Le grand saut

Le soleil se leva brusquement sur le désert de Lybie ce matin du 27 juillet 1942. Dans sa lumière qui déjà chauffait la poussière, quatre Stukas allemands surgirent depuis l’horizon et fondirent sur la jeep des Français. Les mitraillettes hurlèrent dans l’air sec et les rafales secouèrent le sable. Touché à plusieurs reprises, l’aspirant André Zirnheld s’effondra. Son compagnon, au volant, parvint à s’enfuir en empruntant le lit de l’oued asséché. Sous le soleil écrasant de midi, le corps troué de balles, après plusieurs heures de terribles souffrances, l’aspirant Zirnheld rendit son dernier souffle. Dieu l’avait exaucé.

En effet, on retrouva sur lui un carnet, noirci par les pensées que cet homme de lettres devenu soldat parachutiste avait griffonnées. Parmi elles, en faisant glisser les feuilles à carreaux fanées entre les doigts, les pages 16 et 17 attirèrent le regard. Sobrement intitulé « prière », un texte allait entrer dans la légende militaire. Le voici :

 « Je m’adresse à vous, mon Dieu, car vous seul donnez ce qu’on ne peut obtenir que de soi.

Donnez-moi, mon Dieu, ce qu’il vous reste ;

Donnez-moi ce qu’on ne vous demande jamais.

Je ne vous demande pas le repos ni la tranquillité, ni celle de l’âme, ni celle du corps.

Je ne vous demande pas la richesse, ni le succès, ni peut-être même la santé. Tout ça, mon Dieu, on vous le demande tellement que vous ne devez plus en avoir.

Donnez-moi, mon Dieu, ce qu’il vous reste ;

Donnez-moi ce que l’on vous refuse.

Je veux l’insécurité et l’inquiétude, je veux la tourmente et la bagarre, et que vous me les donniez, mon Dieu, définitivement, que je sois sûr de les avoir toujours, car je n’aurai pas toujours le courage de vous les demander.

Donnez-moi, mon Dieu, ce qu’il vous reste ;

Donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas.

Mais donnez-moi aussi le courage et la force et la foi. Car vous seul donnez ce qu’on ne peut obtenir que de soi. »

Très vite, ce texte se transmit parmi les militaires. C’est sur ces lignes qu’en 1961 fut composée la prière du parachutiste que nous connaissons. Ce corps d’élite, guetté par la mort à tout moment, à chaque saut, au cœur des opérations les plus ardues et risquées, choisit la prière de l’aspirant André Zirnheld pour devenir la prière officielle de tous les parachutistes de l’armée française. Ce même corps se plaça sous le patronage de l’archange saint Michel dès 1949.

Que nous enseigner cette prière ? Le parachutiste trompe la mort par une forme de défi. Quitte à mourir peut-être demain, autant se délester tout de suite de tout ce qui nous retient sur la terre et demander ce qui fait la grandeur d’un homme sous le regard de Dieu : la souffrance offerte en sacrifice. Souvent, nous prions pour nos petits horizons, et cela est légitime ! Nous prions pour une guérison, pour obtenir une maison plus grande, pour la conversion d’un proche, pour une promotion ou l’obtention d’un concours. Dieu est notre père, aussi tels des fils, nous nous tournons filialement vers Lui pour obtenir toutes ces choses, tant qu’elles concourent à notre sanctification. Mais peut-être, parfois, oublions-nous la grandeur de la vie sanctifiée par la souffrance ? Peut-être échafaudons-nous nos propres plans, un peu trop confortables, il faut bien l’avouer. Il est si difficile de détruire sa petite volonté propre et de faire totalement sienne la volonté de Dieu. Et pourtant, c’est là la purification que Dieu attend de nous, acceptée, ou mieux, désirée sur cette terre, ou subie pendant des siècles au purgatoire.

Comme pour la mort… Face à elle, il y a deux catégories d’hommes : ceux qui la subissent et ceux qui l’acceptent. Bien orgueilleux celui qui, vivant, se vante d’appartenir à la catégorie de ceux qui accueilleront la mort avec panache ! Bien sage celui qui demande à Dieu de lui donner la force de maintenir, jusqu’au cœur des affres de l’agonie ! C’est là tout le but de la prière du parachutiste. Et même plus encore, quitte à mourir, quitte à souffrir, quitte à devoir tout sacrifier à Dieu, pourquoi ne pas demander cette mort et cette souffrance tout de suite ? Ne sommes-nous pas finalement comme le parachutiste, la porte de l’avion béant sur le vide, prêt à sauter ? Nos courtes vies se termineront toutes par le grand saut dans l’éternité, alors, comme le parachutiste, le chrétien ne doit-il pas sans cesse se préparer et demander à Dieu la force et la foi ?

