Lorsque l’enfant s’en va…

           Des enfants sont venus. Un, plusieurs… Vous les avez élevés, soignés, servis comme si vous n’aviez que cet intérêt au monde. Ils ont occupé toutes vos pensées, chacune de vos heures du jour, et souvent même celles de la nuit. Ils vous ont fait rire…mais parfois aussi pleurer. Pour eux, vous avez été prêts à tous les sacrifices, à toutes les fatigues…Puis ils partent, l’un après l’autre…qui en études supérieures ou en apprentissage, qui au séminaire ou au couvent. Ils doivent vous quitter et vous rappellent que vous ne les avez pas eus pour vous…que leur chemin doit continuer hors de votre présence pour « grandir » autrement et construire leur propre vie.

  Cette étape de la séparation est aussi grande qu’éprouvante tant pour vous parents, que pour vos enfants qui quittent le nid familial si confortable et organisé, pour une vie plus précaire et encore pleine d’inconnu ! Cette étape douloureuse, il faut bien le dire, sera moins pénible si vous avez su d’abord y préparer vos cœurs et vos âmes…les vôtres, mais aussi ceux de vos enfants.

  Une vie de pension, des camps d’été ou gardes d’enfants vous auront déjà quelque peu « endurcis » à la séparation. Longtemps avant son départ, par vos conversations, vous aurez pris le temps de répondre aux mille questions que votre enfant se pose sur son avenir, ses choix, son futur mode de vie, les habitudes qu’il devra précieusement conserver et les nouvelles qu’il lui faudra adopter. L’air de rien, vous aurez semé des petits cailloux de recommandations et conseils qui, petit à petit, auront imprégné son jeune esprit.

  Nous avons déjà insisté, chers parents, sur l’importance de l’éducation des apprentissages tant dans le quotidien d’une maison que dans celui de la tempérance (confort, écrans, dépenses…), d’une vie spirituelle nourrie et quotidienne, tout cela sera source de tranquillité pour vous comme pour lui !

  Dans sa recherche de logements plusieurs choix s’offrent à vous : chambre chez l’habitant, colocation en appartement…à vous de voir quelles seront les meilleures conditions pour votre enfant et pour son travail. Il est préférable de ne pas le laisser habiter seul la première année, qui est celle où se prennent les habitudes de cette nouvelle vie, ni dans une ville trop éloignée, si possible, pour un retour chaque week-end à la maison. Il vaut mieux proscrire les foyers pour étudiants, sauf cas exceptionnels, car les jeunes d’aujourd’hui (issus de tous milieux) mènent souvent des vies de débauche sans horaires ni restrictions (les fameux jeudi soir…) ! Vous aurez vérifié avec le centre d’études et votre CAF, la possibilité de bourses et d’allocation logement. Notez que le bénéfice de ces allocations avant les 21 ans de l’enfant (ou 20 ans selon les cas), peut réduire les allocations familiales de la famille. Faites le calcul pour connaître la formule la meilleure. Si vous ne connaissez pas la ville où étudiera votre enfant, renseignez-vous sur la localisation des quartiers tranquilles et de ceux qui sont dangereux. L’idéal serait un endroit pratique pour aller en cours, pas trop loin d’une chapelle où il puisse aller à la messe (au moins une fois par semaine en plus du dimanche) et rejoindre quelques jeunes de son âge.

           Vous aurez discuté d’un budget, même s’il a droit à une bourse, pour l’aider à être économe. Apprenez-lui à bien noter ses dépenses sur un carnet ou un fichier Excel, afin de mieux évaluer ses besoins mensuels ou hebdomadaires (loyer, transports, nourriture, fournitures scolaires…). En l’emmenant faire des courses montrez-lui comment lire les prix, les promotions, comparer les prix au kilo, les quantités, et apprenez-lui à n’acheter que l’indispensable…

  Si vous n’êtes pas allés visiter son futur logement avec votre étudiant, allez au moins l’aider à s’y installer. C’est important que vous puissiez l’imaginer ensuite, et en discuter avec lui ; et lui sera ravi que vous connaissiez son nouveau « chez lui » ! Ne l’abreuvez pas d’une liste sans fin de précautions et conseils en tous genres ! Montrez-lui plutôt qu’il a votre confiance et que vous êtes fiers de pouvoir la lui accorder. Les conseils de dernières minutes ne valent rien !  Vous aurez depuis longtemps fait vos recommandations pour sa vie temporelle comme spirituelle…

  Ensuite, gardez le contact ! Téléphonez-vous régulièrement, pas forcément longtemps mais restez bien présents, bien au courant, surtout la première année. Ecoutez les mots qu’il vous dit…mais écoutez aussi ce que vous dit sa voix : est-elle paisible, posée, joyeuse ? ou plutôt inquiète, tendue, nerveuse, agacée ?

