Essai « littéraire » : idéal classique, idéal moderne

Note préliminaire, à titre d’introduction :

Sans vouloir ressusciter une querelle stérile entre Anciens et Modernes, nous voudrions nous interroger sur les grandes lignes qui caractérisent d’un point de vue littéraire, le classicisme d’une part, la modernité d’autre part. Précisons bien qu’il ne s’agit-là ni d’une étude historique – au sens événementiel du terme – ni d’une étude proprement littéraire – au sens où la littérature « épouse ›› son époque – mais d’un essai philosophique puisqu’il importe de déterminer les propriétés essentielles de ces deux tendances littéraires. En ce sens, classicisme et modernité ne seront pas analysés comme courants littéraires, inscrits dans un temps et un lieu déterminés mais comme état d’esprit, idéal artistique. A ce titre d’ailleurs, ne peut-on considérer par exemple Baudelaire ou P. Valéry – relativement à l’écriture – comme des écrivains classiques alors que La Bruyère et Fénelon – relativement aux idées – présentent bien des aspects modernes ? Clio sera donc soumise à Minerve, ut decet. Signalons enfin que Boileau (surnommé « la conscience du classicisme ») et Baudelaire (auteur du fameux « qui dit romantisme dit art moderne : Salon de l840) ››, en tant que théoriciens de l’art en général ayant su s’interroger sur les finalités de l’art littéraire en particulier, nous serviront de cicérones.

I – « Rien n’est beau que le vrai », tel est l’idéal classique formulé par Boileau1

Que faut-il entendre ici par « vrai » ? Le vrai, c’est la nature mais la nature à la fois générale et choisie : générale, c’est à dire universelle, susceptible d’intéresser les hommes capables de réfléchir et de sentir, et choisie, c’est à dire « sélectionnée » parce que les exceptions ou les singularités (au sens étymologique du terme) sont contraires au plan ordinaire de la nature. De plus, nous n’arrivons au général que par le choix : c’est parce que Phèdre est un modèle choisi de « l’amour-passion ›› qu’elle intéresse tous les hommes en proie à la passion amoureuse. Si ce naturel est surtout psychologique à l’âge classique, il importe peu qu’il soit réel (vérité de fait : Molière, Racine, La Rochefoucauld) ou idéal (vérités de raison : Corneille, Pascal, Bossuet). Concernant le genre de la tragédie par exemple, là où Corneille affirmera : « le sujet d’une belle tragédie ne doit pas être vraisemblable »2, Racine au contraire soutiendra : « il n’y a que le vraisemblable qui touche dans la tragédie »3, mais là où Corneille et Racine, du point de vue de la finalité classique se rejoignent, c’est qu’ils nous ont proposé des types d’hommes éternels. Polyeucte et Joad représentent le type chrétien comme Rodogune et Hermione incarnent la vengeance humaine au-delà des différences individuelles, humaines, trop humaines. De la même manière, ne parle-t-on pas désormais d’un Harpagon pour désigner un avare (figure de style appelée antonomase !) ou d’un Julien Sorel pour indiquer l’ambitieux ? La notion de type, par nature universelle, connexe à la notion de modèle – le type parce qu’il est universel, peut servir de modèle ou de référence – permettra alors « l’émergence » des notions d’imitation et d’admiration : « le vrai seul est aimable »4.

A l’inverse, que propose « l’idéal » moderne ? « L’imagination est la reine du vrai et le possible est une des provinces du vrai » nous dit Baudelaire5. (Une province privilégiée, indique-t-il au cours de son exposé, où le possible s’oppose au naturel). Or, si c’est l’imagination qui appréhende le vrai, ce « vrai » n’est plus l’universel, le nécessaire, mais correspond à l’imaginaire, au singulier. « La modernité », reconnaît l’auteur des « Paradis artificiels », « c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art ›› (sic)6. La notion de type est alors récusée au profit de la notion d’individu et à la notion d’imitation se substituera celle de création. Il est difficile par exemple de dégager des types d’un roman de M. Proust : on y trouvera une accumulation d’individus constitués d’éléments insignifiants ou singuliers (Swann, les Guermantes).

« Nous voulons

Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?

Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau »7

 

II – « Le vrai seul est aimable »

Aux yeux des esprits classiques, la vérité doit être universelle pour satisfaire à la véritable beauté artistique : « quoi que vous écriviez, évitez la bassesse »8. L’écrivain classique, quel que soit le genre littéraire utilisé, ne peut plaire et toucher que par la présentation (directe ou indirecte) du vrai et du bien. Vivre selon le vrai, c’est agir bien, c’est à dire conformément à la raison qui constitue la dignité de l’homme suivant la pensée de Pascal : « Toute la dignité de l’homme consiste en la pensée »9.

En un mot, vivre selon la pensée, c’est mener une vie vertueuse. Notons d’ailleurs que plus le vrai exposé sera idéal, c’est à dire moral, plus pourra naître l’admiration du lecteur ou du spectateur : « quand une lecture vous élève l’esprit, et qu’elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger de l’ouvrage ; il est bon et fait de main d’ouvrier. »10 Pour un esprit classique, contrairement au cerveau (terme baudelairien) moderne, le plaisir (trop « artistique ») vise une conversion, une purification parce que la psychologie, plus ou moins implicitement, est subordonnée à la morale. Corneille à ce sujet, a écrit ces paroles fortes dans sa Préface à Nicomède : « le succès a montré que la fermeté des grands cœurs, qui n’excite que de l’admiration dans l’âme du spectateur, est quelquefois aussi agréable que la compassion que notre art nous commande – de mendier pour leurs misères »11. Quant à Boileau, dans sa lettre à Perrault lors de la fameuse Querelle des Anciens et des Modernes, il exprimait la même idée à propos du rôle des auteurs classiques : « Les grands écrivains doivent leur gloire à la constante et unanime admiration de ce qu’il y a eu dans tous les siècles d’hommes sensés et délicats, entre lesquels on compte plus d’un Alexandre et plus d’un César. Ceux que j’ai toujours vus le plus frappés de la lecture des écrits des grands personnages – Homère, Horace, Cicéron, Virgile – ce sont des esprits du premier ordre, ce sont des hommes de la plus haute élévation »12. L’art pour l’art est donc inconcevable pour une intelligence classique : quoiqu’en dise J.-J. Rousseau, « l’Avare » de Molière est certainement plus une école de grandeur d’âme qu’une « peinture de mauvaise mœurs ». (Indirectement bien sûr comme peut corriger la comédie c’est-à-dire « ridendo mores »).

