jugent, approuvent ou condamnent avec des critères catholiques, sans que leurs romans soient pour autant moralisateurs. Catholicisme et Littérature ne s’excluent donc pas l’un l’autre, mais tandis que l’une se révèle l’un des meilleurs moyens d’apostolat pour un romancier, l’autre éclaire non seulement l’écrivain mais aussi le lecteur.

Délicatesse, rigueur et analyse sont donc des qualités qui accompagnent la Littérature, qu’elle aide à développer.

Par ailleurs, la mémorisation des poésies et des citations qui illustrent les dissertations exerce aussi une faculté dont aucune profession ne pourrait se passer.

La littérature, une porte ouverte sur le monde social et professionnel.

            En entreprise, les recruteurs adopteront un directeur de Ressources Humaines, qui sera assez fin, aura assez de psychologie, pour percevoir les difficultés des employés, en avoir l’intuition, et les aider à les résoudre d’une manière adaptée et efficace. Ou encore apprécieront-ils une personne qui pourra leur dresser un compte-rendu clair, précis et synthétique d’une réunion, d’une conférence, d’un article… Un exemple permettra de le comprendre : un Directeur de Ressources Humaines expliquait que la lecture d’écrivains naturalistes tels que Zola, malgré toutes ses déficiences, rendait plus facile la compréhension des causes historiques, psychologiques, familiales et personnelles des contestations ou  manifestations des syndicats… Une réelle souffrance est à la source de leurs agissements, et si celle-ci ne permet pas de tout excuser, elle aide du moins à mieux comprendre les problèmes et à y remédier. Peut-être pourrait-on objecter que la Littérature n’est pas la cause directe de ces atouts professionnels, et que les études et formations liées au métier y préparent davantage que la lecture de Racine, Victor Hugo ou Zola ; certes, il serait sûrement exagéré de tenir la Littérature pour unique cause de la performance professionnelle au sein de l’entreprise, mais elle constitue une aide véritable surtout parce qu’elle donne une tournure d’esprit, et c’est peut-être là en réalité son plus grand avantage. En effet, parce qu’elle s’applique à exprimer des sentiments personnels et donne à voir des individus, elle permet, de ce fait, d’envisager l’universalité de l’humanité. Le lecteur se retrouve dans le héros ou dans le narrateur, il apprend non seulement à connaître l’homme, mais aussi à se connaître lui-même, à pénétrer ce jeu complexe des passions, de la volonté et de la faiblesse, de la grandeur et de la déchéance, qui sont le lot de tout homme. N’est-ce pas finalement ce que dit Saint-Réal « Un roman, c’est un miroir que l’on promène le long d’un chemin. » ? Et même si les modes, les styles et les goûts littéraires divergent selon les époques, les sujets traités se rejoignent toujours en ce qu’ils concernent l’homme. La comédie est un bon exemple de cette universalité de la Littérature : Molière comme Plaute tourne en dérision les défauts humains – avarice, lâcheté ou vanité – retrouvés de manière constante dans la nature humaine. N’était-ce pas l’ambition de Balzac que de livrer à travers la description de la société dans laquelle il vivait, une vision aussi large, aussi complète que possible de la réalité de l’humanité ? Si les personnages qui peuplent les écrits littéraires nous paraissent parfois dépourvus de réalité, hors de notre portée, il n’en demeure pas moins qu’ils prennent appui sur un modèle, bien réel, imaginé par un homme qui pensait, voulait, éprouvait, de la même manière que nous.

            Étudier la Littérature et se former à son école revient donc aussi à étudier la nature humaine, à en affiner la connaissance, celle des ressorts psychologiques qui la poussent à agir ; et cette acquisition est un avantage, quelle que soit la profession exercée par la suite ou le milieu dans lequel on vit ; elle est un avantage qui n’exclut aucun bénéficiaire et qui le dote pour toute la vie.

Aussi le Littéraire n’est-il pas cet être évanescent, marchant comme une ombre au-dessus de réalités qui le dépassent complètement, regardant comme étranger tout ce qui pourrait lui paraître un peu trop réel ; au contraire, on peut dire que la Littérature est une école de réalisme, mais au bon sens du terme, et la réalité devient toujours plus proche du lecteur au contact de la Littérature.

