La Croix

Chère Bertille,

 Dans ta dernière lettre, tu me fais part de toutes les souffrances que tu peux avoir. Et ce n’est que le début d’une vie de femme. Pour t’aider à bien comprendre la souffrance, je te fais part aujourd’hui d’un texte que j’ai lu récemment et qui m’a rappelé les confidences que tu m’avais faites.

« Jeune, et pourtant si douloureuse déjà, te voici, à ton tour aux prises avec la souffrance humaine. Par la porte et par les fenêtres, sournoise ou en bourrasque, elle est entrée chez toi ; elle s’y est installée, locataire indiscrète et tenace.

  Tu souffres dans ton âme soucieuse, dans ton cœur meurtri, dans ton corps malade ! Tu souffres par les choses, par les gens, par la vie, par toi-même. Il y a tant de manières de souffrir et tant de raisons pour lesquelles on souffre !… Inutile de détailler. Pour le moment, ce qui importe, c’est ta souffrance à toi, très personnelle, qu’on devine ou non, mais que tu expérimentes avec une étrange acuité.

  Devant elle, aux prises avec elle, qu’es-tu ? Que penses-tu ? Comment réagis-tu ? Fais-tu de la résignation ? de l’amertume ? de la révolte ? de l’amour ? du blasphème ? de la mélancolie ? du doute ? du désespoir ? Tout est possible. Autant de souffrances, autant d’attitudes devant la souffrance. Seulement certaines attitudes sont mauvaises, laides, malfaisantes ; certaines autres sont bienfaisantes, glorieuses et belles.

  Quoi qu’il en soit, écoute !

  Dieu domine ce problème et l’éclaire. Avant de penser à ta souffrance ou pendant que tu y penses, nomme Dieu. Sans Lui rien ne vaut et ne signifie, la souffrance peut-être encore moins du reste. Dieu est, et tu souffres. Ce sont là les deux données : la première, donnée de la foi ; la deuxième, donnée de ton expérience.

  Dieu est. Oui Il est…. Et toi, tu souffres… Que veut-il donc ce Dieu qui t’aime et que tu aimes et qui te fait ou te laisse souffrir ?

 Peut-être veut-Il que tu expies. Car tu as péché. En quelle proportion, ta conscience peut te le dire. Où il y a péché, il doit y avoir expiation proportionnée. La souffrance acceptée paie pour la jouissance recherchée. Si ce n’est pas en ce monde, ce sera en l’autre. Mais ce sera. Mieux vaut que ce soit en celui-ci parce que l’expiation volontaire devient méritoire. Aussi toute chrétienne vraie, qui connaît ses fautes, et connaît en même temps le devoir d’expiation, se souvient, dès qu’elle est douloureuse, qu’elle fut coupable. Généreusement, elle consent à boire à la coupe amère pour se punir d’avoir bu à la coupe délicieuse.

 Peut-être veut-il que tu répares. Car il se peut que tu aies plus de souffrance à porter que de péchés commis. Alors tes peines signifient autre chose qu’une expiation toute personnelle….. Mais d’autres ont péché qui s’en moquent, ne se soucient nullement d’expier, méconnaissent leur dette de châtiment et ajoutent à leur faute celle de ne pas réparer. Dieu pense à toi pour cette dure et sainte besogne. Il t’associe à Jésus-Christ. Qu’est ce, pour une part, la Rédemption, sinon la substitution volontaire de l’Innocent aux coupables si bien que sur sa chair déchirée le Fils immaculé expie la multitude volupté des hommes ? Il y a là un  mystère profond. Seules les âmes profondes aussi, sont en mesure d’y comprendre quelque chose. Mais quand elles ont compris, par une grâce de choix, leur souffrance s’éclaire splendidement. Quelle émouvante majesté chez elles ! Quelle révélation de leur intime valeur !