En revanche, si l’imaginaire seul constitue la « vérité ›› moderne, il constitue aussi le principe de la beauté moderne. Ecoutons cet aveu de Baudelaire, exprimé à travers les propos de celui qu’il appelle « l’homme imaginatif »13 : « Je trouve inutile et fastidieux de représenter ce qui est parce que rien de ce qui est ne me satisfait. La nature est laide et je préfère les monstres de ma fantaisie à la trivialité (sic) positive ». A la notion normative d’admiration (et surtout d’imitation) va se substituer la notion équivoque d’évasion. Jamais les concepts de créativité, de spontanéité et de liberté ne seront autant sollicités puisque les modernes ne font plus figure – cf. « Le Roi se meurt ›› de Ionesco – de héros ou de prophètes mais de dandy et de bohèmes. En langage baudelairien, le bohémianisme de la condition humaine, exode sans prophète, a succédé à l’héroïsme du genre humain.           « Les hommes vont à pied

Promenant sur le ciel des yeux appesantis

Par le morne regret des chimères absentes »14

 

III – « Aimez donc la raison »15

Seule la raison entendue comme l’excellence de l’homme permet d’appréhender le vrai parce que le vrai c’est la nature épurée et affinée. L’ordre, la juste mesure, l’harmonie – d’« Antigone» à « Eugénie Grandet » – exigent lumières de l’intelligence et efforts de la volonté. A l’opposé, si l’imagination est « la reine des facultés ›› et si elle a créé le monde, « il est juste qu’elle le gouverne »16. Bien plus, toujours selon les vues perçantes de l’auteur des « Fleurs du mal ›› – et un mouvement littéraire comme le surréalisme l’a confirmé – l’imagination « crée un monde nouveau, elle produit la sensation du neuf »17. Dès lors, la nature n’est plus un livre d’où l’artiste doit abstraire un sens et à partir duquel il peut rejoindre un Auteur du Kosmos mais elle devient un « dictionnaire »18 avec lequel l’homo faber élabore de lui-même un discours19.

 

Conséquences :

Que conclure, d’un point de vue pédagogique, de cette brève analyse ? Si l’on considère la formation et l’éducation scolaire, c’est assurément à la source de l’idéal classique qu’il faut abreuver nos élèves. N’est-ce pas là, la finalité littéraire de notre école ? En revanche, l’idéal moderne présente bien des beautés qui peuvent « détendre » ou divertir ; de plus, bien choisies, certaines œuvres modernes constituent comme le contre-point des chefs-d’œuvre classiques. En ce sens, réformer, c’est encore former ; mais le poids du classicisme nous paraît décisif car, qui opérera la critique (au sens étymologique – grec ~ de « discernement ») sinon la raison, éclairée par la foi dans une école catholique ? Il y a deux cents ans environ (!), A. Chénier écrivait :

« Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques ››, En guise d’épilogue, nous proposerions volontiers aux plus artistes de nos élèves, la formule suivante : « Sur des pensers antiques (ou classiques) faisons des vers nouveaux. »20

Nota Bene

Signalons, in fine, que Monseigneur Lefebvre, lui-même avait mis en garde dès « l’été chaud » contre « la littérature catholique moderne » qui « peut conduire un lycéen à la révolte et aux pires dégradations »21 et, ajoutait Monseigneur, : « je n’ai pas évoqué pour rien la littérature catholique moderne car le drame de ce temps, c’est que les clercs, dont la mission est de « vertébrer » les caractères et les âmes, se sont laissés dénaturer, quand ils ne sont pas allés à la rencontre de la perversion pour lui donner la main.» (ibid). Même si le mot « littérature » peut être ici entendu métaphoriquement (toute forme de « doctrine » ou de « discours »), que les professeurs se méfient donc dans le choix des lectures : docti caveant !

 Joseph LAGNEAU

 

Bibliographie sommaire :

Boileau : Art poétique, Epitres, Satires.

Baudelaire : Salon de l859 les Fleurs du Mal : pour l’esthétique baudelairienne, consulter le maître- Livre de Rémi Brague : « Images vagabondes ». Edition La transparence, mars 2008.

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1 Boileau : Epitre IX, vers 43 premier hémistiche.

2 Corneille : Préface d’« Héraclius ».

3 Racine : Préface de Bérénice.

4 Boileau : Epitre IX, vers 43, second hémistiche.

5 Baudelaire : Salon de 1859, 3 : « reine des facultés ».

6 Baudelaire : Le peintre de la vie moderne, 4 : « la modernité ».

7 Baudelaire : Les fleurs du mal : « le voyage », dernière strophe.

8 Boileau : l’Art poétique, chant l, vers 79.

9 Pascal 1 Pensées n° 365 : « pensée ».

10 La Bruyère : Les Caractères : « l’idéal classique » 3l.

11 Corneille : « Préface à Nicomède » : in fine.

12 Boileau : Lettre à M. Perrault, 1700 : extrait.

13 Baudelaire : Salon de l859, 41 : « le gouvernement de l’imagination ».

14 Baudelaire : Les fleurs du mal :« Bohémiens en voyage ».

15 Boileau : Art poétique, chant 1 vers 37.

16 Baudelaire : Salon de l859, 3.

17 Baudelaire : ibidem.

18 Formule du peintre Eugène Delacroix.

19 Cf. les remarquables analyses de M. M. de Corte sur ce thème in « L’intelligence en péril de mort. »

20 A. Chénier : l’lnvention, extrait.

21 Non, « Entretiens de Jose Hanu avec Monseigneur Lefebvre, Stock, 1977 – p. 29

 

Nos « frères séparés » de l’Eglise orthodoxe  

Il est assez courant, dans nos milieux, d’entendre différents commentaires élogieux et admiratifs à l’encontre de la religion orthodoxe. Nous apprécions son art des icônes, la beauté de ses chants religieux, la rigueur de sa liturgie, sa spiritualité, et les comparons à ce que nous voyons aujourd’hui dans l’Eglise conciliaire : la différence flagrante nous conduit souvent à regarder avec sympathie nos « cousins » d’Europe de l’Est ou du Moyen-Orient, et à appeler de nos vœux une union qui permettrait de donner à la chrétienté un nouveau souffle, et de contrer l’athéisme et l’islamisme. C’est peut-être oublier un peu vite tout ce qui divise l’Eglise catholique et l’orthodoxie, et méconnaître le caractère schismatique et hérétique de cette dernière. Nous essayerons ici d’étudier un peu plus en profondeur cette question de l’orthodoxie, tout d’abord en retraçant brièvement son histoire, puis en abordant les points qui nous opposent à elle, et enfin en rappelant l’attitude qu’a eu l’Eglise envers elle.