            Ce monde d’ailleurs toujours mieux connu n’en est pas pour autant dévalué, ou exposé dans toute la sordidité qui peut parfois le caractériser ; la Littérature, à l’exception de quelques auteurs des XIXe et XXe siècles, (les réalistes, les naturalistes), n’a pas pour but de montrer la face prosaïque du monde ; tout en le montrant tel qu’il est, elle le transfigure en même temps : c’est le rôle de la poésie. N’est-ce pas embellir la réalité, tout en la conservant, que de voir en chaque être un symbole, une image ? Voir que la vie est un fleuve, que sous la rose se cache une femme, que la lune est une « faucille d’or », parler d’un enfant comme d’ « un rayon qu’on espère », marcher sous « l’azuré lambris des voûtes étoilées », tout cela ne représente-t-il pas un avantage immense lorsque l’on se retrouve confronté à une réalité qui pourrait être banale, étriquée, grossière, mais que l’on appréhende ainsi sous un nouveau jour ? « Au même degré que l’amour, la poésie transfigure la réalité.[4] »  C’est une vérité que ne pourront ni lui refuser ni lui usurper les mathématiques…

            S’il fallait donc donner synthétiquement les avantages que procure l’étude de la Littérature, on pourrait ainsi les résumer : outre l’aisance d’expression orale et écrite qu’elle lui procure, la Littérature forme les facultés de l’homme : son intelligence, son jugement, sa sensibilité ; elle lui offre à travers ses nombreuses figures « l’image de l’humanité éternelle[5]», et cette formation affine sa psychologie, son appréhension des autres hommes et de la réalité. Ces qualités ne peuvent qu’être remarquées dans le milieu professionnel, dans un monde aujourd’hui de plus en plus déshumanisé et individualiste, dans lequel la place d’honneur est laissée aux sciences dures.

            La Littérature transforme l’homme dans son être-même, et cette dernière citation de Mgr Dupanloup expliquera pourquoi il peut retirer de l’étude de la Littérature tant d’avantages : « Il faut que celui à qui est donné cet enseignement devienne un homme plus parfait, plus noble, plus élevé que les autres. » Tel est le défi lancé à qui se lance dans l’étude de la Littérature ; mais qu’il se rassure, les héros qu’il admirera tout au long de ses études sauront l’aider à le relever…

Thérèse Roussel, étudiante en troisième année d’Humanités.

Lucie Rouot, étudiante en troisième année d’Humanités et de philosophie.

[1] linguiste et fondatrice de l’Institut pour la Qualité de l’Expression

[2] https://www.capital.fr/votre-carrière/c-est-le-retour-des-littéraires-en-entreprise-958317  

[3] Mgr Dupanloup De la haute éducation intellectuelle

[4] Jacques Reynaud – Introduction de son anthologie poétique

[5] Werner Jaeger

Vous avez dit, musique?

Notre monde actuel semble ignorer le silence. Que nous soyons en effet, dans un magasin, un supermarché, dans la rue ou bien chez nous, nous sommes « agressés » par toutes sortes de bruits et de musiques. L’homme voudrait-il se tenir loin de Dieu, Lui qui ne parle que dans le silence ?

Dans ce « paysage sonore », la musique tient une place importante. Mais sommes-nous capables d’apprécier cet art ? Car pour aimer, ne faut-il pas d’abord connaître ? Alors connaissons-nous la musique ? Exerce-t-elle une influence sur notre comportement ?

Commençons par définir ce qu’est la musique afin de mieux la connaître. Elle n’est pas une création ex nihilo, car elle a pour principe le son. C’est la cause matérielle, car cet art est fabriqué à partir du son. Restons avec la méthode de définition par les causes d’Aristote : qui la fabrique (cause formelle) ? Eh bien, le compositeur ! Qui mettra en forme un support : une partition, des signes, ou rien – ce sera alors ce que l’on appelle la transmission orale. Mais qui fait la musique (cause efficiente) ? Ce sont les interprètes qui la jouent sur des instruments ou utilisent leurs voix. Quel est enfin le but de la musique (cause finale) ? C’est la louange de Dieu ou le moyen de se divertir sainement.

Cette définition est un point de départ qui va nous permettre d’approfondir cet art.

Prenons tout d’abord la cause matérielle : le phénomène naturel appelé SON. Ce dernier possède quatre caractéristiques :

  • Le timbre est relatif aux harmoniques. En effet, lorsqu’on analyse un son, on s’aperçoit que certains harmoniques sont plus forts que d’autres, ce qui explique la différence entre un son de trompette et un son de piano par exemple. Le timbre correspond donc aux instruments.La hauteur est une fréquence qui se mesure en Hertz. Plus il y a de vibrations, plus le son est aigu et réciproquement. Il est peut-être utile de remarquer ici la différence entre un son et un bruit. Le son est composé de « mini-sons » très ordonnés appelés harmoniques. Quant au bruit, ses harmoniques sont diffus, il n’y a pas d’ordre, donc pas de hauteur. La hauteur est en relation avec la mélodie.
  • La durée se mesure en secondes et correspond au rythme.
  • L’intensités’exprime en décibels et représente le volume sonore. Elle se traduit en musique par les nuances (fort, doux…)

La mélodie est une succession ordonnée de sons. Elle est première car pour reconnaître un morceau, nous fredonnons sa mélodie.
Ces caractéristiques nous dévoilent un phénomène musical unique qui se présente sous trois aspects :

  • L’harmonie découle de la mélodie, elle lui est intrinsèquement liée.
  • Le rythme communique la vie à la mélodie et à l’harmonie.