 

« Mon Dieu, mon Dieu donne-moi la tourmente, Donne-moi la souffrance,

Donne-moi l’ardeur au combat.

Je ne veux ni repos, ni même la santé ;

Tout ça, mon Dieu, t’est assez demandé ;

Mais donne-moi, mais donne-moi ;

Mais donne-moi la Foi ;

Donne-moi force et courage. »

 

Que cette prière, celle des fils de saint Michel, soit pour nous une occasion de méditer sur ce que nous voulons faire de nos vies : un saut totalement abandonné dans les mains de la Providence, attendant, espérant même la souffrance afin de nous sanctifier, de nous sacrifier pour l’œuvre du Salut, le nôtre d’abord, et celui de notre pays et de la Sainte Eglise.

Que saint Michel donne à tous les hommes de bonne volonté la force de sauter, d’embrasser la grande aventure de la sanctification, pour la gloire de Dieu.

 

 Louis d’Henriques

 

Contre l’impureté et ses ravages, toute une éducation

Si les ravages de l’impureté sur les âmes, et particulièrement celles des enfants, ne sont pas une nouveauté – rappelons-nous la vision de l’enfer de saint Jean Bosco, durant laquelle il découvre la cause majeure de la damnation des enfants de son Oratoire – la dramatique dimension prise par ce phénomène durant les vingt dernières années à cause d’Internet nécessite pour le monde catholique une adaptation énergique pour armer les jeunes consciences qui nous sont confiées. Ce constat, communément admis, laisse toutefois démunis bon nombre de parents : que faire ?

Cette question ne peut obtenir de réponse sans passer par toutes les interrogations indispensables pour cerner le sujet : je m’attacherai à un déroulement logique qui, je l’espère, alimentera efficacement les éducateurs convaincus de la lutte à mener.

 

Tout d’abord, quel est le problème ?

La pornographie. L’acception de ce mot fait généralement consensus, mais que recouvre-t-il ? Etymologiquement, il provient du grec et signifie « tout montrer ». Il n’existe pas de définition unifiée de ce phénomène, mais peu importe, concentrons-nous sur son objectif, qui permet d’identifier le mal qui en résulte : il s’agit du visionnage d’images à caractère sexuel à des fins masturbatoires. Les notions qui ressortent de cette définition vont nous permettre de préciser les champs d’action possibles.

 

Le caractère sexuel est fondamental pour comprendre la dynamique du cercle vicieux : la capacité procréatrice du corps humain est certainement la plus puissante que Dieu ait donné à l’Homme, corps et âme. Comme pour d’autres besoins comme l’alimentation ou le repos, Il a attaché à cette puissance un plaisir destiné à donner au corps la concrétisation de la satisfaction de l’âme d’avoir correspondu à son plan. La force de ce plaisir, en comparaison de ceux que l’on peut ressentir en mangeant, jouant, faisant du sport, donne une idée de la valeur que la génération de nouveaux Elus a aux yeux du Créateur. On ne saurait donc à ce sujet utiliser des mots comme « honteux », « tabou », « inconvenant ».

Mais la nature humaine est blessée. Le péché apparaît lorsque le plaisir est recherché pour lui-même, et non reçu en conséquence légitime de l’acte auquel il est indissolublement lié : la procréation. Et ce plaisir est si fort que les mécanismes chimiques qu’il produit dans le cerveau « tracent » un chemin que les répétitions vont imprimer chaque fois plus profondément : l’addiction se crée alors et nous voyons bien qu’il ne s’agit pas que d’un aspect spirituel, mais que la physiologie1 est aussi en jeu.

 

Comment intervenir avant l’engrenage ? L’expérience prouve de façon indiscutable que l’écrasante majorité des addictions prennent pied dans l’enfance ou l’adolescence. En perpétuel développement durant cette période, le cerveau a une plasticité qui permet l’apprentissage, mais le rend vulnérable aux sensations. La vision d’une image capable de déclencher un appétit sexuel, dans un esprit qui n’a pas encore la force de le recevoir, a fréquemment un effet traumatique dont l’enfant voudra avoir (inconsciemment) l’explication : impressionné par cette première vision, il va y revenir, sans y trouver davantage de réponse, encore et encore, et l’attraction issue de la sécrétion de dopamine2 initiera ainsi le cycle infernal de l’addiction.