Tantôt c’est la maman qui répare pour sa fille ; tantôt c’est la jeune fille qui répare pour ses parents ; tantôt c’est l’amie qui répare pour son amie ; tantôt c’est la chrétienne qui répare pour n’importe quel pécheur inconnu ; tantôt c’est la jeune apôtre qui répare pour les âmes qu’elle aime et voudrait sauver….. Tous les saints, sans exception, subirent ce traitement de faveur. Dieu agit avec toi comme avec eux.

 Peut-être veut-Il t’attacher à Lui. Comprends sa méthode. Les âmes qu’Il aime, celles auxquelles, plus qu’à d’autres, Il tient, Il les tire à Lui ; Il fait tout pour les rapprocher de Lui et réaliser avec elles une spéciale intimité. Or souvent, ici, quel est l’obstacle ? Un amour, une passion, un quelqu’un ou quelque chose qui vous charme et vous asservit, vous absorbe et vous immobilise, et appuyant sur vous de tout son poids vous empêche, ailes étendues, de vous élever à Dieu.

Dieu te tendait amoureusement la main et toi, c’est d’un geste si languissant que tu lui offres la tienne ! Et  même la lui offres-tu ? Il faut l’épreuve qui passe, déchire, secoue, renverse et libère. Tu sens que tout t’échappe. Et c’est vrai, tout t’échappe…. Mais Dieu arrive.

Peut-être veut-Il te former. Dieu, dit l’Evangile, est un vigneron qui taille sa vigne pour qu’elle produise : et la fait pleurer pour qu’elle rende… Dieu, dit le poète est un sculpteur qui cogne dans le marbre à grands coups de marteau pour que, parmi les éclats de pierre tombés à ses pieds, la statue se dresse, expressive et vivante… Par la souffrance, la vigne est fécondée ; par la souffrance, le marbre devient chef d’œuvre. Le vigneron est cruel et doit l’être ; l’artiste est dur et doit l’être. L’art détruit pour construire ; il supprime pour achever ; il corrige pour embellir.

Dieu se fait un idéal de toi et tend, si tu ne refuses pas, à le réaliser en toi. S’il te laissait tranquille, ce serait l’aveu du peu de valeur qu’il te reconnaît, la proclamation officielle de ton inaptitude à devenir de la beauté. Ton goût du repos peut y trouver son compte : mais, pour toi, quel échec ! En définitive, quelle vie manquée !

Depuis que les hommes sont des hommes et que parmi eux naissent des saints, nulle méthode n’a réussi sauf la méthode coûteuse de la formation par la souffrance…. Vertus à acquérir, défauts à corriger, vices à tuer, ressources à développer, tout demande effort. Et tout effort fatigue.

Le bon sens te dit «Tant qu’à faire de souffrir, souffre avec profit ». Le sens chrétien te dit « Aie confiance dans le procédé de Dieu ». Les deux te disent : « sache souffrir, et en souffrant, sache grandir ».

 Voilà ma chère Bertille ce beau texte sur la souffrance dont je voulais te faire part. Médite ces mots et accepte généreusement les souffrances que le Bon Dieu t’enverra.

Je suis de tout cœur avec toi.

Bien chaleureusement

                               Maïwenn

 

Avis de tempête!

          Gros nuages noirs à l’horizon, la surface sombre de l’eau se ride et les vagues s’ourlent d’un liseré argenté qui court de plus en plus rapidement, grossit et gronde jusqu’à devenir semblable au bouillonnement d’un torrent, le vent s’est levé et fait claquer les cordages, le bateau gîte et la mer se creuse, la pluie arrive : Avis de tempête accrochez-vous !

Telle pourrait être la description imagée des quelques heures qui précèdent l’annonce d’une rude épreuve dans notre vie, perte d’un proche, déchirement familial, rupture amoureuse, découverte d’une maladie, tous nous avons déjà ou nous aurons à traverser les tempêtes de la vie que le ciel nous envoie pour nous sanctifier.