Nous pouvons comparer ces trois aspects aux facultés de l’âme. La mélodie correspond aux éléments supérieurs, à savoir la raison avec son intelligence et sa volonté. Le rythme s’identifie aux éléments inférieurs, c’est-à-dire à l’appétit sensible, respectivement le concupiscible et l’irascible (sensualité / bestialité). Quant à l’harmonie, elle peut à la fois satisfaire les facultés supérieures et inférieures.

Passons à la cause finale qui nous tourne maintenant vers la vie de l’homme puisqu’elle va l’orienter.

Etant corps et âme, l’homme aura besoin autant d’une musique qui nourrit l’âme que le corps. C’est pourquoi, il a élaboré différentes musiques. Tout d’abord celle ordonnée à la prière qui est la musique liturgique. Elle a pour lieu l’église. Son plus parfait modèle est le chant grégorien. Comme il a été déjà dit, elle est celle qui loue et glorifie Dieu (cause finale). Ensuite vient la musique que l’on peut qualifier de « savante » car elle est généralement écrite. Elle sera élaborée car elle nourrit l’intelligence. Elle a pour lieu les salles de spectacle ou de concert. Enfin, nous arrivons au corps et à la sensibilité qui trouveront leur nourriture dans une musique que l’on qualifiera de « populaire » car elle est généralement transmise oralement. S’adressant au corps, elle mettra en avant le rythme. Elle peut être pratiquée en famille, avec des amis ou même sur la place publique. En effet, elle était autrefois un lien social ponctuant différents événements de la vie.

Ces trois « fonctions » de la musique sont complémentaires. Elles doivent s’harmoniser afin d’assurer l’équilibre de la nature humaine.

Après avoir vu objectivement ce qu’est la musique, nous pouvons à présent nous interroger sur ses évolutions.

Commençons par le « paysage sonore » qui nous entoure. L’homme moderne habite aujourd’hui un univers acoustique qu’il n’a jamais connu. Les bruits ont envahi sa vie. En effet, des chants d’oiseaux au marteau du maréchal-ferrant sur l’enclume puis aux roues des fiacres sur les pavés, il n’entend plus aujourd’hui que des sonneries de téléphones mobiles des marteaux piqueurs, des moteurs de véhicules…

 « La ‘pollution acoustique’ est aujourd’hui un problème mondial, nous dit Murray Schäfer en 1979 ! Le paysage sonore semble avoir atteint le comble de la vulgarité, faisant craindre aux experts la surdité universelle, si la situation n’est pas rapidement contrôlée (…) Il y a pollution sonore quand l’homme n’écoute plus, car il a appris à ignorer le bruit[1]. »

Cette première constatation nous montre que notre environnement sonore, de naturel qu’il était, est devenu artificiel voire nocif puisqu’il tendrait à « la surdité universelle. » En est-il de même pour l’art en général ? On observe qu’à la Renaissance, le règne de l’oralité s’efface au profit de la prédominance de la vision qui permet la naissance et la croissance d’un nouvel individualisme. Cette ère visuelle n’a cessé de progresser, extirpant l’art du réel pour l’attirer du sentiment au rêve et aboutir au virtuel. Salvator Dali (1904-1989) avoue lui-même cet objectif :

« Systématiser la confusion pour discréditer totalement le monde de la réalité[2]. »

La musique suit également cette progression. L’ascension de la puissance sonore, initiée par la révolution industrielle, trouve un écho dans la musique « savante » dont l’effectif orchestral ne cesse d’augmenter jusqu’aux gigantesques symphonies de Gustav Mahler (1860-1911). Sa symphonie n°8 est dite « des mille » donnant l’effectif des interprètes ! Le XX° siècle, quant à lui, suscitera un engouement pour les instruments à percussion – Ionisation, par exemple, est une pièce écrite par Edgar Varèse en 1931 pour treize percussionnistes –  et pour la dissonance voulue qui inclinent l’homme vers cette nuisance sonore.

Il en est de même pour la musique « populaire » qui évolue peu jusqu’au milieu du XIX° siècle. Le développement des voies de communication l’ouvre sur le monde. Son évolution sera sans précédent. L’apport de l’électricité lui dévoile le chemin de la puissance sonore et du bruit provoquant cette confusion dont parle Dali.

Par un schéma (cf FA 7 en pdf), relions, dans un premier temps, ce propos à nos trois aspects vus plus haut : la mélodie, l’harmonie et le rythme.

Ainsi le monde oral, où la voix véhiculait le verbe de Dieu, cède le pas au monde visuel, centré sur l’homme, capable de dire « je » depuis la naissance de l’opéra et de la musique concertante, pour enfin accéder au monde virtuel où l’homme s’enfonce de plus en plus dans l’individualisation et la subjectivité, allant vers ce qui le délecte.

