Gérer son budget

Chère Bertille,

      Félicitations d’avoir trouvé ce travail cet été ! Je suis bien contente pour toi ! Qu’est-ce que cela te fait d’avoir reçu ton premier salaire ? Tu as peut-être l’impression de passer un cap, de rentrer un peu dans la vie active.

     Voir son compte bancaire se remplir a un côté excitant, mille projets viennent à l’esprit : telle jupe que tu as vue en magasin et que tu souhaites acheter, tel voyage que tu aimerais entreprendre avec des amis, telle activité à laquelle tu aimerais t’inscrire !

     Depuis que tu es en appartement pour suivre tes études, tu t’es rendue compte qu’il y a des dépenses qui reviennent chaque mois : le loyer, les charges avec l’eau et l’électricité, les courses alimentaires, l’essence à mettre dans la voiture quand tu pars en stage, chez tes parents ou chez des amies…

     Tu me disais l’autre jour que ce n’est pas toujours facile d’organiser son budget, c’est vrai, et les fins de mois sont parfois difficiles. Voici ce qui peut t’aider : faire la somme des dépenses qui reviennent chaque mois, cela te permet de savoir de quoi tu dois disposer au minimum. Ensuite il est bon de mettre un peu d’argent de côté en cas d’imprévu : une panne de voiture, une fuite d’eau… Cela te permettra d’appréhender chaque mois plus sereinement.

     Cet argent que tu as gagné cet été te permet justement de compléter ce que te donne la bourse étudiante, d’équilibrer le budget de chacun des mois à venir et de mettre un peu d’argent de côté. C’est ce que l’on appelle l’économie.

     Je me suis rendue compte que cette manière de gérer son argent développe des talents et fait fructifier des vertus.

     En effet l’esprit d’économie développe la créativité et l’imagination. Si un jour tu souhaites modifier ou améliorer la décoration de ton appartement et que ton budget ne te permet pas de faire de nouvelles dépenses, si ce qui est en magasin est trop cher, qu’à cela ne tienne ! L’imagination se met en branle et tu verras qu’elle fera éclore de merveilleuses idées ! Un morceau de ruban au fond de ta boîte à couture, un vieux cadre au bas de ton armoire, un reste de pot de peinture et voilà qu’un nouvel objet de décoration germe dans ton esprit !  Il en est de même pour les menus, j’en ai déjà fait l’expérience. Tu n’imagines pas le nombre de recettes improbables que l’on peut faire avec ce qui nous reste dans le placard ou dans le réfrigérateur !     D’autre part l’esprit d’économie nous permet de travailler la patience et l’acceptation des petites croix. Lorsque tu as repéré un vêtement qui te plait beaucoup, mais qui est cher, cette vertu va t’aider à attendre les soldes pour pouvoir l’acheter, et la petite croix qui l’accompagne sera d’accepter de ne pas avoir tout de suite ce qui te fait plaisir. Pour l’avoir vécu, ma chère Bertille, je sais que ce n’est pas toujours facile, mais ce sont de petites victoires que tu remportes sur toi-même et qui te préparent à d’autres sacrifices que le Bon Dieu te demandera au cours de la vie et que tu n’auras pas choisis.

     Il me semble aussi que l’esprit d’économie permet de travailler la vertu de justice. La justice étant de donner à chacun ce qui lui est dû. Cela permet d’identifier une hiérarchie dans les dépenses. En effet, il est juste que tu doives à ton propriétaire le loyer de ton appartement. Il serait malhonnête et injuste de t’offrir un grand voyage et de ne pas pouvoir payer ton loyer. De même il est important que tu te nourrisses correctement afin de pouvoir bien suivre tes études. Il serait désordonné que ton armoire déborde de vêtements et que tu ne manges pas à ta faim car tu n’as pas de quoi faire tes courses alimentaires.

       Tu vois, ma chère Bertille, il y a un ordre en chaque chose. C’est important de régler d’abord ce que l’on doit avant d’acheter un plaisir qui n’est pas nécessaire. Cette règle te sera très utile si un jour tu as des enfants, leur scolarité coûtera cher, il faut y penser. C’est un sacrifice, certes, mais qui vaudra la peine même si, à cause de cela ta famille n’aura pas les moyens de s’offrir des vacances, de louer un gîte. L’éducation de tes enfants ne sera – t- elle pas plus importante que des vacances éphémères au bord de la plage ? Là encore ton imagination sera bien utile pour organiser de belles vacances toutes simples en famille !

Ce premier salaire que tu viens de recevoir est une très bonne expérience de la vie, il va te permettre de réfléchir sur la priorité de tes dépenses pour cette année, d’anticiper en cas d’imprévu, et pourquoi pas, de mettre un peu de côté pour un projet qui te tient à cœur, ne m’as-tu pas dit que tu souhaitais voir « Le lac des Cygnes » de Tchaïkovski à l’opéra ?