 

Histoire de l’orthodoxie

La naissance de l’orthodoxie trouve ses racines bien avant le Grand Schisme de 1054. Il faut remonter jusqu’en 330, avec le déplacement de la capitale de l’Empire romain à Byzance, faisant suite au don de Rome au Pape par l’empereur Constantin. Byzance prend alors le nom de Constantinople, et devient la « deuxième Rome ». Son importance est telle qu’on parle d’elle à travers le monde comme de la Basileuousa (Reine des Villes), la Mégalopolis (la Grande Ville), ou encore « la Ville ». Elle est élevée au rang de Patriarcat de l’Eglise d’Orient par le concile de Constantinople (381), puis reçoit la deuxième place derrière Rome au concile de Chalcédoine (en 451). Le patriarche de Constantinople occupe ainsi la seconde place dans la hiérarchie de l’Eglise, après le Pape. Cependant, la proximité du pouvoir impérial va brouiller les relations avec Rome, cette dernière préférant se rapprocher des princes d’Europe occidentale (Pépin le Bref, Charlemagne…), réduisant la sphère d’influence de l’empire romain d’Orient ; les patriarches de Constantinople calqueront plus naturellement leur attitude sur celle de l’empereur, prenant comme des affronts les alliances de Rome avec un autre seigneur que le leur.

Cette confusion du lien entre le politique et le spirituel est une première cause des tensions avec le Pape. A cela s’ajoute une certaine faiblesse au niveau théologique, qui se traduit par l’influence qu’ont eue dans l’Eglise d’Orient, les hérésies ariennes, nestorianistes et iconoclastes, mais également par des disputes avec Rome sur des points de détail de la liturgie ou de la doctrine.

La rupture est provoquée par le patriarche Michel Cérulaire en 1054. Voyant comme une ingérence politique le rapprochement du pape avec l’empereur Constantin IX, en vue de combattre les Normands, Michel Cérulaire lance une campagne anti- romaine en accusant les Latins (les chrétiens de l’Eglise d’Occident) d’être mi-juifs1, mi-chrétiens, de manger des viandes étouffées et de ne pas chanter l’Alléluia pendant le carême. Cela suffira à dresser les foules contre les « impies » de Latins, à fermer toutes les églises latines et à poursuivre les fidèles de Rome. Cérulaire est excommunié le 16 juillet 1054, mais répond >>>  >>> en excommuniant en retour le pape Léon IX, consommant le schisme2 et entraînant avec lui la quasi-totalité des églises orientales, qui prennent le nom d’Orthodoxe : « droit », « conforme au dogme ». Constantinople reste, jusqu’à sa prise par les Turcs en 1453, le cœur de la religion orthodoxe, pour être remplacée par Moscou, devenue la « Troisième Rome ».

 

Différences entre catholicisme et orthodoxie

La séparation d’avec Rome conduit logiquement les Orthodoxes à ne pas reconnaître les dogmes et la doctrine promulgués après 1054. Ces différences s’ajoutent aux points déjà litigieux avant le schisme. Dix points de doctrine distinguent Orthodoxes et Catholiques, mais nous ne verrons ici que les plus significatifs.

 

A la base, se trouve le refus de la nature monarchique de l’Eglise. Le pape occupe une place d’honneur, mais n’est pas le chef de l’Eglise et ne peut commander aux évêques du monde entier. Ceux-ci sont regroupés dans des Eglises nationales, indépendantes les unes des autres (patriarcat de Moscou, de Kiev, de Constantinople…). Le pape n’est en aucun cas infaillible, mais cette infaillibilité est détenue dans le corps des évêques pris dans son ensemble. Nous retrouvons cette fausse conception de la hiérarchie de l’Eglise dans la collégialité de l’Eglise conciliaire.

 

L’Immaculée Conception de la sainte Vierge Marie n’est pas une vérité de Foi, mais une simple opinion. Ce dogme, proclamé en 1854, n’est pas reconnu. L’existence du Purgatoire n’est également pas acceptée3, le dogme n’ayant été proclamé qu’au concile de Lyon, au XIIIème siècle. En rejetant ainsi ce qui vient de Rome, les Orthodoxes refusent ce qui a été universellement cru par l’Eglise avant le schisme, ce qui est un grave danger pour la Foi.

Le divorce est autorisé pour diverses raisons, telles que l’adultère, l’absence prolongée d’un des conjoints, la perte des droits civils. Dans l’Eglise russe, le sacrement d’ordre n’a pas non plus de caractère absolu : u, pope peut revenir à l’état laïc pour différentes raisons. Ces différences majeures frappent l’orthodoxie d’hérésie : se séparant de l’unité de l’Eglise, les Orthodoxes se privent de ses lumières et sont plus faibles devant l’erreur.

 

Eglise catholique et Orthodoxie

Le schisme d’Orient a été vécu comme une réelle tragédie par Rome : presque la moitié du monde chrétien se déchirait en deux camps désormais opposés, mettant en danger de damnation un grand nombre d’âmes. En effet, loin de n’être qu’un geste politique ou symbolique, le schisme est une séparation directe d’avec le corps mystique de l’Eglise, et donc également une privation de la grâce accordée par Dieu à ses fidèles. Pour cette raison, et parce qu’elle est animée du désir profond de sauver les âmes, l’Eglise catholique n’a cessé de rappeler à elle les orthodoxes afin de les réunir à Dieu. Sans se lasser, elle multiplie au cours des siècles les gestes vers les « frères séparés » et obtient certains succès4 avec le rapprochement des Uniates5. Malheureusement, la prise et le pillage de Constantinople par les armées de la 4ème Croisade6, en 1203, a rendue définitive la séparation de Constantinople et des principales nations orthodoxes (Russie, Empire byzantin, Ukraine…).        La question d’une réunification des Orthodoxes est cependant revenue sur le devant de la scène avec les déclarations des papes après le concile Vatican II. Le pape François déclarait à ce sujet, le 30 novembre 2015, dans une lettre adressée au patriarche de Constantinople que « même si toutes les différences entre les Églises catholique et orthodoxe n’ont pas été dépassées, les conditions sont maintenant réunies pour rétablir la pleine communion de foi, de concorde et de vie sacramentelle… ». Cette réunion en ces termes, et dans la logique œcuménique conciliaire, ne signifie malheureusement qu’une union de principe, et non de fond, aucune tentative n’étant faite pour ramener les Orthodoxes à la vrai Foi. Cette déclaration, ainsi que les différents gestes faits par les derniers papes en faveur de l’Orthodoxie, ont cependant été contrés par le métropolite de Russie, Hilarion, ce dernier précisant que « Personne ne parle d’union des deux Églises, car nos divisions sont très anciennes, les contradictions se sont accumulées, les deux Églises vivent leur propre vie depuis près de neuf siècles7 ». Cela est probablement pour le mieux, puisqu’une union à l’Eglise ne peut réellement se faire sans adhésion complète avec sa doctrine et sa Foi divine.