Permettez-moi une petite digression : on ne peut condamner la pornographie et son écosystème pour des raisons sanitaires, ou pour la violence et la souffrance qui sous-tendent cette industrie. Certes, ces mauvais fruits sont des preuves que l’arbre est mauvais, mais ce ne sont pas les conséquences qui établissent l’essence mauvaise de la cause. Faisons une comparaison (vous excuserez avec bienveillance le domaine très masculin dont elle est issue !) : un moteur est conçu pour faire mouvoir une voiture, aucun constructeur n’imaginerait d’ailleurs en créer un sans les organes qui permettent de l’intégrer dans ce but sous un capot. Ce moteur ne démontre sa valeur que sur la route, en répondant aux accélérations, en donnant  à son conducteur la possibilité de se déplacer, avec fiabilité, endurance, sans fausser le châssis de la voiture pour laquelle il est conçu. Pour peu qu’il soit puissant et que le pilote soit adroit, il lui procurera un plaisir de conduite qui n’a rien de malsain. Sortons maintenant ce moteur de son berceau pour l’installer sur un banc d’essai où il tournera à plein régime : le son mécanique n’a plus la mélodie que la vitesse, les modulations de la route, les paysages traversés, les échos tour à tour rageurs et reposants, rendaient vivante en lui communiquant une sorte d’âme. Nous avons quitté le monde de la vie pour la technique. La finalité du déplacement est absente, sans compter l’usure prématurée de la mécanique forcée qui n’a pas été prévue pour cet usage. Vous aurez compris par cette différence qui du même objet sépare deux mondes étrangers l’un à l’autre, la profonde altérité de nature entre le plaisir sexuel esclave de la pulsion3 de jouissance, et la joie qu’il procure dans les cœurs qui s’abandonnent l’un à l’autre. L’égoïsme de la masturbation (y compris dans la « masturbation à deux » que peut être la relation vécue en couple, mais pour la recherche de son propre plaisir) étrique le cœur en l’emprisonnant dans le règne animal de la jouissance alors que l’acte accompli en signe concret de la réalité incomparablement plus grande et complète du mariage, avec son cortège d’abnégations et de don de soi, sublime et dépasse le faible plaisir naturel dont la finitude ne saurait combler l’âme humaine. La perversion de la pornographie est là, dans le mésusage de cette puissance utilisée pour l’inverse de ce pour quoi elle a été conçue.

Revenons au fil de notre raisonnement, nous voyons se dessiner quelques grands principes qui permettent de concevoir la réponse à apporter. En bref :

– Le mystère de la vie, noble et saint, est éminemment voulu par Dieu, qui a mis chez l’Homme le désir d’y correspondre ;

– La nature blessée par le péché originel est d’autant plus faible que la vigueur de l’attraction est forte ;

– L’Homme est corps et âme, le démon se sert du corps pour atteindre l’âme, la réponse doit donc être spirituelle ET naturelle4 ;

– L’adolescence constitue une période critique où la vigilance doit être maximale.

 

La prise de conscience 

Tout combat engagé découle d’un préalable : la prise de conscience d’un danger. Cette évidence n’en est étonnamment pas une pour un nombre – qui se réduit grâce à Dieu – de parents fidèles de la Tradition. Que de fois n’a-t-on entendu ce poncif : « Oui, la pornographie est vraiment un drame, mais bon, chez nous, nous ne sommes heureusement pas concernés » ? Plusieurs raisons peuvent permettre d’expliquer cette naïveté dans un premier temps, mais la quantité proprement impressionnante de mineurs détenteurs d’un smartphone au sein même de pensions catholiques interroge non seulement sur la cécité, mais aussi sur la surdité de ceux qui les leur fournissent5.

Imaginons un instant un père de famille installant son enfant dans une chambre où trône une jolie bibliothèque : visibles sur les étagères, des collections Signes de Piste, Trilby, quelques Langelot, une rangée entière de Bibliothèque verte… et, déposées sur les derniers rayons, masquées par des portes simplement rabattues, une pile de revues pornographiques. « Cela, mon enfant, tu n’y touches pas, ce n’est pas pour toi.» Et c’est tout. A cet instant, cher lecteur, vous frémissez légitimement d’une telle inconscience ! Filons la comparaison : donner un smartphone à un enfant s’avère bien pire. Dans ce cas, autant parler de quelques Fantômette poussiéreux inaccessibles en hauteur, et l’intégralité de la bibliothèque remplie de revues plus immondes les unes que les autres. Sans porte devant. Et un gentillet filtre Safesearch en guise de conseil de ne pas y toucher.

