Le purgatoire : un entre-deux mondes

Pour l’homme moderne, l’idée d’un purgatoire est une énormité. Croyant difficilement à Dieu, et encore plus difficilement au Paradis, il est persuadé que le purgatoire n’est qu’une invention de l’Eglise, créée pour maintenir les fidèles dans la crainte et ainsi mieux les contrôler1. Mais nous savons que la vérité est tout autre : la simple raison nous rend comme quasi évidente l’existence de ce lieu d’expiation, existence que nous confirment la Révélation et la Tradition. Nous savons également que bien peu nombreuses sont les âmes qui montent au Ciel sans passer par le purgatoire, et que nous-mêmes devront très probablement y rester un certain temps avant d’être autorisés à rejoindre Dieu. S’interroger sur le purgatoire, c’est connaître un peu plus l’étendue de la justice et de l’amour de Dieu, c’est un peu mieux se préparer à Le rencontrer, et c’est découvrir l’un des plus beaux aspects de la communion des Saints.

 

Connaître le purgatoire par la Foi et la raison

Le dogme du purgatoire est défini par les conciles de Florence (1438) et de Trente (1563). Reprenant les Saintes Ecritures et la Tradition, ce dogme explique les principaux aspects du purgatoire : c’est un lieu de souffrance temporaire pour purger les âmes en état de grâce des restes de leurs péchés. Le temps adjugé à chacune de ces âmes peut être écourté par les prières des vivants. Il y est fait référence dans l’Ancien Testament, au Livre des Macchabées, lorsque les Israélites prient pour les âmes de leurs frères morts au combat, après que des idoles aient été découvertes dans leur paquetage. L’Evangile de saint Matthieu parle également de ce lieu où « vous ne sortirez pas avant d’avoir remboursé le dernier quadrant2 », c’est-à-dire avant d’avoir expié jusqu’à la dernière faute qui n’aurait pas été pardonnée. Affirmer alors que le purgatoire est une invention de l’Eglise, plus de dix siècles après sa fondation, est un non-sens, davantage basé sur des préjugés idéologiques que sur une véritable démarche historique.

 

En sus des preuves données par la Foi, l’existence du purgatoire est confirmée par l’intelligence. Le premier élément est que la croyance dans une étape transitoire entre le monde des vivants et le « paradis », quelle que soit sa forme, est partagée par la majorité des civilisations anciennes (grecque, romaine, égyptienne, babylonienne, etc). Même si cela ne formait pas en soi une preuve, le fait que cette croyance ait été partagée par des peuples si différents et pendant si longtemps est un signe non négligeable de vérité. Le second élément est lié à la justice : le spectacle du monde nous présente bien que les bons sont rarement récompensés de leurs bienfaits et subissent malheurs et humiliations, tandis que les méchants profitent bien plus des honneurs, de la gloire et des plaisirs. Dieu étant juste par définition, il est nécessaire que l’équilibre soit rétabli, et s’il ne l’est en cette vie terrestre, alors il doit l’être dans l’autre. C’est pourquoi ceux qui, avant de mourir, auront eu la grâce de la conversion finale, seront sauvés des flammes de l’enfer mais auront néanmoins à expier les fautes qu’ils n’auraient pas rachetées. 

 

Le purgatoire, œuvre de la Charité

La Charité s’exprime de deux manières dans le purgatoire, tout d’abord de Dieu vers l’homme, puis des hommes entre eux. L’existence même de ce lieu est une preuve de l’amour infini de Dieu pour nous. En toute justice, la moindre souillure du péché devrait nous éloigner de Lui pour l’éternité, et seuls les saints pourraient espérer monter au Ciel. La très grande majorité des défunts serait alors privée de la vision béatifique et du bonheur céleste. Mais parce que Dieu est également bon, Il permet au grand nombre des fidèles de Le rejoindre après être passé par le feu purificateur du purgatoire. Il satisfait ainsi à Sa justice et à Son amour. Et Il va encore plus loin, en permettant aux âmes qui passent par ce feu d’abréger leur temps de souffrance grâce à l’intercession des fidèles vivants encore sur terre.  

 

C’est là la seconde expression de la Charité dans le purgatoire : la relation qu’y entretiennent les âmes de l’Eglise militante et celles de l’Eglise souffrante illustre de belle manière la communion des saints. Les morts n’étant plus capables d’actes vertueux qui pourraient racheter leurs fautes, ce sont les vivants qui vont, par leurs prières et leurs sacrifices, participer à leur expiation et accélérer leur montée au Ciel. La peine une fois satisfaite, les âmes sauvées du purgatoire se font une joie d’intercéder pour ceux-là qui les ont aidés. C’est ici un véritable commerce de grâces qui se réalise, où chacune des parties est gagnante. Ainsi serons-nous accueillis, à notre entrée au paradis, par les âmes que nous aurons contribué à sauver de la souffrance du purgatoire. Certaines âmes n’attendent d’ailleurs pas ce moment pour se manifester à nous, ayant obtenu de Dieu la permission, ou la mission de se révéler aux vivants afin de les aider à se convertir, d’obtenir leurs suffrages ou de les remercier de leur intercession. Nous pouvons encore aujourd’hui constater une partie de ces manifestations surnaturelles au musée des âmes du purgatoire, dans l’église del Sacro Cuore del Suffragio à Rome.

 

Mais prier pour les âmes de l’Eglise souffrante n’est pas seulement un devoir de charité, c’est également un devoir de religion, en participant à l’œuvre rédemptrice de Notre-Seigneur par le salut des âmes. C’est aussi un devoir de justice puisque s’y trouvent, ou s’y trouveront, des âmes qui nous ont côtoyés et auxquelles nous auront fait commettre quelque mal : tous nos péchés n’ayant pas été commis en solitaire. Enfin c’est également un devoir d’intérêt personnel, puisque nous avons vu plus haut que ces âmes, une fois sauvées, intercéderont pour nous. L’Eglise décrit les moyens à notre disposition pour accomplir ces devoirs : il y a en premier lieu les trois grandes œuvres de la vie chrétienne que sont la prière, le jeûne et l’aumône, puis les indulgences gagnées à l’intention des âmes du purgatoire, et enfin la sainte communion et le Saint Sacrifice de la messe. On peut également, et c’est là un acte d’une très grande vertu, offrir pour les défunts toutes les satisfactions que nous accumulons pour l’expiation de nos propres peines. Quel que soit le moyen choisi, il nous sera rendu « au centuple », Dieu sachant récompenser notre générosité à secourir notre prochain.

