Le conséquentialisme

           Dans sa parfaite sagesse, Dieu a instruit les hommes de ses voies d’une manière progressive et de différentes manières. Il leur a également fait connaître ses lois qui les aident à cheminer sur les sentiers qui mènent à Lui sans s’égarer et sans risquer de l’offenser. Selon l’incitation du psalmiste, l’humanité doit aimer ces commandements qui émanent des profondeurs de Dieu, qui lui apprennent à vivre des mœurs divines et lui donnent l’espérance de parvenir aux célestes félicités.

  Il faut cependant reconnaître que la fidélité pour les observer toujours comme ils ont été donnés peut requérir des hommes de grands sacrifices et exiger une vertu proportionnée. Bien souvent, l’alternative qui se présentait devant les chrétiens a pris une dimension radicale : ou l’héroïsme ou le péché. Quelle force d’âme il faut alors pour ne pas vaciller et se laisser emporter par la facilité !

  En ces instants difficiles, la tentation présente devant les yeux de ceux sur lesquels elle s’abat, le cortège de toutes les avanies qui lui seront réservées si elle choisit le parti de la vertu. Et, par ailleurs, elle s’efforce de réduire à presque rien le péché qu’on commettrait à choisir le parti du monde. L’étouffement de la conscience par de faux raisonnements est le plus grand mal qui puisse survenir.

  Parmi eux, il existe celui du “conséquentialisme”. A la vue des maux vrais ou supposés que l’on redoute de voir fondre sur soi, la nature se révolte et proclame qu’il est impossible que Dieu puisse exiger de tels sacrifices. Et, si c’est impossible, cela signifie qu’on ne peut être tenu d’embrasser un parti qui est si contraignant et qui risque de bouleverser si profondément notre existence. Mais, en réalité, il est faux que Dieu ne puisse pas exiger de nous de très grands sacrifices. Toute l’Histoire Sainte nous montre le contraire. Dieu ne veut que notre bien et nul ne sait mieux que Lui dans quelles circonstances Il nous place pour nous faciliter le cheminement vers le Ciel. Nous ne sommes, de plus, jamais tentés au-delà de nos forces et la grâce nous est infailliblement donnée pour accomplir les choix vertueux que nous devons faire.

  Voyons par exemple, comment le Catholicisme a défendu l’indissolubilité du mariage.

Lothaire II, roi de Lotharingie de 855 à 869, voulut obtenir du Pape Nicolas Ier la reconnaissance de la nullité de son mariage afin de pouvoir épouser sa maîtresse Waldrade. Sur le ferme refus du pontife romain, le roi, furieux, fit le siège de Rome. En vain. Le Pape ne céda pas et Lothaire dut se retirer vaincu.

  Encore plus saisissant est le cas de saint Thomas More, chancelier du royaume d’Angleterre, qui s’opposa au divorce du roi Henry VIII pour épouser Anne Boleyn et qui paya de sa vie sa détermination. En cela, il ne faisait qu’imiter l’attitude de l’Eglise de Rome qui préféra perdre le royaume d’Angleterre en 1527 plutôt que de trahir la loi divine et de salir l’honneur de la femme légitime d’Henry VIII, Catherine d’Aragon.

Ces dignes émules de saint Jean-Baptiste n’hésitent pas à perdre leur vie ou un royaume pour la fidélité à un principe.

  Plutôt mourir que de commettre un péché. Telle est la seule devise possible. A violer la loi divine pour éviter des épreuves, nous nous plaçons dans un danger plus grand, celui de perdre nos âmes.

  Il faut en être très convaincu aujourd’hui où la pression anti-catholique et opposée à la loi naturelle ne cesse de croître. C’est la demande que nous faisons à la très sainte Vierge Marie pour tous les foyers ardents que nous confions à son Cœur Douloureux et Immaculé.

Père Joseph

 

La prière, clef du bonheur

          Y a-t-il une découverte plus extraordinaire à faire sur cette terre que celle de prendre conscience de la faculté qu’on a de pouvoir parler à Dieu ? Comme il faut souhaiter que l’homme se rende compte le plus tôt possible de cette opportunité inouïe que la vie d’ici-bas lui offre déjà pour en profiter davantage !

  Il me semble cependant que peu nombreux sont les hommes qui ont vraiment réalisé la capacité qui leur a été communiquée d’entrer en relation avec Dieu car il n’arrive presque jamais que l’on entende dire qu’on ait été obligé d’arracher quelqu’un à sa prière.