  Il y a un tel fossé entre chez vous et sa vie d’étudiant, dans laquelle il doit prendre souvent sur lui pour faire face, qu’il a vraiment besoin de rentrer souvent pour se ressourcer « à la maison » ! Avec les années il prendra davantage d’indépendance et son propre rythme. Lorsqu’il rentre, laissez-le un peu respirer et se détendre…avant de pouvoir trouver un petit moment de conversation seul à seul. Observez-le : est-il amaigri ? Pâle ? Défiguré par un teint qui trahit une mauvaise alimentation ? Ses ongles sont-ils soignés…ou particulièrement rongés ? Vous regarde-t-il dans les yeux ? Son rire est-il franc et joyeux ? Au premier coup d’œil une mère voit toutes ces choses-là !

  Lorsque votre enfant est au loin, il reste pourtant près de vous. Sa chambre à la maison est vide, mais il est bien présent dans chacune de vos pensées. Votre prière ne faiblit pas pour lui…comme pour chacun de ceux de vos « petits » déjà partis ! Priez, chers parents, priez sans cesse ! Vous êtes leur garde-fou, leur paratonnerre…dans l’ombre et le secret. Et grandissez avec eux en offrant votre sacrifice de détachement, tout en partageant avec eux la joie de cette nouvelle « promotion sociale » !

               

S. de Lédinghen

 

 

 

Alerte aux écrans (suite et fin)

La télévision n’aide pas non plus à l’acquisition du langage :

Tout d’abord puisqu’il est inutile de nommer ce que l’on voit, ensuite parce que le langage demande le passage du concret à l’abstrait. Les images données toutes faites par l’écran risquent de « fossiliser » les possibilités d’abstraction de l’enfant. De plus le langage télévisuel est un langage direct, il n’y a jamais de phrases en style indirect ; les temps sont simples, on n’emploie presque jamais le subjonctif : l’enfant se bloque dans un langage très simple qui lui permet tout juste de dire à peu près ce qu’il a à dire.

Le problème est grave car il semble bien que l’enfant doive acquérir les formes complexes, la structure de son expression future avant l’âge de six ans. On rencontre en effet fréquemment des adultes dont le vocabulaire est extrêmement limité, réduit à environ deux cents mots et quelques onomatopées. De plus leur langage est hésitant, abrégé (sympa, ado, sécu…), maladroit. La mémoire bourrée de représentations devient inapte à retenir les articulations des plus simples raisonnements. Les enfants ont une très grande difficulté à écrire quelques lignes de leur composition, à comprendre un texte extrêmement court, à passer du concret à l’abstrait. On aboutit donc à un analphabétisme fonctionnel : les enfants savent lire et écrire, mais ne savent pas utiliser leurs facultés.

« La télévision entrave tant qu’elle peut le jeu normal de la conceptualisation et du jugement, qui empêche « l’homo sapiens » de se former dans l’enfant et qui ne fait succéder à l’enfance que l’infantilisme. Nos contemporains n’ont pas le sens du vrai, parce que, au fond, ils ne sont jamais devenus des hommes. Ce sont des avortons intellectuels. » (Abbé Berto, ND de Joie)

C’est peut-être là que réside l’effet le plus pervers de la télévision : les images qu’elle accumule avec force paralysent l’exercice normal de l’intelligence et empêche de trouver-ou même de chercher- la lumière de la vérité.

Cette analyse très succincte peut paraître sévère et susciter doutes ou même refus. Que chacun fasse le bilan des centaines d’heures passées devant un récepteur et réfléchisse à ce qu’il a acquis dans tel ou tel domaine…Il y a loin de la coupe aux lèvres !

Alors que faire ?

