Les fidèles serviteurs

Le grand pouvoir des parents, dans l’éducation de leurs enfants, est de façonner leur intelligence et leur volonté de telle manière que ceux-ci soient en mesure de résister aux tentations et aux orages de la vie, et de ne jamais abandonner l’idéal moral que l’on aura su déposer dans leur cœur. Élever un enfant n’est pas lui éviter toute peine et tout effort, c’est, au contraire, développer en lui les forces morales qui lui permettront de faire face aux difficultés de l’existence, mais aussi toutes ces richesses que le divin Maître remet au tout petit dès sa naissance, avec pour mission de les faire fructifier jusqu’au soir de sa vie. Cette fortune, don gratuit que Dieu dépose dans nos âmes, nous n’en sommes que dépositaires, et devrons tous Lui en rendre compte à notre mort.

C’est d’abord à nous, parents, d’apprendre à discerner les talents encore cachés chez nos petits, observant leurs capacités, qualités et défauts, facilités et faiblesses, puis les aidant peu à peu à  les exploiter ou les maîtriser jusqu’à devenir capables de se « commander » à eux-mêmes. Voyons comment nous pouvons aider un enfant à mieux se connaître et s’épanouir en développant ses atouts.

L’observer 

C’est en regardant évoluer son enfant, en voyant ses réactions dans différentes situations que l’on découvre son caractère, ses tendances spontanées, ses goûts. L’intrépide, le colérique ou le farceur ne réagira pas de la même façon en dégringolant de son tabouret ! La vue (et l’odeur !) d’un beau gâteau qui sort du four enchantera le gourmand expansif, quand le solitaire n’y jettera qu’un rapide coup d’œil et retournera paisiblement finir son puzzle.

Le jeu est un autre bon moyen de connaître ses enfants qui inventent des jeux collectifs et obligent les participants à se soumettre aux « règles du jeu ». Les jeux préparent l’enfant à s’adapter aux exigences de la vie en société : on respecte la règle, on ne triche pas, on accepte de perdre, sinon, on est exclu du jeu et méprisé des autres. Il y a des jeux pour le corps, d’autres pour l’esprit, l’imagination, les jeux d’imitation, de vitesse, certains pour se défendre, d’autres pour attaquer… Pour qu’un jeu soit éducatif, il doit demander un effort personnel à l’enfant.

Le choix des jeux de l’enfant, la manière dont il s’y comporte sont autant d’indices qui permettront à l’éducateur de discerner, sinon la vocation, du moins le sens dans lequel il faudra orienter la recherche de la vocation. Celui-ci a un tempérament de chef alors que celui-là est destiné à obéir et à suivre une filière fixée d’avance… Donner des responsabilités de chef à ceux qui sont destinés à suivre un chemin tracé d’avance, c’est les préparer aux pires échecs, n’en déplaise à leurs parents !

Dans les jeux, l’enfant se fait connaître tel qu’il est. Les parents qui n’ont pas pris le temps d’observer leurs enfants au cours des jeux ne les connaissent pas vraiment. C’est là que se manifestent les passions les plus spontanées. C’est en voyant l’enfant perdre que l’on découvre chez lui la jalousie qui le porte à détruire le jeu pour se venger ; c’est en assistant à ses réussites triomphantes que l’on constate un certain manque de modestie. C’est en jouant qu’il manifeste son pouvoir de chef ou sa tendance grégaire, qu’il se montre juste ou injuste, loyal ou tricheur. Jouer avec ses enfants est un formidable spectacle qui les révèle « au naturel » !