Mais toute tempête est dangereuse et peut être meurtrière. Les repères habituels disparaissent du paysage familier, nous sommes parfois désorientés. Des vagues de douleur trop importantes nous font perdre pied et nous donnent l’impression de couler littéralement, les dégâts psychologiques peuvent parfois être graves et il peut y avoir de la casse. Tout un pan de nos convictions peut céder sous la charge, quand ce n’est pas une remise en question totale de ce à quoi nous croyons …

Très gros temps ! A l’aide !

Il est parfois inévitable de boire la tasse, mais il faut tenter de ne pas couler et de reprendre la route une fois l’orage passé.

Dans la mesure du possible, essayons de garder quelques repères en levant les yeux vers le ciel et en implorant l’Etoile de la mer qui se laisse toucher par nos supplications ; même si un sentiment de dégoût et d’inutile peut nous envahir. Le Bon Dieu permet les épreuves mais il envoie toujours les grâces pour les surmonter. Tout l’enjeu est de les utiliser pour réussir à sortir grandi et meilleur de l’épreuve.

Ensuite, il faut évacuer l’eau de la cale en parlant à nos proches, non pas pour qu’ils nous apportent la solution, ils ne l’ont pas, mais pour ne pas exploser en gardant tout pour nous. N’ayez jamais peur de déranger un vrai ami avec vos souffrances, ne seriez-vous pas heureux de soulager un des vôtres en l’écoutant ? Ils sont comme les sauveteurs en mer et vous jettent une bouée, saisissez-la ! Evacuez aussi en faisant du sport, ou en pratiquant vos loisirs préférés, ne restez pas prostré et replié sur vous-même.

Dans la tourmente, lorsque le bateau prend l’eau de toutes parts, commençons par lâcher du lest et réparer les brèches psychologiques avant de changer le cap de nos vies. Nous risquons dans l’agitation de nous tromper, de prendre des mauvaises orientations, voire de couler définitivement. Le mieux est d’attendre : la tempête se calme toujours même si cela peut être très long, et Dieu ne nous éprouve pas au-dessus de nos forces.

Une fois passée la tourmente, et revenu le calme, il est temps de ramasser les débris, et de se reconstruire doucement. Les épreuves nous permettent souvent de relativiser et de remettre les choses en perspective, de savoir ce qui compte vraiment dans notre vie, d’écarter les futilités. Il est temps alors de faire le point, de tirer les enseignements de ce qui nous est arrivé. Il y aura toujours des questions auxquelles nous ne pourrons pas répondre : pourquoi ? Ne perdons pas de temps à les chercher. Attachons-nous plutôt à consolider nos faiblesses qui sont apparues pendant l’épreuve, car celle-ci agit souvent comme un révélateur. Faisons les ajustements de cap, de priorité et de direction qui s’imposent si nous nous sommes aperçus, grâce à la tempête, que nous faisions fausse route. Mais pas de précipitation, et surtout écoutons les conseils de ceux qui nous entourent et qui nous connaissent bien. Et prions le Saint-Esprit qu’il nous éclaire sur ce qu’il a voulu nous faire comprendre au travers de cette épreuve. Alors courage, vous n’êtes pas seul dans cette galère et après la pluie le beau temps !

Charles 

                   

 

Douce et Humble

          Puisque la souffrance est notre lot à tous, il est nécessaire de savoir la porter, comme Dieu le veut. Je voudrais te donner des petits secrets pour garder l’âme paisible et aimable, afin qu’elle nous fasse grandir et rayonne, oui, rayonne sur ceux qui nous entourent.

          Dieu nous avait créés pour la vie éternelle. Avant le péché originel nous étions impassibles, faits pour être heureux sans souffrance. C’est pourquoi nous n’aimons pas souffrir, nous n’étions pas faits pour cela et en gardons le souvenir.