Or, si les hommes avaient vraiment compris à quels rapports intimes avec Dieu ils sont appelés, il faudrait se gendarmer pour les ramener aux autres obligations qu’ils doivent remplir. Comme l’a écrit saint Jean Chrysostome : « Voyez quel est votre bonheur et votre gloire : vous pouvez entrer dans un doux commerce avec Dieu, vous entretenir familièrement avec Jésus, désirer ce que vous voulez et lui faire connaître vos désirs. »

  Nous ne pouvons vraiment rien vouloir de meilleur pour nos frères et sœurs humains que d’entrer très avant dans ces explorations et révélations sans rivales que procure le dialogue de l’âme avec Dieu. Et à ceux qui y sont entrés, nous leur disons de ne pas demeurer seulement immobiles sur le perron d’un palais qui ne demande qu’à accueillir dans ses chambres intérieures tous ceux qui le désirent.

  En réalité, le chrétien ne devrait pas être surpris de comprendre que le plus doux agrément de la terre est dans la prière. Il croit en effet que la récompense essentielle qui est réservée à ceux qui entrent dans l’éternité en état de grâce est la vision béatifique. Le bonheur parfait, qui comblera tous les désirs de ceux qui peinent sur la terre, consistera dans cette intimité définitive qui les unira à Dieu. Si donc la félicité sans ombre est de voir Dieu, comment douter que la plus grande allégresse qui vienne après cette vision, pour ceux qui ne peuvent encore voir, se trouve dans l’union à Dieu par la foi ? Ils ne voient pas encore mais ils croient !

  Et ils sont déjà comme béatifiés au sens où leur esprit est à même de vivre en Dieu comme Dieu vit déjà en eux. A tous les hommes, qui cherchent nécessairement le bonheur, il faut dire et répéter que le bonheur est en Dieu, que le bonheur est Dieu, et puisqu’il en est ainsi, que la prière, qui est le moyen d’entrer en relation avec Dieu, y mène infailliblement.

  On gémit devant les difficultés de la prière. Comme c’est difficile de devoir parler à quelqu’un que l’on ne voit pas et dont les réponses ne parviennent pas à nos tympans. Quel effort que celui de ce recueillement en lequel l’âme doit se trouver pour élever son esprit vers Dieu ! Et, même dans ces conditions, quelle lutte contre les distractions… Enfin, comme il est fréquent que les retours divins ne correspondent pas aux demandes répétées. Mais on ne pense jamais aux facilités de la prière ! Qui est toujours disponible pour toujours écouter, de nuit comme de jour, tout ce qu’on a à lui dire ? Qui ne se rebute et ne se lasse jamais ? Qui s’intéresse à tout ce qui lui est dit et répond en réalité de la manière qui est la plus favorable à l’avancement des âmes ? Qui allie en lui-même la parfaite sagesse à la Toute-Puissance et la Miséricorde infinie ? Eh bien ! Celui-là seul qui est Dieu est cet interlocuteur qui possède toutes les qualités et les perfections. Or, il est à la disposition à chaque instant de qui le veut sans qu’il soit besoin de patienter dans les salles d’attente ou dans les antichambres !

  Et la toute-puissance de la prière se révèlera progressivement à ceux qui y persévèreront et découvriront l’invasion, l’envahissement divin de l’âme. A l’école de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Maître de la prière, par la médiation de la Très Sainte Vierge Marie, Première Orante, ils chanteront le Magnificat, ils attesteront, oui, ils s’écrieront : la prière, c’est la clef du bonheur !

Père Joseph

 

Dors tranquille, Simone veille !

           Le décès de Valéry Giscard d’Estaing a rappelé aux français le nom de l’un des principaux responsables de la dépénalisation de cet assassinat. On sait aussi qu’à l’occasion du confinement le parlement a proposé d’allonger le délai légal de la pratique de l’avortement. Vous trouverez ici toutes les raisons qui nous font refuser de façon absolue cette atteinte à la vie ! Battons-nous contre le crime !