À partir de cette observation, les parents ajusteront à chacun de leurs enfants les principes d’éducation : tempérer l’expansif, encourager le timide, calmer le colérique, pousser le directif à écouter les autres avant de s’imposer, apprendre à perdre de bon cœur…

Gagner sa confiance

La confiance naît de la sympathie. « Cette lente pénétration de la loi morale dans la conscience personnelle de l’enfant se fait par l’intermédiaire du milieu, pour peu que ce milieu lui soit sympathique. S’il lui est antipathique, il se raidit et s’oppose à l’influence que l’on prétendrait exercer sur son caractère. »  (Abbé J. Viollet). Pour que cette influence se fasse normalement, il faut d’abord gagner la confiance de l’enfant. Plus la confiance est grande et plus facilement il accepte les conseils et s’adapte aux idées que l’on s’efforce de faire pénétrer dans son âme. Tout change dès que l’enfant se sent en confiance. Celle-ci provoque la franchise, elle établit une collaboration entre l’enfant et son éducateur… Et voici résolu le plus difficile problème de l’éducation : obtenir de l’enfant qu’il se corrige lui-même, qu’il « s’élève » en même temps qu’on l’élève.

Pour cela, il faut surtout garder son calme, lui faire comprendre que l’on veut son bien. L’enfant sait très bien faire la distinction entre ceux qui le gâtent et qu’il exploite sans les aimer, et ceux qui s’appliquent à le former pour son bien, et pour lesquels il éprouve à la fois respect et affection. Ensuite garder l’intimité des cœurs sans confondre cette intimité avec la camaraderie dont se vantent certains parents maladroits. La confiance n’exclut pas le respect. Permettre à l’enfant de parler à ses parents comme il le ferait avec ses camarades, autoriser des attitudes sans gêne, serait détruire le sentiment de vénération qui accompagne toujours la croyance en la supériorité de l’éducateur. En outre, l’intimité suppose que les parents aient pris la peine de cesser tout travail personnel pour laisser à l’enfant le temps de « se raconter » (sa journée, ses petits malheurs et réjouissances…), et pour lui parler de tout ce qui peut l’intéresser. C’est le moment précieux où ils glissent leurs conseils, encouragent la bonne volonté, éveillent le goût du mieux et du plus parfait.

Lui donner confiance en lui

Si les parents ont su gagner la confiance de leur enfant, alors il sera plus facile pour lui d’avoir, sans être orgueilleux pour autant, une certaine confiance en lui qui lui donnera le courage d’avancer, d’entreprendre, de prendre des initiatives, des responsabilités, cette assurance pour oser, affronter, se dépasser… !

Mais, Madame, mon enfant est beaucoup trop timide…, ma fille gâche tout ce qu’elle touche… ! Qu’à cela ne tienne, proposez-leur donc des efforts progressifs et précis. En voulez-vous quelques exemples ?

De façon générale, l’enfant timide ou maladroit se sous-estime, il se croit bon à rien, inintéressant pour avoir des amis, et il se replie sur lui, bien à l’abri dans sa chambre. La plupart du temps, ces enfants-là ont des difficultés scolaires ou alors se réfugient complètement dans leur travail pour oublier le reste. Le remède commence en leur donnant confiance en eux. Pour cela que la maman ne fasse pas à leur place, ou ne refasse pas devant eux ce qu’elle leur avait demandé, et tant pis si une fourchette est un peu de travers sur le couvert, ou s’il y a un pli sur la nappe ! Demandez à votre enfant de vous accompagner chez le boulanger, et expliquez-lui gentiment sur le chemin que c’est lui qui va demander le pain à la boulangère. La fois suivante, vous le laisserez entrer seul dans la boutique, et voilà de jolies petites victoires personnelles que vous ne laisserez pas sans félicitations ou témoignage de votre fierté ! Et peut-être bien que dans quelque temps, il vous proposera d’aller seul vous faire une petite course…

Si votre enfant ne participe pas en classe ou ne raconte rien à la maison… (surtout devant les autres !), profitez du repas en famille pour discuter avec chacun, un par un, posant des questions simples sur la journée. Au début, votre timide répondra par oui ou non. Quelques jours plus tard, poussez-le à vous en dire un peu plus… Puis à développer peu à peu son avis personnel : pourquoi est-ce-que tu apprécies ce livre ? Comment était la sortie de louveteaux ? Ainsi prendra-t-il la parole avec plus d’aisance, passant sur le regard des autres.

