La magnanimité

« La magnanimité, écrit La Rochefoucauld dans ses Maximes, est assez définie par son nom; néanmoins on pourrait dire que c’est le bon sens de l’orgueil, et la voie la plus noble pour recevoir des louanges. » Cette vision de la magnanimité comme une recherche des honneurs par l’accomplissement de grandes choses est assez universelle. Peut-on y voir alors la « vertu » des gens du monde, cachant sous ce beau nom leur soif immodérée des honneurs ?  Peut-on être chrétien et exercer cette vertu, sans nuire à l’humilité ? Faut-il ne la réserver qu’aux saints et aux héros ? Il paraît ici primordial de retrouver le sens exact de l’honneur, objet de la magnanimité, puis de voir si une harmonie est possible entre la magnanimité et les autres vertus.  

La difficulté première, lorsque nous considérons la grandeur d’âme, est de cerner précisément ce qu’elle recherche. Si nous arrivons à mettre en lumière ce but, alors nous pouvons vraiment avoir sur elle un regard juste. Ses détracteurs comme ses plus ardents défenseurs tombent d’accord pour lui donner l’honneur comme objet, mais avec une nuance majeure. La Rochefoucauld avance que la magnanimité a pour but la louange, tandis qu’Aristote et saint Thomas voient plutôt en elle l’accomplissement d’un acte digne de louanges. Cela entend que cet acte peut ne pas être reconnu par les pairs et donc rester ignoré, malgré sa grandeur.

  Mais comment quelque chose de grand peut-il rester caché ? Aristote nous répond ainsi : il faut distinguer deux sortes de grandeurs, l’une relative et l’autre absolue. La grandeur relative consiste à accomplir de petites choses, mais d’une manière excellente. La grandeur absolue, elle, réside dans l’accomplissement d’une grande chose de manière excellente. Mais qu’entendre par « d’une manière excellente » ? Il ne s’agit pas ici de savoir-faire ni de technique, mais bien de vertu, considérée selon son degré d’intensité. C’est ce degré de vertu qui va rendre « digne de louanges » l’acte posé, quel qu’en soit l’éclat. Par exemple, la grandeur de sainte Jeanne d’Arc combattant à la tête des armées et faisant sacrer le roi à Reims est plus éclatante que celle de saint Joseph travaillant seul dans son atelier de charpentier. Est-ce dire que sainte Jeanne d’Arc soit plus grande, plus magnanime que saint Joseph ? Bien sûr que non, car même si leurs actes diffèrent par leur grandeur visible, ils se rejoignent par la vertu qui les anime : faire ce qui est bien d’une manière excellente. Et c’est justement cela le sens de l’honneur : rechercher l’excellence dans toutes nos actions. C’est l’attitude pleine de noblesse des chevaliers qui se refusent à toute bassesse pour accomplir jusqu’au bout leur devoir, c’est aussi celle du père et de la mère de famille qui se sacrifient chaque jour pour leurs enfants et pour le bien commun de leur famille. Que leurs actes soient reconnus ou restent dans l’ombre n’enlève rien à leur grandeur, bien au contraire : les actes cachés sont souvent plus méritoires car privés de la louange des hommes, qui certes peut être souhaitable et légitime, mais qui vient souvent tenter notre orgueil et rendre notre vertu intéressée. Le magnanime est d’autant plus grand qu’il travaille dans l’ombre, inconnu du grand public, car « le véritable héroïsme est la constante fidélité dans une vie humble et cachée1 ». Pour le commun des hommes, la magnanimité est cet héroïsme dans les actes de chaque jour, qui pousse à agir de la manière la plus parfaite qui soit, la plus digne d’honneur, mais sans désirer les honneurs. Le magnanime fonde le choix de ses actes sur la louange que les gens de bien pourraient lui octroyer plutôt que sur les honneurs futiles du plus grand nombre. Il suffit qu’une seule personne estimable (un conjoint, un ami ou même Dieu) connaisse sa vertu pour que son âme soit comblée. Il n’y a ici rien de commun avec la concupiscence des honneurs qui est celle des gens du monde.

  Comment la magnanimité s’articule-t-elle avec les autres vertus ? Chaque vertu est l’occasion de faire preuve de grandeur d’âme :

« Comme il n’y a pas une seule vertu sans grandeur, chaque vertu semble rendre les hommes magnanimes dans la chose spéciale qui les concerne2 ». On peut en juger d’après le portrait que dresse Aristote du magnanime : « Toujours guidé par la générosité, il ne veut recevoir de bienfait que pour en rendre à son tour de plus grands. Loin de rechercher ce qui rapporte, il préfère le désintéressement à l’utilité. Il ne se permet aucune bassesse, il réprouve l’injustice, ignore le mensonge, évite même toute plainte. Et cela non pas pour une vaine satisfaction d’amour propre, mais par amour du bien et de la vertu ». Vouloir le bien par-dessus tout implique une vraie pureté d’intention, une certaine sagesse, une grande générosité, un souci constant de la justice et bien sûr un vif amour du bien, c’est-à-dire, chez le chrétien, la Charité. La magnanimité va faire appel à la force pour vaincre les obstacles, à la tempérance pour résister à la facilité, mais aussi à l’Espérance qui l’assure d’une juste récompense et du secours de la grâce, et même de l’humilité, qui lui fait s’appuyer sur la force de Dieu et ne pas présumer de ses propres capacités.

