La tête et le cœur

Sans doute, l’union vertueuse est difficile, mais en dépit des difficultés, l’union réalisée par le sacrement doit être maintenue à tout prix. Elle est un bien précieux et fragile qu’il ne faut pas exposer aux risques d’une rupture.

La première racine de l’entente est le choix clairvoyant des époux. La vertu doit se greffer sur une harmonie préalable des caractères.

Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire aujourd’hui, l’analyse de la forme des intelligences masculine et féminine ainsi que la perception des différences de comportements de l’homme et de la femme ont suffi à montrer combien les deux sexes sont loin d’être semblables. Leurs différences profondes sont inscrites dans leur nature. En conséquence, les dispositions naturelles des deux époux ne sont pas interchangeables. Il importe aux époux de s’en souvenir pour éviter certaines méprises et pour que chaque conjoint sache comment répondre aux attentes de l’autre.

Le rôle de l’époux :

Jésus-Christ, nous le savons, a transfiguré le contrat de mariage en sacrement, et les époux en image du Christ et de l’Eglise. Le mari, en tant que chef du ménage, doit exercer ce rôle, ce devoir, cette charge envers son épouse et sa famille avec un dévouement comparable à celui du Christ pour l’Eglise. C’est donc de lui que les membres recevront leur cohésion. Il suffit de maintenir l’union pour en récolter les fruits : la paix, la joie, l’ardeur au travail, le courage. Celui qui a cette responsabilité tâchera donc d’améliorer la vie de famille par les moyens qui fortifient l’union. Il les trouvera en priant, en réfléchissant…L’union vit d’entraide généreuse, d’encouragements, de respect et d’estime, de soutien dans la peine ou l’effort, en ajoutant humblement sa part, en oubliant sa peine et sa gloire…l’époux doit servir. Et servir, c’est unir !

Il est vrai qu’il est difficile de rentrer chez soi, fatigué de sa journée ! Voici un époux qui, en se retrouvant chez lui le soir, se réfugie dans un certain égoïsme pour son bien-être : on dirait que lui seul, en famille, est fatigué. Il se plaint et ne s’aperçoit pas de son ingratitude pour les mille services qu’on lui rend… De lui, qui est le père, le modèle, on attendrait un compliment, un remerciement, un dévouement…Mais non. Rentré en sa demeure, il présente à tous le côté de sa sombre nature. Est-ce juste de ne voir que ce qui fait défaut ? Le cœur difficile cesse d’être aimable !

L’autorité a toujours avantage à se faire estimer et aimer, or, l’habitude du reproche ferme les cœurs de l’entourage et ruine l’autorité !

Cher époux fatigué, prenez le temps de relire ce conseil de Pie XII :

« Envers la femme que vous avez choisie pour compagne de votre vie, quelle délicatesse, quel respect, quelle affection votre autorité ne devra-t-elle pas témoigner et pratiquer en toutes circonstances, joyeuses ou tristes !  « Que vos ordres, ajoute saint Augustin, aient la douceur du conseil et l’obéissance tirera du conseil courage et réconfort. »

Le rôle de l’épouse :

Si nous remontons à la naissance même du plan divin, nous lisons dans la Bible avec une clarté qui ne laisse aucune hésitation, que la femme a été donnée à l’homme, expressément comme une collaboratrice. Dieu ajouta que cette aide était semblable à l’homme, et précise : « pour que l’homme ne fut pas seul ». Car « il n’est pas bon que l’homme soit seul ».

« Quel est donc mon rôle ? Mon rôle à moi, épouse, est d’entrer dans l’esprit de mon mari, pour qu’il ne s’agite pas seul au milieu des problèmes de l’action ; d’entrer dans son imagination pour la ramener par ma sagesse aux justes proportions de la mesure, d’où naissent la paix et la force nécessaire ; d’entrer dans son cœur , pour combattre, par mes charmes purs, les fausses séductions du plaisir ou pour adoucir les amertumes et les rigidités du combat ; d’entrer dans sa volonté pour soutenir et calmer, par mon énergie morale, les découragements et les lassitudes de l’effort ; d’entrer dans sa sensibilité elle-même pour la transformer, par ma tendresse, en puissance d’amour et de fécondité, tandis que livrée à elle-même, cette sensibilité serait le plus terrible adversaire de son âme[1]. »

En résumé, le rôle de l’épouse est de combattre constamment un quadruple ennemi, très puissant pour briser la force virile : la tristesse, le surmenage, le trouble et la crainte qui guettent son époux. Par son énergie morale elle saura lui apporter la joie, le repos, la paix et la confiance qui le réconforteront.