Un enfant qui ne réussit pas bien à l’école, parfois même en dépit de beaucoup d’efforts, a besoin de faire une chose qu’il aime pour la réussir ! Le Bon Dieu n’a créé personne qui soit mauvais en tout, et votre enfant a forcément quelques bonnes dispositions dans un domaine ou un autre (cuisine, jardin, bricolage, broderie, dessin, chant, sport…), que vous aurez observées depuis sa petite enfance (!) et dans lesquelles vous pouvez l’encourager, en faisant avec lui d’abord, puis en le laissant faire seul. Si rien ne l’attire spécialement, pourquoi ne pas lui offrir un poisson rouge, ou un petit animal dont la responsabilité l’affirmera ? Si votre enfant n’a pas d’amis, ou ne veut voir personne, faites donc venir chez vous un camarade avec lequel il pourrait s’entendre pour un court après-midi. Cela pourrait lui changer l’existence qu’un « ami » soit venu le voir, et il le retrouvera à l’école avec plus de plaisir. Avant que votre enfant ne grandisse trop, de nombreuses petites barrières pourraient ainsi peu à peu s’abaisser et le soulager en fortifiant sa confiance en lui. Ainsi pourra-t-il plus aisément donner le meilleur de lui-même. Cela demande beaucoup de temps et de courage, mais offre aussi le goût de l’effort pour réussir les choses en se vainquant soi-même. Rien ne donne plus confiance à l’enfant dans ses propres capacités que l’effort constructeur.

 

Ainsi, peu importe les dons que Dieu a accordés à nos enfants. Qu’ils soient nombreux ou non, visibles ou discrets, ce qui compte c’est que chacun les ait travaillés et fortifiés pour son propre salut mais aussi dans la communion des saints pour la plus grande gloire de Dieu. Alors, comme au fidèle serviteur, le Maître pourra dire : « Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Seigneur ».

 

   Sophie de Lédinghen

 

Les pierres qui chantent

Un matin de 1144, avec toute sa famille, Renaud arriva au grand chantier de la cathédrale de Chartres. Il y avait tant besoin de bras aguerris et adroits qu’il fut aussitôt embauché. Le chantier était en effervescence. Le génie francilien s’épanouissait dans toute sa splendeur, offrant à l’humanité les fleurs de l’architecture les plus pures.

Le portail royal, avec ses trois portes tournées vers l’ouest, était recouvert de grandes statues de pierre, aux allures nobles et pleines de pudeur, aux élans profonds et dignes, aux regards débordants de vérité, aux visages francs et rayonnants : une impression de joie douce et vraie transparaissait sur tous ces personnages. Les statues figuraient la vérité de la religion, elles incarnaient l’amour de Dieu, parlaient de sa justice et de sa miséricorde, elles racontaient la gloire des élus et la force des martyrs, elles se lamentaient de la laideur du péché et chantaient la beauté de la vertu, la rédemption, le sacrifice de Dieu sur la Croix, les gloires de Marie. Elles murmuraient la douceur des saisons aussi, la noblesse des travaux de la terre : la vie des hommes vivant de la vie de Dieu même. Et de chaque côté des portails, les deux tours romanes, fortes et douces, montaient vers le ciel.