  Privée de l’humilité, la magnanimité peut se transformer en trois excès. Il s’agit de la présomption, de l’ambition et de la vaine gloire3. La présomption fait viser plus haut que ses capacités réelles et tend à accorder à ses seules forces le succès d’un acte. L’ambition cherche à accomplir de grandes choses d’abord pour les honneurs, les louanges : c’est la conception que, même dans nos sociétés chrétiennes, de grands hommes ont pu avoir. La vaine gloire, elle, consiste à se glorifier de choses banales, sans éclat. A l’opposé de ces trois excès se trouve également un défaut : la pusillanimité qui, sous des faux airs d’humilité, n’entreprend rien de grand par paresse ou par orgueil, ne voulant pas risquer l’échec. Ces quatre vices sont indignes de l’homme de bien. Ce dernier s’estime à sa juste valeur, c’est-à-dire simple serviteur de Dieu n’ayant qu’une unique mission : faire tout le bien qu’il peut en fonction de ses capacités, en toute fidélité et humilité.

  Loin de rechercher les honneurs, la magnanimité cherche donc la plus grande perfection dans chacun de ses actes, qu’ils soient discrets ou éclatants, sans se mettre en avant. Elle est contenue dans chacune des vertus bien qu’elle en soit distincte. Les chrétiens qui, sans paraître en rien remarquables, vivent de cette vertu, sont sur le chemin de la sainteté. Pour l’acquérir il n’est pas besoin de la chercher dans les livres d’histoire, ni dans les monuments édifiés à la gloire des grands hommes : cette magnanimité-là est bien souvent teintée d’orgueil et de vanité. On la trouve dans l’ombre du devoir d’état, dans la simplicité de la tâche quotidienne accomplie pour l’amour de Dieu. Faire avec excellence de petites tâches est bien souvent plus difficile qu’en faire de grandes ; l’humble sainte Thérèse de l’Enfant Jésus est devenue le modèle de la sainteté des temps modernes, elle, la « Martyre du devoir d’état ».

« Tout ce que vous faites, ne serait-ce que ramasser une aiguille, faites-le pour l’amour de Dieu ».

R.J.

1 Général de Sonis

2 ARISTOTE, Morale à Eudème, III

3 P. SINUEUX, Initiation à la théologie de Saint Thomas

 

 

 

Comment choisir des chants liturgiques?

          Comme tout métier, celui de compositeur a des règles très précises. On ne compose pas comme une maman qui invente une chansonnette pour endormir son enfant. D’où l’importance d’avoir quelques notions de base avant de choisir ses chants de mariage, de pèlerinage, du dimanche, etc…

Directives des papes du XXe siècle sur le sujet

   Saint Pie X a fixé, dans son motu proprio du 22 novembre 1903 « Tra le Sollecitudini », trois règles pour que la musique puisse être digne de la liturgie, une musique pour la gloire de Dieu. « La musique sacrée, en tant que partie intégrale de la liturgie solennelle, participe à sa fin générale : la gloire de Dieu, la sanctification et l’édification des fidèles.

Il précise ensuite : « la musique sacrée doit donc posséder au plus haut point les qualités propres à la liturgie : la sainteté, l’excellence des formes d’où naît spontanément son autre caractère : l’universalité. »

« Elle doit être sainte, et par suite exclure tout ce qui la rend profane, non seulement en elle-même, mais encore dans la façon dont les exécutants la présentent. »

« Elle doit être un art véritable : s’il en était autrement, elle ne pourrait avoir sur l’esprit des auditeurs l’influence heureuse que l’Église entend exercer en l’admettant dans sa liturgie ».

« Mais elle doit être aussi universelle, en ce sens que s’il est permis à chaque nation d’adopter dans les compositions ecclésiastiques les formes particulières qui constituent d’une certaine façon le caractère propre de sa musique, ces formes seront néanmoins subordonnées aux caractères généraux de la musique sacrée, de manière à ce que personne d’une autre nation ne puisse, à leur audition, éprouver une impression fâcheuse. »

Saint Pie X met en garde contre le style théâtral en vogue à la fin du XIXe siècle qui semble moins propre à accompagner les fonctions du culte. La transposition aux musiques de notre époque que l’on inflige à la majorité du public est facile à imaginer.

Le pape Pie XII, dans son encyclique du 25 décembre 1955 « Musicae sacrae disciplina » a admis la coutume de chanter des cantiques populaires en langue vernaculaire dans la messe solennelle en complément des chants latins tout en précisant les qualités nécessaires :

– être issu dans son origine du chant liturgique lui -même,

– être pleinement conforme à la doctrine de la foi chrétienne, la présentant et l’exposant de façon juste,

– utiliser une langue facile et une musique simple, évitant la prolixité ampoulée et vaine des paroles,

– être court et facile,

– avoir une certaine dignité et gravité religieuse.

Les critères importants : le texte, la mélodie, l’harmonie et le rythme.

Le texte a toujours été l’objet d’une attention particulière de la part des compositeurs. Ce sont les extraits les plus signifiants de l’écriture sainte qui ont été choisis pour servir de support aux mélodies grégoriennes. Saint Ambroise et saint Thomas avec la messe du Saint Sacrement nous en ont laissé des exemples caractéristiques.

Les compositeurs de la Renaissance font appel aux grands poètes de leur époque : Ronsard, Marot, du Bellay, …

Les classiques continuent de même avec Molière, Racine, Shakespeare, da Ponte, …

Les romantiques allemands puisent chez Heine, Goëthe, Schiller, …Les français iront vers Hugo, Lamartine, Musset, Verlaine, …

Même la chanson populaire a ses poètes qui seront parfois auteurs, compositeurs et interprètes mais il est rare qu’ils parviennent à la même qualité musicale que ceux de la Renaissance.   

A toutes les époques, le compositeur laissera la mélodie jaillir des mots donnant ainsi un surplus de vie au texte. C’est après une étude approfondie du contenu, voire même d’une méditation sur le sujet pour les œuvres religieuses qu’il se mettra au travail.