       Cette habitude d’économie que tu vas prendre petit à petit te servira toute ta vie, notamment si tu deviens épouse et mère, car ton mari saura qu’il peut compter sur toi en ce qui concerne le budget familial, et les vertus que tu auras développées apporteront joie et harmonie dans ton foyer !

       Je te souhaite une très bonne année scolaire et te dis à très bientôt !

 Je t’embrasse,                                               

Anne

La force dans les petits détails

Bien Chère Bertille,

            Les vacances ont une fin. La rentrée approche ou peut-être est-elle déjà faite ? La routine de la vie quotidienne va reprendre et, justement avant que les mauvaises habitudes nous rattrapent c’est l’heure des résolutions. Cet été, j’ai eu le plaisir pendant quelques jours de m’occuper des enfants lors d’une réunion de famille. Ils étaient nombreux et de tous les âges. J’ai pu ainsi avoir rapidement un aperçu sur la jeunesse actuelle.

            Ce que j’aime chez les jeunes c’est leur enthousiasme pour jouer. Si tu voyais l’énergie qu’ils avaient pour se battre contre l’équipe adverse lors de grand jeux. Ils n’avaient pas peur des égratignures, des coups, des roulades par terre. Tout était bon pour sauver le trésor. Si la jeunesse mettait cette même ardeur pour défendre notre Foi, notre Trésor, le démon serait un peu moins maître sur cette terre !

            La défense de la Foi ne nécessite pas un champ de bataille comme il y en a eu à certaines époques. Notre champ de bataille à nous c’est notre vie quotidienne. Ce que j’ai souvent constaté c’est la générosité chez les jeunes filles pour commencer certaines tâches, mais aussi le manque de force pour aller jusqu’au bout du travail bien fait. La suite du programme, le manque d’énergie, la lassitude du travail pénible commencé, font bâcler rapidement le travail commencé. Les jeunes, et tout particulièrement les jeunes filles, doivent apprendre à bien faire leur travail même si c’est dans l’ombre et que personne ne le verra sauf Dieu et la petite fourmi. C’est le travail de la future épouse, et il faut s’y préparer chaque jour. Si le cœur n’y est pas, dis-toi que tu prépares la joie future de ton foyer : mari, enfants.

            Regarde la Sainte Vierge à Nazareth, elle a toujours su dire oui à toutes les petites choses et lorsque l’ange Gabriel lui demanda d’être Mère de Dieu, elle sut dire FIAT, que votre Volonté soit faite. La persévérance dans les petites choses mène à la persévérance dans les grandes.

            Dans la vie quotidienne c’est pareil, il faut prendre cette habitude d’aller jusqu’au bout de ce que l’on commence : un devoir en cours bien fait jusqu’au bout, le ménage jusqu’au petit détail que l’on ne voit pas, la lecture d’un livre en entier, bien ranger les affaires et non tout mettre dans un panier et « on rangera ça plus tard », faire son lit le matin… Souvent on fait du cache misère. Un auteur dit : « Péguy admirera un jour sa mère, rempailleuse de chaises, parce qu’elle rempaillait celles-ci à la perfection. 

Jésus peut, de la même manière, admirer le labeur quotidien de Marie. Celle-ci est vraiment la femme forte et courageuse dont parle l’Ecriture. Elle ne bâcle rien, ne se débarrasse de rien. Elle sait qu’il n’est aucune œuvre petite et méprisable, à cause de la Majesté de Celui qui les accomplit en nous. Elle aime donc le travail achevé. » Mais se pose-t-on la question : que ferait la Ste Vierge ? « Ces tâches de chaque jour, les faisons-nous bien, avec sérieux, sans rechigner sur la besogne, avec fini, mettant notre point d’honneur à parfaire les moindres choses ? »

            La seule façon pour tenir dans le temps c’est d’utiliser  la vertu de force, et cette vertu de force nous l’obtenons en nous donnant à Notre-Dame. Donne-toi généreusement au Cœur de Marie, chère Bertille : Corps, âme, biens extérieurs, biens intérieurs. C’est un dépouillement universel : « Oh l’heureux dénuement ! Oh le riche appauvrissement ! Elle peut donner à notre pauvre corps plus de force et plus de santé[1] » le dépouillement procure la richesse éternelle.  « Heureux enfants de notre bonne Mère, voyez dans quel état de merveilleuse et douce dépendance nous pouvons nous placer à l’égard de Marie. Nous pouvons tout, absolument tout lui donner. Mais sachez bien que plus vous donnerez, et plus vous vous enrichirez.[2] »

            Sur ces bonnes paroles, ma chère Bertille, je te souhaite d’être généreuse. Le monde nous attire vers l’indépendance et nous devons contrecarrer par la dépendance. Le remède c’est le Cœur de Marie. Apprends à le connaître et tu y découvriras des ressources intarissables. Je te souhaite bon courage et sois forte. Je t’embrasse bien affectueusement,

Maïwenn

[1] Jean Ladame

[2] Père Giraud

Carpe Diem

Que vient faire ici cette morale épicurienne connue pour être orientée vers la recherche du plaisir immédiat ?