 A) Dieu

– « La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu’à Moi. » Gen. 4, 10

– « Quiconque aura répandu le sang de l’homme, son sang sera répandu ; car c’est à l’image de Dieu qu’a été fait l’homme. » Gen. 9, 6

– « C’est toi qui as créé mes reins, qui m’a tissé dans le ventre de ma mère. Je te rends grâce de ce que tu as accompli des prodiges merveilleux ; tes œuvres sont prodigieuses et mon âme le sait bien. » Ps. 138, 13-14

– « Quiconque accueille un petit enfant en mon nom, c’est moi qu’il accueille. » Mt 18, 5

– « Si Dieu n’existe pas, tout est permis. » Dostoïevski

B) Le Droit

– Nos sociétés, fières d’être fondées sur les droits de l’homme1, commencent par considérer pour rien le plus élémentaire de tous, celui de ne pas être mis à mort quand on a été conçu.

– Pour pouvoir légalement tuer, il suffit de passer d’une vieille éthique surannée à une nouvelle et de redéfinir la vie et la mort.

– Le Droit moderne revendique en même temps le droit de la femme à l’enfant et le droit de la femme de supprimer l’enfant.

– Qu’est-ce que ces droits de l’homme qui donnent aux hommes forts le permis légal de tuer les hommes faibles ?

– C’est au nom du droit de la femme de disposer librement de son corps qu’elle est autorisée à détruire le corps d’un autre.

– Aujourd’hui, on entend par “Droit” l’organisation de la pratique légale du crime.

– Le droit de vivre du petit homme dépend du désir que sa mère a qu’il vive de telle manière qu’un enfant qu’elle cesse de désirer perd le droit de vivre.

C) Le médecin

– Peux-tu répéter après moi ces paroles du serment d’Hippocrate : « Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif … » ?

– Les médecins d’aujourd’hui, pour respecter le serment d’Hippocrate, sont obligés de recourir à une clause de conscience. Est-ce un progrès ?

– La loi est passée de la peine de mort légale pour les avorteurs à la peine de mort légale pour les bébés destinés à la curée.

– Notre société est la première à avoir doté le médecin du droit de tuer ses patients.

– « Qu’as-tu fait des enfants cette semaine ? »

* J’ai cureté le premier à neuf semaines et je l’ai mis en pièces grâce à un aspirateur au souffle vingt-cinq fois plus puissant que celui d’un appareil ménager. Les débris humains étaient aspirés dans une bouteille.

* J’ai injecté dans le sac amniotique du deuxième une solution saline concentrée. Bébé l’a respirée, avalée. Il s’est débattu en convulsions pendant une heure avant de mourir. Il n’y avait plus qu’à expulser le petit cadavre tout brûlé par le sel.

* J’ai extrait le troisième par hystérotomie à treize semaines. Il vivait encore quand il est sorti. Il essayait de crier, battait des bras et des jambes. J’ai jeté le placenta sur sa tête et j’ai serré.

– Nous massacrons les innocents et nous innocentons les massacreurs.

D) La mère

– Le féminisme a fait la conquête de tous les droits de la femme, jusqu’au plus célèbre d’entre eux, celui de mettre à mort ses enfants.

– Pas plus que l’intimité du toit paternel n’autorise le droit de mort du père sur les enfants, que celle du sein maternel ne confère ce même droit à la mère.

– On a fait du ventre maternel, milieu par excellence de l’accueil de la vie, l’antichambre de la mort.

– Une femme peut se remettre du viol qu’elle a subi, non de l’avortement auquel elle a consenti.

– Lorsque l’aveu répété de la psychologie est que la détresse de la femme qui avorte est plus dramatique que celle de la mère qui attend un enfant en des circonstances difficiles, que fait-on ? On la presse d’autant plus d’avorter.

– On avorte dit-on pour venir en aide à la mère en détresse et on la fait sombrer dans le désespoir.

– Au commencement, la petite vie humaine fut confiée au sein maternel. Cette vie était belle et gorgée d’espérance. Mais la femme a mis fin à la vie qui était en elle.

E) L’enfant

– Si un homme fœtal n’est pas un homme, qu’est-ce qu’un homme ?

– L’homme d’un centimètre est-il moins homme parce qu’il n’a pas atteint sa taille d’enfant ou d’adulte ?

– L’homme d’un jour, d’une semaine ou d’un mois a-t-il moins le droit de vivre que l’homme d’un an ou de dix ans ?

– La vie intra-utérine est-elle moins que la vie extra-utérine ?