Quant à l’harmonie élément nécessaire pour l’accompagnement de la mélodie, elle servira, sauf exceptions, de ponctuation par des cadences bien disposées qui n’alourdissent pas le mouvement. Elle apportera parfois un éclairage complémentaire à la mélodie.

Enfin, le rythme, à l’image de la mélodie, émanera le plus souvent du texte. Il ne devra pas déformer son rythme naturel. Les appuis rythmiques forts respecteront l’accentuation particulière propre à chaque langue, cette dernière étant obtenue par une bonne diction.

Quelques exemples :

La bataille de Marignan de Clément Jannequin :

Dans cette chanson de la Renaissance, le compositeur illustre par le rythme et les paroles les échanges guerriers de cette célèbre bataille. https://www.youtube.com/watch?v=B05HMI6bCiY     

Meunier tu dors : cette chanson de métier est à 3 temps avec une levée. Le rythme imite les ailes du moulin qui tournent irrégulièrement au début pour élancer la meule puis régulièrement ensuite.

Ave verum corpus de W. A. Mozart : cette composition respecte le texte et peut nous nous élever à la contemplation du mystère qu’elle évoque par son côté paisible et ses élans mélodiques. https://www.youtube.com/watch?v=6KUDs8KJc_c

Je vous salue Marie de l’abbé J. Louis : la mélodie semble sortir des mots et le rythme musical épouse celui du texte. L’harmonie est très discrète. https://www.youtube.com/watch?v=fmKrpz17hog

Je vous salue Marie de la communauté de l’Emmanuel : la mélodie et l’harmonie sont simples laissant le rythme prendre plus d’importance, affaiblissant le côté spirituel. C’est la recette des chansons de variété modernes. On retrouve un schéma rythmique analogue dans l’accompagnement à la guitare de la chanson « Le pénitencier » chantée par Johnny Halliday.

Le pénitencier de Johnny Halliday : peu de mélodie mais un rythme balancé dans un tempo lent de slow rock.

https://www.youtube.com/watch?v=20KlznuwkBc

La maladie d’amour de Michel Sardou : Le début de cette chanson est l’exemple type de mélodie tirée des accords de l’accompagnement. De plus le rythme est haché et syncopé.

Couronnée d’étoiles de la communauté de l’Emmanuel : la mélodie du refrain est en partie semblable à la chanson de M. Fugain « C’est un beau roman ». L’harmonie et le rythme sont au niveau des chansons à la mode.

C’est un beau roman de Michel Fugain : nous retrouvons ici les mêmes ingrédients que dans « La maladie d’amour ».

Sonate « Au clair de lune » de L. V. Beethoven : la descente par note conjointe à la basse donne un effet langoureux et sensuel. C’est ce qu’utilise ici le compositeur dans les premières mesures. C’est ce que l’on retrouve dans bon nombre de chansons de variété et même dans certains cantiques.

Regarde l’étoile de la communauté de l’Emmanuel : un rythme syncopé et répétitif qui captive, accompagnant une mélodie non signifiante dans le mode mineur le plus répandu et voilà un « tube » dans le goût à la mode. 

https://www.youtube.com/watch?v=6dlCmAWZ8q4

Analyse succincte de trois cantiques à la Sainte Vierge (pour plus de détails, voir sur le site du Centre Grégorien Saint Pie X  https://www.centre-gregorien-saint-pie-x.fr/index.php/chant-gregorien/le-motu-proprio-tra-le-sollecitudini-de-saint-pie-x/130-couronnee-d-etoiles-un-cantique-sacre )

Je vous salue Marie de la communauté de l’Emmanuel 

Le texte est traditionnel. Seule une légère modification, « votre enfant » au lieu de « le fruit de vos entrailles » entraîne un affaiblissement du sens.

La mélodie est en mode de ré et transposée sur mi. C’est un des modes les plus utilisés dans la musique populaire traditionnelle.

L’harmonie est tonale et classique, avec alternance de deux groupes de deux accords, mi m et si m puis sol M et ré M, excepté les mesures 4 et 8 où nous retrouvons la descente des basses et accords typiques de la musique de variété : mi m, ré M, do M et si m. Un seul accord sort de la modalité de la mélodie sur « -cheurs » de « pécheurs » avec présence de la note sensible qui provoque une tension par rapport à l’ensemble qui reste dans la douceur.

Au plan rythmique, les appuis naturels du texte ne sont pas respectés. Ils sont inversés et placés sur les temps faibles imprimant un balancement syncopé fort employé dans la musique de danse moderne (slow rock, rock, …). Le mot « Marie » est abîmé et réduit à la portion faible d’un temps. « Votre enfant » est secoué par une formule rythmique irrégulière.

Couronnée d’étoiles de la communauté de l’Emmanuel 

Le texte est un commentaire de la vision du Chap. 12 de l’Apocalypse augmenté de divers titres donnés à Marie dans les litanies. Il est dans le style d’une narration.

La mélodie du refrain commence par un emprunt à la chanson de Michel Fugain « C’est un beau roman ». Elle est en mode de ré et transposée sur mi. Celle du couplet suit la trame habituelle des chansons de variété en s’appuyant sur les accords de la grille d’accompagnement.

L’harmonie se résume aux trois accords traditionnels avec l’accord de 7ème de dominante posé sur « veur » de « Sauveur » provoquant une tension qui nous fait sortir de la modalité de la mélodie pour nous propulser dans la tonalité mineure plus émotionnelle de la musique classique.

Le rythme du refrain est plutôt naturel et calme favorisant la narration ! mais celui des couplets nous emmène dans un autre univers. Le rythme syncopé devient omniprésent alors que l’on voudrait goûter le texte.

