Fruit de ce mystère : La joie chrétienne
« Dis-nous Marie, qu’as-tu vu en chemin ?
-J’ai vu le tombeau du Christ vivant et la gloire du Christ ressuscité !…
Joie et allégresse de ce matin de Pâques où, dans la pure fraîcheur de l’aube les saintes femmes courent vers le tombeau, portant les aromates et les parfums pour ensevelir le Maître que, dans la hâte d’une veille de sabbat, on n’a pu que rouler dans son linceul. Leur cœur les tire, vite, si vite ! Mais « qui déplacera pour nous la pierre du tombeau » ?…
Et voici le jardin, le tombeau ouvert que les gardes, dans leur terreur ont abandonné, cette lumière mystérieuse qui s’en échappe, le linceul soigneusement plié, le vide solennel et silencieux d’un tombeau d’où la mort est maintenant absente, et l’ange aux vêtements éblouissants : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts Celui qui est parmi les vivants ?… »
Et voici Marie-Madeleine avec son cœur éperdu qui se prosterne aux pieds du Maître, pleuré et retrouvé : « Marie !… : la voix qui appelle, qui entre dans l’âme apportant certitudes et espérance : dialogue qui commence entre le Christ et les âmes fidèles et ne prendra jamais fin !…
Et les apôtres, à leur tour, qui courent vers le tombeau, mais qui ne verront rien, eux, que les bandelettes gisantes et le linceul, bien plié dans un coin ; mais ce témoignage leur suffit : « Ils ont cru », dit solennellement l’Evangile.
On ne sait comment les recueillir toutes ces images de joie, ces souvenirs pleins d’allégresse de ce matin unique entre tous, plus beau que le premier matin qui se leva sur le monde au paradis terrestre.
Oh ! matin de Pâques qu’on imagine si lumineux sous le ciel palestinien !… Matin qui pour toujours, tant qu’il y aura des cœurs chrétiens, déversera la joie des Alléluia pleins de cloches !…
La joie chrétienne
Vierge Marie, qu’on ne nous dise plus que la croix du Christ assombrit l’horizon du monde, alors qu’elle n’est que le porche de la joie durable !… Est-ce le christianisme qui a inventé la mort ? le mal ? la souffrance ?… et ceux qui ont ôté la croix de leur vie en ont-ils en même temps ôté toutes les souffrances ? N’ont-ils jamais rencontré l’échec, la maladie, les déceptions, les rêves commencés et avortés ? La vie ne leur a-t-elle jamais semblé, « une chose dure qui serre de trop près et perpétuellement nous fait mal à l’âme[1]»… N’est-ce pas pour eux, alors que sera vrai le mot de Saint Paul : « Si le Christ n’est pas ressuscité, nous sommes les plus malheureux des hommes » ?
Mais le Christ est ressuscité ! Alléluia ! Les anges l’ont dit, les saintes femmes l’ont vu et des milliers et des milliers ont rendu témoignage tandis que Thomas, pour rassurer notre incrédulité, a mis ses doigts dans les trous béants des plaies saintes. Le Christ est ressuscité ! Alléluia ! Si nous ne pouvons pas le chanter tous les jours comme nous le chantons en chaque matin de Pâques, il faut que sans cesse, la récitation de notre rosaire, en nous ramenant devant le tombeau vide, nous rappelle que nous sommes les enfants de la joie !…
C’est grâce à ce matin de Pâques où le Christ est sorti vivant du tombeau que nous pouvons porter des fleurs dans les cimetières et regarder sans désespoir cette terre qui recouvre ceux qui nous ont quittés. Vierge Marie, c’est pour nous aussi que l’ange assis sur la pierre du tombeau lève le doigt vers le ciel : « ne cherchez plus parmi les morts celui qui est parmi les vivants ! » « Ils sont vivants, éternellement vivants, nos bien-aimés ; ils ont passé la porte obscure qui provisoirement les sépare de nous, mais c’est pour commencer la vie définitive dont la nôtre n’est qu’un prélude plus ou moins bref ; ils sont des invisibles, ils ne sont pas des absents ; ils cheminent près de nous, jusqu’à l’heure de la réunion définitive[2] »
Le Christ a vaincu la mort ; Il a vaincu pour nous la solitude humaine. Je suis seule peut-être dans ma maison et dans ma vie, je suis celle qui pleure et qui ne reconnaît pas sous les traits du jardinier Celui qu’elle pleure, jusqu’à ce que la voix connue appelle « Marie » !
Mon Dieu ! Ce matin de Pâques, c’est votre voix qui nous appelle chacun par notre nom pour mettre la joie jusqu’au plus intime définitivement et n’est-ce pas une joie infinie d’entendre Celui qui dit : « Ne pleure pas ! » ?
Je saurai maintenant vous reconnaître derrière tout ce qui vous cache… Vous êtes dans ma maison, vous êtes dans ma vie, vous êtes là pour m’appeler par mon nom et pour qu’au lieu de rester amère dans ma solitude, je courre moi aussi pour annoncer cette bonne nouvelle que je porte en moi comme une espérance invincible… Le Christ est ressuscité ! Il a remporté toutes les batailles ; Il est le Vainqueur ; que craindrais-je ? De quoi aurais-je peur ?
Et joie aussi que cette certitude du mal définitivement vaincu ! C’est dur, Vierge Marie de voir tout ce mal qui s’étale impudemment, torturant les corps, les cœurs et les âmes. Je suis là bien tranquille chez moi, et le mal du monde vient me souffleter brutalement : les vengeances, les atrocités, les colères, les haines, les injustices, les profits… Mon Dieu ! Tout en moi proteste ! Il faut que le mal soit vaincu pour que j’aie le courage d’élever mes enfants, de faire ma tâche de chaque jour, de résister à la pente glissante de cette immoralité qui emporte tout, de ces moqueries et injustices qui m’entourent… Vierge Marie, tout à l’heure, avant de prendre mon Rosaire, un poids d’amertume m’oppressait. Maintenant j’ai compris : le mal n’a qu’un triomphe passager… Celui qui va du Vendredi Saint au matin de Pâques. Je laisserai dire ceux qui se moquent de ma vie, ceux qui ricanent… Je sens en moi les paroles qui faisaient brûler d’amour le cœur des disciples d’Emmaüs. Ne faut-il pas que, comme le Christ a souffert, nous réalisions nous-mêmes la vérité des Béatitudes, cette joie au-delà des larmes, des injustices, des persécutions, de la pauvreté ?… Bienheureux ! Bienheureux ! Oh ! oui, bienheureux sommes-nous mon Dieu puisque nous avons la certitude de vos promesses qui, au-delà de la nuit des temps, percent l’horizon comme l’aube du matin de Pâques.
Vierge Marie ! Faites qu’à force de réciter cette première dizaine, je sente grandir en moi la pure joie chrétienne qui est l’authentique témoignage des disciples de votre Fils !
D’après Paula Hoesl
[1] Marcel Proust
[2] Paul Claudel