Il ne s’agit en rien d’une exagération, un confesseur déclarait ces derniers mois que le taux de correspondance entre la détention d’un smartphone par un jeune entre 12 et 18 ans et la survenue d’une faute grave était proche de 100%. Sans être prêtre ni intime des consciences, le catéchisme nous apprend qu’un péché est mortel lorsqu’on le commet, mais aussi lorsqu’on met l’âme du prochain en situation proche de le commettre. Faites la déduction vous-mêmes et vous comprendrez cette phrase d’un prêtre – d’une communauté Ecclesia Dei – assurant « qu’il y a faute grave des parents à donner sans discernement un smartphone à un adolescent ».

 

Qu’attendre alors précisément des parents ?

Le combat pour la pureté ne date pas d’hier : ne succombons pas à la tentation moderne de vouloir tout contrôler, ce qui n’est ni possible, ni souhaitable. Dieu n’attend pas cela de nous. L’objectif d’une éducation résolument chrétienne est de donner à notre enfant les meilleures armes pour qu’il puisse user avec succès de sa liberté pour son salut. Dans le domaine de la pureté, il en va de même. Certes, il s’agit de tout faire pour guider sa jeune conscience sur la voie du Bien, mais notre pouvoir de parents s’arrête à son libre-arbitre.

Il aura des tentations sûrement, des chutes peut-être, mais il pourra s’appuyer dans cette lutte sur les saines habitudes prises, sur une vision claire des déviances, mais surtout de la grandeur et de la beauté attachées aux mystères de la vie. Face aux torrents de boue de l’impureté, l’éducation complète et chrétienne à la sexualité aura l’effet protecteur de la couche de vernis sur le bois brut et fragile de son âme. La planche peut être salie, chahutée, un peu de vernis peut même sauter, la pourriture irrémédiable sera évitée.

 

De quoi parler, et de quelle façon ?

Chaque enfant, chaque parent, chaque famille est différent. Il ne saurait être question de donner un guide précis de la façon dont ces questions doivent être abordées. Quelques grands principes – principalement de bon sens – doivent être présents à l’esprit.

 

A chaque âge ses besoins

Les choses sont bien faites : le chemin interrogatif enfantin permet justement la progressivité, et ordonne la hiérarchie des informations du plus général au plus précis. Il est par ailleurs fréquent que les premières questions surviennent dans les deux ans précédant l’âge de raison, moment où l’enfant s’interroge sur les énigmes existentielles, la mort, le Ciel, la Vie, Dieu, les anges… Que les parents les moins à l’aise se rassurent, son attente se limite alors au niveau conceptuel, et il est alors aisé de lier pour toujours dans son cœur la procréation et le regard du Créateur. Ce principe devra orienter les discussions futures, et l’assise obtenue permettra d’y arrimer le reste. Jusqu’au début de la puberté, les conversations avec les enfants sont particulièrement enrichissantes, car leur âme, encore préservée des troubles de l’adolescence, est entièrement réceptive à la beauté du plan de Dieu. Les années passant, il sera alors plus facile d’aborder les mises en garde contre les déviances à la lumière de la sainteté de ces mystères dont l’enfant aura été imprégné.

 

L’éducation est complète

Contrairement à ce qui peut parfois se pratiquer, cette éducation ne consiste pas en une conversation unique, engagée par un père ou une mère gênés, qui ont préparé ce pensum depuis plusieurs jours, se lancent, puis sont soulagés de l’avoir fait. Autant ne rien dire. Non, une éducation prend du temps, doit être progressive, et les aspects concrets du sujet ne peuvent être évoqués qu’après une préparation donnant la primauté au spirituel et au sacré. Ils ne sont d’ailleurs pas les plus importants dans cette mission, et ne nécessitent pas de rentrer dans les détails. Ces échanges permettront d’ouvrir un « canal de confiance » avec les parents, qui auront alors été les premiers à écrire les mots sur la page blanche de l’âme de leur enfant, qui saura qu’en cas de doute, il peut revenir à la source de l’information.

Quelques réponses aux objections comme « c’est trop tôt », « il va perdre son innocence », « et s’il interprète mal mes mots ? »… Ce sujet n’est en rien avilissant, et ce n’est pas tant cela qui lui fera perdre son innocence que les mauvaises conversations ou plaisanteries crues de camarades qui feront dramatiquement travailler son imagination. Et il en entendra, c’est une certitude absolue. En la matière, « mieux vaut un an trop tôt qu’une heure trop tard7 ».