Regarde l’étoile de la communauté de l’Emmanuel 

            Le texte est extrait de la prière de saint Bernard que l’on peut trouver p. 217 du « livre bleu » utilisé pour les exercices de saint Ignace avec modification de l’expression « en la suivant » qui devient « si tu la suis».

           La mélodie est en mode de la mineur naturel. Les couplets sont composés de quatre formules de trois notes « do, ré, mi » puis « ré, mi, fa » deux fois de suite. La mélodie du refrain s’élève sur « la, si, do » avec la même formule répétée six fois. Nous sommes dans le style minimaliste apparu dans les années 60.

            L’harmonie est traditionnelle avec un repos à la dominante toutes les quatre mesures qui crée une tension. Au refrain s’ajoute un retard de la note sensible sur la cadence mais l’accord ne se résout pas ce qui augmente la tension.

            Le rythme syncopé et répétitif fait référence à la musique de danse moderne.

Nous sommes ici aux antipodes des caractères de la liturgie donnés par les papes saint Pie X et Pie XII. On ne peut donc pas parler ici de musique sacrée !

Il est bon de rappeler que les musiques de danse sont incompatibles avec la liturgie et la prière !

Ces chants ont attiré l’attention car ils ont les mêmes composants que la musique que diffusent en permanence la plupart des médias. Nous avons donc tout un travail d’éducation musicale et artistique à réaliser. Soyons-en les agents chacun à notre place.

Certains chants du répertoire, tels que : Je vous salue Marie de l’Ab. J. Louis ; Ô ma Reine de J. Noyon ; Quand vint sur terre de l’Ab. F. X. Moreau ; Ô Vierge Marie de Charles Bordes ; respectaient les directives des papes. De nouvelles compositions peuvent compléter ce répertoire.

Formons-nous un goût à l’école de la liturgie afin de pouvoir vraiment dire avec le psalmiste : « Zelus domus tuae comedit me 1».

François

1 Ps 68, verset 10 : « Le zèle de votre maison me dévore ». C’est-à-dire le zèle de la maison du Seigneur et non celui de nos occupations et nos goûts personnels.

Le mal ou le mystère de l’amour de Dieu

« Et à la neuvième heure Jésus cria d’une voix forte «Héloï, Héloï, Lamà sabacthàni », ce qui signifie « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

          Ces mots de Notre Seigneur au plus fort des souffrances de la Passion mettent en avant l’une des plus graves questions que l’homme se pose : celle de la nature du mal. Qui d’entre nous n’a jamais entendu cette phrase venant d’un ami non croyant : « Si Dieu existe et qu’il est bon, comment peut-il permettre le mal ? », ou cette autre que nous nous disons souvent à nous-même : « Mais qu’ai-je fait au Bon Dieu pour mériter cela ? ». La question du mal est centrale pour l’être humain dans sa quête de sens à donner à sa vie, essayons donc d’y apporter une réponse en dégageant une définition du mal, une raison de son existence et surtout un remède.

Qu’est-ce que le mal ?

Avant d’établir une distinction dans le mal, nous pouvons déjà établir qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’une absence de bien. Est bien ce qui correspond à sa nature, ce qui atteint son but propre : le corps humain est « bon » quand il est en pleine santé, la maison est « bonne » quand elle est stable et assure un confort de vie à ses habitants, une loi est bonne quand elle protège le bien commun. Le mal sera que ce corps soit malade, c’est-à-dire privé de santé, que cette maison soit fissurée, que cette loi nuise au bien commun. Ces choses seront « mauvaises » parce que privées de leur fin, de leur raison d’être, parce qu’elles brisent l’ordre propre à chaque être.

Nous pouvons ensuite distinguer deux sortes de mal : le mal sensible et le mal moral. Le mal sensible est la souffrance que nous vivons lorsque nous nous blessons physiquement ou lorsque nous éprouvons de la tristesse. Cette souffrance est liée à notre nature humaine limitée, imparfaite, soumise à la matière. Elle nous permet d’apprendre ce qui est bien pour nous et ce qui nous nuit, elle nous est une sorte de guide dans notre vie. Nous pouvons le constater avec l’exemple de l’enfant qui doit se brûler à la flamme de la bougie pour comprendre que le feu peut être source de danger, ou encore avec la règle d’or « Ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse », qui sous-entend une volonté d’éviter de faire du mal à autrui parce que l’on connaît soi-même le prix de la souffrance. Cette sorte de mal revêt un caractère « social », guidant l’homme dans ses rapports aux autres mais aussi dans ses rapports avec lui-même en lui faisant sentir dans son être les conséquences de ses excès (boire jusqu’à l’ivresse, manger jusqu’à la maladie, …).

La seconde sorte de mal, le mal moral, établit une relation directement avec Dieu : il s’agit là du péché. On peut certes souligner que voler, mentir, tuer a des conséquences négatives pour la société, mais ce n’est que secondaire car il est directement une rébellion de l’homme contre Dieu, créateur de toutes choses et législateur suprême. Le péché est un refus de la Loi naturelle disposée par Dieu dans chaque être humain, cette Loi qui instinctivement fait comprendre à chacun la bonté ou la malice d’un acte par des sentiments tels que le plaisir ou le remords.

Que ce soit sous l’une ou l’autre forme, le mal semble s’opposer à la finalité de l’homme : le bonheur. Comment donc Dieu, lui qui est la Bonté infinie, peut-il permettre que nous souffrions et que nous l’offensions ?

Pourquoi le mal  ?