  Alors à Dieu tu demanderas les grâces nécessaires pour accepter et aimer ce qui t’est donné de douloureux, que ce soit physique, moral, spirituel, car par toi-même, sois en bien certaine, tu ne le peux.

Etre douce et humble à son image, tu souhaiteras.

  Accepter, c’est voir au-delà de l’évènement ou de la personne, la main même du Seigneur. Même si tu peux te sentir brisée, abandonnée, secouée dans la tempête, Dieu est là. Il le permet pour te corriger de certains défauts, pour te faire grandir, offrir en réparation d’un monde apostat, ou lui ressembler. En bon jardinier, Il sait comment tailler, sans jamais passer la mesure, pour faire fleurir et fructifier

  Alors au Christ tu diras : je ne sais pas souffrir, c’est trop dur pour moi, mais Vous Seigneur, Vous savez. Aidez-moi à regarder votre Passion car Vous avez porté tout cela avant moi, et n’avez pas ouvert la bouche, Vous êtes resté patient et bon.

  Etre douce et humble à son image, tu souhaiteras.

   Pardonner est souvent très difficile, quand le mal vient des agissements humains. Méprisés, incompris, critiqués violemment, nous réagissons souvent avec colère. Notre si profond besoin de reconnaissance et d’amour est nié tout à coup.

  Alors au Père tu demanderas la grâce de savoir pardonner, jusqu’à ce que ton cœur soit libéré, et tu prieras ou feras dire une messe pour celui qui t’a offensé. Parfois ce sera long mais tu verras la paix revenir et en sortiras plus forte, l’âme grandie. Combien de maux, d’inimitiés, de tristesses ont perdurés à travers le temps pour n’avoir pas voulu pardonner.

  Etre douce et humble à son image, tu souhaiteras.

  Il est bon d’être réconfortée dans nos peines par un cœur auprès duquel s’épancher. Mais certaines de nous peuvent vite se répandre et se plaindre outre mesure, faire grand cas de ce qui leur arrive. Nous oublions les souffrances de l’autre et sommes alors indélicates.

  Alors à Dieu tu diras : aidez-moi à rester discrète, à faire bonne figure et à prendre quand je le pourrai, une part de la souffrance de l’autre pour m’oublier et faire du bien.

  Parfois la force pourra me manquer, mais que ma souffrance ouvre mon cœur pour le rendre compatissant et aimant. Faites que je sache voir celui ou celle qui pourra m’aider et me tourner vers Vous.

  Etre douce et humble à son image, tu souhaiteras.

          Parfois nous augmentons notre propre souffrance dans les rapports humains. Notre croix est lourde à traîner mais n’y avons-nous pas mis de poids supplémentaire ? Nous nous plaignons de ne pas être aimées ou reconnues mais avons-nous été aimables, avons-nous rendu les autres heureux autour de nous ? Avons-nous été patientes, compréhensives ?

  C’est si facile de se sentir victime sans se remettre en cause…

  Savons-nous prendre une bouffée d’air, de détente pour reprendre des forces et ne pas offrir une âme contractée avec un visage triste et fermé ?

  Alors à Dieu tu diras : Seigneur, montrez-moi si j’ai bien fait mon devoir d’état pour ne pas peser sur les autres. Si je n’ai pas provoqué leur agacement dont je me plains maintenant. Si j’ai su exercer la vertu dans son juste milieu. Si je Vous ai rendu attirant à travers moi ?

  Etre douce et humble à son image, tu souhaiteras.

  Faire l’effort de s’habiller avec plus d’attention, de bien se coiffer, de se maquiller légèrement pour mettre sur sa personne comme des fleurs à sa fenêtre, est important pour nous, femmes. C’est un usage bien compris qui participe à notre bonne tenue physique et morale, comme une forme de charité pour ceux qui nous croisent.

  Alors tu te rappelleras que le Seigneur dit : « Quand tu jeûnes, parfumes-toi la tête ». Autrement dit, n’affiche pas ta souffrance pour que tous la remarquent bien.