 

Des solutions techniques, nécessaires mais pas suffisantes

La tâche est ardue, et, si l’esprit peut être prompt, la chair sera toujours faible ; aussi peut-il être souhaitable de s’appuyer sur quelques bâtons de marche (ou béquilles, selon le degré de blessure), nécessaires à l’éducation, mais jamais suffisants. À l’instar de la conduite accompagnée censée apprendre au jeune conducteur à maîtriser cet outil utile mais dangereux qu’est la voiture, on ne saurait laisser un novice avoir un accès à Internet sans le soumettre à des limitations qui l’aideront à prendre de bonnes habitudes. On peut se référer au blog ensortir.fr qui, tenu par un prêtre ayant une formation d’ingénierie informatique, liste de façon très exhaustive divers systèmes de contrôle sur smartphone, PC, tablette.

Gardons toutefois à l’esprit que ces dispositifs ne sont aucunement des boucliers infranchissables. Une béquille n’empêchera jamais un imprudent de courir et de rouvrir sa blessure. Parmi les conseils à prodiguer à l’enfant qui ne l’est plus et qui va quitter le foyer, il en est un dont il doit être imprégné, c’est « qu’on ne détruit bien que ce que l’on remplace » : si le démon va tenter d’appliquer ce principe en saturant son esprit par les choses du monde, sa défense la plus efficace sera du même ordre. Une vie spirituelle active, de saines lectures, des prières et des sacrements réguliers seront autant de lignes défensives que l’ennemi devra franchir avant d’atteindre le sanctuaire de l’âme. L’activité sportive, l’engagement au service d’autres (scouts, mouvements de jeunesse) lui permettront en outre de décentrer son attention de lui-même et d’éviter l’égoïsme dont la sensualité et l’impureté sont un des avatars.

 

L’équilibre et la mesure en conclusion

Il est un écueil de notre culture moderne à éviter : l’excès, positif comme négatif. La philosophie grecque antique considérait avec beaucoup de bon sens que la perfection se trouvait dans l’équilibre entre deux excès, et non comme nous le pensons aujourd’hui dans la performance maximalisée. La pudeur n’est pas plus la pudibonderie qu’elle ne doit suivre l’extravagance de la mode. La protection de l’innocence d’un enfant n’est pas tant le soustraire aux vilenies du monde (même si cela en fait partie) que d’armer sa conscience le plus complètement possible. Le danger de l’excès est qu’il nous fait lâcher la proie pour l’ombre : faire du sport vise à établir un esprit sain dans un corps sain, et non à >>> >>> soumettre cet esprit au culte du corps, qui deviendrait alors son propre objectif. Il s’agit bien de replacer la procréation et les mystères qui l’entourent à sa place, toute sa  place, mais rien que sa place. Si cette dernière est au mariage ce que les fondations sont à la cathédrale, elles n’en sont pas l’élément le plus signifiant, et n’ont de sens que dans les murs, les flèches, les sculptures, les colonnes, le chœur, l’autel qu’elles soutiennent, et surtout l’Être qui l’habite et lui donne sa grandeur. Sans cette construction et cette Âme qui donnent leur raison d’être aux fondations, ces dernières ne sont qu’une caverne. Ordonnées à ce service, elles lui donnent la solidité et la longévité qui ont valeur d’éternité, et surtout elles quittent le monde matériel du béton et des pierres pour participer au culte rendu au Créateur.

 

Ces quelques lignes sont bien trop lapidaires pour prétendre faire le tour de la question. Au-delà de ces réflexions d’ordre général, il est nécessaire d’étudier davantage en détail les particularités de chaque sexe rapportées à ce sujet. Ce sera l’intention de l’article prochain qui ne considèrera pas l’enfant au sens large, mais dans ses spécificités de garçon ou de fille.

Odoric Porcher

 

 

1 Ce qui est logique : la personne est la fusion d’une âme et d’un corps.

2 Hormone produite dans le cerveau et qui procure l’impression de plaisir.

3 Ce serait trop long à développer, mais il est plus exact de parler de pulsion – injonction d’autorité sur l’esprit – et non d’instinct – mécanisme au service de la vie animale. La différence tient dans le fait que la pulsion implique une forme de « rébellion » contre une puissance qui doit justement la contrôler, quand cette lutte n’existe pas dans la notion d’instinct.

4 Comprendre psychologique (contrôler les pulsions) et physiques (soumettre le corps à la volonté).

5 Ce constat devrait désormais changer, puisqu’à partir de la rentrée 2023, la simple détention d’un smartphone – y compris à la maison – interdit à un enfant l’accès aux écoles de la Tradition.