 

Attachée à ses traditions et à sa liturgie, l’Orthodoxie nous paraît comme la religion la plus proche de la nôtre. Les valeurs morales qu’elle défend (rejet du mariage de personnes de même sexe, protection de la vie, attachement à la famille) sont les nôtres, ou peu s’en faut, et elle nous semble comme le dernier bastion de défense de la Foi dans un monde sans Dieu et sans Loi. Prenons garde cependant à ne pas la considérer comme notre dernier espoir, comme si le salut allait venir de l’Est : malgré tous ses attraits extérieurs, elle n’en reste pas moins une erreur qui a gravement affaibli l’Eglise et la divise encore aujourd’hui. Rappelons-nous le message de Notre Dame à Fatima : « Si la Russie8 ne se convertit, elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Eglise ». Séparée de la lumière et de la grâce accordée par Dieu à l’Eglise, l’erreur orthodoxe a préparé la voie au communisme et à son cortège d’abominations et de révoltes, gangrénant le monde entier. Le seul moyen de réconciliation des Orthodoxes avec l’Eglise réside dans la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, comme elle-même l’a annoncé. Tout autre moyen artificiel, préférant sacrifier les principes de Foi sur l’autel de la concorde œcuménique, enfoncerait encore plus profondément les Orthodoxes dans l’erreur, et serait une nouvelle source de calamités.

A l’appel de la Sainte Vierge, il est possible d’hâter cette réunification de l’Eglise au moyen de la dévotion à son Cœur Immaculé. Il est assuré que Dieu se laissera toucher par la persévérance de ses fidèles et qu’il accordera, par l’intermédiaire de sa Sainte Mère, le retour au sein de l’Eglise de ses fils égarés dans le schisme et l’erreur. A ce moment, « [Son] cœur Immaculé triomphera (…) et un certain temps de paix sera accordé au monde ».

Un animateur du MJCF

 

Nos « frères séparés » de l’Eglise orthodoxe  

Il est assez courant, dans nos milieux, d’entendre différents commentaires élogieux et admiratifs à l’encontre de la religion orthodoxe. Nous apprécions son art des icônes, la beauté de ses chants religieux, la rigueur de sa liturgie, sa spiritualité, et les comparons à ce que nous voyons aujourd’hui dans l’Eglise conciliaire : la différence flagrante nous conduit souvent à regarder avec sympathie nos « cousins » d’Europe de l’Est ou du Moyen-Orient, et à appeler de nos vœux une union qui permettrait de donner à la chrétienté un nouveau souffle, et de contrer l’athéisme et l’islamisme. C’est peut-être oublier un peu vite tout ce qui divise l’Eglise catholique et l’orthodoxie, et méconnaître le caractère schismatique et hérétique de cette dernière. Nous essayerons ici d’étudier un peu plus en profondeur cette question de l’orthodoxie, tout d’abord en retraçant brièvement son histoire, puis en abordant les points qui nous opposent à elle, et enfin en rappelant l’attitude qu’a eu l’Eglise envers elle.

 

Histoire de l’orthodoxie

La naissance de l’orthodoxie trouve ses racines bien avant le Grand Schisme de 1054. Il faut remonter jusqu’en 330, avec le déplacement de la capitale de l’Empire romain à Byzance, faisant suite au don de Rome au Pape par l’empereur Constantin. Byzance prend alors le nom de Constantinople, et devient la « deuxième Rome ». Son importance est telle qu’on parle d’elle à travers le monde comme de la Basileuousa (Reine des Villes), la Mégalopolis (la Grande Ville), ou encore « la Ville ». Elle est élevée au rang de Patriarcat de l’Eglise d’Orient par le concile de Constantinople (381), puis reçoit la deuxième place derrière Rome au concile de Chalcédoine (en 451). Le patriarche de Constantinople occupe ainsi la seconde place dans la hiérarchie de l’Eglise, après le Pape. Cependant, la proximité du pouvoir impérial va brouiller les relations avec Rome, cette dernière préférant se rapprocher des princes d’Europe occidentale (Pépin le Bref, Charlemagne…), réduisant la sphère d’influence de l’empire romain d’Orient ; les patriarches de Constantinople calqueront plus naturellement leur attitude sur celle de l’empereur, prenant comme des affronts les alliances de Rome avec un autre seigneur que le leur.

Cette confusion du lien entre le politique et le spirituel est une première cause des tensions avec le Pape. A cela s’ajoute une certaine faiblesse au niveau théologique, qui se traduit par l’influence qu’ont eue dans l’Eglise d’Orient, les hérésies ariennes, nestorianistes et iconoclastes, mais également par des disputes avec Rome sur des points de détail de la liturgie ou de la doctrine.

La rupture est provoquée par le patriarche Michel Cérulaire en 1054. Voyant comme une ingérence politique le rapprochement du pape avec l’empereur Constantin IX, en vue de combattre les Normands, Michel Cérulaire lance une campagne anti- romaine en accusant les Latins (les chrétiens de l’Eglise d’Occident) d’être mi-juifs1, mi-chrétiens, de manger des viandes étouffées et de ne pas chanter l’Alléluia pendant le carême. Cela suffira à dresser les foules contre les « impies » de Latins, à fermer toutes les églises latines et à poursuivre les fidèles de Rome. Cérulaire est excommunié le 16 juillet 1054, mais répond  en excommuniant en retour le pape Léon IX, consommant le schisme2 et entraînant avec lui la quasi-totalité des églises orientales, qui prennent le nom d’Orthodoxe : « droit », « conforme au dogme ». Constantinople reste, jusqu’à sa prise par les Turcs en 1453, le cœur de la religion orthodoxe, pour être remplacée par Moscou, devenue la « Troisième Rome ».

 

Différences entre catholicisme et orthodoxie

La séparation d’avec Rome conduit logiquement les Orthodoxes à ne pas reconnaître les dogmes et la doctrine promulgués après 1054. Ces différences s’ajoutent aux points déjà litigieux avant le schisme. Dix points de doctrine distinguent Orthodoxes et Catholiques, mais nous ne verrons ici que les plus significatifs.

 

A la base, se trouve le refus de la nature monarchique de l’Eglise. Le pape occupe une place d’honneur, mais n’est pas le chef de l’Eglise et ne peut commander aux évêques du monde entier. Ceux-ci sont regroupés dans des Eglises nationales, indépendantes les unes des autres (patriarcat de Moscou, de Kiev, de Constantinople…). Le pape n’est en aucun cas infaillible, mais cette infaillibilité est détenue dans le corps des évêques pris dans son ensemble. Nous retrouvons cette fausse conception de la hiérarchie de l’Eglise dans la collégialité de l’Eglise conciliaire.