– C’est au moment où la génétique confirme avec la plus grande évidence que le patrimoine de l’être humain est complet dès le premier instant de sa conception qu’on hésite le moins à s’en débarrasser.

– C’est à la même époque qu’a été abolie la peine de mort contre les plus grands criminels et votée la peine de mort contre les plus grands innocents.

– Plus la personne est faible parmi les faibles, petite et sans défense, plus la loi l’autorise à l’éliminer !

– Si une nouvelle personne humaine ne commence pas à exister au moment de sa conception, quand commence-t-elle donc à exister ?

– Les enfants qui naissent aujourd’hui sont atteints du syndrome des rescapés. Leurs mères sont ces femmes qui ont tué leurs frères et sœurs mais les ont laissés passer. Le regard qu’ils portent sur elles oscille entre la crainte, la haine et l’horreur.

– Par un effet boomerang, les enfants de ceux qui ont voté la loi sur l’avortement votent la loi sur l’euthanasie.

– Si une société se juge sur la défense dont elle entoure les plus faibles d’entre ses membres, c’est que nous vivons alors dans la plus déchue de toutes les sociétés.

 

Père Joseph

 

Les devoirs de vigilance et de commandement

           La piteuse réponse d’Adam, interrogé par Dieu, après la faute originelle, au sujet du fruit qui a été dérobé sur l’arbre, mérite notre réflexion ! « Dieu lui dit : Mais qui t’a appris que tu étais nu, si ce n’est que tu as mangé du fruit de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? Et Adam répondit : La femme que vous m’avez donnée pour compagne m’a présenté du fruit de l’arbre et j’en ai mangé.1»

Quelle subtilité pour délicatement faire peser le poids du péché sur tout le monde sauf sur lui … Sur tout le monde et d’abord sur Dieu lui-même. En effet – lui rappelle-t-il – c’est « la femme que vous m’avez donnée pour compagne » qui « m’a présenté du fruit de l’arbre ». Dieu est presque rendu responsable du péché parce qu’Il a placé Eve aux côtés d’Adam. Dans un deuxième temps, le premier homme « charge » autant qu’il le peut sa malheureuse épouse en dénonçant son rôle qui a été de lui présenter le fruit. Ce n’est qu’en dernier lieu, en un mot, qu’il finit par dire qu’il en a mangé …

Lorsque nous relisons cette scène, nous songeons peut-être à de brefs épisodes de bêtises enfantines où les petits hommes sont tout aussi impitoyables pour se débiner de leurs torts en accentuant ceux des autres et paraître immaculés à nos yeux. Ils sont bien là de dignes enfants d’Adam et Eve et la Genèse n’a rien perdu de son actualité.

Mais il est plus facile, justement, d’en tirer les leçons pour les autres que pour soi-même. Les pères de famille doivent les premiers, et avec tout le sérieux requis, se demander si la peu glorieuse dérobade d’Adam devant Dieu n’est pas un peu la leur. Leur honnêteté est d’autant plus requise qu’ils doivent avoir retenu de leur catéchisme que -Adam a beau dire – son péché est en réalité plus grave que celui d’Eve parce que c’est lui le chef.

Il nous semble, aujourd’hui, que la fréquente dérobade des pères de famille trouve comme alibi la puissance du féminisme. L’homme ne trouverait plus sa place dans une société féminisée et, pour éviter d’envenimer la situation, s’aménagerait une petite vie de démissionnaire. Nous ne voulons certes pas dire que, dans nos familles traditionnelles, la chose se passe souvent de la sorte. En revanche, oui, les tendances à aller dans ce sens et les tentations de s’y enfoncer ne manquent pas.

Faut-il le dire ? Pas plus que les paroles d’Adam ne le dédouanèrent de sa responsabilité devant Dieu, ceux qui abdiquent de leur rôle de chef de famille ne trouveront pas non plus grâce devant Lui en se défaussant sur leurs épouses. En, effet, lorsque Dieu donne aux êtres humains une mission, Il leur procure les secours surnaturels dont ils ont besoin pour la mener avec abnégation et courage et Il veut qu’ils la remplissent.

 Il appartient au chef d’être vigilant – c’est le premier de ses devoirs – Mais à quoi cela servirait-il de voir si on n’agit pas ? Aussi, il lui faut ensuite indiquer la route, être celui qui a le pouvoir de direction ou de commandement. Ai-je prononcé des gros mots ? Non. Je sais bien que le mot « commandement » apparaît aujourd’hui connoté d’une façon très négative, surtout s’il est utilisé dans le cadre de la vie familiale … Et pourtant !