6 Au sens où la science est incapable d’expliquer le phénomène, qui pourtant se produit de façon bien réelle.

7 Cette maxime est fréquemment utilisée par nombre de prêtres et d’éducateurs. Elle est citée par le R. P. Joseph dans son Petit catéchisme d’éducation à la Pureté dont nous recommandons vivement la lecture à tous les parents.

 

Du gai soleil – Air de Sophie – Werther – Acte II

Notre citation pour septembre et octobre :  

 « Si du guerrier j’ai les armes puissantes

Si je l’imite et lutte vaillamment

Comme la Vierge aux grâces ravissantes

Je veux aussi chanter en combattant … »

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus – Les trois voeux

 

Du gai soleil

Air de Sophie – Werther – Acte II

(1892) – livret de Blaud et Milliet

Inspiré du roman « Les souffrances du jeune Werther » de Goethe paru en 1774. Donné à Vienne 6 février 1892. Le 27 décembre 1892 à Genève (version française originale) et à Paris, le 16 janvier 1893, à l’Opéra-Comique.

Werther est devenu amoureux de Charlotte qui partage son amour. Mais selon le désir de sa mère mourante, Charlotte épouse Albert au désespoir de Werther. Après quelques mois de voyage, Werther revient au village au mois de septembre et revoit les jeunes époux. Sa tristesse est immense en dépit d’une fête qui se prépare et qui met en joie la petite sœur d’Albert, Sophie.

Massenet a mis en scène le contraste saisissant entre la tristesse de Werther et l’enjouement de Sophie qui essaie de l’inviter, de façon alerte, à la joie de vivre.

SOPHIE
(à  Albert, gaiement) :
Frère ! Voyez ! Voyez le beau bouquet !
J’ai mis, pour le Pasteur, le jardin au pillage !

(s’adressant à Werther) :
Et puis, l’on va danser !
Pour le premier menuet, c’est sur vous que je compte…

Ah ! le sombre visage !
Mais aujourd’hui, Monsieur Werther,
Tout le monde est joyeux ! Le bonheur est dans l’air !
Du gai soleil plein de flamme dans l’azur resplendissant
La pure clarté descend de nos fronts jusqu’à notre âme !
Tout le monde est joyeux ! le bonheur est dans l’air !
Et l’oiseau qui monte aux cieux dans la brise qui soupire …
Est revenu pour nous dire que Dieu permet d’être heureux !
Tout le monde est joyeux !
Le bonheur est dans l’air !
Tout le monde est heureux !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La fièvre chez l’enfant

La fièvre est une température supérieure à 38,5°C prise en rectal. Elle est le témoin d’une infection bactérienne ou virale en cours d’évolution. Si elle est très élevée, la fièvre peut être dangereuse pour votre enfant et responsable de convulsions.

Voici quelques conseils pour faire baisser la fièvre :

– Prendre la température avec un thermomètre placé dans l’anus.

– Si cette température est comprise entre 36,5 et 37,5°C, il n’y a pas de fièvre.

– Si la température est située entre 37,5 et 38,5° C, la fièvre est modérée.

– Il faut déshabiller votre enfant : maillot de corps et une couche suffisent largement.

Reprendre la température 4 heures plus tard.

– Si la température est supérieure à 38,5°C, la fièvre est élevée : il faut déshabiller l’enfant ; appeler votre médecin traitant.

 Il est alors possible de donner un bain si vous avez un thermomètre de bain : la température doit être de 2 degrés en-dessous de la température de l’enfant ; la durée du bain est de 10 minutes.

– Mettre l’enfant au calme, dans une pièce dont la température est à 20 ou 21°C.

– Faire boire de l’eau à votre enfant entre les biberons et les repas. Si l’enfant ne prend pas beaucoup d’eau au biberon, il faut alors lui donner de la solution de réhydratation (à demander au pharmacien ) par petites quantités.

– Donner un anti-thermique (médicament contre la fièvre) en suivant l’ordonnance du médecin.

– Surveiller la température toutes les 4 heures.

 

En utilisant ces moyens proposés, bien souvent, on constate une diminution progressive de la fièvre de l’enfant dès le lendemain. Si ce n’est pas le cas, il faut alors conduire l’enfant chez votre médecin ou aux urgences si le médecin n’est pas disponible.