Considérer l’écran comme un spectacle. Or l’être humain n’est pas fait pour aller au spectacle tous les jours. On peut donc le regarder très occasionnellement. Et pour le jeune enfant cela doit rester très exceptionnel. Il faut alors toujours lui préciser s’il s’agit de fiction ou de réalité.

Vivre en famille sans télévision ? (Témoignage d’une mère de famille)

Mais oui, cela existe ! Peut-être même plus souvent qu’on ne pourrait le croire.

Pourquoi se passer de télévision ? Il faut bien répondre à cette question quand on voit l’étonnement que cela suscite autour de nous. Même si nous rencontrons la compréhension d’un nombre croissant de personnes, reconnaissons que, dans l’esprit du plus grand nombre, la télévision est devenue « obligatoire ». N’est-ce pas plutôt un luxe, un loisir parmi d’autres ? Je n’ai jamais vu personne blâmé parce qu’il ne va pas au cinéma, au théâtre, au concert, dans les musées ou parce qu’il ne lit pas, n’écoute pas de musique, etc. Pourquoi, la télévision connaît-elle ce traitement à part ? N’est-ce pas un étrange esclavage que nous subissons en famille ? Pourquoi ne pas comprendre que d’autres désirent faire un choix différent ? Si juste après notre mariage, nous n’avons pas jugé nécessaire d’acquérir un poste de télévision, avant le réfrigérateur ou le lave-linge, comme on peut le constater dans nombre de familles* (dont le budget ne permet pas de tout acheter en même temps) c’est bien parce que, nous sentant faibles, nous voulions nous préserver. Et si, aujourd’hui, nous n’avons toujours pas franchi le pas, c’est pour préserver également nos enfants.

Aurions-nous peur ? Notre sentiment est que si la télévision trônait au milieu du salon, le ver serait dans le fruit. Même si on pense savoir maîtriser le temps d’écoute et le type d’émission, la tentation demeure. Lorsque les enfants sont intenables, ce qui arrive quelquefois, quelle mère de famille à bout de patience n’allume pas la télévision pour obtenir un peu de calme ?

Et, que fait-on du temps gagné ?

Nous avons le temps de nous parler, les repas peuvent se prolonger sans devoir s’aligner sur l’heure d’un programme. En rentrant de classe les enfants trouvent le temps de jouer, de préférence avec leur mère ou leur père les jours où ils ne vont pas en classe. A la campagne, tout est plus facile, car il suffit d’ouvrir la porte donnant sur le jardin pour découvrir mille sujets d’intérêt. En ville cela demande plus d’organisation et donc plus de disponibilité de la part des parents. Les plus grands peuvent lire ou découvrir des jeux de société.

Déplorons qu’en France aujourd’hui, beaucoup de tout petits enfants grandissent devant un récepteur allumé en permanence !

 

  Que dire aujourd’hui de tous ces jeunes mariés qui démarrent leur vie de ménage avec chacun leur propre ordinateur portable (et téléphone !) ?! Ils ont, bien souvent, déjà pris de mauvaises habitudes de « dépendance » et d’indépendance… Quelle volonté et quel courage énergique il leur faut alors pour faire le choix de s’en détacher le plus possible pour le bien de leurs âmes et celui de leur famille !

SL

 

 

 

Alerte aux écrans (suite)!

Rappel des différentes parties vues lors de la première partie de cette étude (FA n°18) : L’imagination, saturation de l’imagination par l’écran, un effet destructeur sur la perception du réel.

 L’écran remplace le propre rêve de l’enfant par le rêve organisé

Par l’écran, l’imaginaire de l’enfant subit une invasion de sons et d’images qui le submerge et l’empêche de créer ses propres images. Quand il joue ou qu’il lit, l’enfant crée lui-même son propre « film », ce qui est indispensable à son développement psychologique. L’écran lui enlève cette possibilité. De plus, l’ambiance émotionnelle lui est imposée, alors que dans la lecture, elle est seulement proposée par l’auteur et recréée par l’enfant.

 L’enfant croit davantage à la réalité d’une image mobile que dans ses rêveries provoquées par le récit d’un conte. Il vit intensément le conte véhiculé par l’écran car les messages sont transmis par un triple langage : visuel, verbal, non verbal sonore. L’enfant, naturellement très impressionnable, intègre facilement le message que lui apporte l’écran et s’identifie plus aisément au héros qu’il lui propose. L’identification à des héros multiples peut d’ailleurs être source de perturbations. L’enfant héros est avant tout une création d’adultes dont l’imaginaire diffère totalement de celui de l’enfant à qui il s’adresse.