 

« Le feu du purgatoire », disait saint Augustin, « est plus terrible que tout ce que l’homme peut souffrir en cette vie ». Il nous faut prendre garde à minimiser cette réalité. Certes, on est assuré d’être sauvé une fois entré au purgatoire, mais savons-nous combien de temps nous devrons y rester pour satisfaire nos fautes ? Les révélations faites à sainte Brigitte sur le purgatoire exposent le cas d’âmes condamnées à la peine du dam et du feu jusqu’à la fin du monde, pour des fautes que notre tiédeur jugerait bénignes. Vouloir vivre en évitant simplement le péché mortel ne suffit pas : Dieu nous exhorte à rejeter aussi les fautes vénielles, qui restent une offense à Sa bonté infinie. C’est ainsi que nous réduirons, ou même éviterons les souffrances du purgatoire. Il n’est certes pas aisé de se détourner des attraits du monde, aussi profitons pleinement de cette aide que Dieu nous offre, en intercédant pour les âmes du purgatoire. Elles ont, comme nous, vécu sur cette terre, exposées aux mêmes dangers. Elles en sont sorties, et sauront nous guider et nous soutenir, comme nous les aurons soutenues.

 

RJ

 

1 Jacques le Goff (1924-2014), dans son ouvrage La naissance du Purgatoire (1981)

2 Matt. 5:25

 

L’heure de Dieu sur le Nouveau Monde

La légende noire de la chrétienté regorge de mythes et d’histoires toutes plus horribles les unes que les autres, adaptées aux goûts du jour quand elles ne sont pas forgées de toutes pièces, dans le seul but de discréditer l’Eglise et de corrompre son image aux yeux des peuples modernes, crédules et ignorants. Dans ce cortège de mensonges, les Grandes Découvertes1 ont une place de choix. Les nations chrétiennes, et principalement la très catholique Espagne, y sont dépeintes comme assoiffées de richesses, dépourvues de tout sens moral et prêtes à tous les massacres pour arracher la plus petite once d’or aux populations indigènes. Dans le sillage des Conquistadors, les missionnaires dominicains et jésuites ne sont que de vulgaires sbires du Pape, envoyés pour assujettir les pauvres Indiens et les soumettre aux vice-rois et gouverneurs venus d’outre-atlantique. La vérité est bien différente, comme l’expose Jean Dumont dans son ouvrage L’Heure de Dieu sur le Nouveau Monde2. Il ne s’attache pas à contrebalancer une « légende noire » par une « légende rose », mais bien plutôt à remettre les faits dans leur contexte, à corriger les mensonges et demi-vérités communément admis, et surtout à nous faire découvrir le visage de ceux qui ont eu la charge de civiliser les terres du Nouveau Monde, et d’y répandre la Parole de Dieu.

La découverte

Lorsque Christophe Colomb atteint ce qu’il croit être l’Inde, en 1492, il ne s’agit en fait que des Antilles, archipel s’étendant entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. Ce sera sept ans plus tard, en 1499, que l’Italien Amerigo Vespucci, lui aussi au service de l’Espagne, découvrira le Brésil, et comprendra qu’il s’agit d’un nouveau continent. Les premières volontés claires d’évangélisation sont exprimées dès le mois de mai 1493 dans l’Instruction envoyée par le roi Ferdinand et la reine Isabelle à Colomb, devançant la volonté du pape3 qui sera exprimée en juin de la même année par la bulle Piis fidelium. Les désirs des autorités politiques et religieuses sont louables, mais vont se heurter dans leur exercice à plusieurs obstacles.

Le premier provient de la mauvaise disposition de certains Européens, dont Christophe Colomb. Nommé gouverneur des Antilles, il réduit en esclavage les indigènes pour les faire travailler à son profit dans le comptoir commercial qu’il a créé. Il semble peu se soucier de leur évangélisation, n’ayant avec lui que trois ou quatre missionnaires : en 1500, huit ans après la découverte, on ne compte que deux mille baptêmes sur près d’un million d’Indiens. Il sera arrêté la même année, sur ordre d’un enquêteur mandaté par le roi et la reine.

Le second obstacle réside dans les Indiens eux-mêmes. Libérés de l’esclavage par ordonnance d’Isabelle la Catholique4, ils sont regroupés dans des communautés dirigées par des « hommes de bien », chargés de les protéger, d’améliorer leurs conditions de vie et de favoriser l’évangélisation : ces regroupements sont appelés les « Encomiendas ». Dans un souci de les faire parvenir le plus vite possible à l’autonomie, une première communauté libre exclusivement indienne est créée en 1503 afin de servir de test. D’autres suivent entre 1518 et 1520. Tous les membres sont sélectionnés parmi les sujets jugés les mieux préparés, mais dans chaque cas l’échec est sans appel. Des notes d’alors soulignent que les Indiens « ne travaillent pas assez pour se substanter », « oublient le christianisme qui leur a été enseigné », et retournent à leurs mœurs païennes d’avant la découverte5. En un mot, « ils ne donnent pas lieu au moindre espoir dans la civilisation6 », et ce même après plusieurs années d’essai. Ces communautés libres doivent donc être abandonnées pour revenir au régime de l’encomienda, qui durera jusqu’en 1748.

Le dernier obstacle majeur réside dans l’instabilité politique qui va suivre la mort d’Isabelle la Catholique, en 1504. Il faudra attendre vingt ans pour que, une fois l’ordre rétabli par Charles Quint, soit institué le Conseil des Indes. L’effort de civilisation et d’évangélisation des terres espagnoles d’Amérique va alors vraiment débuter, soutenu en Espagne par le Roi et mené en Amérique par des hommes d’un dévouement extrême, tel le premier archevêque de Lima, Jérôme de Loaisa.

L’essor de la civilisation

Le développement matériel des peuples d’Amérique7 va de pair avec le développement moral et spirituel, pour dépasser leurs limites énoncées plus haut. Des hommes comme les vice-rois, les gouverneurs, les titulaires d’encomienda, et bien évidemment les missionnaires et hauts responsables du clergé, vont être les bâtisseurs de ce Nouveau Monde. Il est sûr que certains d’eux ont démérité, mais les rapports et les enquêtes montrent que la majorité s’est consciencieusement livrée à sa belle et noble tâche. Jérôme de Loaisa se démarque parmi ces bâtisseurs de nations, par le zèle et le très grand amour des Indiens dont il a fait preuve. Né en 1498, il est nommé en 1537 pour être le premier évêque de Carthagène, capitale des Caraïbes espagnoles. Il y commence son apostolat amérindien pour être désigné comme archevêque de Lima en 1541. Son archevêché est immense, le plus vaste de la chrétienté : avec les diocèses qui lui sont rattachés, il s’étend du Nicaragua (Amérique centrale) jusqu’à la Terre de Feu (extrémité sud de l’Argentine), pour englober plus de la moitié du continent sud-américain. Le terrain de mission est colossal, mais rien n’arrête le nouvel archevêque.