 

Dr Rémy

 

Saint Michel et la France

Le monde moderne, imbu de naturalisme et de subjectivisme, est plus que jamais déterminé à s’affranchir de la tutelle de Dieu et prétend construire seul sa destinée et son bonheur. Avant même que le temps n’existe, après la création des premiers esprits, alors que Satan et ses sbires cherchaient leur indépendance, saint Michel faisait déjà tonner son « Quis ut Deus ?1 ». Pas plus que Satan, le monde n’est à l’égal de Dieu. Et c’est justement pour le protéger du démon que Dieu envoie sur terre ses anges, en particulier l’archange saint Michel, le chef de l’armée céleste. Ces apparitions sont signes de grandes choses, car comme l’exprimait le pape saint Grégoire le Grand, « Saint Michel est envoyé chaque fois qu’il s’agit d’opérer une œuvre éclatante. » Or nous remarquons que nombreuses sont les manifestations de cet archange sur notre sol français, ce qui semble signifier l’importance que Dieu accorde à notre pays dans son plan divin.

L’archange Saint Michel

Les anges (du grec aggelos, messager) sont les premiers êtres créés. Saint Augustin attribue leur apparition à l’œuvre du premier jour : « Que la lumière soit.» Non pas que les anges soient la lumière, mais plutôt qu’ils participent à la lumière éternelle de Dieu2, et qu’ils soient les témoins de son action créatrice. Ils sont de purs esprits, c’est-à-dire qu’ils ne possèdent pas de corps ou de parties physiques. Ils sont ainsi doués de certaines capacités que ne peuvent avoir les êtres matériels, telle que l’incorruptibilité. Tous, comme les hommes, ils ont été créés par Dieu avec des différences, des particularités qui répondent à un rôle qu’Il leur a défini. Cela se traduit par une hiérarchie des esprits célestes en neuf ordres rangés dans trois triades. La première comprend les Séraphins, dont les trois principaux anges Michel, Raphaël et Gabriel, les Dominations et les Trônes. Ce sont les anges les plus proches de Dieu, les premiers serviteurs de Sa volonté. La deuxième triade comprend les Dominations, les Vertus et les Puissances. Enfin, la troisième comprend les Principautés, les Archanges et les Anges. Elle est l’intermédiaire entre le monde surnaturel et le monde naturel, entre Dieu et les hommes, et c’est parmi ses troupes que sont choisis les anges gardiens de chaque homme et de chaque société.                  

Parmi toute l’armée céleste, saint Michel occupe la première place, au plus proche de Dieu. Son opposition à Satan lui a en effet mérité cette place, alors que sa nature d’archange ne le prédisposait pas à être aussi élevé dans l’ordre céleste3. Saint Clément d’Alexandrie parle de lui en ces termes : « Le chef d’œuvre de la création angélique est l’archange Michel. C’est l’ange par excellence, l’ange du Seigneur, (…) le Grand Prince, le Vice-Roi de l’éternité. »  Il est le chef des anges, et le plus ardent adversaire du démon. De ce fait, il est tout naturel qu’il soit le plus zélé défenseur des hommes, dont il assure la protection sous les ordres de la Sainte Vierge, qu’il précède ou accompagne lors de ses visites sur terre. Gardien des hommes, il est aussi gardien du Paradis. Non pas que le Paradis doive être protégé d’une invasion quelconque, mais plutôt qu’il siège avec Dieu au jugement particulier de chaque âme qui se présente devant la majesté divine lorsque son heure est venue. L’iconographie sacrée le présente souvent tenant d’une main la balance où se pèsent le bien et le mal faits durant la vie terrestre, et de l’autre l’épée qui se tient prête à repousser l’âme dans les tréfonds de l’enfer. Les manifestations de saint Michel sur terre revêtent une importance toute particulière, à l’instar de celles de Notre-Dame. Ses apparitions, annonciatrices d’une « œuvre éclatante4 », sont signes du grand combat qui oppose les forces du diable à celles de Dieu pour le sort des hommes. Et il est certainement révélateur que la France ait été témoin de nombreuses révélations de saint Michel, tant visibles qu’invisibles.

Saint Michel en France

C’est à Lyon que l’on retrouve la trace la plus ancienne du culte à saint Michel en France, dans une église érigée en 506 et dédiée au chœur des anges par la reine Carétène5. Disparue depuis, elle a  été remplacée dans le culte de l’archange par la basilique de Notre-Dame de Fourvière, où sa statue domine l’abside. On retrouve également saint Michel aux côtés de la Vierge Marie, dans son sanctuaire du Puy-en-Velay où elle apparut en 430. Une fresque peinte de plus de 5 m de haut sur 2 m de large, la plus grande de l’époque romane, le représente, la lance à la main, dans une chapelle du Xe siècle qui lui est dédiée, signe de la grande vénération du peuple franc pour cet ange protecteur. Mais c’est bien sûr au Mont-Saint-Michel que se trouve le plus grand sanctuaire du Prince des milices célestes. Le 16 octobre 708, il apparaît en songe à saint Aubert, évêque d’Avranches, pour lui ordonner de construire une église à son intention, sur le rocher dit du Mont Tombe. Il marque ainsi sa volonté de prendre sous sa protection la terre de France, protection qu’il assurera à plusieurs reprises, à commencer par la victoire de Poitiers sur l’Islam conquérant, vingt-quatre ans seulement après la fondation de son sanctuaire du Mont Tombe, en 732. Il apparaît dans la même période, en 709, sur le mont Châtillon, à une vingtaine de kilomètres de Domrémy où naîtra sainte Jeanne d’Arc, dans la commune qui porte aujourd’hui le nom de Saint-Mihel. Le Mont-Saint-Michel et l’abbaye de Saint Mihel vont voir affluer les pèlerins et se succéder les miracles attestant de la protection de l’archange.