Le modèle mythique n’aide pas l’enfant, sinon à projeter ses propres frustrations : il forme alors une image dévalorisée de lui-même, de son milieu familial, de sa condition sociale et culturelle. Les véritables joies de l’enfance innocente sont ainsi étouffées par les écrans.

  • L’écran contribue au modelage de l’enfant

Dès son plus jeune âge l’enfant cherche à imiter, il reproduit tout :

-Les modèles sont d’abord ses parents puis le reste de son entourage.

-Au fur et à mesure qu’il grandit, il découvre de nouveaux modèles dans son voisinage, à l’école et dans la société en général.

-A l’âge de raison il sera à même de juger ce qu’il y a de bon et de mauvais dans ces modèles.

Mais l’influence reçue pendant ses toutes premières années pèsera d’une manière décisive. Le rôle primordial dans ce processus revient bien sûr aux parents. Or les écrans se substituent aux parents. C’est un véritable bouleversement des rôles. Bien avant l’école les enfants disposent d’une autre source qui leur permet d’assimiler des ambiances et des conceptions, de se familiariser avec des adultes différents, d’éprouver des émotions nouvelles. Ils sont pris dans de puissants faisceaux d’influences aux âges sensibles de la formation de la personne. Au cours de ce processus de formation se constitue un champ de représentations sociales qui vont permettre à l’enfant de comprendre son environnement, de l’interpréter, de communiquer avec ses semblables et de situer lui-même dans la société.

La constitution de ce champ est un mécanisme évolutif dans lequel les premières représentations résultant de l’identification aux parents et la formation de l’image de soi sont des structurations fondamentales. Dans l’intimité du foyer les écrans influencent considérablement cette structuration en imposant une vision du monde et un mode de vie qui façonnent uniformément adultes et enfants. Aujourd’hui la standardisation de l’homme est évidente et l’humanité y perd beaucoup.

  • Influence de l’écran sur l’intelligence

Parce qu’elles saturent, qu’elles gavent l’imagination, les images fournies par l’écran perturbent le travail naturel de l’intelligence. Il est incontestable que dans un premier temps il y a un élargissement des connaissances mais qui devient stagnation par la suite.

La passivité qui consiste à recevoir une information déjà façonnée ne permet pas le développement ultérieur d’un esprit critique et de recherche personnelle de la connaissance que donne la lecture des livres.

L’écran peut-il donc être un bon outil d’apprentissage ?

L’expérience montre que non. Ceci pour plusieurs raisons :

-Parce qu’elle va vite, qu’à l’image succède l’image, elle ne laisse pas le temps de réfléchir ; les idées ne s’impriment pas durablement car elle ne permet pas de revenir longuement sur un sujet comme on le fait sur les phrases d’un livre.

Les réponses viennent sans que l’enfant n’ait eu le loisir de se poser les questions ; or l’émergence d’une question est le fruit d’une maturation qui est plus utile que la connaissance de la réponse. L’émission ou le jeu sur écran ne tient compte ni du degré de connaissance, ni de la maturité, ni du langage ni de l’expérience individuelle. Elle s’adresse donc soit à la moyenne présumée, soit au niveau le plus bas de l’audience ciblée.

L’écran spectacularise les événements et les idées : c’est le côté spectaculaire ou sympathique qui frappe, plus que la profondeur des idées. Il s’adresse plus aux sentiments qu’à l’esprit.

A ce sujet, voici ce qu’écrit le professeur Rufo* dans la revue « vie et santé » de mars 1991 : « L’obstacle le plus important est la rupture qui existe entre deux mondes :

-d’une part celui de l’étude, de la réflexion, de la recherche, de la concentration ;

-d’autre part celui des écrans.

Tout est opposé d’une manière remarquable. Et l’étudiant connaît, consciemment ou pas, un mal fou à s’adapter au passage d’un univers à l’autre.