Pourtant elle a un sens ou du moins une traduction Catholique : « Vis le jour d’aujourd’hui ».

Le temps des études et de la jeunesse est une période transitoire par nature où nous avons besoin de nous projeter dans l’avenir pour nous orienter et trouver la motivation dans les études parfois longues et pénibles. La perspective de l’autonomie financière, l’idée de pouvoir fonder une famille dans un avenir plus ou moins proche sont des moteurs à ne pas négliger. Cela nous permet année après année, d’évoluer, de commencer à bâtir un projet professionnel et de nous fait vivre à la cadence des stages, vacances, semestres à l’étranger… dans le mouvement et le changement perpétuel qui sont parfois très formateurs car ils nous obligent à savoir nous adapter facilement aux circonstances de la vie, mais qui, d’un autre côté, peuvent entraîner une certaine instabilité et l’illusion permanente des lendemains qui chantent.

Le bac en poche, c’est l’attente un peu fébrile pendant tout l’été de la « liberté » étudiante de la première année. A peine la rentrée arrivée et les premières habitudes prises, viennent les vacances avec les amis. Pendant ces vacances, on parle des prochains voyages à l’étranger qui nous maintiennent en haleine pendant tout le semestre.

Puis c’est l’attente du passage à l’année supérieure, de l’intégration dans tel ou tel master ou école qui paraît-il « est géniale », après quoi, la recherche du stage où enfin on va gagner sa vie pendant quelques mois, et vivement la fin des études, pour gagner de l’argent et faire de nombreux voyages ou plutôt, si Dieu veut, fonder une famille et trouver le bonheur tant attendu depuis toujours…

Oui ayons des beaux projets et de grandes aspirations, mais n’oublions pas de saisir le bonheur qui passe et que Dieu nous donne à l’instant présent. Ne soyons pas d’éternels insatisfaits en quête de lendemains plus beaux et de jours meilleurs. Sachons accepter et mettons-nous dans la disposition d’esprit d’apprécier et de trouver la joie dans chaque instant que nous envoie la Providence et nous serons beaucoup plus heureux et détendus dans les mains du Bon Dieu. Après tout, ces beaux projets que nous avons, c’est lui qui les permettra et nous y guidera, alors faisons confiance. Ayons cet esprit de pauvreté et d’abandon qui nous rendra vraiment heureux.

Charles

A notre place

     Il est difficile d’être à notre place, juste avec le devoir d’état monotone, répétitif, lassant.

     Nous voudrions tout posséder : 

     Un foyer heureux, un cercle d’amis présents, une réputation flatteuse, une position honorable, une honnête aisance, la reconnaissance de nos talents.

     Nous voudrions être une référence par les conseils avisés, admirées pour nos qualités intérieures, notre adresse manuelle, notre sens artistique ou notre élégance.

     Être au courant des dernières nouvelles et tout comprendre,

     Avoir raison en tout mais sans nous mettre en porte à faux avec le monde,

     Avancer en vertu, si possible sans la croix

     Sommes-nous alors pauvres en esprit ?

 

     Ce qui est visible dans la jeunesse, au fur et à mesure de l’âge se dissimule et si nous n’y prenons pas garde, enfle de façon cachée comme un abcès. Nous savons en effet de mieux en mieux masquer, dire ou paraître ce que les autres attendent de nous.

     De plus l’expérience acquise nous donne, à nos yeux, le droit de dominer, de juger.

     A celui ou celle qui ne partage pas notre point de vue, nous opposons nos besoins, notre âge, notre expérience, notre fonction, notre état, parfois jusqu’à l’impatience ou la colère.

     Comment alors être pauvre en esprit ?

 

     En regardant les saintes femmes tout à leur service du Maître, nous avons la réponse. Celle du service humble et caché dans le silence et la simplicité.

     Avec leur modeste besogne: nourriture, gite, entretien des tuniques déchirées, soins des pieds abîmés par les longues marches, elles recevaient dans leurs âmes l’enseignement et la douceur du Maître.

     Toutes à leur tâche, l’Evangile ne rapporte pas qu’elles se querellaient pour la première place comme les apôtres et Marthe avait compris comment joindre la prière et la contemplation à son activité.