  Rester féminine et soignée n’empêche pas une profonde vie intérieure et un « fiat » total. Au contraire, il est signe de l’équilibre de la vertu.

  Avec grandeur d’âme, douce et humble à son image, tu seras.

                          Jeanne de Thuringe

Le Journal d’Elisabeth Leseur est une illustration de ce qui précède. Il est une très bonne lecture pour montrer comment une âme qui connut de grandes souffrances physiques et morale put rayonner autour d’elle par son amabilité et son profond oubli de soi.

Les petits riens

Ils jalonnent nos journées et sont tellement habituels que nous n’y faisons plus attention.

Ils méritent pourtant d’être remarqués pour s’émerveiller de la délicatesse divine ; que celle-ci vienne à nous ou qu’elle soit suscitée en nous pour répandre la joie.

Ils ne s’achètent pas, sont donnés gratuitement, à profusion si nous savons les débusquer,

Ce sont les petits riens

Un rayon de soleil qui tout à coup vient illuminer la triste fin de journée bien monotone,

La dernière rose du chemin alors que l’hiver s’avance avec sa grisaille endormie ou que le cœur est trop lourd de la perte de l’aimé,

L’argenture du noir rameau, tout à coup givré, se parant ainsi de noblesse pour scintiller au soleil,

Le chant d’un oiseau ou sa visite au carreau de la fenêtre, les notes de musique d’un piano,

La migration criante du grand V des oies sauvages

La lumière de la mer dans la tempête d’écume, les cimes éblouissantes

Ce sont les petits riens

 Le sourire d’un inconnu dans la rue où la foule se presse, la complaisance inattendue de celui à qui l’on s’adresse,

L’appel d’une amie un peu perdue de vue

Le premier sourire à la vie du tout petit et les étapes qui marquent son éveil,

La gratitude des grands enfants mesurant la peine et les sacrifices pris pour eux,

La lente montée d’une âme que nous portons depuis des mois ou des années dans la prière et qui, tout à coup, débouche dans la lumière du Divin comme la brebis perdue revenant au bercail,

Le soleil traversant à flot dans le vitrail et embrasant l’autel à la Consécration

Ce sont les petits riens

Les souvenirs d’enfance en sont remplis : une impression, une odeur de vieille maison, un goût de gâteau, un geste tendre, des petits moments familiaux,

Les chants, jeux ou promenades en famille plutôt que la radio ou les films,

Ils restent parfois longtemps, et viennent éclairer l’âge qui avance,

Loin des joies chères, bruyantes ou éphémères, racoleuses et trompeuses qui proposent le bonheur à bon marché pour des lendemains amers,

Loin des rires lourds qui salissent la beauté d’une âme et se moquent de la vertu,

Ce sont les petits riens

 Le cœur se soulevant de tendresse pendant la prière pour Celui qui nous a tout donné,

Le petit service rendu sans bruit qui a cherché avec prévenance le besoin de l’autre,

L’ouvrage réalisé avec adresse et le repas soigné pour accueillir la maisonnée,

Les pensées devant toutes les fenêtres des logis allumées dans la nuit, où vivent des âmes pour lesquelles, tout à coup, nous prions silencieusement et profondément avant de s’en aller en laissant un peu de Dieu,

Cela ne paraît rien, pourtant c’est si grand mais si caché aussi,

Ce sont les petits riens

 Recherchons-les de tout notre cœur, il y en a tant et tant, pour savoir en rendre grâce, garder l’âme haute, aimable car heureuse et simple…

Ces petits riens…

                                                                                     Jeanne de Thuringe

L’école est-elle obligatoire dès l’âge de 3 ans ?

Cette nouvelle loi du 31 juillet 2019 a inquiété un bon nombre parmi vous : beaucoup ont cru que la scolarité était obligatoire et se sont empressés d’inscrire leurs tout-petits à l’école du quartier, croyant être répréhensibles s’ils ne le faisaient pas.