 

L’Immaculée Conception de la sainte Vierge Marie n’est pas une vérité de Foi, mais une simple opinion. Ce dogme, proclamé en 1854, n’est pas reconnu. L’existence du Purgatoire n’est également pas acceptée3, le dogme n’ayant été proclamé qu’au concile de Lyon, au XIIIème siècle. En rejetant ainsi ce qui vient de Rome, les Orthodoxes refusent ce qui a été universellement cru par l’Eglise avant le schisme, ce qui est un grave danger pour la Foi.

Le divorce est autorisé pour diverses raisons, telles que l’adultère, l’absence prolongée d’un des conjoints, la perte des droits civils. Dans l’Eglise russe, le sacrement d’ordre n’a pas non plus de caractère absolu : u, pope peut revenir à l’état laïc pour différentes raisons. Ces différences majeures frappent l’orthodoxie d’hérésie : se séparant de l’unité de l’Eglise, les Orthodoxes se privent de ses lumières et sont plus faibles devant l’erreur.

 

Eglise catholique et Orthodoxie

Le schisme d’Orient a été vécu comme une réelle tragédie par Rome : presque la moitié du monde chrétien se déchirait en deux camps désormais opposés, mettant en danger de damnation un grand nombre d’âmes. En effet, loin de n’être qu’un geste politique ou symbolique, le schisme est une séparation directe d’avec le corps mystique de l’Eglise, et donc également une privation de la grâce accordée par Dieu à ses fidèles. Pour cette raison, et parce qu’elle est animée du désir profond de sauver les âmes, l’Eglise catholique n’a cessé de rappeler à elle les orthodoxes afin de les réunir à Dieu. Sans se lasser, elle multiplie au cours des siècles les gestes vers les « frères séparés » et obtient certains succès4 avec le rapprochement des Uniates5. Malheureusement, la prise et le pillage de Constantinople par les armées de la 4ème Croisade6, en 1203, a rendue définitive la séparation de Constantinople et des principales nations orthodoxes (Russie, Empire byzantin, Ukraine…).        La question d’une réunification des Orthodoxes est cependant revenue sur le devant de la scène avec les déclarations des papes après le concile Vatican II. Le pape François déclarait à ce sujet, le 30 novembre 2015, dans une lettre adressée au patriarche de Constantinople que « même si toutes les différences entre les Églises catholique et orthodoxe n’ont pas été dépassées, les conditions sont maintenant réunies pour rétablir la pleine communion de foi, de concorde et de vie sacramentelle… ». Cette réunion en ces termes, et dans la logique œcuménique conciliaire, ne signifie malheureusement qu’une union de principe, et non de fond, aucune tentative n’étant faite pour ramener les Orthodoxes à la vrai Foi. Cette déclaration, ainsi que les différents gestes faits par les derniers papes en faveur de l’Orthodoxie, ont cependant été contrés par le métropolite de Russie, Hilarion, ce dernier précisant que « Personne ne parle d’union des deux Églises, car nos divisions sont très anciennes, les contradictions se sont accumulées, les deux Églises vivent leur propre vie depuis près de neuf siècles7 ». Cela est probablement pour le mieux, puisqu’une union à l’Eglise ne peut réellement se faire sans adhésion complète avec sa doctrine et sa Foi divine.

 

Attachée à ses traditions et à sa liturgie, l’Orthodoxie nous paraît comme la religion la plus proche de la nôtre. Les valeurs morales qu’elle défend (rejet du mariage de personnes de même sexe, protection de la vie, attachement à la famille) sont les nôtres, ou peu s’en faut, et elle nous semble comme le dernier bastion de défense de la Foi dans un monde sans Dieu et sans Loi. Prenons garde cependant à ne pas la considérer comme notre dernier espoir, comme si le salut allait venir de l’Est : malgré tous ses attraits extérieurs, elle n’en reste pas moins une erreur qui a gravement affaibli l’Eglise et la divise encore aujourd’hui. Rappelons-nous le message de Notre Dame à Fatima : « Si la Russie8 ne se convertit, elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Eglise ». Séparée de la lumière et de la grâce accordée par Dieu à l’Eglise, l’erreur orthodoxe a préparé la voie au communisme et à son cortège d’abominations et de révoltes, gangrénant le monde entier. Le seul moyen de réconciliation des Orthodoxes avec l’Eglise réside dans la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, comme elle-même l’a annoncé. Tout autre moyen artificiel, préférant sacrifier les principes de Foi sur l’autel de la concorde œcuménique, enfoncerait encore plus profondément les Orthodoxes dans l’erreur, et serait une nouvelle source de calamités.

 

A l’appel de la Sainte Vierge, il est possible d’hâter cette réunification de l’Eglise au moyen de la dévotion à son Cœur Immaculé. Il est assuré que Dieu se laissera toucher par la persévérance de ses fidèles et qu’il accordera, par l’intermédiaire de sa Sainte Mère, le retour au sein de l’Eglise de ses fils égarés dans le schisme et l’erreur. A ce moment, « [Son] cœur Immaculé triomphera (…) et un certain temps de paix sera accordé au monde ».

 

Un animateur du MJCF

 

Les Evangiles, imposture ou bibliographie fidèle ?

           « Les Evangiles ne sont qu’une fable écrite par des charlatans sur un personnage qui n’a peut-être même pas existé. Ces récits se contredisent entre eux et ne peuvent en aucun cas être pris au sérieux. » Combien de fois avons-nous entendu cette attaque contre ce qui est le fondement même de la religion chrétienne ? Nous savons par la Foi que les Evangiles, ainsi que les autres ouvrages du Nouveau et de l’Ancien Testament, sont des ouvrages inspirés par Dieu. Mais cet argument ne pèse pas beaucoup lorsque nous parlons avec des non-chrétiens, aussi il peut s’avérer utile de dégager les points qui prouvent la valeur de ces textes sacrés, en démontrant leur intégrité, leur authenticité et leur véracité1.

Intégrité des Evangiles

  La question de l’intégrité porte sur la correspondance des manuscrits avec les ouvrages originaux : Y a-t-il eu corruption du message transmis par les auteurs ? La critique que l’on entend le plus couramment à ce sujet est celle-ci : « Il n’existe aucun original des Evangiles. Nous disposons de près de 12 000 copies manuscrites.  Entre ces textes, il a été relevé environ 150 000 variantes : le texte des Evangiles est donc tellement altéré qu’il est impossible de s’assurer de sa conformité avec l’original ». Trois raisons permettent d’invalider cet argument :

– Les manuscrits des Evangiles sont les textes anciens qui se rapprochent le plus de leur original. Le plus vieux d’entre eux, le manuscrit « John Ryland », contenant un extrait de l’Evangile de saint Jean, est daté de 120 à 130. Moins de cent ans le séparent de son original ! En comparaison, le texte original ayant le moins d’écart avec son manuscrit le plus ancien est un texte de Cicéron, avec neuf cents ans de différence ! Les manuscrits des Evangiles sont ainsi quasi contemporains de leurs originaux, ce qui limite très fortement les erreurs de transmission.