Les époux ont donc une mission complémentaire et ont reçu des dons spécifiques pour marcher ensemble sur la route du Salut. Pour qu’il y ait une collaboration intime il ne suffit pas que chacun fasse son travail dans son coin. Elle ne consiste pas davantage à empiéter sur le terrain de l’autre.

Dans le cadre du ménage, pour qu’il y ait harmonie, il convient que les époux s’informent mutuellement de leurs projets ou actions.  Ce sujet de la communication entre époux sera d’ailleurs le thème d’un prochain article …

Collaborer suppose que chacun accomplisse bien son travail, mais également que chacun tienne compte des besoins de l’autre et agisse en conséquence.

« Collaborer, c’est finalement subordonner l’œuvre particulière de chacun à une pensée commune, en vue d’une fin commune » (Pie XII)

Ainsi la collaboration suppose un certain renoncement, elle suppose l’esprit de sacrifice et le souci du bien commun.

Le meilleur  modèle des époux chrétiens reste la sainte Vierge et saint Joseph. Voyez comme saint Joseph contemplait la très sainte Vierge, meilleure, tellement plus sainte que lui ; il vénérait en elle la Reine des anges et des hommes, la Mère de son Dieu ; et pourtant il demeurait à sa place de chef de famille et ne négligeait aucune des obligations que lui imposait ce titre. Marie, quant à elle, est le modèle de l’épouse : toujours docile et attentive à son époux ; ce ne fut pourtant pas facile tous les jours ! Chacun d’entre eux remplissait sa tâche, sans peser sur l’autre et essayait même de la faciliter par son adhésion profonde. On peut dire que si saint Joseph était la tête de sa famille, Marie en était le cœur. Gardons à l’esprit cette image et faisons-en un peu notre devise : à nous deux, mari et femme, soyons réellement la tête et le cœur de notre foyer !

Sophie de Lédinghen

[1] Père F Charmot

Tout nouveau, tout beau!

Le mariage chrétien commence par le consentement mutuel des époux face à Dieu, en présence du prêtre. C’est le début du chemin : tout est joie, optimisme et espérance !

Ils passeront le reste de leur vie à se sanctifier mutuellement en s’efforçant de donner et de recevoir en un effort jamais interrompu ; il y aura des succès et des échecs, des moments de joies immenses et des moments dramatiques. Tout un ensemble de réalités inévitables, mais héroïques et grandes dans la fidélité au quotidien.

N’allons pas croire que l’unité conjugale vient spontanément avec l’engagement matrimonial. Ni qu’une fois réussie, elle peut être conservée par inertie, sans être alimentée, sans lutte ! L’amour n’est pas capable de soutenir ce caractère impérissable que nous voudrions tous trouver en lui. L’amour est comme une plante rare et fragile, exposée au moindre risque, qu’il faut cultiver avec beaucoup de précaution pour qu’elle se développe progressivement jusqu’à atteindre sa pleine maturité et qu’ainsi elle vive vigoureuse. L’amour conjugal doit être soigné avec l’attention d’un bon jardinier qui maintient en parfait état et dans sa splendeur le meilleur de ses rosiers. Il l’engraisse, il le taille, le regarde et se réjouit de la vivacité des couleurs de ses roses ; si elles se fanent trop tôt ou si elles perdent leurs pétales, il en recherche la cause avec inquiétude ; et il travaille pour les conserver vivantes si elles sont malades, car il lui semble qu’avec la mort d’une rose c’est lui-même qui meurt un peu…

Que ne feraient donc pas deux personnes pour maintenir ainsi, frémissant et lumineux, l’amour qui les unit ! C’est une folie de ne pas mettre en œuvre tous les moyens pour garder et augmenter l’amour mutuel, car cela risquerait de les exposer à l’infidélité ou tout au moins à une intolérance sommaire remplie de heurts constants. Le refroidissement de l’amour est un processus subtil, presque insaisissable à ses débuts, qui ne se voit facilement que lorsque la dégradation est importante et semble presque irréparable.