La tâche de missionnaire est bien souvent triple : le religieux se fait tour à tour bâtisseur, prêcheur et politique, confronté à un climat auquel il n’est pas habitué, à une culture nouvelle et bien souvent barbare, à des carences matérielles omniprésentes. Mais il n’est rien que l’amour des âmes et de la Croix ne rende possible, soutenu par la grâce de Dieu. De tout cela, Jérôme n’en manquera pas. Ce que lui doit l’Amérique est impressionnant. « Protecteur général des Indiens du Pérou8 », il défend contre Las Casas9 les encomiendas, base de la civilisation et de l’évangélisation. Ces communautés d’Indiens, régies par un Espagnol « homme de bien », permettent d’améliorer les conditions de vie des populations, de les protéger et de les convertir. Il punit ceux des Conquistadors qui abusent de leur pouvoir et exploitent les Indiens, et fait restituer aux Indiens les biens et trésors injustement saisis. Ses tournées pastorales lui font visiter chaque village, presque chaque maison où se trouvent des Indiens convertis ; son plus long voyage apostolique l’emmène jusqu’au Panama à trois mille kilomètres de Lima ! Le premier et le second conciles de Lima, qu’il convoque en 1552 et 1567, fixent les règles de l’évangélisation et la formation d’une Eglise autochtone : obligation est faite aux prêtres d’apprendre les langues locales, pour prêcher, administrer les sacrements et catéchiser.

Il fait construire à ses frais écoles et hôpitaux, s’endettant même lorsque ses revenus ou l’argent donnés par le Roi ne suffisent pas. Il érige ainsi l’hôpital Santa Anna, réservé aux Indiens, et pour lequel il réunit plus de quarante mille pesos d’or. Il le confie aux Jésuites, et y fait soigner chrétiens et païens. En moins d’un siècle, près de cinquante mille Indiens y reçoivent les derniers sacrements. Jérôme lui-même y mourra en 1575, parmi les Indiens qu’il a tant aimés, couché sur le « dernier lit », après avoir passé ses dix dernières années à servir les malades. L’hôpital Santa Anna subsiste encore aujourd’hui, près de cinq siècles après sa fondation, même s’il a changé de place puis de nom : on l’appelle aujourd’hui « Hôpital archevêque de Loaisa ».

  Il faudrait, pour rendre à la Découverte espagnole les honneurs qui lui sont dus, s’attarder sur d’autres figures emblématiques telles que le vice-roi Toledo ou encore saint Turibe, successeur de Jérôme de Loaisa. Chacune d’elles suffit pour mettre à bas les accusations injustes portées sur l’action des Espagnols et de l’Eglise au Nouveau Monde, mais il y aurait tellement à en dire que ces quelques lignes ne pourraient suffire10. Quoi qu’il en soit, l’Espagne peut être fière de ce temps où elle a porté à bout de bras la lumière de la Foi et de la civilisation sur ces terres d’Amérique, les arrachant au démon et donnant à l’Eglise l’un de ses plus beaux joyaux : un continent où les conversions se compteront par centaines de milliers et où Dieu et sa Mère seront, pendant près de cinq siècles, honorés et servis.

 

RJ

 

1 Terme désignant la découverte et la conquête des Amériques, entre la fin des XVème et XVIème siècles.

2 Ed. FLEURUS

3 Alexandre VI

4 Ordonnance de 1499 punissant de mort tout esclavagiste et complice d’esclavagiste

5 Orgies rituelles, sacrifices humains, réduction de têtes d’enfants, drogueries …

6 J. DUMONT, L’Heure de Dieu sur le Nouveau Monde, p.13

7 Nous utiliserons ce raccourci pour désigner les terres d’Amérique du Sud sous tutelle espagnole.

8 Titre donné par Charles Quint

9 Bartlomeo de las Casas (1484-1566) est connu pour ses attaques contre les colons espagnols et le régime pourtant si bénéfique des encomiendas

 10 Nous recommandons vivement la lecture de l’ouvrage de Jean DUMONT pour découvrir ou approfondir ce sujet passionnant.

 

Homme et femme Il les créa

 

Pour une meilleure perception de la portée de cet article, nous recommandons vivement de lire l’article publié dans FA n°41. ( https://foyers-ardents.org/2023/09/11/contre-limpurete-et-ses-ravages-toute-une-education/).

Cet article veut être un complément mettant l’accent sur les différences entre les garçons et les filles dans les mécanismes sous-tendant la sexualité, dont la connaissance est un préalable indispensable à la noble mission d’éducation. Il est publié paradoxalement après le précédent, qui contient pourtant des notions qui lui sont subordonnées, car il nécessite, pour être mieux compris, les éléments déjà développés sur les éléments communs aux deux sexes.

 Contrairement à l’idéologie indifférentialiste du moment, si, en droit comme aux yeux de Dieu l’Homme et la Femme sont parfaitement égaux, les différences de leurs corps – jusqu’au fonctionnement de leurs cerveaux – engendrent une asymétrie de leurs modes de pensée, donc d’action. Le prométhéen projet féministe n’est en cela pas seulement un effet de mode mais bien la dernière étape d’un plan de déconstruction proprement satanique et annoncé de longue date. Dès l’enfance, cette différenciation se marque et l’éducation doit respecter cette nature sous peine de produire des adultes à la personnalité claudicante.

La vision, talon d’Achille du garçon

Le professeur André Bergevin1, spécialiste des facteurs neuropsychologiques sous-tendant les conduites, prouve et analyse l’instinct sexuel masculin comme étant lié à la vision, principalement des formes féminines. Ce fonctionnement du cerveau masculin, qui s’étend à d’autres domaines que la sexualité, explique la curiosité extrême des petits, bien plus bouillonnante chez les garçons. On comprend donc que ce mécanisme automatique doit être éduqué par la tempérance et la retenue du regard. Qu’on ne s’y méprenne pas, cette curiosité naturelle est nécessaire, elle permet la connaissance du réel et constitue un moteur puissant pour pousser l’homme à devenir la porte du foyer vers l’extérieur et les connexions sociales.

Chez la femme, il en est autrement. Statistiquement, il est prouvé2 que la structure de ses connexions cérébrales est bien moins dichotomique que chez l’homme, et lui permet d’idéaliser davantage son environnement. Plus englobante, sa pensée est prédominante dans ses actions, et contrairement au sexe opposé, elle est moins sujette au principe de « stimulus déclencheur » dans le cadre de sa sexualité. Concrètement, pour elle, le plaisir sexuel sera bien moins recherché pour lui-même que comme confirmation d’un bien-être affectif.