– Les Juifs étaient d’une extrême rigueur dans la retranscription des textes sacrés de l’Ancien Testament. Les convertis au christianisme ont conservé cette même rigueur dans la retranscription des Evangiles, toute altération du texte original étant considérée comme une profanation. Pour preuve, la découverte des manuscrits de Qumran a permis de comparer des copies du IIème siècle avec d’autres du Xème : on ne relève aucune différence notable entre ces exemplaires, malgré huit cents ans d’écart, les variantes étant principalement de l’ordre de la ponctuation ou du détail. Aucun autre texte n’a été recopié avec autant de soins que les Evangiles.

– Bien loin de diluer le texte original, le très grand nombre des copies permet de le serrer plus près et d’identifier d’éventuelles contradictions ou erreurs. On a retrouvé plus de deux mille manuscrits écrits entre le IIème et le IIIème siècle. A titre de comparaison, on ne compte que deux cents manuscrits des œuvres d’Homère, auteur antique le plus représenté, et personne ne met en doute leur justesse avec leurs originaux !

Il en ressort que l’intégrité des Evangiles ne peut sérieusement être remise en cause : il faudrait alors, si l’on est un tant soit peu honnête, douter de la totalité des textes qui nous viennent de l’antiquité.

Authenticité des Evangiles

  S’interroger sur l’authenticité d’une œuvre revient à s’assurer de l’identité des auteurs et de la date de réalisation. La mode actuelle est de dater les Evangiles à la fin du 1er siècle, c’est-à-dire après la mort des quatre évangélistes, saint Matthieu, saint Marc, saint Luc et saint Jean. Ces textes ne seraient alors plus des témoignages, mais plutôt la retranscription de traditions orales sans fondement vérifiable, comme une sorte de chanson de geste. A cette théorie s’opposent différents arguments, externes et internes aux Evangiles.

  Toutes les communautés chrétiennes primitives reconnaissent comme authentiques les quatre Evangiles, ce qui est un gage certain de bonne valeur. D’autre part, on retrouve des témoignages de personnages de l’époque, comme saint Irénée, confirmant l’identité des évangélistes. Enfin, même les Juifs et les Romains, ennemis de l’Eglise naissante, tiennent les Evangiles pour authentiques. Citons simplement le philosophe hérétique Basilide vers 130, le Juif Tryphon, le philosophe romain Celse vers 178. Aucun ne remet en doute l’authenticité des Evangiles, pas même les Juifs de l’époque.

  En ce qui concerne les arguments internes, nous constatons tout d’abord que le contenu des Evangiles s’accorde parfaitement avec ce que nous savons de leurs auteurs. On retrouve ainsi dans l’Evangile selon saint Matthieu une connaissance précise des monnaies et des impôts, ainsi que de nombreuses références aux Ecritures, or saint Matthieu était percepteur d’impôts et a eu pour mission de s’adresser aux Juifs convertis. Saint Marc, disciple de saint Pierre, parle souvent de ce dernier avec précision, comme s’il lui était familier. Saint Luc est un médecin, et l’on retrouve dans l’Evangile qui lui est attribué une grande connaissance des maladies (sueur de sang, …). Saint Jean donne des détails que seul un témoin oculaire et proche de Jésus peut décrire, or nous savons qu’il est « le disciple que Jésus aimait ». L’identité des auteurs semble donc confirmée. Pour ce qui est de la datation de ces textes, on peut affirmer avec certitude qu’ils sont antérieurs à 70, année de la destruction de Jérusalem, et même à 64, début de la persécution de Néron : il y aurait obligatoirement eu mention de ces deux évènements, vécus comme de véritables traumatismes par les Juifs convertis2.

Véracité des Evangiles

  Dernière question, mais de loin la plus importante : les auteurs des Evangiles ont-ils dit la vérité ?

Prouvons d’abord que les évangélistes ne sont pas des imposteurs. La question de l’authenticité nous a déjà permis de mettre en lumière que les évangélistes sont des proches de Jésus ou des apôtres, et qu’ils ont très vite mis par écrit leur témoignage de la vie du Christ. Leurs dires ont ainsi pu être confirmés par d’autres témoins oculaires, c’est pourquoi leurs évangiles ont été tout de suite reconnus et acceptés par l’ensemble des Eglises alors que les nombreux évangiles apocryphes3 qui ont paru se sont vus rejetés ou mis à l’index. De plus, on ne peut douter de la sincérité des auteurs : ils ne se mettent pas en valeur, mais au contraire ne cachent pas leurs faiblesses lorsqu’ils étaient avec Jésus, mais surtout ils ont tous subi le martyr pour défendre ce qu’ils ont écrit. Nous pouvons leur appliquer ce mot de Pascal : « Je ne crois que les histoires dont les hommes se feraient égorger ». Les évangélistes sont donc crédibles et sincères, ils ne sont ni des fous, ni des illuminés, ni des manipulateurs.

  Allons plus loin : une preuve supplémentaire pour déterminer la certitude des faits racontés dans les Evangiles, serait de mettre en évidence leur indépendance et leur convergence. En ce qui concerne la première, elle est évidente au regard des régions où ces textes ont été écrits, et de leurs motifs : saint Matthieu s’adresse aux Juifs de Palestine, saint Luc aux communautés fondées par saint Paul, saint Jean pour réfuter les premiers hérétiques. Pour ce qui est de leur convergence, tous les épisodes principaux de la vie de Jésus (grands miracles, Passion, Résurrection) se retrouvent sans réelle différence, et sa doctrine est exposée de la même manière. Là encore un examen un tant soit peu sérieux des Evangiles permet de mettre en lumière leur véracité.

  Une dernière preuve, pour achever le tout : l’existence et la vie de Jésus sont racontées par les païens eux-mêmes : Tacite le mentionne dans ses Annales, Pline le Jeune raconte à l’empereur Trajan l’extraordinaire expansion de la « religion du Christ », et Flavius Josephe, historien juif, ne cache pas ses miracles. A ces témoignages s’ajoutent différentes découvertes archéologiques venant confirmer le tout, la plus extraordinaire étant le Saint Suaire, fidèle en tout point au récit que les évangélistes ont fait de la Passion du Christ. Tout cela taille en pièces les théories sur la « légende dorée du Christ » : des milliers de personnes n’auraient pu subir le martyr au nom d’un personnage de roman.