Dans un second temps, voyons une autre confusion qui s’est progressivement opérée par la « défonctionnalisation » de la musique. Comme il a été démontré plus haut, l’homme a besoin de différentes musiques pour garder un équilibre. Celui-ci put se réaliser grâce au mécénat. Mais la « démocratisation » et l’émancipation de l’art au XVIII° siècle ont commencé à bouleverser les repères. La musique liturgique par exemple, se déplace vers les salles de concert. Ainsi, l’œuvre sacrée ne sera plus fonctionnelle. Elle ne fera que prendre appui sur des textes ou des faits religieux. Ce phénomène ne cessera de croître au cours des XIX° et XX° siècles. En effet, la musique vise plus à créer une ambiance pieuse, un sentiment religieux qu’à s’intégrer à la liturgie. La cause principale étant que la plupart des compositeurs écrivent aussi bien pour l’Eglise que pour le théâtre (opéra) et le concert, le tout dans un même langage musical. Par conséquent, musique liturgique et musique « savante » se confondent.

Au début du XX° siècle, certains compositeurs chercheront à renouveler leur langage « savant » en intégrant la musique « populaire » à leurs œuvres. C’est le cas de Béla Bartók (1881-1945).

La confusion arrivera à son comble avec l’invention de l’enregistrement et le développement des moyens de diffusion qui permettront d’entendre n’importe quelle musique n’importe où.

« La musique est dans une funeste décadence sans qu’on s’en aperçoive ; elle perd de jour en jour dans l’opinion publique. Des abus sans nombre s’y sont introduits, ils la menacent d’une ruine certaine, ou, au moins ils lui préparent une prochaine catastrophe. On l’enseigne mal, on ne l’étudie plus que mécaniquement ; et cet art intéressant, instructif et bienfaisant deviendra bientôt le jouet de l’ignorance[3]. »

Cette citation – tout à fait actuelle – date du début du XIX° siècle ! La lucidité de ce compositeur nous montre les travers qui conduisent la musique à n’être que « le jouet de l’ignorance. » Oui, cet art n’est plus enseigné. Pourquoi le fut-il pendant des siècles, de l’Antiquité à la Révolution ? C’est parce qu’il devait être connu afin d’être maîtrisé, car la musique, comme nous l’avons vu, influe sur notre âme. Déjà Platon avait constaté, dans La République, que des modes[4] engendrent la mélancolie d’autres la mollesse… Pour cela, il préconisait d’éviter l’introduction d’une nouvelle variété de musique car celle-ci pouvait mettre en péril l’état tout entier. La musique a donc une action sur l’individu mais également sur la société. Confucius, philosophe chinois (500 av JC) disait également :

« Si tu veux comprendre les mœurs d’un pays, écoute sa musique. »

Pour aller un peu plus loin, Hermann Hesse dans son livre les perles de verres (1972) reprend une théorie de la Chine ancienne selon laquelle il existerait des liens entre la musique et l’état :

« La musique d’une époque d’ordre est calme et sereine, et son gouvernement équilibré. La musique d’une époque inquiète est excitée et rageuse et son gouvernement va de travers. La musique d’un état décadent est sentimentale et son gouvernement est instable. »

Ces différents constats nous invitent en premier lieu à bien distinguer chaque musique par sa fonction et son lieu d’exécution puis à créer un équilibre. Nous avons besoin de toutes ces musiques, à des proportions différentes selon chacun et selon chaque âge. C’est pourquoi, dès son plus jeune âge, l’enfant doit être éduqué à ces différentes musiques, afin qu’il puisse les approfondir à l’âge adulte et ne pas s’enfermer dans les musiques commerciales que nous propose la société actuelle. Par conséquent, il est du devoir des parents d’éveiller leurs enfants à la musique « populaire » par la pratique de chants en famille, de la comptine aux chants de marins…

Pour les plus musiciens, il est primordial de restaurer le chant choral car il est la base essentielle de la musique et est totalement négligé de nos jours. Décapité à la Révolution, il fut quelque peu remis à l’honneur, mais depuis le règne de l’écoute individuelle, il a été tout naturellement écarté car il est aux antipodes de l’individualisme. Non seulement, il était le moyen d’apprendre la musique, mais également de la partager soit pour une saine détente, soit pour la louange divine.

La musique tient donc une place importante dans notre vie car nos oreilles n’ont pas de paupières ! Comme le vêtement que nous portons est plus le reflet de notre âme que la mise en valeur de notre corps, la musique que nous écoutons doit plus reposer, nourrir et élever notre âme que d’asservir notre corps.

Arnaud Chambade

[1] SCHAFER, Murray, Le paysage sonore, J.C. Lattès, 1979 / compositeur canadien né dans l’Ontario en 1933

[2] Tout sur l’art, Flammarion, p.429

[3] Anton REICHA (Prague 1770/Paris 1836), Texte inédit sur la musique comme art purement sentimental écrit entre 1810 et 1814

[4] Il s’agit d’une échelle de notes

Sapin ou crèche?