Cela s’observe, en négatif, dans les motivations des malheureuses qui peuvent parfois tomber dans l’addiction à la pornographie : je peux citer des témoignages de femmes qui, tout en étant écœurées par les images qu’elles vont voir, y reviennent afin d’y retrouver l’impression (fausse !) de tendresse et d’affection dont certains traumatismes de la vie les ont privées. Mais dans ce domaine, si la sécrétion de dopamine aura à terme le même effet addictif que chez l’homme, l’absence de stimulus visuel limitera la profondeur du mal, et le phénomène d’addiction aura moins d’emprise, car très largement dû à l’attirance du regard.

 

Est-ce à dire que les filles sont peu partie prenante dans ce fléau ?

Non, bien sûr, mais d’une manière différente. Elles en sont à la fois victimes et causes. Victimes en tant qu’êtres profondément spirituels, car elles sont réduites à devoir se conformer à un stéréotype que l’indifférentialisme voudrait libérateur, lorsqu’il n’est qu’un rabaissement à quelques courbes et parties de corps rendues désirables par le seul mécanisme instinctif et – disons-le – prédateur, du cerveau masculin. Victimes en tant qu’êtres de cœur, car on leur refuse par cette dégradation d’être désirées pour elles-mêmes, tant elles sont enjointes par l’idéologie du moment à se conformer aux codes de la pornographie. Causes parce que souhaitant se soustraire à cette prédation, elles l’amplifient en ne voulant voir en l’homme qu’une femme aux instincts incontrôlés.

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>>> Ni féminisme, ni angélisme

Je m’explique : que ce soit dans le féminisme ou dans l’angélisme, on retrouve cette crainte de se confronter à l’altérité. Cela se traduit dans le premier cas par une impudicité outrancière, qui aura le double effet pervers d’exciter les sens masculins, et finalement de réduire encore davantage la femme à ce qu’elle refuse légitimement d’être considérée. Dans le deuxième cas, plus présent dans les milieux catholiques, la méconnaissance du caractère masculin amène la jeune fille à lui signer un blanc-seing quant à sa vertu, transposant par naïveté la primauté du spirituel (qui est plus spécifiquement féminine) sur de simples amis dont la bonne éducation et la retenue ne sauraient annihiler les instincts naturels. Ils sauront contenir extérieurement les effets de ces derniers, qui feront alors leurs ravages dans leurs âmes. Ne soyons pas naïfs pour autant, cet angélisme est bien plus humain qu’il n’y paraît, car grâce à cette capacité qu’elle a de ressentir ce qui n’est pas dit, la jeune fille aura vite l’intuition que son attitude lui attire regards et attentions, ce qui ne fera que l’ancrer dans son attitude.

Loin de moi l’idée de rejeter la faute sur l’un ou l’autre. Ces mécanismes ne sont rien d’autre que des phénomènes très naturels que nous voyons à l’œuvre partout chez les animaux, et l’être humain fait partie du règne animal : la femelle fait sa danse nuptiale dans le but de déclencher chez le mâle l’instinct reproductif qui assurera la perpétuation de l’espèce. On retrouve par ailleurs cet échange dans les deux excès cités plus haut. Dans l’un, l’Homme n’est qu’un corps, dans l’autre il n’est qu’esprit.

Apprendre à se compléter de manière harmonieuse

Ce développement quelque peu philosophique est nécessaire avant de revenir dans le monde concret : l’Homme (avec un grand H) est corps et esprit. Il est homme et femme. Loin de les opposer, leurs différences sont autant d’occasions de se compléter de façon harmonieuse, et de se porter vers le Bien de sorte que leur union est infiniment plus que la somme des deux.

Les deux écueils précédents sont abordés sous l’angle de la féminité car ils aboutissent à la même impasse chez l’homme : son effacement comme être spirituel par l’exploitation de son mécanisme sexuel instinctif. La solution apparaît alors clairement : tout d’abord la connaissance de l’autre, puis une véritable charité qui vise à se fournir l’un à l’autre les moyens permettant de s’accomplir en ce qu’il/elle est.

Nous sommes faits à l’image de Dieu, Lui qui, Esprit procédant d’un Père pur esprit et d’un Fils charnel, a voulu par l’image de l’altérité des sexes, reproduire cette perfection afin de nous signifier d’où nous venons. L’antidote à ce monde que nos ennemis appellent de leurs vœux et de leur actes, c’est l’autorité paternelle.

La paternité est indispensable à l’épanouissement de la femme, en lui créant l’environnement sécurisant dont elle a besoin afin de donner la pleine mesure de sa générosité et des puissances de son cœur. Et ce faisant, elle construira pour l’homme le foyer dont il a besoin afin d’enflammer son énergie au service de causes nobles.

 

Eduquer les enfants à la retenue

Abordons maintenant l’éducation des sexes, qui va au-delà d’une simple éducation sexuelle. L’autorité paternelle, entre autres effets, aura pour bienfait d’éduquer les enfants à la retenue, retenue du regard et des appétits charnels pour les garçons et retenue dans le paraître et les sentiments pour les filles, les préparant ainsi dès le plus jeune âge à considérer l’autre sexe en ce qu’il est, afin plus tard de l’aider à devenir ce à quoi il est appelé. Lorsque l’on parle d’appétit charnel, il n’est pas question uniquement de sexualité : la gourmandise (on ne mange pas n’importe quand, et on mange de tout à table), le confort (on ne paresse pas avec une BD vautré dans son lit, on ne s’étale pas sur des chaises longues au soleil…), la possession (on n’est pas tenu d’acheter immédiatement le jeu que notre enfant réclame à cor et à cri) sont autant d’entraînements efficaces pour les luttes qu’il aura à mener plus tard. Et pour nos filles, l’image paternelle doit préfigurer ce qu’elles rechercheront dans leur futur époux. La relation père-fille a cela d’unique qu’elle permet à la jeune fille d’obtenir affection et tendresse sans avoir à passer par la case séduction, et que l’amour qui lui sera prodigué sera naturellement dédié à sa personne intégrale, corps et âme. C’est aussi grâce à l’authenticité de cette relation que nul mieux que le père ne peut conseiller sa fille sur la retenue de son attitude et de ses sentiments.

 

La pudeur

La retenue est une autre façon de parler de pudeur : pour citer le professeur Bergevin, « la pudeur féminine n’est pas autre chose qu’une réponse à cette tendance masculine innée de ne la prendre que pour un corps3 ». Autrement dit, bien plus qu’une honte, il s’agit d’une incitation pour l’homme de considérer la femme d’abord en son âme et sa personne, sachant qu’elle a aussi un corps.

La pudeur masculine est différente, et concerne davantage la relation qu’il entretiendra à l’égard des jeunes filles, prouvant par son regard et sa retenue dans ses effusions qu’il considère avec respect la personne féminine, refusant de l’offenser par la réduction à l’état de corps pour laquelle le sien est programmé. Dans une formule très schématique, je dirais que la pudeur féminine avertit « que la femme n’est pas qu’un corps » quand le garçon devra alerter « qu’il n’est pas qu’une âme ».