Pire, l’écran exerçant sur lui le pouvoir que l’on sait, va le conduire à attendre une vie « télévisuelle » partout où il vivra son quotidien. L’écran est capable de créer de nouveaux réflexes chez un individu, notamment chez un jeune (…) Le système télévisuel s’articule autour du show, du spectacle (…) L’enfant va attendre qu’autour de lui tout soit présenté en terme de spectacle, faute de quoi rien ne l’accrochera, même s’il s’agit de l’essentiel dans sa vie (…) Le travail de l’examen scolaire se vit sur la base d’un tout autre système, celui de la répétition, celui de la concentration, de l’attention sur un même sujet.

C’est d’ailleurs un fait très actuel : les gens d’aujourd’hui changent de conversation d’une manière étonnante, incapables qu’ils sont devenus de discuter en profondeur sur un sujet, ce qui reste le privilège -pourtant accessible à tous- de peu de personnes. La pensée part dans tous les sens, se ballade, n’arrive pas à se fixer… »

La mentalité contemporaine est ainsi devenue une mentalité inversée : les concepts sont devenus contingents et accessoires.

La voie est ainsi ouverte pour toutes les séductions que le filtre familial aura bien du mal à assumer.

 

 

Fin dans le prochain numéro :

-Comment les écrans nuisent à l’acquisition du langage.

-Vivre en famille sans télévision.

*Pr Rufo, pédopsychiatre, prof. d’université

 

 

Alerte aux écrans !!!

                     Chers amis lecteurs, vous savez comme j’aime conserver les choses belles ou intéressantes dans mes petits trésors…En fouillant un peu dedans récemment, j’y ai retrouvé cette étude que je voudrais partager avec vous. Elle date des années 1990, et n’a pas pris une ride !

                                                                                    Sophie de Lédinghen

 

            Lorsqu’on aborde le problème des écrans, la première réaction des familles est de considérer d’emblée le temps que leurs enfants passent devant un écran, et la moralité de ce qu’ils y regardent. Chers parents, vous avez conscience de ces difficultés de nocivité pour la santé morale et physique de l’usage hors contrôle des écrans, nous traiterons ici d’un aspect beaucoup plus fondamental, celui des effets des écrans sur notre psychisme. Je vous parlerai plutôt du danger de perversion de l’esprit et de l’imagination, moins spectaculaire que la corruption du sens moral, mais beaucoup plus profond.

 L’imagination

 Ce qui passe sur l’écran s’adresse d’abord à l’imagination : elle remplit la tête d’images. Pour mieux comprendre : L’imagination est un sens interne, dont l’organe est le cerveau cognitif, qui conserve les sensations reçues par les sens et les rappelle par les phantasmes. Elle fait partie de notre sensibilité intérieure comme le sens commun, le sens du discernement et la mémoire auxquels elle est étroitement liée. Elle est située entre les sens externes (vue, ouïe, odorat, tact et goût) et l’intelligence. De cette sensibilité intérieure dépendent la vie affective, la vie intellectuelle, l’inspiration créatrice et la construction de notre « moi psychologique ». Disons que l’imagination nourrit notre affectivité, meut nos passions ; elle est pour notre intelligence la source féconde d’objets de connaissance à partir de laquelle vont se former par abstraction les idées, les concepts et contribue ainsi à façonner notre personnalité, notre comportement, notre style… Enfin, l’imagination conserve la sensation en fonction de la mesure où elle est marquée par elle.

Trois facteurs vont conditionner cette mesure : la répétition de la sensation, l’émotion qui l’accompagne et la disposition du cerveau. Le premier conditionnement de ce cerveau, c’est l’âge : plus l’imagination est jeune, plus elle est indéterminée et donc malléable. La vue a bien sûr une grande importance pour l’imagination, elle l’enrichit constamment. L’ouïe influence l’imagination par l’intermédiaire des « passions sonores » (bruitages, mots ou musiques).

On comprend pourquoi les passions sont indispensables à la formation des jeunes imaginations- les belles, bonnes et vraies images- puisque c’est grâce à ces images que va se former la réserve mentale des idées, des informations, des références.

  • Saturation de l’imagination par l’écran

Les images produites par l’écran (même si elles étaient toujours belles, bonnes et vraies) ne peuvent parvenir à la formation des jeunes imaginations pour plusieurs raisons. Tout d’abord il s’agit d’images artificielles caractérisées par un manque de stabilité, une variation rapide de brillance, des images sautillantes, spécialement dans les dessins animés.