Différentes questions fusent des bouches de nos enfants en cette approche de Noël !

Cueillons-en quelques-unes :

Sapin de Noël ou crèche ? D’où ces traditions nous viennent-elles?

A quoi sert l’Avent, il y a déjà le Carême pour faire pénitence !

Oui le sapin de Noël peut faire l’objet d’une polémique ; et même si nous y tenons beaucoup moins qu’à notre crèche familiale, il reste porteur d’un message d’espérance !

Un peu d’histoire :

En Europe quelle habitation si petite soit-elle ne possède pas son sapin pour la nuit de Noël ? D’où peut venir cette idée ?

Le lobby des bûcherons…, le commerce des décorations ? Une coutume protestante ?

L’origine de cette tradition est certainement à chercher dans le culte druidique. Par sagesse, l’Eglise a sanctifié ces coutumes auxquelles les hommes étaient attachés pour les aider à quitter ces habitudes païennes en leur montrant le ciel. Elle a donné une autre symbolique à cet arbre en le nommant Arbre de vie. Le sapin toujours vert, se veut l’image de  Jésus-Christ qui possède toujours en Lui la vie surnaturelle et peut la communiquer à toutes les âmes de bonne volonté.

Les protestants développèrent abondamment la pratique de l’arbre de Noël pour contrer la tradition catholique. C’est en 1837 que la duchesse d’Orléans, Hélène de Mecklembourg-Schwerin, fervente protestante d’origine allemande, a amorcé la mode future, en France, des sapins de Noël. Cette tradition s’est ensuite vraiment généralisée dans tout le pays après la guerre de 1870, grâce aux immigrés d’Alsace et de Moselle, qui ont fait largement connaître la tradition de l’arbre de Noël aux Français. Elle sera popularisée ensuite par « L’école du dimanche » protestante.

Heureusement la tradition catholique n’en a pas pour autant abandonné nos crèches. Elle a apporté aux sapins des éléments pour qu’il puisse participer à la vision féerique de ce temps de Noël sans en détériorer son essence. Le sapin devient un «arbre de lumière» par l’adjonction de bougies pour bien montrer que Jésus-Christ est «la véritable lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde[1]». A l’origine on décorait le sapin de douze bougies pour représenter les douze apôtres qui ont porté la lumière de Jésus-Christ dans le monde entier. Il y eut aussi les « cheveux d’anges » pour rappeler que les anges ont chanté au-dessus de la grotte de Bethléem durant la nuit de Noël. L’étoile mise en son sommet  est l’image de celle qui guida les Mages ; et tant d’autres traditions variant selon les régions et les familles… Quoiqu’il en soit le sapin ne reste cependant qu’un auxiliaire de la crèche, et si le manque de place nous demande un choix entre le sapin ou la crèche, jamais dans une famille catholique nous ne verrons le sapin l’emporter !

Et d’où nous vient la crèche ?

Dans la Basilique Sainte Marie Majeure de Rome, le Pape Sixte III, au Ve siècle avait installé « une grotte de la Nativité » où l’on peut encore vénérer des reliques du Saint Berceau rapportées par les Pèlerins de Terre Sainte. En 1223, saint François d’Assise, au château de Greccio en Italie, obtint la permission du Pape Honorius III de faire célébrer une Messe de minuit dans une étable où hommes et bêtes reconstitueraient en taille réelle le mystère de Noël.

Mais c’est surtout au XVIe siècle, après le Concile de Trente, que la crèche proprement dite, temporaire et dédiée au temps de Noël, va faire son apparition dans les églises. C’est alors que des représentations variées vont naître et la Nativité a depuis fort longtemps été un sujet de prédilection pour les artistes et les sculpteurs. Puis, lors de la Révolution française, les églises étant fermées et les messes de minuit supprimées, les catholiques décidèrent que quoi qu’il arrive, on ne les priverait pas de leurs crèches ! Elles entrèrent alors dans les maisons ! Voici pourquoi naquirent alors nos santons (petits saints) bien connus !

Restons bien fidèles à cette sainte tradition, bel héritage à transmettre fidèlement !

Mais au-delà de toutes ces symboliques, penchons nous sur ce temps de l’Avent.

Bien différent du Carême institué comme temps de pénitence comme les 40 jours que Notre-Seigneur passa dans le désert, l’Avent veut nous aider à purifier nos cœurs pour recevoir l’Enfant-Jésus dans toute sa pureté et sa pauvreté.

Et si toute la famille cherchait cette année comment mieux préparer Noël ?

De même que nous ne laisserons pas entrer chez nous les démons d’Halloween voulant remplacer la fête de tous nos saints, de même prenons garde de ne pas tomber dans l’excès de gâteries qui font oublier la pauvreté et les joies profondes et simples de la crèche.