Cette protection de saint Michel sur la France est reconnue et proclamée par divers souverains. Le premier, Charlemagne, décrète le 29 septembre comme fête officielle de saint Michel dans tout l’empire6. Il le nomme « Princeps Imperii Francorum », Prince et Patron de l’Empire des Gaules, et ajoute sur ses étendards l’inscription « Voici Michel, grand prince, il vient à mon aide ». Ses successeurs n’ont également cessé de rendre hommage à l’archange, notamment par de riches dons à son sanctuaire du Mont-Saint-Michel, permettant l’édification au XIIIe siècle de la Merveille, joyau français de l’architecture sacrée. Tous les rois de France, jusqu’à Louis XIV, s’y rendront en pèlerinage, pour placer leur couronne et le Royaume sous la protection de ce si puissant patron.

La plus éclatante preuve de la protection exercée par saint Michel sur le royaume de France est son rôle primordial dans l’épopée de sainte Jeanne d’Arc. En 1424, moins d’un an après une grand-messe célébrée en son honneur par le roi Charles VII7, saint Michel apparaît à Jeanne, afin de la préparer à accomplir la mission que Dieu lui a confiée. Nous connaissons cette histoire : accompagnée de l’archange, de sainte Catherine et de sainte Marguerite, Jeanne va mener la reconquête du royaume et le sauver de l’envahisseur anglais. Contre toute attente, les troupes françaises vont remporter victoire sur victoire, permettant le couronnement du roi à Reims, première étape du redressement de la France.

Pour conclure ce trop bref résumé de la relation entre saint Michel et notre pays, il nous faut ne serait-ce qu’aborder la raison de cette protection particulière. Ce ne peut en effet être un hasard que le chef des anges fasse le choix de protéger cette terre de France. Il a certes honoré plusieurs pays de ses apparitions (l’Italie avec le Mont Gargan, le monastère de Skellig Michael en Irlande), mais de tous, la France se distingue par le nombre et le retentissement de ses visites. Cela s’explique par la place qu’occupe cette nation dans le plan de Dieu : depuis le sacre de Clovis jusqu’à la Révolution, elle a été le glaive et le bouclier de la Sainte Eglise, sa « Fille aînée », et son monarque le « Lieutenant de Dieu sur Terre ». Il fallait bien, pour la protéger des ennemis de l’Eglise et la guider dans le droit chemin, la mettre sous le secours du plus ardent soldat de Dieu, de son champion. Tant qu’elle a été fidèle à sa destinée, saint Michel est venu l’aider et la tirer des plus grands dangers. Même lorsqu’elle a renié sa mission, il était toujours là pour l’empêcher de tomber plus bas, secondant l’action, ô combien salutaire de Marie, Reine des Anges, elle-même patronne principale de notre terre de France. Et il est encore présent à son chevet, la protégeant dans le secret des plans du diable et de ses sbires, restant tout prêt à la relever comme par le passé. Nous ne l’avons que trop oublié, aussi ne tardons pas à nous mettre de nouveau sous sa puissante protection, avec notre pays, afin qu’il nous protège et nous guide jusqu’au Ciel dont il est le gardien.

 

RJ

 

1 D’où il tire son nom, Michel, signifiant Qui est comme Dieu.

2 Cf St Augustin, in La Cité de Dieu.

3 La hiérarchie naturelle qui peut exister entre les êtres est remplacée, dans l’ordre surnaturel, par une hiérarchie de sainteté. Il en va ainsi de la Sainte Vierge : inférieure aux anges par sa nature humaine, elle leur est infiniment supérieure par son niveau de sainteté.

4 Saint Grégoire le Grand, ci-dessus.

5 435~506, épouse de Chilpéric.

6 En 813.

7 Le 11 octobre 1423, suite à un accident dont il a miraculeusement été préservé.