 

Pour l’éducation, le combat culturel allié au combat spirituel

Ces considérations psychologiques peuvent sembler très théoriques, mais elles sont indispensables pour guider une saine éducation à la pureté. Lues à l’aune des dangers de notre époque, elles mettent en exergue le fait que le combat est général, autant personnel et spirituel que social et civilisationnel, tant le vice a infiltré la plupart des codes de conduite, des jeunes comme des adultes. On pourrait d’ailleurs étudier avec précision les effets que ce phénomène produit dans les milieux catholiques traditionnels, dont les murs moraux sont d’efficaces remparts contre la déferlante, mais ne sauraient empêcher des infiltrations insidieuses. Certes, c’est Dieu qui donne la victoire, mais la lutte nous revient, et ôtons de nos têtes la tentation de recettes magiques qui permettraient de résoudre le problème sans mouiller la chemise. Il est temps. Grand temps.

 

Odoric Porcher

 

1 A. Bergevin, Révolution permissive et sexualité, François-Xavier de Guibert, 2003. Beaucoup de notions de ce texte sont issues de cet ouvrage de référence, dont je ne saurais que trop conseiller la lecture !

2 Voir les travaux de Roger W. Sperry, prix Nobel de médecine, sur les rôles de hémisphères cérébraux droit et gauche et leur répartition (majoritaire sans être exclusive) chez l’un et l’autre sexe.

3 A. Bergevin, Révolution permissive et sexualité, op.cit., p. 82.

 

Contre l’impureté et ses ravages, toute une éducation

Si les ravages de l’impureté sur les âmes, et particulièrement celles des enfants, ne sont pas une nouveauté – rappelons-nous la vision de l’enfer de saint Jean Bosco, durant laquelle il découvre la cause majeure de la damnation des enfants de son Oratoire – la dramatique dimension prise par ce phénomène durant les vingt dernières années à cause d’Internet nécessite pour le monde catholique une adaptation énergique pour armer les jeunes consciences qui nous sont confiées. Ce constat, communément admis, laisse toutefois démunis bon nombre de parents : que faire ?

Cette question ne peut obtenir de réponse sans passer par toutes les interrogations indispensables pour cerner le sujet : je m’attacherai à un déroulement logique qui, je l’espère, alimentera efficacement les éducateurs convaincus de la lutte à mener.

 

Tout d’abord, quel est le problème ?

La pornographie. L’acception de ce mot fait généralement consensus, mais que recouvre-t-il ? Etymologiquement, il provient du grec et signifie « tout montrer ». Il n’existe pas de définition unifiée de ce phénomène, mais peu importe, concentrons-nous sur son objectif, qui permet d’identifier le mal qui en résulte : il s’agit du visionnage d’images à caractère sexuel à des fins masturbatoires. Les notions qui ressortent de cette définition vont nous permettre de préciser les champs d’action possibles.

 

Le caractère sexuel est fondamental pour comprendre la dynamique du cercle vicieux : la capacité procréatrice du corps humain est certainement la plus puissante que Dieu ait donné à l’Homme, corps et âme. Comme pour d’autres besoins comme l’alimentation ou le repos, Il a attaché à cette puissance un plaisir destiné à donner au corps la concrétisation de la satisfaction de l’âme d’avoir correspondu à son plan. La force de ce plaisir, en comparaison de ceux que l’on peut ressentir en mangeant, jouant, faisant du sport, donne une idée de la valeur que la génération de nouveaux Elus a aux yeux du Créateur. On ne saurait donc à ce sujet utiliser des mots comme « honteux », « tabou », « inconvenant ».

Mais la nature humaine est blessée. Le péché apparaît lorsque le plaisir est recherché pour lui-même, et non reçu en conséquence légitime de l’acte auquel il est indissolublement lié : la procréation. Et ce plaisir est si fort que les mécanismes chimiques qu’il produit dans le cerveau « tracent » un chemin que les répétitions vont imprimer chaque fois plus profondément : l’addiction se crée alors et nous voyons bien qu’il ne s’agit pas que d’un aspect spirituel, mais que la physiologie1 est aussi en jeu.

 

Comment intervenir avant l’engrenage ? L’expérience prouve de façon indiscutable que l’écrasante majorité des addictions prennent pied dans l’enfance ou l’adolescence. En perpétuel développement durant cette période, le cerveau a une plasticité qui permet l’apprentissage, mais le rend vulnérable aux sensations. La vision d’une image capable de déclencher un appétit sexuel, dans un esprit qui n’a pas encore la force de le recevoir, a fréquemment un effet traumatique dont l’enfant voudra avoir (inconsciemment) l’explication : impressionné par cette première vision, il va y revenir, sans y trouver davantage de réponse, encore et encore, et l’attraction issue de la sécrétion de dopamine2 initiera ainsi le cycle infernal de l’addiction.

Permettez-moi une petite digression : on ne peut condamner la pornographie et son écosystème pour des raisons sanitaires, ou pour la violence et la souffrance qui sous-tendent cette industrie. Certes, ces mauvais fruits sont des preuves que l’arbre est mauvais, mais ce ne sont pas les conséquences qui établissent l’essence mauvaise de la cause. Faisons une comparaison (vous excuserez avec bienveillance le domaine très masculin dont elle est issue !) : un moteur est conçu pour faire mouvoir une voiture, aucun constructeur n’imaginerait d’ailleurs en créer un sans les organes qui permettent de l’intégrer dans ce but sous un capot. Ce moteur ne démontre sa valeur que sur la route, en répondant aux accélérations, en donnant  à son conducteur la possibilité de se déplacer, avec fiabilité, endurance, sans fausser le châssis de la voiture pour laquelle il est conçu. Pour peu qu’il soit puissant et que le pilote soit adroit, il lui procurera un plaisir de conduite qui n’a rien de malsain. Sortons maintenant ce moteur de son berceau pour l’installer sur un banc d’essai où il tournera à plein régime : le son mécanique n’a plus la mélodie que la vitesse, les modulations de la route, les paysages traversés, les échos tour à tour rageurs et reposants, rendaient vivante en lui communiquant une sorte d’âme. Nous avons quitté le monde de la vie pour la technique. La finalité du déplacement est absente, sans compter l’usure prématurée de la mécanique forcée qui n’a pas été prévue pour cet usage. Vous aurez compris par cette différence qui du même objet sépare deux mondes étrangers l’un à l’autre, la profonde altérité de nature entre le plaisir sexuel esclave de la pulsion3 de jouissance, et la joie qu’il procure dans les cœurs qui s’abandonnent l’un à l’autre. L’égoïsme de la masturbation (y compris dans la « masturbation à deux » que peut être la relation vécue en couple, mais pour la recherche de son propre plaisir) étrique le cœur en l’emprisonnant dans le règne animal de la jouissance alors que l’acte accompli en signe concret de la réalité incomparablement plus grande et complète du mariage, avec son cortège d’abnégations et de don de soi, sublime et dépasse le faible plaisir naturel dont la finitude ne saurait combler l’âme humaine. La perversion de la pornographie est là, dans le mésusage de cette puissance utilisée pour l’inverse de ce pour quoi elle a été conçue.