Si Adam avait été là, avec sa femme, pour qu’elle n’aille pas  traîner auprès de l’arbre, il aurait rempli son devoir de vigilance et si, la voyant sous le coup de la tentation, il lui avait commandé de rebrousser chemin avec lui, quelle reconnaissance elle lui en aurait eue !

Laissons de côté la dialectique des marxistes … Une épouse doit encourager son mari à remplir ses devoirs de vigilance et de commandement. Il y a bien plus à craindre d’un mari démissionnaire de ses devoirs que de celui qui, même avec ses limites et ses maladresses, s’efforce courageusement de tenir son rôle. Comme l’a très justement remarqué Pie XI « (…) C’est au détriment de la femme elle-même que tourne cette fausse liberté et cette égalité non naturelle avec son mari ; car si la femme descend de ce siège vraiment royal où elle a été élevée par l’Evangile dans l’intérieur des murs domestiques, elle sera bien vite réduite à l’ancienne servitude (sinon en apparence, du moins en réalité) et elle deviendra – ce qu’elle était chez les païens – un pur instrument de son mari 2»

 

Que l’épouse ne lorgne pas de conquérir ce gouvernement qui, dans la réalité, se passe de la manière la plus douce et la plus partagée entre un mari et une femme quand chacun comprend, accepte et aime la complémentarité conjugale. Et, en définitive, qui a le plus beau rôle ? Est-ce l’homme parce qu’il gouverne ? Ou n’est-ce pas plutôt la femme qui façonne le cœur de ceux qui gouvernent et gouverneront ?

 

Père Joseph

1 Gen. 3 ; 11-12

2 Pie XI in « Casti Connubii » du 31 XII 1930

 

 

Douceur de la virilité et virilité de la douceur

       N’en déplaise aux tenants de l’idéologie du genre, les garçons se montrent aussi naturellement fiers de leur force physique que les filles le sont de leur beauté. C’est bien en vain que l’on voudrait lutter contre ces tendances qui sont celles mêmes des sexes. Loin de les rejeter, que les éducateurs les identifient comme de précieux fils d’Ariane qu’ils doivent saisir pour conduire leurs enfants sur les chemins de la vertu.

Montrons d’abord que tous leurs premiers soins consistent à expliquer à leurs garçons que la transposition de leur force physique sur le plan moral se nomme le courage, et à leurs filles que la douceur est le mot qui désigne la beauté de l’âme. Voilà les vertus qu’ils doivent conquérir ! La tâche est si ardue qu’ils ne peuvent y parvenir par leur seule bonne volonté. Voyons alors comment les éducateurs doivent indiquer à leurs enfants le secours nécessaire de la grâce dont ils ont besoin pour progresser sur leur sentier chrétien et la splendeur spirituelle des vertus qu’ils sont appelés à pratiquer. Terminons cet exposé en leur dévoilant la récompense que mériteront leurs efforts. Le cheminement viril de leurs garçons en fera des doux comme l’adoucissement vertueux de leurs filles permettra bientôt de les louer comme la femme forte de nos Ecritures. La douceur de la virilité et la virilité de la douceur, n’est-ce pas ainsi que doit s’harmoniser la sainte complémentarité des hommes et des femmes ?

  1. Ton âme est plus que ton corps :

Le garçon triomphe d’avoir remporté la course, jeté sa pierre plus loin que les autres, terrassé son frère dans une mémorable bagarre ! La force bouillonne en lui. Qu’il soit vigoureux ! Ne méconnaissons pas les bienfaits des efforts physiques auxquels il se livre naturellement. Voilà qu’ils vont servir de point de comparaison pour l’ouvrir à la découverte de la force morale. Le voici en effet tout piteux d’une grosse bêtise garçonnière qu’il a commise. Avouera-t-il sa faute ? Sera-t-il faible ou fort ? Le moment est précieux pour que l’adulte évoque cette autre force spirituelle qui doit le déterminer à la franchise. Ou bien le voilà sur le point d’éclater dans une terrible colère parce qu’il a perdu au jeu. Céder à cette passion doit lui être indiqué comme un signe de faiblesse. La force morale consiste ici à garder la maîtrise de soi et même le sourire. Cette continuelle transposition du physique au moral doit lui être familière et devenir un ressort de ses combats contre lui-même.