Donnons autour de nous ! Donnons avec notre cœur : donnons du temps, écoutons les personnes âgées, jouons ou lisons une histoire aux enfants qui nous entourent, apportons un sourire aux malheureux. Et, puisque la société d’aujourd’hui nous a souvent ôté l’occasion de « faire la charité » en pratique, offrons ce que personne ne peut nous empêcher de donner, offrons notre temps, notre sourire, nos services, notre bonne humeur,… en un mot, offrons la joie des enfants de Dieu !

Choisissons de faire de cette journée  une journée de paix et de joie chrétienne et non un étalage des dernières nouveautés ! Acceptons que le nombre de cadeaux soit quelque peu restreint ! Un bon équilibre voudrait que les parents donnent au maximum à chacun un objet nécessaire, un ou plusieurs bons livres et une surprise mais que chacun ne soit pas submergé par les dons des parents, auxquels viendront s’ajouter ceux de la famille et des amis…

Trouvons des idées pour nous donner davantage : pour les plus jeunes, ce sera peut-être leurs sacrifices de l’Avent à envoyer en numéraire à une Association, ou l’un de leurs jeux à offrir (pour les enfants hospitalisés par exemple) ; mais ce sera aussi rendre un service,  faire une visite ennuyeuse, inviter un ami délaissé, écrire une lettre à un cousin éloigné, etc… Laissons notre cœur trouver la bonne idée !

Sanctifions davantage le jour de Noël.

Et pourquoi ne pas sanctifier doublement la fête de Noël en allant à la Messe non seulement la nuit (pour ceux qui le peuvent) mais aussi le jour.  L’Eglise nous offre, pour cet anniversaire, trois messes distinctes : Messe de Minuit, Messe de l’Aurore et Messe du jour. Chacune a ses textes différents et sa richesse propre. Surtout ne nous laissons pas absorber par les festivités au point d’oublier de réciter les Mystères Joyeux de notre Chapelet.

Enfin abolissons l’expression : Bonne fêtes de fin d’année et remplaçons-là par une phrase de bénédiction : Joyeux Noël ! Bonne et Sainte Année !

Profitons de cette bonne discussion familiale pour découvrir et adopter des résolutions qui feront de cet Avent un véritable chemin vers le ciel.

A tous, nous souhaitons donc un bel Avent, qui nous prépare toujours plus à réchauffer la crèche de Jésus-Enfant en augmentant en nous la vraie charité !

MT

[1] Jean I, 9

L’éloge du vouvoiement

    Permettez-nous en cette veille de rentrée de vous offrir un écrit de Jean Raspail, (découvert sur son site : jeanraspail.free.fr) qui provoquera chez vous une discussion passionnante (paru sous le titre « De la tenue »).

Son appréciation sur cette pratique oubliée est essentielle, non seulement en tant qu’apologie de la langue française mais encore  sur l’histoire de notre idiome et surtout sur le respect et l’appel à se dépasser ! Tout cela traité avec la pointe d’humour qui le caractérise. Goûtez plutôt :

S’il existe en français, pour s’adresser à autrui, deux pronoms personnels de la deuxième personne, l’un au singulier, TU, l’autre au pluriel, VOUS, appelé pluriel de politesse, c’est que notre langue se plaît à certaines nuances qui sont les bases de la civilité. Il ne s’agit pas là de codes, de formalisme de classe, de snobisme, de règles mondaines, mais simplement d’usages naturels, qui se perdent et qui faisaient, entre autres, le charme et l’équilibre de la France et le plaisir d’être Français.

Ce plaisir-là s’émousse. On me dira que d’autres motifs plus graves et plus irritants y concourent, d’autres lésions de civilisation, et que c’est considérer les choses par le petit bout de la lorgnette, mais dans ce seul domaine de la civilité, de petites causes peuvent entraîner de grands effets dévastateurs.

La Révolution française, jusqu’à l’avènement du Directoire, savait ce qu’elle faisait en imposant le tutoiement général et en interdisant l’emploi des vocables Monsieur et Madame qui marquaient au moins une déférence réciproque : elle égalisait au plus bas niveau, celui du plus grand dénominateur commun de la familiarité.

Aujourd’hui, ce sont d’abord nos enfants que nous voyons condamnés à être partout tutoyés, comme sous la Révolution. Je ne m’en prends point au tutoiement naturel d’affection et d’intimité (la famille, les amis), ou de solidarité (les copains, les camarades,), mais à celui que leur infligent systématiquement les adultes, comme si l’enfant n’avait pas droit au respect et à la liberté de choisir selon son cœur et ses humeurs qui a, ou qui n’a pas, le loisir de le tutoyer.