Revenons au fil de notre raisonnement, nous voyons se dessiner quelques grands principes qui permettent de concevoir la réponse à apporter. En bref :

– Le mystère de la vie, noble et saint, est éminemment voulu par Dieu, qui a mis chez l’Homme le désir d’y correspondre ;

– La nature blessée par le péché originel est d’autant plus faible que la vigueur de l’attraction est forte ;

– L’Homme est corps et âme, le démon se sert du corps pour atteindre l’âme, la réponse doit donc être spirituelle ET naturelle4 ;

– L’adolescence constitue une période critique où la vigilance doit être maximale.

 

La prise de conscience 

Tout combat engagé découle d’un préalable : la prise de conscience d’un danger. Cette évidence n’en est étonnamment pas une pour un nombre – qui se réduit grâce à Dieu – de parents fidèles de la Tradition. Que de fois n’a-t-on entendu ce poncif : « Oui, la pornographie est vraiment un drame, mais bon, chez nous, nous ne sommes heureusement pas concernés » ? Plusieurs raisons peuvent permettre d’expliquer cette naïveté dans un premier temps, mais la quantité proprement impressionnante de mineurs détenteurs d’un smartphone au sein même de pensions catholiques interroge non seulement sur la cécité, mais aussi sur la surdité de ceux qui les leur fournissent5.

Imaginons un instant un père de famille installant son enfant dans une chambre où trône une jolie bibliothèque : visibles sur les étagères, des collections Signes de Piste, Trilby, quelques Langelot, une rangée entière de Bibliothèque verte… et, déposées sur les derniers rayons, masquées par des portes simplement rabattues, une pile de revues pornographiques. « Cela, mon enfant, tu n’y touches pas, ce n’est pas pour toi.» Et c’est tout. A cet instant, cher lecteur, vous frémissez légitimement d’une telle inconscience ! Filons la comparaison : donner un smartphone à un enfant s’avère bien pire. Dans ce cas, autant parler de quelques Fantômette poussiéreux inaccessibles en hauteur, et l’intégralité de la bibliothèque remplie de revues plus immondes les unes que les autres. Sans porte devant. Et un gentillet filtre Safesearch en guise de conseil de ne pas y toucher.

Il ne s’agit en rien d’une exagération, un confesseur déclarait ces derniers mois que le taux de correspondance entre la détention d’un smartphone par un jeune entre 12 et 18 ans et la survenue d’une faute grave était proche de 100%. Sans être prêtre ni intime des consciences, le catéchisme nous apprend qu’un péché est mortel lorsqu’on le commet, mais aussi lorsqu’on met l’âme du prochain en situation proche de le commettre. Faites la déduction vous-mêmes et vous comprendrez cette phrase d’un prêtre – d’une communauté Ecclesia Dei – assurant « qu’il y a faute grave des parents à donner sans discernement un smartphone à un adolescent ».

 

Qu’attendre alors précisément des parents ?

Le combat pour la pureté ne date pas d’hier : ne succombons pas à la tentation moderne de vouloir tout contrôler, ce qui n’est ni possible, ni souhaitable. Dieu n’attend pas cela de nous. L’objectif d’une éducation résolument chrétienne est de donner à notre enfant les meilleures armes pour qu’il puisse user avec succès de sa liberté pour son salut. Dans le domaine de la pureté, il en va de même. Certes, il s’agit de tout faire pour guider sa jeune conscience sur la voie du Bien, mais notre pouvoir de parents s’arrête à son libre-arbitre.

Il aura des tentations sûrement, des chutes peut-être, mais il pourra s’appuyer dans cette lutte sur les saines habitudes prises, sur une vision claire des déviances, mais surtout de la grandeur et de la beauté attachées aux mystères de la vie. Face aux torrents de boue de l’impureté, l’éducation complète et chrétienne à la sexualité aura l’effet protecteur de la couche de vernis sur le bois brut et fragile de son âme. La planche peut être salie, chahutée, un peu de vernis peut même sauter, la pourriture irrémédiable sera évitée.

 

De quoi parler, et de quelle façon ?

Chaque enfant, chaque parent, chaque famille est différent. Il ne saurait être question de donner un guide précis de la façon dont ces questions doivent être abordées. Quelques grands principes – principalement de bon sens – doivent être présents à l’esprit.

 

A chaque âge ses besoins

Les choses sont bien faites : le chemin interrogatif enfantin permet justement la progressivité, et ordonne la hiérarchie des informations du plus général au plus précis. Il est par ailleurs fréquent que les premières questions surviennent dans les deux ans précédant l’âge de raison, moment où l’enfant s’interroge sur les énigmes existentielles, la mort, le Ciel, la Vie, Dieu, les anges… Que les parents les moins à l’aise se rassurent, son attente se limite alors au niveau conceptuel, et il est alors aisé de lier pour toujours dans son cœur la procréation et le regard du Créateur. Ce principe devra orienter les discussions futures, et l’assise obtenue permettra d’y arrimer le reste. Jusqu’au début de la puberté, les conversations avec les enfants sont particulièrement enrichissantes, car leur âme, encore préservée des troubles de l’adolescence, est entièrement réceptive à la beauté du plan de Dieu. Les années passant, il sera alors plus facile d’aborder les mises en garde contre les déviances à la lumière de la sainteté de ces mystères dont l’enfant aura été imprégné.

 

L’éducation est complète

Contrairement à ce qui peut parfois se pratiquer, cette éducation ne consiste pas en une conversation unique, engagée par un père ou une mère gênés, qui ont préparé ce pensum depuis plusieurs jours, se lancent, puis sont soulagés de l’avoir fait. Autant ne rien dire. Non, une éducation prend du temps, doit être progressive, et les aspects concrets du sujet ne peuvent être évoqués qu’après une préparation donnant la primauté au spirituel et au sacré. Ils ne sont d’ailleurs pas les plus importants dans cette mission, et ne nécessitent pas de rentrer dans les détails. Ces échanges permettront d’ouvrir un « canal de confiance » avec les parents, qui auront alors été les premiers à écrire les mots sur la page blanche de l’âme de leur enfant, qui saura qu’en cas de doute, il peut revenir à la source de l’information.