Notre revue voudrait éclairer les parents à ce sujet, afin qu’ils prennent leur décision en connaissance de cause et soient au courant de leurs obligations réelles. La liberté des parents éducateurs serait-elle en voie de régression ?

Heureusement il reste encore quelques solutions pour échapper à cette prise en main de l’Etat sur nos enfants… Profitons-en car, s’il y a un lieu où nos tout-petits s’imprègnent d’équilibre, d’amour et de leçons de vie, c’est bien dans le nid  familial !

Une fidèle lectrice nous a envoyé cet article qui éclairera sur la situation juridique en faisant part de son expérience et de son analyse.

Vous avez un enfant né en 2016 et votre école ne prend pas les enfants à partir de cet âge, ou alors vous ne souhaitez pas encore le scolariser : que faire ? Quel est le texte de loi ? Quels sont vos droits et obligations ? Voici quelques précisions pour aider les parents à mieux comprendre la nouvelle réglementation française et notre avis de maman sur la question.

            1/ Le texte de loi (entrée en vigueur le 31/07/2019 pour la rentrée scolaire 2019-20)

                       Les articles L131-1 à L131-13 du Code de l’éducation stipulent que l’instruction est obligatoire pour tous les enfants, français et étrangers, à partir de 3 ans et jusqu’à l’âge de 16 ans révolus. Les parents peuvent choisir de scolariser leur enfant dans un établissement scolaire (public ou privé) ou bien d’assurer eux-mêmes cette instruction. L’instruction dans la famille, parfois appelée école à la maison, doit permettre à l’enfant d’acquérir des connaissances et des compétences déterminées. L’instruction donnée et les progrès de l’enfant sont contrôlés.

            Avant cette loi, l’obligation d’instruction était à partir de l’âge de 6 ans. On avance donc de 3 années, ce qui n’est pas rien, cette obligation légale. A noter qu’il s’agit bien d’instruction (enseignement des savoirs) et non pas de scolarisation (inscription à l’école). L’école à la maison peut donc continuer de se faire à partir de 3 ans et même après 6 ans, uniquement pour les enfants d’une seule et même famille : c’est-à-dire qu’il ne peut y avoir de rassemblement d’enfants issus de plusieurs familles pour faire une classe de petite section par exemple.

            L’école à la maison peut être un choix des parents. Après tout, 3 ans, c’est encore petit. Certains enfants ne sont pas encore propres, d’autres ne sont pas prêts. Parfois, s’il y a un bébé derrière, la maman gardant l’un, garde l’autre aussi sans soucis de trajets à l’école. Dans cette mainmise toujours plus avancée de l’Etat sur nos jeunes enfants, Dieu merci, nous avons encore le choix et les moyens de garder nos petits à la maison. L’éducation est alors réalisée par les parents eux-mêmes ou par une personne de leur choix. Aucun diplôme particulier n’est nécessaire pour assurer l’enseignement. La démarche et les méthodes pédagogiques choisies doivent être présentées à l’inspecteur chargé du contrôle.

Dans le cas assez fréquent où l’école (en général hors-contrat) de vos aînés ne prend pas en charge les enfants de moins de 4 ans, sachez donc que :L’école n’a pas l’obligation d’ouvrir une classe de petite section. C’est une démarche assez lourde de conséquences financières, car la classe des petits doit contenir des toilettes adaptées, un point d’eau, une salle de sieste et tout le matériel habituel en guise de sécurité…

  • Vous-mêmes, parents, n’êtes pas contraints d’inscrire votre enfant ni dans une autre école que celle des aînés, ni même à un cours par correspondance.

            2/ Les démarches

Avant chaque rentrée scolaire, les parents de l’enfant (français domicilié en France) doivent déclarer au maire de leur commune ET au DASEN (directeur académique des services de l’éducation nationale) que l’instruction sera donnée dans la famille.