La structure des images lumineuses intermittentes provoque une hyperstimulation de l’œil et du cerveau qui entraîne une « fascination » des enfants qui les amène à regarder fixement l’écran. Ainsi la télévision ne suscite pas l’attention : elle hypnotise ! (Ce qui entraîne fatigue physique, fatigue visuelle, agitation, altération du sommeil). Ces stimulations finissent par perturber la vigilance diurne et altérer ainsi les capacités d’attention de l’enfant. Cette hyperstimulation est vraiment comparable à une drogue qui entraîne une dépendance.

En second lieu ces images se succèdent si rapidement et en telle abondance qu’elles provoquent une sorte d’indigestion ne permettant pas une véritable assimilation des connaissances. Il y a trop de choses, trop vite.  

Cette indigestion d’images endort l’attention trop sollicitée, si bien que l’attitude ordinaire du téléspectateur est la passivité. Cette passivité a une conséquence redoutable chez l’enfant : elle amollit la volonté ! On a constaté chez les enfants consommateurs de télévision une diminution sévère des capacités de mémorisation et une difficulté pour associer images, idées et paroles…

 L’écran a, pour l’enfant, un effet destructeur sur la perception du réel

Rappelons que la limite entre le réel et l’imaginaire se constitue peu à peu au cours de l’enfance et qu’elle reste floue jusqu’à l’adolescence. Les jeux et films sur écran effacent progressivement la frontière entre le réel et l’irréel et provoquent chez l’enfant un décollement par rapport au monde réel. Même sans violence, la télévision détache l’enfant de la réalité et le rend inapte à mesurer la conséquence de ses actes. Chez l’enfant de moins de six ans en particulier, il existe une difficulté naturelle à distinguer l’actuel du passé, la fiction de la réalité. Pour l’enfant, l’image projetée est vivante et actuelle et il a beaucoup de mal à se situer à une époque passée ou fictive.

C’était sans doute le cas des contes de notre enfance, mais ils commençaient toujours par cette phrase magique : « Il était une fois… ». D’autre part il existait une relation privilégiée entre le parent-conteur et l’enfant, qui n’existe plus avec le film.

Ce flou entre le réel et l’irréel peut favoriser une instabilité émotionnelle et des difficultés relationnelles. Fascinés, les enfants négligent de plus en plus leur cadre de vie réel au profit du cadre imaginaire des écrans. La vie excitante et sensationnelle proposée par les écrans est une tentation permanente d’échapper à la réalité quotidienne.

                                                                                     

La suite dans le prochain numéro :

– L’écran remplace leur propre rêve par le rêve organisé.

– L’écran contribue au modelage de l’enfant.

– Influence de l’écran sur l’intelligence.

 

 

 

 

 

Le détachement matériel

Nous vivons un temps où « les valeurs » vantées publiquement, officiellement, sont celles de la consommation et du confort…Tout nous y pousse ! Ce monde s’oppose à celui de Dieu, il refuse la lumière de l’Evangile. Il recherche sans fin les plaisirs, les honneurs, les richesses matérielles. Or, si nous voulons vivre en enfants de Dieu nous devons renoncer aux convoitises de ce monde. Renoncer à toutes les choses qui nous éloignent ou même, pire, nous séparent de Dieu ! Réalisons-nous suffisamment le danger d’une telle tendance ? pour nous-mêmes d’abord et, plus encore, pour nos enfants ?

Ce n’est pas tout de « renoncer au mal et aux convoitises de ce monde », saint Paul définit en trois mots le comportement digne d’un « enfant de Dieu », d’un véritable catholique : vivre dans la tempérance, la justice et la piété

Arrêtons-nous sur le premier de ces trois points : la sobriété, la modération, notamment en ce qui concerne l’usage des choses matérielles, c’est-à-dire « vivre en hommes raisonnables », en gardant une maîtrise de soi mais aussi une prudence et une modération dans cet usage des choses créées.

Tournons-nous à présent vers ce petit enfant de la crèche couché sur la paille, le Fils de Dieu lui-même venu nous enseigner comment vivre en vrais enfants de Dieu… Sommes-nous prêts à l’imiter jusqu’à ce dénuement de Bethléem ? Aussi bien, sans aller jusqu’à pareil « extrême », n’avons-nous pas à puiser devant la crèche quelques leçons de simplicité ? Demandons-nous cette grâce de parfait détachement de toutes les choses créées dont la Sainte Famille nous donne l’exemple ?