Ce « pourquoi » n’est pas une question en l’air car il est le principal obstacle à la venue de la Foi dans beaucoup d’âmes révoltées par cette apparente injustice. En effet, la réponse que nous entendons bien trop souvent est que l’existence du mal est incompatible avec l’existence d’un Dieu bon, ou même d’un Dieu tout court. On se réfugie alors dans le déisme (Dieu nous a créé mais il ne s’occupe pas de nous), dans l’agnosticisme (Dieu existe, mais il ne s’est pas révélé à nous et nous ne pourrons jamais le connaître même imparfaitement), ou encore dans l’athéisme pur. Le mal nous révolte parce que nous ne le comprenons pas, et pourtant il a tout à fait sa place dans l’ordre voulu par Dieu.

En ce qui concerne le mal sensible, nous savons par les Ecritures Saintes qu’il s’agit d’un châtiment voulu par Dieu pour punir Adam et Eve du péché originel. Ceux-ci bénéficiaient de certains dons tels que l’immortalité, l’intégrité (les passions sont soumises à l’intelligence, elle-même soumise à Dieu) et l’impassibilité (Ils ne peuvent pas connaître la souffrance). Ces dons, appelés préternaturels, ont été perdus avec le péché originel et il s’ensuit que tout homme est condamné à connaître la souffrance quotidiennement (« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » / « Tu enfanteras dans la douleur »). Le mal donc apparaît comme un désordre mais il permet de replacer l’homme dans un état de dépendance par rapport à Dieu. La souffrance est le prix à payer pour la faute de nos premiers parents, un moyen de remettre de l’ordre dans la Création : la faute appelle une punition qui remet le coupable à sa place de dépendance envers son supérieur et fait justice à ce dernier. Le mal sensible est donc une bonne chose puisqu’il maintient l’homme dans la considération de sa faiblesse et le pousse vers Dieu.

Que la souffrance soit permise par Dieu comme châtiment pour les péchés des hommes, soit. Mais alors, comment Dieu peut-il laisser l’homme l’offenser ? Comment peut-il laisser l’infiniment petit défier l’infiniment grand ? La réponse en un mot : liberté. La liberté est l’une des preuves de l’amour de Dieu pour nous, car elle sous-entend la faculté de connaître et donc d’aimer également, et donc d’être heureux. Or l’amour cherche naturellement à se diffuser, à se transmettre. Les passionnés le savent, eux qui ont une soif intarissable de partager ce qu’ils aiment, de le faire connaître à leurs amis. Mais aimer n’est pas du seul ressort des passions, il faut aussi une adhésion de la volonté, il faut vouloir aimer, il faut pouvoir choisir d’aimer, et c’est bien là qu’est le problème : je peux choisir d’aimer comme je peux le refuser. Refuser d’aimer Dieu, lui préférer des plaisirs passagers et vains tient plus souvent à l’ignorance et à la faiblesse qu’à de la véritable malice de notre part mais le fait est là : nous offensons délibérément un père qui nous a donné absolument tout ce que nous avons et ce père nous aime tellement qu’il se laisse écarter sans rien dire, ou presque.  Mais dans ce cas pourquoi ceux qui font le mal sont-ils si prospères, si heureux alors que les justes ne cessent de rencontrer les difficultés et la souffrance ? Si Dieu est un père aimant, ne doit-il pas combler ceux qui l’aiment de biens et priver les autres de tout ce qu’ils ont ? N’y a t’il aucune solution au mal ?

Le remède au mal

Le grand danger qui nous guette lorsque nous nous interrogeons sur la nature du mal est de le regarder sous un point de vue naturel, humain. Rien d’étonnant alors à ce que nous soyons perdus et doutant de la bonté de Dieu. Comprendre le mal, si tant est que l’on puisse réellement le comprendre, nécessite de regarder au-delà du plan terrestre, de se projeter dans l’éternité.

Nous savons par l’intelligence et par la Foi que chacun de nous sera récompensé ou puni de sa vie terrestre en allant au ciel ou en enfer ; par l’intelligence parce que la vie terrestre est absolument inconcevable sans cette éternité, et par la Foi parce que Notre Seigneur lui-même n’a cessé de nous le dire lorsqu’il était avec nous : « Bienheureux les pauvres, car ils auront le royaume de Dieu », « En vérité je vous le dis, vous pleurerez et vous souffrirez, tandis que le monde se réjouira. Mais votre tristesse sera changée en joie ».

Il est nécessaire qu’il y ait de la souffrance sur Terre pour nous rappeler que nous sommes pécheurs et pour nous élever vers Dieu. Il est nécessaire qu’il y ait de l’injustice et que les hommes de mal triomphent sur Terre pour que les justes grandissent en Foi et en Charité : Notre Seigneur lui-même a dit « Il faut qu’il y ait des scandales ». St Paul nous en donne l’explication : « Il faut qu’il y ait des hérésies parmi vous, afin que les frères qui sont d’une vertu éprouvée soient manifestés parmi vous », et St Thomas d’Aquin ajoute : « Les bons sont en effet incités au bien par les mauvais. S’il n’y avait pas eu les hérétiques, la science des saints, comme celle de St Augustin et de tant d’autres, n’aurait pas brillé dans le monde ». Dieu laisse la Terre à ceux qui le rejettent, car son royaume « n’est pas de ce monde ». Ils paieront le prix de leur infidélité dans l’éternité. A ceux qui le suivent il envoie les embûches et les souffrances sur la Terre pour les purifier, comme on purifie le métal en le faisant passer dans le feu. Mais jamais il ne les abandonne et chacun des actes d’amour qu’ils posent augmente leur part du Ciel. Et en cela nous pouvons reconnaître à quel point est grand l’amour de Dieu pour nous : plus nous rencontrons d’épreuves, plus nous avons l’occasion de gagner en « capital céleste » en renouvelant notre soumission à la volonté de Dieu.