Quelques réponses aux objections comme « c’est trop tôt », « il va perdre son innocence », « et s’il interprète mal mes mots ? »… Ce sujet n’est en rien avilissant, et ce n’est pas tant cela qui lui fera perdre son innocence que les mauvaises conversations ou plaisanteries crues de camarades qui feront dramatiquement travailler son imagination. Et il en entendra, c’est une certitude absolue. En la matière, « mieux vaut un an trop tôt qu’une heure trop tard7 ».

 

Des solutions techniques, nécessaires mais pas suffisantes

La tâche est ardue, et, si l’esprit peut être prompt, la chair sera toujours faible ; aussi peut-il être souhaitable de s’appuyer sur quelques bâtons de marche (ou béquilles, selon le degré de blessure), nécessaires à l’éducation, mais jamais suffisants. À l’instar de la conduite accompagnée censée apprendre au jeune conducteur à maîtriser cet outil utile mais dangereux qu’est la voiture, on ne saurait laisser un novice avoir un accès à Internet sans le soumettre à des limitations qui l’aideront à prendre de bonnes habitudes. On peut se référer au blog ensortir.fr qui, tenu par un prêtre ayant une formation d’ingénierie informatique, liste de façon très exhaustive divers systèmes de contrôle sur smartphone, PC, tablette.

Gardons toutefois à l’esprit que ces dispositifs ne sont aucunement des boucliers infranchissables. Une béquille n’empêchera jamais un imprudent de courir et de rouvrir sa blessure. Parmi les conseils à prodiguer à l’enfant qui ne l’est plus et qui va quitter le foyer, il en est un dont il doit être imprégné, c’est « qu’on ne détruit bien que ce que l’on remplace » : si le démon va tenter d’appliquer ce principe en saturant son esprit par les choses du monde, sa défense la plus efficace sera du même ordre. Une vie spirituelle active, de saines lectures, des prières et des sacrements réguliers seront autant de lignes défensives que l’ennemi devra franchir avant d’atteindre le sanctuaire de l’âme. L’activité sportive, l’engagement au service d’autres (scouts, mouvements de jeunesse) lui permettront en outre de décentrer son attention de lui-même et d’éviter l’égoïsme dont la sensualité et l’impureté sont un des avatars.

 

L’équilibre et la mesure en conclusion

Il est un écueil de notre culture moderne à éviter : l’excès, positif comme négatif. La philosophie grecque antique considérait avec beaucoup de bon sens que la perfection se trouvait dans l’équilibre entre deux excès, et non comme nous le pensons aujourd’hui dans la performance maximalisée. La pudeur n’est pas plus la pudibonderie qu’elle ne doit suivre l’extravagance de la mode. La protection de l’innocence d’un enfant n’est pas tant le soustraire aux vilenies du monde (même si cela en fait partie) que d’armer sa conscience le plus complètement possible. Le danger de l’excès est qu’il nous fait lâcher la proie pour l’ombre : faire du sport vise à établir un esprit sain dans un corps sain, et non à >>> >>> soumettre cet esprit au culte du corps, qui deviendrait alors son propre objectif. Il s’agit bien de replacer la procréation et les mystères qui l’entourent à sa place, toute sa  place, mais rien que sa place. Si cette dernière est au mariage ce que les fondations sont à la cathédrale, elles n’en sont pas l’élément le plus signifiant, et n’ont de sens que dans les murs, les flèches, les sculptures, les colonnes, le chœur, l’autel qu’elles soutiennent, et surtout l’Être qui l’habite et lui donne sa grandeur. Sans cette construction et cette Âme qui donnent leur raison d’être aux fondations, ces dernières ne sont qu’une caverne. Ordonnées à ce service, elles lui donnent la solidité et la longévité qui ont valeur d’éternité, et surtout elles quittent le monde matériel du béton et des pierres pour participer au culte rendu au Créateur.

 

Ces quelques lignes sont bien trop lapidaires pour prétendre faire le tour de la question. Au-delà de ces réflexions d’ordre général, il est nécessaire d’étudier davantage en détail les particularités de chaque sexe rapportées à ce sujet. Ce sera l’intention de l’article prochain qui ne considèrera pas l’enfant au sens large, mais dans ses spécificités de garçon ou de fille.

Odoric Porcher

 

 

1 Ce qui est logique : la personne est la fusion d’une âme et d’un corps.

2 Hormone produite dans le cerveau et qui procure l’impression de plaisir.

3 Ce serait trop long à développer, mais il est plus exact de parler de pulsion – injonction d’autorité sur l’esprit – et non d’instinct – mécanisme au service de la vie animale. La différence tient dans le fait que la pulsion implique une forme de « rébellion » contre une puissance qui doit justement la contrôler, quand cette lutte n’existe pas dans la notion d’instinct.

4 Comprendre psychologique (contrôler les pulsions) et physiques (soumettre le corps à la volonté).

5 Ce constat devrait désormais changer, puisqu’à partir de la rentrée 2023, la simple détention d’un smartphone – y compris à la maison – interdit à un enfant l’accès aux écoles de la Tradition.

6 Au sens où la science est incapable d’expliquer le phénomène, qui pourtant se produit de façon bien réelle.

7 Cette maxime est fréquemment utilisée par nombre de prêtres et d’éducateurs. Elle est citée par le R. P. Joseph dans son Petit catéchisme d’éducation à la Pureté dont nous recommandons vivement la lecture à tous les parents.

 

Le scapulaire, ou la livrée de Marie

La Sainte Vierge s’est plu, au cours des siècles, à témoigner par des signes visibles son intercession maternelle et la protection qu’elle accorde à ses fidèles. Son action bienfaisante s’exprime tout particulièrement dans le don qu’elle nous fit du scapulaire, et surtout des promesses qu’elle attacha à son port. Malheureusement, ce scapulaire est souvent l’objet d’incompréhensions ou d’ignorances, venant gêner ou même annuler son efficacité. Aussi, penchons-nous sur ce petit morceau d’étoffe, afin d’en redécouvrir toutes les grandeurs et toute la beauté.