D’une façon significative, et qui ne doit rien au hasard, cela commence dès l’école, où plus un instituteur ne prend la peine de vouvoyer (ou voussoyer) un enfant. Au premier jour de classe, l’ex-maître devenu enseignant par banalisation de la fonction et refus de cette sorte de sacerdoce qu’elle représentait autrefois, ne demande plus à l’enfant dont il fait connaissance: « Comment vous appelez-vous ? », ce qui serait au moins du bon français, mais : « C’est quoi, ton nom ? »

Sans que l’enfant en ait conscience, le voilà déjà rabaissé, marqué comme un élément de troupeau. On lui eût dit « vous » d’emblée, ainsi qu’à ses camarades, qu’ils en auraient retiré, tous ensemble, l’impression d’être considérés et appelés à de grands destins, ce qui est faux, naturellement, pour la plus grande partie d’entre eux, mais représente quand même un meilleur départ dans la vie que d’être ravalés dès l’enfance au matricule du tutoiement.

Le jeune élève va être vite conditionné. Dès qu’il saura lire et écrire, ses premiers livres « d’éveil » lui poseront leurs premières questions sous la forme autoritaire du tutoiement : « Dessine ici un arbre, une vache…. » ou encore : « Ecris les noms des fleurs que tu connais… » Ce n’est pas bien méchant, mais c’est ainsi que le pli se prend.

Au catéchisme, devenu catéchèse, l’accueil en TU n’es pas différent, mais ses effets en sont plus marquants, car il s’agit de choses plus graves : c’est l’âme qui se fait tutoyer d’entrée. L’ouvrage « Pierres vivantes » qui fit couler tant d’encre à cause de certaines énormités qu’il contient, distille son enseignement par le biais d’une complicité, et non d’un magistère, que le tutoiement impose à l’enfant.

Tout cela semble si bien admis, que c’est un aspect des choses que personne, à ma connaissance n’a jusqu’à présent souligné. On pose pour principe que l’enfant s’y trouve plus à l’aise. C’est sans doute vrai au premier degré. Cette pente-là est facile et semble toute naturelle C’est justement pourquoi l’on devrait s’en méfier…

Car dans cet immense combat de société qui divise le pays depuis déjà longtemps, et qui est loin d’être terminé, quelles que soient ses péripéties politiques, nos enfants sont un enjeu formidable : ils représentent l’avenir. Tout se tient et c’est au nom de l’égalitarisme et de l’uniformité larvée qu’on prive ainsi l’enfant de la déférence élémentaire et du respect qu’on lui doit.

Le tutoiement qui sort de la bouche d’un instituteur, fût-il de l’enseignement privé, et de la plupart de ceux qui font profession de s’occuper des enfants, est d’abord un acte politique, même s’il est inconscient. Cela fait partie du dressage, et cela donne des résultats. Déjà, une bonne partie de la France adulte, et toute la France juvénile, se tutoient, dans un grand dégoulinement de familiarité, qu’on appelle aujourd’hui la CONVIVIALITÉ, mot de cuistre, alibi de cuistre, camouflage de cuistre. De la convivialité à la vulgarité, le pas est vite franchi.

Dans de nombreux milieux du travail, le tutoiement devient un passeport obligatoire, dont on ne saurait se passer sous peine de déviationnisme bourgeois, alors que, chez les compagnons d’autrefois, c’était le vouvoiement qui marquait l’esprit de caste. De CASTE, pas de classe.

Au sein du parti communiste, comme du parti socialiste, dans la « République des camarades », le tutoiement est de rigueur. Seul François Mitterrand y faisait exception lorsqu’il était premier secrétaire de son parti. Il détestait qu’on le tutoie, et allait jusqu’à l’interdire, ce qui montre assez bien, à mon sens, que son socialisme était seulement d’ambition et non de conviction…

Mais, pour le commun des Français, aujourd’hui, il importe de ne pas être FIER, car ce mot-là, justement, par ce qu’il entraîne de dignité et de sentiment élevés, est devenu l’un des nouveaux parias de notre vocabulaire.

Cela peut paraître sympathique, amical, empreint de simplicité. En réalité, ce n’est qu’un piège. Quand les convenances du langage tombent, l’individu perd ses défenses naturelles, rabaissé au plus bas niveau de la civilité. N’a pas d’autre but non plus la destruction de la langue française préparée dans les laboratoires subversifs de l’Education nationale, et dont on mesure déjà les effets…

Pour ma part, j’ai été dressé autrement. Je me souviens de la voix du maître qui tombait de l’estrade : «Raspail! Vous me copierez cent fois…» ou : «Raspail! Sortez!»

J’avais neuf ans. C’était juste avant la guerre, dans une école laïque de village. Plus tard, au lycée (et ce n’est pas pour rien qu’on a cassé certaines façons, là aussi), les professeurs nous donnaient naturellement du MONSIEUR sans la moindre dérision : « Monsieur Raspail, au tableau ! » On se vouvoyait entre condisciples, réservant le tutoiement à un nombre restreint de camarades choisis.