  « Si tous les maux étaient empêchés par Dieu, il manquerait beaucoup de bien dans l’univers. Le lion ne vivrait pas, s’il ne tuait pas certains animaux ; et il n’y aurait pas la patience des martyrs s’il n’y avait la persécution des tyrans ». C’est ainsi que St Thomas d’Aquin résume la question du mal. Depuis le péché originel le mal fait partie de notre lot. Nul ne peut y échapper et la seule attitude digne d’un chrétien est de le supporter comme Notre-Seigneur a supporté sa Croix et de l’offrir comme participation à son œuvre de Salut des âmes. Ainsi le chrétien achète le Ciel pour lui mais également pour les autres, et cela n’a pas de prix :

« Vivre d’amour, C’est essuyer ta face,

C’est obtenir des pécheurs le pardon.

O Dieu d’amour ! Qu’ils rentrent dans ta grâce

Et qu’à jamais ils bénissent ton Nom. »

(Ste Thérèse de l’Enfant Jésus)

              RJ

Inhumation, incinération ou humusation… A vous de choisir!

En ce mois de novembre où l’Eglise nous fait honorer nos morts, une question revient souvent : pourquoi préférer l’inhumation à l’incinération ?

Les principes écologiques nous répètent à qui mieux mieux combien l’incinération préserve notre planète[1] ; nous avons même entendu récemment des nouveautés en la matière qui montrent que le pire est à venir : « Faisons don de notre corps à la terre en faisant de notre dépouille du… compost ! » Cela a pour nom l’humusation : un an après la mort de notre proche ce système nous permettra de récupérer 1 m3 d’humus pour fertiliser notre jardin… On entend parler aussi de liquéfaction par une dissolution du corps dans un bain chimique qui serait transformé en engrais… Jusqu’où irons-nous ? Pour l’instant en France, seules deux solutions sont autorisées par la loi : l’inhumation ou la crémation (nouveau nom donné au mot incinération utilisé davantage pour les déchets…).

Ces quelques lignes vous aideront à argumenter les discussions avec ceux qui, autour de vous, cherchent des réponses.

Penchons-nous tout d’abord sur la pratique de la crémation.

La crémation est un acte d’une rare violence qui réduit le corps du défunt en un peu de cendres. Entouré jusqu’alors des meilleurs soins et affections, ce corps est livré au supplice du feu, dans un four préchauffé à 850°C en soixante-quinze minutes…

Ne veut-on pas par là détourner le sens de la mort et éloigner des hommes les salutaires pensées qui le font réfléchir régulièrement à sa destinée ? Ne veut-on pas nous faire croire par cette destruction que tout s’arrête après la mort ?

63 % des personnes interrogées préféreraient être incinérées qu’enterrées.[2] 

37 % des défunts sont aujourd’hui incinérés ; cette pratique rentre dans les mœurs progressivement avant de parvenir à l’humusation…

Certes l’intention de tous ceux qui se font incinérer aujourd’hui n’est pas de nier la résurrection des corps. Dieu est Tout-Puissant et saura reconstituer les corps pour la résurrection finale ; mais cette pratique ne participe-t-elle pas à la perte de la foi et de l’espérance après la mort en manquant aussi à la charité chrétienne qui réclame le respect dû au corps, temple du Saint-Esprit ? Que répondre à l’argument « tu es poussière et tu retourneras en poussière » ?!

27 % des « utilisateurs » de cette méthode le demandent pour participer ainsi à « sauver la planète ». 31 %[3]  le font afin de ne pas embarrasser leur famille : la mort serait-elle un fardeau qu’il faudrait alléger pour laisser tranquille nos proches ? L’hygiène, l’économie sont aussi invoquées. On sait qu’au moment des grandes épidémies la crémation fut une pratique visant à éviter la contagion ; mais est-ce bien d’actualité ?

Si c’est parfois l’ignorance qui est à l’origine de cette pratique, on ne peut nier que cela devient un acte public ayant une grande force symbolique dans le cœur des hommes, visant à détruire la civilisation chrétienne en laissant croire que tout s’arrête à la sortie du funérarium. Il ne nous reste plus qu’à « faire notre deuil » et l’on oublie que la vie n’est pas terminée, qu’on a le devoir de prier pour nos défunts qui sont peut-être au purgatoire et réclament nos supplications. Cette disparition totale trouble d’ailleurs certains endeuillés qui se plaignent d’avoir l’impression de s’être débarrassé de leur défunt… Il ne restera plus qu’une petite boîte dans « le jardin du souvenir » ou le « colombarium » : doux mots qui veulent faire oublier la violence du feu mais qui font renier en acte les trois vertus théologales de foi, d’espérance et de charité.

Cherchons plutôt à savoir d’où vient cette mise à l’honneur et quels sont les véritables penseurs qui ont abusé les esprits crédules.

La pratique de la crémation devint à la mode en Europe à la toute fin du XIXe siècle quand les sociétés de franc-maçonnerie obtinrent du gouvernement la reconnaissance officielle de ce rite : « Nous devons employer tous les moyens pour répandre l’usage de la crémation. L’Eglise en défendant de brûler les corps, affirme ses droits sur les vivants et les morts, sur le vulgaire, les vieilles croyances aujourd’hui dissipées à la lumière de la science, touchant l’âme spirituelle de la vie future.[4]»

C’est encore une des conséquences de la Révolution dite française qui parvint à changer les esprits à force d’autoriser des actes impies.

 Notre Dame libératrice des âmes du purgatoire-Montligeon

Ne voudrait-on pas faire croire que l’homme doit maîtriser sa mort comme sa vie ? Il se croit maître de tout et voudrait oublier la Toute-Puissance de Dieu, alors les saintes pensées sur notre propre vie éternelle s’échappent en fumée…

 

Pourquoi préférer  l’inhumation ?

L’inhumation est tout d’abord un acte de Foi, Foi en la vie éternelle et dans la résurrection finale à la fin des temps.