Petite histoire du scapulaire

Tout comme la médaille miraculeuse et le chapelet, le scapulaire fit l’objet d’une apparition de la Sainte Vierge. Saint Simon Stock, prieur général de l’ordre du Carmel, reçut la visite de la Sainte Vierge dans la nuit du 16 juillet 1251, à Aylesford, en Angleterre. Entourée d’une foule d’anges, elle lui présenta le scapulaire avec ces mots : « Voici un signe pour toi et un privilège pour tous les Carmes : celui qui mourra dans cet habit sera préservé des flammes de l’enfer.» Ce scapulaire, grande pièce de tissu brun couvrant les épaules et tombant par le devant et l’arrière jusqu’aux genoux, devint la manifestation claire de l’appartenance de l’ordre des Carmes à Notre-Dame et de sa protection. L’ordre, menacé de disparition, connut alors un renouveau et fleurit dans l’Europe entière. Le pape Innocent IV (1180-1254), étendit les privilèges du scapulaire aux membres de la Confrérie de Notre-Dame du Mont Carmel, porteurs de la version réduite du scapulaire des Carmes. En 1316, le pape Jean XXII reçut de Notre-Dame le Privilège Sabbatin : Marie promit aux porteurs du scapulaire de les délivrer du Purgatoire le samedi suivant leur mort. Ce privilège est confirmé par Clément VII en 1530. La dévotion au scapulaire connaît un véritable essor avec les guerres de religion du XVIe siècle ; elle s’oppose à la réforme protestante qui rejette la Sainte Vierge. Par la suite, de nombreux papes ont rappelé l’importance du scapulaire et souligné ses privilèges, tout en rappelant les conditions nécessaires à leur application.

Privilèges et conditions du port du scapulaire

Notre-Dame a directement accordé des privilèges au port du scapulaire, mais il serait faux de le considérer comme un talisman, comme un gris-gris qui protège infailliblement son porteur, car comme tout sacramental, il y a des conditions à l’efficacité de ce vêtement de la Vierge.

Le premier privilège est la préservation de l’Enfer. La Sainte Vierge assure qu’elle protègera de la damnation celui qui portera son insigne, et n’y attache pas de condition, si ce n’est de l’avoir reçu des mains d’un prêtre et de le porter jour et nuit.

Le deuxième privilège est le Privilège Sabatin, ou la délivrance du Purgatoire le samedi après la mort. Les conditions liées sont la conservation de la chasteté, selon l’état de vie du porteur (vie consacrée, célibat, vie conjugale), ainsi que la récitation des prières prescrites par le prêtre ayant imposé le scapulaire. Il s’agit du Petit Office de la Sainte Vierge, du Bréviaire ou, plus communément, de la récitation quotidienne du chapelet.

Le dernier privilège est la protection dans les dangers de l’âme et du corps, si l’imposition est faite par un prêtre et que le scapulaire est porté constamment.

Le scapulaire n’est donc pas un « passe-partout » assurant à son porteur le Salut sans effort. Les conditions liées sont certes peu contraignantes, mais elles sont nécessaires pour permettre l’efficacité de la Grâce. Cependant, la protection contre l’Enfer s’applique-t-elle également pour le pécheur impénitent, lorsqu’il a reçu cet insigne des mains du prêtre et qu’il l’a porté continuellement, même dans sa vie de péchés ? Non, répond saint Augustin : « Si Marie ne peut vous retirer de vos désordres, elle trouvera bien moyen de vous arracher sa livrée.» Cela s’est constaté à de multiples reprises. Un jeune homme débauché, élevé chrétiennement et ayant reçu le scapulaire, était persuadé d’éviter l’Enfer malgré sa vie de péchés, pour peu qu’il porte jour et nuit le scapulaire. Il mourut dans un déraillement de train, et l’on retrouva à côté de son corps le scapulaire, le cordon coupé. La Sainte Vierge a repris son insigne juste avant le trépas de son enfant indigne. De même, une jeune fille avait tenté à plusieurs reprises de s’ôter la vie. Malgré de nombreuses tentatives, elle en réchappait toujours et ne s’en tirait que blessée. Elle comprit que ses échecs étaient causés par le scapulaire qu’elle portait au cou. Elle l’arracha, et se donna la mort. Marie ne peut nous sauver malgré nous : quelle que soit la valeur des sacramentaux et des grâces qu’elle nous envoie, nous restons libres de nos choix.

Le signe de la Sainte Vierge

Le scapulaire est la livrée de Marie. Une livrée sert tout d’abord à signifier l’appartenance de son porteur à une famille, à un maître auquel il jure fidélité. Il en devient en quelque sorte une propriété. La livrée sert ensuite à protéger son porteur, à l’élever aux yeux des autres : le prestige du maître rejaillit sur son serviteur qui en est grandi. L’attaquer ou lui porter outrage reviendrait directement à manquer de respect envers le maître. A l’inverse, le porteur de la livrée se doit d’avoir à chaque instant une attitude digne du statut de son maître, propre à lui rendre l’honneur qui lui est dû. Ainsi la livrée fait du serviteur un ambassadeur de son maître, et sert sa réputation. Il est enfin évident qu’un serviteur indigne dans ses actes nuirait à l’honneur de son maître, et pourrait en toute justice être puni, privé de sa livrée ou des privilèges liés. Il en est de même pour le chrétien qui porterait indignement le scapulaire, ou l’utiliserait pour couvrir ses péchés de l’illusion du salut assuré.

Si le travers de considérer le scapulaire comme un talisman a été suffisamment abordé, il ne faut pas oublier celui, dans un sens aussi dommageable, de voir cet insigne comme une superstition. C’est en effet le propre de nombre d’esprits modernes, « éclairés », de mépriser les signes extérieurs de la dévotion à Marie. Ils les traitent de porte-bonheurs, de croyances de vieille femme, et les accusent de détourner de la confiance totale en Dieu. On reconnaît bien là l’esprit janséniste, tournant en dérision la Foi simple, humble et sincère d’un peuple aimant et soumis à sa Mère du Ciel, pour la remplacer par une Foi désincarnée, perdue dans les nébuleuses de leur intelligence insoumise. Laissons Marie user des moyens qu’elle souhaite pour nous mener à elle, et utilisons-les pour croître dans son amour et son service.

C’est dans les petites choses que Dieu manifeste le plus sa grandeur. Les privilèges, en définitive inouïs, qu’Il a accordés par sa Sainte Mère à un insignifiant morceau d’étoffe, sont un signe supplémentaire de sa puissance et de son amour pour nous. « Combien d’âmes, disait Pie XII, en des circonstances humainement désespérées, ont dû leur salut éternel au Scapulaire dont ils étaient revêtus : combien aussi, dans les dangers du corps et de l’âme, ont senti, grâce à lui, la protection maternelle de Marie ! » Si nous avons reçu le scapulaire, rappelons-nous qu’il est un signe d’appartenance à la Famille de la Sainte Vierge. Si nous ne l’avons pas, recevons-le bien vite1 afin de rejoindre cette union sainte, et de bénéficier des si grands privilèges qu’il accorde. Mais faisons attention à le garder selon son esprit, en vrais fils de Marie : elle nous assure que si nous portons notre scapulaire avec dignité, pour elle, alors vers elle le Scapulaire nous portera.

R.J.                                                                                                                                              

1 Il suffit d’en demander l’imposition à un prêtre.