La fillette passe et repasse devant la glace qu’elle a découverte et raffole de s’entendre dire qu’elle est mignonne. Mais la maman qui a bien repéré son petit jeu devra saisir l’occasion où elle est « affreuse » de jalousie, de gourmandise ou de coquetterie pour lui montrer que la beauté de l’âme vaut mieux que celle du corps. Comment faut-il l’appeler ? La douceur, je crois. Non pas encore dans un sens très rigoureux mais dans le sens large de l’affinité qui existe entre cette vertu et le soin déjà maternel qu’elle doit prendre de ses poupées. Elle ne sera en réalité mignonne que par son abord calme, avenant et souriant. L’idéal de cette beauté morale – qui redonde d’ailleurs sur les traits de son visage ! – doit la porter et la charmer.

  1. Rien sans le Christ :

 Faut-il le préciser ? L’accoutumance des enfants à cette transposition fondamentale de l’ordre physique à l’ordre moral ne peut bien réussir qu’avec l’aide de la grâce. Bannissons le naturalisme persuadé que les succès éducatifs ne dépendent que du talent à toucher les cordes psychologiques des enfants !

S’il est vrai qu’il les faut connaître, n’oublions pas que l’archet qui en tirera les sons harmonieux doit être chrétien.

Le garçonnet qui veut être fort et courageux doit s’éprendre des modèles de sainteté qui lui révéleront des profondeurs insoupçonnées. Qu’il découvre, par exemple, en lisant la vie de Léon De Corte, l’existence de ces athlètes dépourvus des muscles corporels. Qu’il lise la victoire d’un François de Sales colérique devenu le plus doux des saints. Qu’il remplisse son âme de la Passion du Christ, fort de la force de Dieu et victime volontaire pour nous sauver de nos péchés. Qu’il prenne conscience du néant d’une vigueur corporelle qui n’est pas accompagnée de celle de l’âme. Qu’il sache coupable la force qui n’est pas protectrice des plus faibles. Et, qu’à la vue de ses échecs pour devenir fort, le garçon s’humilie devant Dieu en demandant son pardon au confessionnal et vienne mendier au banc de communion le pain des forts. Qu’il se jette enfin dans l’amour filial d’une Mère forte comme une armée rangée en bataille.

Quant à la fillette conquise par l’idéal de la douceur, qu’on l’aide vite à l’intérioriser ! La douceur n’est pas douceâtre, encore moins doucereuse. Elle n’est pas une simple apparence que donnent les traits du visage. Elle n’est réellement que si, intérieure, elle se répand sur l’extérieur. Autrement dit, pas plus que la force, elle ne doit être réduite à l’horizontalité des relations avec les autres êtres humains. Si Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est Dieu, a pu dire de Lui : « Je suis doux et humble de cœur1 » , c’est que Dieu « est la Douceur par essence2 » . Nous ne serons des doux qu’en nous approchant de Dieu et en participant de sa douceur. Alors, qu’est-ce que la douceur ? Elle est avant tout la soumission humble et patiente au bon vouloir divin à l’origine de l’équanimité que l’on conserve dans ses rapports avec le prochain alors même que l’on doit supporter les maux qu’il nous inflige.

Que l’on parle de la force ou de la douceur, il faut un peu déplorer une littérature abondante, d’avant le Concile déjà, qui cherche à peindre de beaux portraits chrétiens de jeunes gens et de jeunes filles, à exalter leur rayonnement. Mais l’on cherche souvent en vain la racine et la sève de leurs nobles comportements. Ils nous paraissent d’une autre espèce que nous car ils développent d’admirables vertus comme si elles leur étaient naturelles. Ne nous illusionnons pas ! Nos modèles chrétiens sont toujours des âmes à la vie intérieure profonde, qui ne trouvent pas ailleurs que dans l’union à Notre-Seigneur, par l’oraison et par les sacrements, l’abnégation et la charité que nous leur voyons.