Bien sûr il y a une consommation normale, juste, légitime, mais elle a des limites : à nous de fixer ces limites, à nous de ne pas les dépasser. Sachons nous faire, sur ces points, une « règle de vie » …et nous y tenir. C’est dans la mesure où nous aurons acquis une bonne maîtrise de nous-mêmes dans la tempérance que nous pourrons mieux les imposer à nos enfants.

Cela ne peut se faire sans un esprit de pénitence et un goût du sacrifice, en sachant accepter de bon cœur les sacrifices imposés ( peu de moyens financiers, une maladie qui prive de loisirs ou contraint à un régime alimentaire contraignant, pas autant d’enfants qu’on aurait souhaités , ou même pas d’enfants du tout parce que la Providence a voulu cet immense sacrifice pour nous…), mais aussi les sacrifices volontaires ( pas de Nutella tous les matins au petit déjeuner, se priver d’acheter un vêtement ou un repas tout fait en prenant le temps de le confectionner soi-même, refuser d’allumer l’ordinateur trop tôt dans la journée tant que l’on n’en a pas un besoin indispensable…).

Nous éduquerons nos enfants à ce détachement matériel :

Vers deux ans, prêter : doucement, l’encourager à prêter ses affaires, à s’en séparer (ce qui est loin d’être spontané à cet âge !). Cela se fera plus par persuasion que par contrainte en mettant en avant le « pour faire plaisir » à l’autre, en restant souple car cela reste du domaine facultatif.

Réparer : nous aurons à cœur de lui apprendre à ne pas abîmer ce qui lui a été prêté, (ou ce qu’il a pris…) ou, sinon de lui faire réparer avant de le rendre (nous le ferons avec lui tout en lui laissant faire lui-même ce dont il est capable).

Vers quatre ans, partager : à partir de trois ou quatre ans, un enfant devient plus disposé à la générosité : il aime faire plaisir aux autres. C’est donc maintenant que l’on peut développer encore cette générosité en reliant les efforts qu’il va faire à l’amour de Jésus : partager avec l’autre, c’est comme si on partageait avec Jésus. Les occasions matérielles ne manquent pas, mais surtout, rien ne sert d’exiger d’eux qu’ils partagent avec les autres ce qu’ils ont envie de garder pour eux si nous-mêmes ne leur en donnons pas l’exemple : maman se prive de dessert car il manque un fruit dans le compotier…papa prête ses outils au voisin…

A six ans et plus, ne pas gaspiller : nous baignons dans une société si poussée à la consommation que, bien souvent, nous n’avons plus conscience des occasions de gaspillage : dans l’alimentation, les vêtements, les fournitures scolaires, le gâchis du papier…A chacun de voir ce qu’il peut améliorer dans sa vie quotidienne pour moins gâcher en vrais enfants gâtés que nous sommes hélas devenus ! Expliquons à nos enfants que tout ce qui est ainsi gaspillé est perdu, alors qu’il pourrait servir à ceux qui n’ont rien…Apprenons-leur à réutiliser un morceau de papier encore vierge, à terminer le pain rassis avant d’entamer la baguette croustillante… accommodons de temps en temps les petits restes qui traînent dans le réfrigérateur, mettons une pièce sur le genou du pantalon troué, ou transformons-le en bermuda ! Nos enfants verront que le détachement matériel n’est pas nécessairement une question de budget, mais surtout un état d’esprit, celui de la pauvreté que nous demande Jésus, de la paille de sa pauvre crèche à son dépouillement sur la croix !

Après douze ans, se former : en plus de la pratique du détachement matériel dans la vie quotidienne, nous les dirigerons vers un apprentissage de la doctrine, au moyen de lectures (comme le catéchisme de St Pie X) et de conversations, meilleurs moyens de leur donner des idées claires et bien fondées.

En apprenant à nos enfants à savoir se contenter du strict nécessaire, sans se plaindre de ce qui leur manque (ou de ce dont ils rêveraient !), sans désirer ou rechercher le « superflu », ils adopteront un style de vie simple et modeste et comprendront que l’on est bien plus par ce que l’on est que par ce que l’on a !

Sophie de Lédinghen