     Elle qui avait tant souffert avec Lazare des désordres de Marie-

     Madeleine, jetant le déshonneur sur leur famille et faisant craindre pour son salut, avait accepté humblement que sa sœur l’ait dépassée en vie intérieure et s’était désormais mise à son école sans cesser d’être efficace.

     Marthe avait eu la grâce de la pauvreté du cœur.

 

     Ces femmes, pauvres d’elles-mêmes, accompagnaient les disciples de leurs soins attentifs et délicats, restant à leur place dans la prière, sans donner leur avis sur ce qu’il convenait de faire.

     Mendiantes de Dieu, elles recueillaient toute la journée les grâces du Divin Cœur et avec la Vierge Marie, apprenaient à méditer en repassant tout dans leur cœur.

     Sans respect humain et sans peur, elles ont tout donné, fait fi de leur réputation, seules sur le chemin du Calvaire pour s’y tenir avec la Vierge Marie, après que Véronique eut essuyé avec une immense compassion le visage du Sauveur.

     Quelle récompense leur fut-il donnée de cette humble fidélité sans inquiétude pour elles-mêmes ?

     La Sainte Face imprimée sur le linge, et d’être les premiers témoins de la Résurrection.

     A s’être totalement oubliées, par pur amour, elles ont été comblées bien au-delà de ce qu’elles auraient pu imaginer, car justement elles n’attendaient rien.

     Heureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux est à eux.

                                                En la fête de Sainte Marthe, 29 juillet

                                                                       Jeanne de Thuringe

Recevoir et transmettre

« Ne pas retourner vers ce qui fut mais monter vers ce qui demeure » tel pourrait être le fruit d’une transmission réussie.

Nous sommes en effet à l’âge charnière de la transmission, ce moment où nous passons de récepteur à transmetteur, où la responsabilité de conserver et de passer le « sel de la terre » nous est transférée.

C’est d’abord l’heure du bilan. « Qu’avons-nous que nous n’ayons reçu ? »  Mais aussi nous sommes-nous appropriés véritablement les valeurs et l’héritage spirituel et culturel qui nous a été transmis par l’éducation ? Est-on un simple vernis qui sautera à la première tempête, quelque chose que nous avons pris pour argent comptant et que nous sommes tout prêts à ressortir sans qu’il soit modifié d’un Iota, mais sans appropriation et qui ne tiendra pas à l’épreuve du temps ? Ou avons-nous pris le temps nécessaire pour mûrir, réfléchir à ce qui nous a été transmis, pour en tirer la substantifique moelle, nous l’approprier et être capable à notre tour de penser par nous-mêmes puis de transmettre ?

Peut-être avons-nous déjà fait cette démarche qui n’est jamais totalement terminée. C’est en fait celle de la pensée personnelle. Face à toute information, lecture, discours, discussion nous devons maintenant faire l’effort d’exercer véritablement notre esprit critique. Pour cela il est indispensable d’avoir et de conserver notre aptitude à poser un jugement réfléchi. Pas dans tous les domaines, car nos compétences sont limitées, mais à la mesure de nos capacités et loin de toutes ces réactions immédiates qui nous sont dictées par la spontanéité et les émotions fortes qui guident de plus en plus notre monde de l’instantané numérique.

Comment conserver et développer cette capacité à juger par nous-mêmes si ce n’est en cultivant sans cesse notre vie intérieure par la lecture, la méditation et la prière, en discutant et en prenant encore conseil auprès de ceux qui nous précèdent ? Confronter ces réflexions à notre expérience personnelle l’enrichira progressivement, sans oublier de temps à autre de revenir sur les événements pour « capitaliser » et tirer les enseignements en prenant un peu de recul loin de l’agitation et de la frénésie constante de notre vie.

L’objectif est de devenir autant que possible un homme accompli, c’est-à-dire quelqu’un qui a assimilé, sédimenté et digéré l’héritage qu’il a reçu, enrichi de son expérience et qui est prêt à le retransmettre à son tour. C’est ainsi que s’est perpétuée la tradition Catholique et française qui est venue jusqu’à nous de façon ininterrompue puisque tous nos ancêtres et ceux qui nous ont précédés ont eux-mêmes fait ce travail de transmission. Héritage qui n’a pas été transmis à l’ensemble de la société car justement une partie de ces générations a coupé la chaîne et arrêté la transmission. Nous en payons actuellement les conséquences ! Alors ne soyons pas de ceux-là et préparons-nous à transmettre à notre tour aux générations futures. D’une part en faisant fructifier cet héritage et d’autre part en rayonnant autour de nous dès maintenant ce magnifique dépôt de la culture et de la Foi que nous avons eu la chance inouïe de recevoir en partage et qu’il serait injuste de garder égoïstement.

Charles