C’est le rite qui respecte le mieux ce corps autrefois animé par l’âme chrétienne ; l’Eglise elle-même l’encense et le bénit par respect pour celui qui fut, par son baptême, le temple du Saint-Esprit. Le prêtre accompagne ce corps jusqu’à sa dernière demeure ; en grec cimetière signifie dortoir, lieu où l’on dort en attendant le réveil éternel. C’est un lieu d’Espérance

Ce corps a combattu pour remporter la victoire finale. Il était joint à l’âme pour conquérir le ciel. Ce n’était pas une simple enveloppe et l’Eglise nous dit qu’il participera plus tard au sort éternel heureux ou malheureux de l’âme. Il mérite donc notre respect.

Ensevelir les morts fait partie des miséricordes corporelles ; c’est un acte de charité que nous accompagnons de nos prières pour l’âme de notre défunt.

Par l’inhumation le corps retourne à la poussière, cette dissolution n’atteint pas le principe de la vie car notre âme est immortelle.

Que disent les traditions et l’Eglise du respect dû aux corps de nos défunts ? 

Déjà l’Ancien Testament nous parle de Tobie qui ensevelissait les morts au péril de sa vie. L’Antigone de Sophocle préfère mourir que de laisser son frère sans sépulture. Sous Charlemagne en 789 la crémation est interdite et est un châtiment réservé aux hérétiques. Ce n’est que lors des périodes de décadences que les Romains ont adopté la crémation. Cet usage a été conservé sans interruption et universellement dans l’Eglise.

Le droit Canon[5] stipule qu’« il est interdit à un chrétien de demander à être incinéré et nul n’est tenu de respecter cette volonté. »

Le 19 mai 1886, le Saint Office[6] promulgua un décret interdisant la crémation des corps. Le Pape Pie XI écrit le 19 juin 1926 que la crémation est « un rite barbare, impie et scandaleux, gravement illicite qui répugne non seulement à la piété chrétienne mais à la piété naturelle[7]. »

Dans le code promulgué par le Pape Jean-Paul II en 1983, on trouve cette nouvelle loi, contradictoire avec la tradition constante de l’Eglise : « l’Eglise recommande vivement que soit conservée la pieuse coutume d’ensevelir les corps des défunts ; cependant elle n’interdit pas l’incinération, à moins que celle-ci n’ait été choisie pour des raisons contraires à la doctrine chrétienne[8]. »

            Préférerons-nous obéir à la tradition millénaire ou sacrifier au nouveau dieu de l’écologie par un retour anonyme dans le giron de la Terre-mère ?

            Face à un monde de plus en plus hostile au christianisme et à ses pratiques, ne cédons pas aux forces occultes qui voudraient nous faire perdre de vue la vie éternelle qui n’aura point de fin.              Marguerite-Marie

[1] Argument très discutable  si on compare avec une inhumation en pleine terre.

[2] Le Monde – 4/10/2018

[3] CAIRN Info

[4] Note de Mgr Chollet, archevêque de Cambrai – 1887

[5] Droit canon 1917

[6] Congrégation de la Curie romaine

[7] Actes de Pie XI, T. III

[8] Canon 1176

Vous avez des soucis?

« Le règne de Jésus Christ reçoit sa force et sa forme de l’amour divin : aimer saintement et dans l’ordre, voilà où il se fonde et se résume. Le reste en découle nécessairement : être inviolablement fidèle au devoir, n’attenter en rien au droit d’autrui, mettre les soucis terrestres à leur juste place, donner à l’amour de Dieu la priorité sur tout le reste[1] »

Voilà tout un programme que le Pape Léon XIII, comme un bon père, a établi pour ses enfants. C’est le secret du bonheur.

Cependant aujourd’hui lors des discussions avec les uns ou les autres, on peut constater, que, quelque soit le milieu social ou l’âge de l’interlocuteur, tous, nous avons tendance à nous laisser submerger par nos soucis.

Impossible alors de trouver la liberté d’esprit pour mettre chaque chose à sa place et parvenir à la joie des enfants de Dieu. Joie de s’émerveiller des beautés de la nature, paix donnée par l’amitié avec Dieu, sérénité devant l’avenir comme un enfant abandonné sur l’épaule de son père, bonheur d’appartenir à la grande famille que forme l’Eglise catholique, reconnaissance devant tous les dons reçus….

Non, tout cela échappe de plus en plus aux esprits envahis par l’angoisse de l’avenir, la peur de l’autre, la crainte de perdre, l’amertume vis-à-vis de la société et l’inquiétude pour ses enfants…

Pour faire simple, classons en trois parties les soucis qui se présentent :

A) Ceux qui rongent et qui nous font perdre de vue l’essentiel : Le réchauffement climatique, la pollution,… On dirait qu’on essaie de nous distraire en nous assénant avec force et ténacité ces assertions plus ou moins vérifiées… Certains en ont fait un véritable « dada » et y consacrent toutes leurs conversations ; ils en oublieraient même l’essentiel…

Combien de fois par jour consultons-nous notre téléphone portable, que – par un tour de force extra-ordinaire- nous autorisons à nous communiquer des informations « choisies »qui vont augmenter notre taux de cortisol[2] ?

B) Les considérations sur les mœurs actuelles, et même les questions politiques peuvent nous apparaître comme des questions essentielles et il est bon que ceux qui ont les moyens d’action fassent tout ce qu’il leur est possible mais quand nous sommes impuissants, n’oublions pas que le grand moyen accessible à tous, reste la prière. Dieu nous a montré de multiples fois dans l’histoire de l’humanité les vertus de ce moyen qui apaise le cœur en suppliant Celui qui est le maître de toutes choses.