III. Deux itinéraires pour un même sommet

 Le jeune homme habitué à se vaincre lui-même devient réellement fort. Il comprend que le véritable courage consiste d’abord dans cette lutte incessante qu’il doit mener au-dedans de lui contre les mouvements désordonnés de ses passions pourtant parfois si violentes. Maître en sa demeure, il est aussi ce qu’il doit être dans l’existence, dans l’accomplissement de ses différents devoirs, dans l’exécution persévérante de ses obligations. Les conversations avec lui ne dégénèrent pas en disputes. S’il tient ferme à la vérité de ce qu’il pense, il sait céder paisiblement quand les opinions sont légitimement diverses sur un sujet.

Ne croyez pas que cette maîtrise que vous admirez en lui soit l’effet d’un bon tempérament ou de quelques efforts isolés de son adolescence. Elle est le résultat d’une conquête laborieuse à laquelle se sont associés ses parents et l’un ou l’autre prêtre. Elle est surtout le fruit d’une habitude d’union à Notre-Seigneur Jésus-Christ qui s’est traduite par l’exercice régulier, quotidien, de l’oraison.

Cette force intérieure, parce qu’elle jaillit du Christ, ne risque pas de dégénérer en dureté. Chez l’homme, elle revêt un caractère naturellement protecteur et cette propension s’accentue encore chez l’homme chrétien. L’idéal chevaleresque de la défense des plus faibles s’impose à lui. Une volonté de bienfaisance est le fruit spirituel de sa force. Or, qui prend soin des plus faibles apprend vite la nécessité de condescendre, de se mettre à leur place, d’user de mansuétude.

Et c’est par cette passerelle que l’homme découvrira la douceur et apprendra à unir en lui deux vertus qui lui paraissent presque opposées. Il n’est pas encore au bout de ses surprises ! Il expérimentera alors cet empire des doux sur les cœurs de ceux qui les entourent : « Bienheureux les doux car ils possèderont la terre en héritage3 ». La douceur a le don de désarmer les courroux et de gagner les cœurs. Après avoir fait la conquête de lui-même, l’homme fort qui s’adoucit fait celle de ceux qui l’entourent.

La jeune fille chrétienne qui s’exerce chaque jour à la douceur, comme à la pratique de la vertu qui symbolise la féminité et qui est exigée par la maternité, comprend vite l’harmonisation qui doit se produire entre son extérieur et son intérieur. Elle ne peut se contenter d’une contention qui s’afficherait dans les attitudes et dans le langage mais ne correspondrait pas à ses sentiments intimes. L’intériorisation s’impose à elle si elle veut être réellement douce. Le secret de la douceur, elle le trouvera dans son imitation du Christ et de la Très Sainte Vierge Marie, dans le bienfait de ses communions eucharistiques, dans la dévotion à la Passion de Notre-Seigneur. L’école de l’héroïsme chrétien, de sainte Blandine à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, se manifestera à elle dans sa beauté.

Mais que cette conquête est douloureuse ! Comme il faut de la vertu pour demeurer en toutes occasions patiente, charitable, toujours prête à s’effacer, toujours là pour pacifier. Quelle abnégation ! L’idéal est très élevé et ne s’atteint que par d’âpres combats qui demandent une grande générosité. La force fait irruption dans sa vie d’abord comme le moyen indispensable pour demeurer douce. A l’instar des saints, il s’agit de rester dans la douceur dans des circonstances parfaitement contraires. Mais la force apparaît également comme le trophée qu’elle emporte en même temps que la douceur. Si elle est devenue une vraie douce, c’est qu’elle est alors aussi une « femme forte », car la douceur signifie un tel empire sur soi-même qu’elle suppose la pratique constante de la force. Elle aussi rayonne alors d’une personnalité supérieure, celle de sainte Geneviève devant les Huns, dont l’autorité incontestée est celle de la douceur.

Nous n’avons certes pas voulu dire ni que l’éducation des garçons se résume à l’acquisition de la vertu de force, ni que celle des filles doit seulement s’attacher à la formation de leur douceur. Mais si ces deux qualités sont, comme nous le croyons, celles qui conviennent le mieux, soit à la masculinité, soit à la féminité, nous pensons qu’elles possèdent un rôle à part pour conduire les uns et les autres. Le savoir, c’est découvrir des ressorts bien précieux de la psychologie des garçons et des filles. L’ignorer, c’est s’exposer à beaucoup de maladresses et de récriminations dans l’art déjà si complexe de l’éducation.

            Père Joseph

1 Mt 11, 29

2 J.J Olier, Introduction à la vie et aux vertus chrétiennes.

3 Mt 5,4