  Les Evangiles sont donc, au regard de différents éléments internes et de témoignages extérieurs intègres, authentiques et véridiques. Ceux qui les remettent en cause, alors même qu’ils prennent pour « parole d’évangiles » le Coran, dont l’historicité est plus que douteuse, ne font sûrement pas preuve d’esprit scientifique ou d’honnêteté intellectuelle. On les comprend : accepter que les Evangiles soient vrais aurait pour conséquence directe de reconnaître que Jésus est Dieu, et donc de l’adorer et de le servir. Prions pour qu’Il leur accorde la grâce de la Foi, seule capable de leur ouvrir les yeux à la divine Vérité.

Un animateur du MJCF

Pour approfondir le sujet :

Savoir et Servir n°68 : La Bible, vrai ou faux ?, Ed. du MJCF

Les Evangiles sont des reportages, Marie-Christine Ceruti-Cendrier

1C’est là le rôle de l’apologétique : prouver par la raison que la religion chrétienne est la seule véritable, sans faire appel à des arguments de Foi ou d’autorité.

2L’usage de la langue sémitique est un indice supplémentaire avançant la date de rédaction des Evangiles avant l’an 50

3 C’est-à-dire supposés, douteux

Pour approfondir le sujet :

Savoir et Servir n°68 : La Bible, vrai ou faux ?, Ed. du MJCF

Les Evangiles sont des reportages, Marie-Christine Ceruti-Cendrier

La vengeance

           L’homme, de par sa nature sociale, ne peut vivre sans suivre une certaine règle morale, que cette dernière soit divine (les dix Commandements), sociale (la loi, les coutumes), ou simplement personnelle (les principes de vie,…). Transgresser l’une ou l’autre de ces règles revient à nuire à l’ordre établi, et demande réparation du dommage causé ainsi que la punition du fautif, afin de le corriger et de prévenir tout autre écart de sa part ou de celle de ses semblables. Cette réparation, ce châtiment des fautes commises est à proprement parler appelé « vengeance1 », et peut relever du droit public, comme du droit privé, et bien sûr du droit divin. Saint Thomas s’est penché à différents endroits de sa Somme Théologique sur la question du juste châtiment, de la nécessité ou non d’infliger une punition, des défauts qui peuvent y être liés, et de divers aspects qu’il peut être intéressant d’aborder pour mieux comprendre le principe évangélique du pardon.

 

Vengeance et Vindicte

  La première question que se pose saint Thomas au sujet de la vengeance2, est celle de sa licéité, de sa moralité : peut-on demander réparation d’une offense quand Dieu lui-même, dans l’Ecriture, dit « A moi la vengeance et la rétribution3 », et quand Jésus-Christ prescrit de « Tendre l’autre joue » quand l’on a été offensé ? A cela le Docteur Angélique répond en distinguant vertu de vengeance et vengeance de haine.

 

  La vertu de vengeance, que l’on peut nommer vindicte, est la « poursuite et punition des crimes par l’autorité légale » (Dictionnaire La Langue Française). Elle s’exerce par les institutions de l’Etat, telles que les tribunaux et les forces de police, et fait partie de ses pouvoirs régaliens4, puisqu’il lui appartient d’assurer la sécurité de ses citoyens, entre autres moyens par le châtiment de ceux qui contreviennent à la Loi et à l’ordre public. C’est là une prérogative élémentaire du pouvoir civil et des princes, « Ministre[s] de Dieu pour tirer vengeance de celui qui fait le mal5 ». La vengeance, ou vindicte, fait dans ce cas partie de la justice commutative, dont le but est de régler les relations, les échanges entre personnes. L’Etat n’en est pas le seul garant, mais partage ce rôle de juge avec toute autre autorité naturelle, de celle du père de famille à celle du chef d’entreprise ou du président d’une association, ces derniers étant, à leur niveau, responsables de la société dont ils sont à la tête. C’est pour cette raison qu’ils peuvent chacun infliger une punition à ceux qui leur sont subordonnés, en vue du bien commun. Aucun n’usurpe ici un droit qui n’appartiendrait qu’à Dieu, mais tous en usent par délégation, toute autorité venant de Dieu.

 

  Différente est la vengeance, au sens où nous l’entendons couramment. Il s’agit alors du châtiment infligé par une personne privée à une autre personne en raison d’une injustice commise, que cette dernière soit réelle ou imaginée. L’expression courante que l’on retient est « se faire justice », mais il existe un principe très simple en Droit : l’on ne peut à la fois être juge et partie. L’offensé a naturellement tendance à surestimer le mal dont il est la victime, et donc à infliger une punition disproportionnée. L’homme qui se ferait justice, – en plus de s’arroger un droit réservé à l’autorité et donc de créer un désordre – , déclenche une spirale de violence pouvant très vite tourner au chaos. Si, en effet, j’ai le droit de punir mon voisin pour un dommage qu’il m’aurait causé, qu’est-ce qui l’empêcherait à son tour de chercher à se venger de moi ? Quel serait l’arbitre, où serait la limite ? C’est là tout le problème de la vendetta, véritable coutume encore présente en Sicile ou dans la région des Balkans : l’offense reçue doit être réglée entre les deux rivaux sans en référer au pouvoir légal, et il revient aux fils de venger leurs pères. Il s’ensuit des décennies de guerre entre familles, la vengeance appelant la vengeance. A rebours de cela, l’Evangile nous apprend à « Vaincre le Mal par le Bien6 » et à pardonner « comme Dieu nous a pardonné7 ». Saint Thomas expose en ces mots l’immoralité de la vengeance privée : « Ce n’est pas une excuse que de vouloir du mal à celui qui nous en a causé injustement, de même qu’on n’est pas excusé de haïr ceux qui nous haïssent ».

 

Cruauté et faiblesse

  Infliger une peine en réparation d’un mal commis demande, de la part de l’autorité, une vision claire du bien commun et un respect évident de la morale, sans quoi elle risque de tomber dans deux vices liés à la vengeance, selon saint Thomas : le premier vice par excès, à savoir la cruauté, le second par défaut, à savoir la faiblesse, ou la mollesse.

  La cruauté désigne tant une trop grande sévérité dans la punition d’une faute, qu’un châtiment infligé sans raison valable. L’autorité peut se montrer coupable d’une excessive sévérité pour plusieurs raisons. La première pourrait être de « faire un exemple », en frappant les esprits et en terrifiant les membres de la société, afin de les empêcher d’agir contre la Loi. Le but peut être louable, mais empêcher un désordre par un tel moyen reste en soi un désordre, et donc ne peut être en aucun cas justifié et moralement bon. La « Raison d’Etat » ne saurait être un prétexte au mal, une autorité devant toujours protéger la justice.

  Une autre raison de l’excessive sévérité d’une autorité serait de forcer l’obéissance, ou plutôt la soumission de ses subordonnés, à une loi stupide, sans réel fondement ou même immorale. Le mot Draconien fait référence au tyran Dracon homme d’Etat de l’Antiquité grecque à l’origine d’un code de lois dont la plupart des transgressions, mineures comme majeures, étaient punies de mort. L’Histoire regorge d’exemples de cette sorte, et la période actuelle ne fait pas exception.