C) Ceux qui nous touchent personnellement : problèmes personnels, famille, santé, travail, …

            Certains portent réellement une lourde croix : la perte d’un être cher, la maladie ou des épreuves fort douloureuses les accablent. A ceux-là nous ne pouvons que conseiller de pratiquer la dévotion aux Saintes plaies de Notre-Seigneur et de se mettre sous la protection de Notre-Dame avec confiance.

            D’autres se croient vraiment très éprouvés mais ne se rendent pas compte qu’ils se sont fabriqué à eux-mêmes une « croix »…  En effet en recherchant dans un moment de calme, la racine de tous nos soucis, nous nous apercevons que celle-ci se trouve bien souvent en nous-mêmes : nous ressassons comme des slogans des paroles de culpabilité, de manque de confiance, d’esprit vengeur, de regrets…

            – Prenons le temps  de retrouver la paix. C’est en particulier lors d’une bonne retraite[3] que nous pourrons faire un retour sur nous-mêmes en analysant les véritables causes des maux qui nous rongent.  

Avez-vous remarqué combien souvent quand nous analysons notre colère nous nous apercevons que, bien plus que le prochain, c’est nous-mêmes qu’il faudrait accuser ? Car bien souvent c’est nous qui, à l’origine, nous y sommes mal pris… 

Avez-vous noté combien de fois nous nous sommes fait des soucis inutiles en imaginant tant et tant de catastrophes, d’accidents ou de maladies qui pourraient arriver à l’un ou à l’autre, en prêtant tant et tant d’intentions à des gens qui n’en ont pas la moindre idée, en anticipant tant et tant d’événements sans penser que le pire n’arrive pas toujours… Si Dieu prenait au mot les fruits de notre créativité en matière de catastrophes… que d’épreuves !! N’oublions jamais quand « la folle du logis[4] » se met en route de la faire taire immédiatement en récitant lentement un Ave Maria qui nous remettra les idées en place ou la Prière à Saint Michel [5] qui saura éloigner les tentations et les dangers !

            – Ensuite prenons l’habitude de pardonner à tous ceux qui  nous ont blessés : « pardonnez-nous comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés »… Disons-nous vraiment cette prière avec sincérité ? L’être humain est capable de tomber gravement malade rien qu’en ressassant des amertumes…

            – Enfin demandons pardon à Dieu de tout notre cœur et soumettons-nous  à sa divine volonté.

En réalisant avec lucidité cette démarche nous nous exerçons à un véritable esprit de pauvreté : parvenir à nous détacher de notre volonté propre pour adhérer à celle de Dieu. Offrir son avenir à Dieu, non pas en se cachant la tête sous l’aile mais, après avoir fait tout ce que Dieu nous demande, Lui abandonner le reste en s’en détachant. Ne pas se laisser gouverner par nos incohérences mais commencer sa journée par un véritable acte d’abandon et la récitation de la Prière des Apôtres de tout notre cœur.

Mettons de l’ordre dans ces « soucis » pour ne pas perdre de vue l’essentiel et prenons conscience que notre seule véritable préoccupation doit être celle de notre vie éternelle en premier lieu, avec notre époux (se). Prions ensuite pour ceux qui sont sous notre responsabilité directe (enfants) et indirecte (parents, famille, amis, paroisse, voisin, village, collègues, Eglise, pays). Faisons en effet tout ce qui est en notre pouvoir  mais au seul niveau qui nous concerne : prière, sacrifice, exemple, devoir d’état et enfin confions tout  au Sacré-Cœur. Notre-Seigneur a gagné la course de relais : c’est notre secret puisque personne ne le sait plus et c’est ce qui nous aide à garder le sourire au milieu des pires tribulations !

Rayonnons de la vraie joie en esprit de gratitude envers notre Dieu qui nous a tant donné ! « Vis le jour d’aujourd’hui, Dieu te le donne, il est à toi.
Vis le en Lui.[6] » Le démon, quand il a épuisé toutes ses autres armes sans succès envoie l’épreuve du découragement… Alors ne nous laissons par prendre dans ce filet et recourons à la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus :

«  Le Sauveur nous a avertis : A cause des progrès croissants de l’iniquité, la charité d’un grand nombre se refroidira. En présence de tant de maux qui, aujourd’hui plus que jamais, troublent si amèrement les hommes, les familles, les nations, le monde tout entier, où chercher un remède, Frères ? Peut-on trouver une dévotion qui l’emporte sur le culte du Cœur de Jésus, qui réponde plus parfaitement au caractère propre de la foi catholique, qui soit plus apte à subvenir aux besoins actuels de l’Église et du genre humain ? Quelle dévotion plus noble, plus douce, plus salutaire que celle là, dont l’objet est la charité divine elle même ?[7] »

Confiance ! Un jour le Sacré-Cœur reprendra ses droits sur la terre toute entière ! Il viendra juger les vivants et les morts et son règne n’aura pas de fin.

Espérance Clément

[1]Encyclique «Tametsi futura prospiscientibus » du 1er novembre 1900 Sur Jésus-Christ Rédempteur – Léon XIII

[2] Le cortisol est considéré comme l’hormone du stress.

[3] Calendrier de retraites sur : https://laportelatine.org/activites/retrait/retrait.php

On peut aussi s’adresser au Couvent Saint François, 78 passage de la Marcille 69910 Villiers Morgon

[4]« L’imagination est la folle du logis.» Malebranche

[5] Prière à Saint Michel Archange que vous trouverez sur notre site : https://foyers-ardents.org/dans la rubrique : Les prières des familles catholiques.

[6] https://foyers-ardents.org/category/les-prieres-des-familles-catholiques/

[7] Encyclique Haurietis Aquas du Pape Pie XII sur le Culte du Sacré Cœur de Jésus