Pour savoir à qui écrire, vous pouvez vous rendre sur le site www.servicepublic.fr et en cherchant « école à la maison », vous aurez toutes les coordonnées utiles en renseignant simplement votre code postal.

Cette déclaration se fait par écrit, doit être signée par les deux parents et comporter les informations suivantes :

  • Nom, prénom, date de naissance et adresse de l’enfant
  • Noms, prénoms et adresse des parents de l’enfant
  • Adresse où est dispensée l’instruction si elle est différente de celle du domicile.

Si la famille décide d’adopter en cours d’année scolaire cette forme d’instruction, elle dispose de 8 jours pour faire la déclaration. Le DASEN accuse réception de la déclaration et adresse à la famille une attestation d’instruction dans la famille. A noter que cette déclaration doit être renouvelée chaque année.

En revanche, dans le cas de l’enseignement à domicile, et même pour des enfants de 3 à 4 ans, la loi renforce les contrôles :

  • Le contrôle du maire: le maire doit mener une enquête sur l’enfant instruit dans sa famille, dès la 1ère année. Cette enquête est renouvelée tous les 2 ans, jusqu’aux 16 ans de l’enfant. L’objectif de l’enquête est de contrôler les raisons pour lesquelles ce mode d’instruction est choisi par la famille, et s’il est compatible avec l’état de santé et les conditions de la vie de famille. Elle ne concerne pas la qualité de l’instruction qui relève du contrôle pédagogique.
  • Le contrôle de l’académie : Un inspecteur d’académie effectue le contrôle individuel de l’enfant au moins une fois par an. Ce contrôle est effectué à partir du 3ème mois suivant la déclaration d’instruction dans la famille. La famille doit être informée par écrit de l’objet et des modalités de ce contrôle. L’inspecteur contrôle les connaissances et les compétences acquises par l’enfant, lors d’un entretien avec ses parents. Ceux-ci présentent à cette occasion la démarche et les méthodes pédagogiques qu’ils mettent en œuvre, ils ne sont pas obligés de se soumettre au programme de l’éducation nationale. L’enfant effectue ensuite des exercices adaptés à son âge et à son état de santé. L’inspecteur évalue que les connaissances et les compétences correspondent à celles qui sont attendues, en particulier à la fin de chaque cycle d’enseignement. Les résultats sont communiqués aux parents dans un délai de 3 mois.

La famille qui ne transmet pas la déclaration d’instruction dans la famille au maire et au DASEN à la rentrée scolaire risque une amende de 1.500 € et s’expose au risque de perte du droit aux prestations familiales pour cet enfant. Elle ne peut pas s’opposer au contrôle pédagogique.

Nous ajoutons après examen des textes et du « socle commun des connaissances », que les notions à acquérir en petite section sont assez floues… Concrètement, pour un enfant entre 3 et 4 ans, savoir faire des phrases cohérentes et répondre à une question simple, reconnaître les couleurs et les formes, se repérer dans l’espace, coller des gommettes, tenir un crayon ou verser de l’eau dans un récipient, seront les acquisitions attendues par l’inspection.

3/ Notre avis de maman catholique au foyer

            Nous sommes dans la situation où notre école hors-contrat n’a pas les moyens d’ouvrir une classe de petite section : deux enfants déjà scolarisés, deux autres enfants à la maison à temps plein car nous sommes persuadés que c’est chez nous que nos petits sont le mieux : pas de réveil intempestif pour la crèche, des bébés qui dorment bien et longtemps, un rythme très sage en journée où les petits suivent maman partout, jouent avec les pinces à linge quand elle fait sa lessive, sortent en vrac les assiettes en plastique quand elle vide le lave-vaisselle, et font une bonne sieste avant d’aller chercher les « grands » à l’école.