Pour ce qui est du châtiment infligé sans raison réelle, il s’agit bien souvent d’une vengeance aveugle, désignant comme victime toute personne partageant un quelconque lien avec un offenseur réel ou présumé : c’est le célèbre « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère », de la fable de la Fontaine8. La cruauté désigne également la violence gratuite, mais cette partie concerne moins notre propos actuel.

 

  La faiblesse dans le châtiment est le second défaut lié à la vengeance. L’autorité peut s’en rendre coupable par peur, ou par désintérêt. Le principe « Tous égaux devant la Loi », a en effet connu maintes dérogations, en fonction de l’importance du contrevenant ou de la puissance de ses relations sociales. Cela peut être totalement justifié quand la condamnation publique causerait plus de mal que de bien, il faut alors tolérer sans pour autant approuver, mais ces cas sont assez rares, concernant principalement la faute d’une autorité elle-même : « Il faut fermer les yeux si le châtiment de sa faute doit causer du trouble parmi le peuple9 ». L’on a trop souvent pu faire le constat d’un pouvoir « fort contre les faibles, faible contre les forts ». Le résultat est inévitablement une hardiesse plus forte des fauteurs ainsi qu’une exaspération de leurs victimes, tentées alors de se faire elles-mêmes justice, créant un nouveau désordre.

  L’autre cause de cette mollesse dans la vengeance est plus souvent le fait de l’autorité paternelle, ne s’appliquant pas à son devoir de correction parce qu’accaparée par d’autres occupations (vie professionnelle, divertissements) ou simplement désintéressée du bien de sa famille. A ce sujet, l’Ecriture dit « Celui qui ménage la baguette hait son fils10 ». Manquer, par excès ou défaut de sévérité, au devoir de vengeance imposé par la justice, entraîne dans l’un et l’autre cas le délitement de l’ordre social. A l’opposé de ces vices, les vertus de clémence et de mansuétude permettent de renforcer une société, et favorisent l’harmonie et la concorde entre ses membres.

 

Clémence et mansuétude

  Clémence et mansuétude règlent respectivement la vindicte exercée par l’autorité et la vengeance des individus. Elles permettent de modérer les passions et d’éviter d’infliger une punition disproportionnée.

 

  La clémence est donc propre à l’autorité. Elle est, selon la définition de Sénèque, « La douceur du supérieur à l’égard de l’inférieur11 ». Son effet est de limiter la peine prévue, de punir en deçà de ce qui est édicté par la Loi, voire même d’annuler le châtiment. Il ne s’agit pas là du vice de faiblesse ou de mollesse dont nous avons parlé précédemment, la clémence s’inspirant toujours de la droite raison pour mieux corriger le fautif et l’emmener plus sûrement à la vertu, si ses dispositions s’y prêtent. Dans Cinna de Racine, l’empereur Auguste pardonne au personnage éponyme malgré la volonté de ce dernier de l’assassiner. Cinna, touché par la douceur de l’empereur, lui voue sa fidélité et sa vie. De manière plus commune, la clémence « [] diminue les peines, comme discernant que l’homme ne doit pas être puni davantage », en prenant en compte les circonstances particulières et la possibilité d’amendement du fautif. Elle est donc diamétralement opposée à une certaine « bureaucratisation » de la Justice, qui appliquerait à tous les mêmes peines, sans distinction.

 

  La mansuétude, elle, vise à réprimer la colère qui est un désir de vengeance causé par l’injustice, et à la remplacer par la bienveillance envers l’offenseur. C’est là proprement l’attitude du chrétien, animé par l’amour surnaturel du prochain enseigné par Jésus-Christ : « Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres12 ». Il s’ensuit, nous dit saint Thomas, que le chrétien doit, « dans la mesure où l’offense est purement personnelle, la supporter avec patience ». Il faut ici appuyer sur le « purement personnelle », la réparation d’une offense étant nécessaire quand, à travers soi, est attaqué Dieu, la religion ou bien l’autorité que l’on représente. On ne châtie alors pas pour soi, mais pour quelque chose qui nous dépasse, qui est au-dessus de nous. Ne pas demander réparation d’une injure faite à Dieu serait, par exemple, une marque d’ingratitude et d’infidélité : « Rester insensible aux offenses faites à Dieu, c’est le comble de l’impiété13 ». Moïse, saisi d’une sainte colère à la vue des Hébreux adorant le Veau d’or, brisa les Tables de la Loi et fit périr par l’épée trois milles des impies. Autres temps, autres mœurs…

 

  La vengeance peut donc autant désigner une vertu qu’un vice, selon les dispositions de celui qui l’applique : rétablir la justice et corriger le fautif, ou bien satisfaire sa colère. Dans le premier cas, elle est une prérogative de l’autorité et ne peut être exercée par les individus, même en cas de défaillance de sa part. Dans le second cas, elle n’est tout simplement pas permise, le mal ne devant pas entraîner le mal. La Loi ancienne, celle du Talion, « Œil pour œil, dent pour dent », a définitivement été remplacée par la Loi nouvelle, celle de la Charité. A nous de nous appliquer à acquérir cette douceur et cette patience qui font l’admiration du monde et la gloire de l’Eglise, et qui sont la marque des amis de Dieu : « Bienheureux les Doux, car ils recevront la terre en héritage, Bienheureux les assoiffés de justice, car ils seront rassasiés, Bienheureux les Pacifiques, car ils seront appelés fils de Dieu14 ».

   

Un animateur du MJCF



1 Du latin Vindicta : Punition, Vengeance

2 Somme Théologique, 2nda, 2ndae, Q.108

3 Deutéronome, 32-35

4 « Se dit des fonctions politiques et administratives (police, défense, etc.) qui dépendent directement de l'État ou de son représentant suprême », Larousse

5 Saint Paul, Rom.,13.4

6 Saint Paul, Rom. 12,21

7 Cf Foyers Ardents n°25 : « Le Pardon »

8 Le Loup et l’Agneau, Livre 1er, fable 10

9 Somme Théologique, 2nda, 2ndae, art.1 : cette tolérance n’est évidemment plus valable quand la faute de l’autorité est pire que le scandale causé par le châtiment de sa faute (excommunication de Rois responsables de crimes, d’adultères publiques, …)

10 Proverbes, 13, 24. Il s’agit là, bien évidemment, de punir en vue de la correction, de la progression dans la vertu, non de violence gratuite.

11 De Clementia, Sénèque

12 Jean, 13.34

13 Saint Jean Chrysostome

14 Mat. 5, 4-9