Choisir, tout est là ! Ne rien se laisser imposer sur le plan des usages, ni le tutoiement d’un égal, ni à plus forte raison celui d’un supérieur. (…)

En revanche, on vouvoyait Dieu. Cela nous semblait l’évidence même. La prière scoute chantée commençait ainsi: « Seigneur Jésus, apprenez-moi à être généreux, à Vous servir comme Vous le méritez… » C’est la plus belle prière que je connaisse. Il m’arrive encore de m’en servir. Voit-on comme la musique des mots eût été différente à la seconde personne du singulier, et comme elle parlerait autrement à l’âme: « … A Te servir comme Tu le mérites. » ? C’est sec, cela n’a pas de grandeur, cela ne marque aucune distance, on dirait une formalité. Et cependant, aujourd’hui, c’est ainsi que l’on s’adresse à la Divinité, on lui applique le tutoiement le plus commun en français. Et le reste a capoté en série: la liturgie, le vocabulaire religieux, la musique sacrée, le comportement de la hiérarchie, la laïcisation du clergé, la banalisation du mystère, si l’on s’en tient aux seules lésions apparentes. Dieu est devenu membre du parti socialiste. L’usage est de le tutoyer.

Au chapitre des habitudes, ou plutôt des attitudes, j’ai conservé celle de vouvoyer aussi les enfants qui ne me sont pas familiers, et d’appeler Monsieur ou Mademoiselle les jeunes gens que je rencontre pour la première fois. La surprise passée, ils me considèrent avec beaucoup plus de sympathie, et j’ai même l’impression qu’ils m’en sont reconnaissants. Nous tenons des conversations de bien meilleure venue, et les voilà qui se mettent à surveiller leur langage, c’est-à-dire à s’exprimer correctement en français, comme si d’avoir été traités avec déférence leur donnait des obligations nouvelles et salutaires. Les négations et les liaisons réapparaissent miraculeusement dans la phrase (je n’ai pas, au lieu de j’ai pas, c’est-t-un au lieu de c’est-h-un, etc.), la prononciation se redresse (je suis pour chuis, je ne sais pas pour chais pas, etc.), le goût de l’élégance verbale ressuscite. Faites vous-même l’essai, vous verrez. La dignité du langage et la dignité de la personne se confondent le plus souvent. Voilà pourquoi l’on parle si mal en ce moment…

Oserai-je avouer ici que mes enfants me vouvoient, et vouvoient également leur mère ?

Cela depuis leur plus jeune âge, et sans aucun traumatisme. Sans vouloir convertir personne à ce qui peut paraître une ostentation, là aussi il faut constater que le langage courant au sein de la famille s’en trouve naturellement affiné. Et même dans les affrontements, qui ne manquent pas, un jour ou l’autre, vers la fin de l’adolescence, d’opposer les enfants à leurs parents, le vouvoiement tempère l’insolence et préserve de bien des blessures. (…)

Dans un tout autre domaine, j’assistais récemment aux obsèques d’un ami cher, Christian, de son prénom, mais il avait aussi un nom, fort joli nom d’ailleurs. Eh bien, le prêtre, qui l’avait jamais vu vivant, qui ne l’avait même jamais vu du tout, le trairait à tu et à toi, selon les piètres dispositions du nouvel office des morts : « Christian, toi qui.. Christian, toi que… Christian, Dieu te… et ta famille… » Exactement comme pour les enfants sans défense ! En vertu de quoi, au nom de quoi, la familiarité doit-elle répandre ses flots visqueux jusque sur les cercueils ? Bossuet tutoyait-il les princes en prononçant leurs oraisons funèbres ? Or chaque défunt est un roi, enfin couronné, et sacré à jamais. Quant au nom patronymique de Christian, celui sans lequel le prénom de baptême n’est rien, il ne fut pas une seule fois prononcé ! Et pourquoi pas la fosse commune obligatoire, dans la même foulée…

Car me frappe tout autant, l’emploi généralisé du prénom seul, en lieu et place du patronyme précédé on non du prénom, et cela dans toutes les circonstances de la vie où il n’est pas nécessaire de présenter une carte d’identité : « C’est quoi, ton nom? Serge. Moi, c’est Jocelyne… » Serge qui ? Jocelyne qui ? Les intéressés eux-mêmes semblent ne plus, s’en soucier. Il y a des dizaines de milliers de Serge, des dizaines de milliers de Jocelyne, alors qu’il n’existe qu’un seul Serge X., qu’une seule Jocelyne Z. Mais on se complaît dans l’anonymat. On y nage à l’aise, on s’y coule avec délices, on n’y fait pas de vague, semblable aux milliers de milliers, on n’éprouve pas le besoin de faire claquer son nom comme un drapeau et de brandir ce drapeau au dessus de la mêlée.

Qu’on se rassure, toutefois. Il nous restera au moins à chacun, le numéro matricule de la Sécurité sociale. Celui-là, on y tient.

J’en connais même qui se battront pour ça…

Jean Raspail