L’instruction obligatoire va maintenant entraîner des inspections à subir dans notre foyer ? Faut-il inscrire une petite fille de 3 ans à un cours par correspondance afin d’avoir un support, afin de lui apprendre plus de choses, afin de ne pas trembler devant l’inspection ? Mais 3 ans c’est bien jeune pour s’astreindre à une vraie concentration… Et il n’est pas question de l’inscrire dans une autre école ! Outre les temps de trajets rallongés, la seule école possible serait publique et avec quel enseignement (l’éducation sexuelle peut-être), quelle maîtresse, quels amis ?… Les aînés qui n’ont pas reçu cette « instruction obligatoire » suivent bien en classe, ne sont pas perdus, font correctement leurs devoirs du soir… alors ?

Alors, chères mamans, il faut bien le reconnaître, la loi est contre vous. Le ministre a abaissé de 6 à 3 ans l’âge de l’instruction « pour une école de la confiance », car il veut lutter contre les inégalités. Quelles inégalités quand vous vous efforcez d’aimer et d’éduquer de la même façon tous vos enfants ? Quand vous savez qu’au fond, aucun ne ressemble à l’autre ?

Dans le texte gouvernemental, vous lisez  que « la scolarité à l’école maternelle joue un rôle crucial dans le développement des jeunes enfants : elle est à la fois le tremplin vers la réussite, le foyer de l’épanouissement des élèves et le creuset de la réduction des inégalités sociales ». Vous voilà perplexe. Vous regardez à nouveau votre petite fille de 3 ans : comme elle est gaie ! La voilà qui chante pour amuser le bébé ; elle connaît toutes ses couleurs ; elle sait attacher seule ses souliers ; à la sortie de la messe elle est très entourée car elle aime aller vers les autres enfants ; cet été, elle est partie seule avec ses grands-parents quelques jours à la montagne. Certes, elle n’est pas scolarisée, mais elle vous semble épanouie et sociable et vous savez que le jour où elle rejoindra ses frères et sœurs à l’école des religieuses, elle sera prête, mûrie, impatiente même… alors que plus tôt elle se serait épuisée à la tâche. Parce que l’instruction obligatoire, cela veut dire aussi que les parents du sous-contrat n’ont plus le choix de mettre leur petit simplement une ou deux matinées par semaine…

On le sait : les principales difficultés liées à l’échec d’un début de scolarisation relèvent dans la majorité des cas d’un rythme trop effréné pour l’élève.

Sur le fond, on l’a compris, l’administration n’aime pas l’école à la maison. Mais l’enjeu en vaut la chandelle et une fois que vous aurez franchi le pas, vous n’entendrez plus parler qu’une fois par an de cette inspection qui d’ailleurs se passera peut-être très bien ! Si cela vous est possible, organisez-vous pour que votre mari soit présent ce jour là car il faudra être disponible pour répondre à l’inspecteur et en même temps veiller sur votre petit monde…

Par ailleurs, nous ajoutons que certaines écoles hors-contrat ont fait le choix d’ouvrir une classe de petite section puisque la demande était très forte, que les finances suivaient, notamment dans les grandes villes, et parce que toutes les mamans n’ont pas forcément le choix, au vu de leur travail, d’un enfant handicapé, ou parce qu’elles ne se sentent pas capables d’accueillir sereinement un inspecteur. Bien sûr, à chacune de distinguer en conscience ce qui conviendra le mieux pour l’enfant et le reste de la famille. Nous voudrions tout de même appuyer sur ce désengagement progressif de la sphère familiale quant à la prise en charge de l’enfant. Tenez-bon, courageuses mamans ! Comprenez qu’à 3 ans, votre enfant est encore si petit, sa meilleure place sera à la maison près de vous, même sans vrai « temps de travail scolaire », il vous regarde et il apprend, tout simplement ! Ne lui volez pas son enfance !  Le Bon Dieu vous enverra les grâces nécessaires et plus encore.

Nous vous souhaitons bon courage pour cette nouvelle année scolaire et nous prions pour vous.                                     Agnès Lafargue