L’amour a ses lois psychologiques qu’on n’oublie pas sans dommage, qu’on ne viole pas sans risque. Citons-en quelques-unes : « Les cadeaux, dit le proverbe, entretiennent l’amour. » Négligence et égoïsme le désagrègent.

Il ne suffit pas d’aimer ses enfants, de se soucier de leur éducation et de leurs études, d’améliorer le standing financier du ménage, d’avoir des ambitions d’avenir semblables en étant plus liés par l’amour commun des enfants que par un attachement mutuel bien vivace et par une exigence actuelle des cœurs…Cela est bien sûr honorable et a une valeur sociale indéniable, mais ce serait ce que nous appellerions des vies « parallèles », non des réussites conjugales. Que de conjoints, sans vivre en guerre l’un avec l’autre, ne connaissent plus les joies d’un amour profond mais les souffrances de la « solitude dans la cohabitation » !

L’amour conjugal, dans tous les foyers, subit plusieurs mues. Après deux ans, après dix ans,… il est différent de celui du temps des fiançailles. Cette transformation est inéluctable et nécessaire. Elle peut représenter un enrichissement qui entraîne un approfondissement de l’amour, ou par manque de vigilance, amorce un désenchantement et un détachement…

Il en est de même dans toute vie : l’entrée dans une nouvelle maison qu’on a fait construire à son goût, un nouveau pays que l’on visite, un nouveau poste que l’on occupe, une nouvelle toilette que l’on étrenne…tout cela présente au cœur humain la joie des printemps. Et pour un temps, mais pour un temps seulement, la possession comble les rêves. Madame est heureuse dans sa nouvelle vie, chez elle, avec son organisation à elle…Monsieur s’épanouit dans son nouveau travail avec de nouvelles responsabilités qui le valorisent…mais peu à peu se perd le charme  des choses neuves et, si l’on n’y a pris garde, s’introduisent sournoisement l’accoutumance, la monotonie, précurseurs de la lassitude, de la satiété et de l’ennui.

Les coloniaux sont unanimes à souligner le caractère pénible des régions équatoriales, non pas seulement à cause de la chaleur, mais surtout de l’immuable régularité de la durée des jours et des nuits. A six heures du soir, tous les jours de l’année, avec à peine quelques minutes d’écart, la nuit tombe ! Cette régularité se fait vite lassante et même énervante au point que ce que l’on pourrait penser n’être qu’un petit détail, devient un élément des plus pénibles de la vie sous l’Equateur.

Nos journées ne se déroulent sans doute pas avec cette régularité  et divers événements (difficultés financières, petits heurts de caractère, naissance d’un enfant…) viennent heureusement mettre leur petit ou leur gros grain de sel dans le menu conjugal !

Ne laissons pas les années endormir notre amour mutuel, réveillons-le notamment par un regain d’attention l’un pour l’autre, n’hésitons pas à « casser » la monotonie du quotidien pour faire une sortie ou une activité à deux, en dehors de notre cadre habituel …Le mariage est une conquête de chaque jour, nous le savons bien ! Ce n’est pas toujours si simple, me direz-vous, entre la fatigue, les soucis… Oui, mais n’oublions pas que nous avons la chance d’être deux pour porter ensemble les choses difficiles autant que les plus agréables, nous avons des grâces pour cela et ne nous lassons jamais de les demander ! Sachons aussi trouver la petite idée qui mettra un peu de nouveauté dans notre existence : une complicité…un bouquet de fleurs… un bon dessert…un petit geste affectueux…et soudain tout va mieux !

Sophie de Ledinghen