Renaud fut aussitôt conquis par la force de la statuaire du portail : jamais pareille richesse de statues n’avait été réalisée. Et avec quelle finesse ! Quelle sagesse ! Ce n’était pas un étalage ou une collection de figures, c’était un tout qui se lisait dans son ensemble, un tout qui parlait de Dieu : le portail de droite honorait la Vierge Marie, assise en Madone, son divin enfant sur les genoux ; le portail de gauche présentait l’Ascension au regard du pèlerin, promesse de l’espérance, et enfin, le grand portail central était dédié au Christ glorieux. Le portail de droite, c’est l’Incarnation, c’est le premier avènement de Jésus : sa venue sur terre. Il est offert aux hommes par Marie. Le Messie est précédé par les hommes de l’ancien testament qui le préfigurent : Joseph, Moïse, David. Ce premier avènement de Jésus trouve sa conclusion sur le portail de droite, Jésus monte au Ciel, emmenant avec lui l’espérance des hommes vers les cieux. Le Sauveur laisse derrière lui ses apôtres qui baptisent les peuples. Et le second avènement du Christ, majestueux sur le portail central, c’est celui de l’apocalypse : Jésus sur son trône de gloire, entouré des quatre animaux symboliques des évangélistes sur le tympan, des vingt-quatre vieillards alignés dans les cordons des voussures, et de ses apôtres, assis tels ses assesseurs dans le linteau pour juger les hommes. Et partout, dans les chapiteaux et les jambages entourant les trois grandes portes, se trouve représentée l’humanité : l’humanité qui travaille et accomplit par là sa rédemption. Elle fructifie ses vertus, par le travail de la terre, par l’étude et la méditation, par la pénitence et la prière. Par le labeur, l’homme se fait instrument dans les mains de Dieu, serviteur dévoué offrant ses talents à son maître, chacun à sa place, dans un tout qui dépasse la finitude humaine pour embrasser l’éternité.

Dans la pierre, toute la religion se trouvait résumée, tel un livre saint ouvert sur les âmes. Le spectacle était saisissant ! Renaud le Fort, sa femme, et leurs enfants, furent éblouis. Ce n’était plus de la pierre, c’étaient des visages, des couleurs, des tissus, des drapés, des lumières, des vertus, en un mot : c’était la vérité. La pierre s’effaçait, elle laissait la place aux hommes, aux anges, aux saints, à Dieu ! Elle n’était plus matière, elle devenait credo, elle n’était plus roc, elle était dogme, elle revêtait la vérité, elle portait la Révélation, catéchisme vivant, trésor de Dieu donné aux hommes : il suffisait de lire la cathédrale pour connaître la vérité qui sauve. La petite fille, saisie sur la grande statuaire, sa petite main blottie dans celle de son père, demanda innocemment, du fond de ses grands yeux émerveillés :

– Papa, c’est la porte du Ciel ?

Le père regarda tendrement sa fille. Oui, la petite avait raison ! Ce n’était pas une porte de pierre pour entrer dans un bâtiment terrestre qui se dressait devant eux, c’était la porte sainte de la vérité qui s’ouvrait sur la demeure de Dieu.

– Oui, ma fille, c’est la porte du Ciel !

Et cela était vrai. Cela est vrai.

Il fut un siècle où un peuple chrétien, travailleur, mit ses talents au service de son Créateur, pour parfaire la Création. Chacun à sa place, maçons, tailleurs, charpentiers, vitraillistes, architectes, au rythme des heures saintes, sur plusieurs générations, l’Europe baptisée édifia la demeure de Dieu. Aucune autre civilisation, aucune autre époque ne connut une telle effervescence religieuse. Chaque village se vit doté de son temple, bâti par ses habitants, librement, spontanément. Souvent, ils se rassemblaient tous autour du chantier, dans des tentes et chariots alignés en rond. Ils chantaient les heures ensemble, puis bâtissaient leur église. C’est pour cela que malgré les Guerres de Religions et la Révolution, nombre de villages comptent encore aujourd’hui en leur cœur une vieille église romane, héritage d’un lointain baptême.

Le travail est le châtiment donné par Dieu à Adam, mais il est aussi devenu l’honneur de l’homme qui, soumis à Dieu, offre son labeur en union au Sacrifice de la Croix. Le travail, dans une nature blessée par le péché, est aussi œuvre de restauration. Le travail, dans un monde fini, permet de parfaire la Création en répondant à l’injonction divine de soumettre la terre. Enfin, le travail, dans une vie, c’est aussi l’occasion de faire progresser ses talents, c’est-à-dire les prédispositions que Dieu a placées en chacun de nous pour tel ou tel métier ou activité, et par là, de faire briller un reflet de la gloire de Dieu. Cela est le devoir du vrai chrétien pour chaque époque, chaque personne et chaque métier.

Travailler, faire fructifier ses talents, c’est édifier la cathédrale de son âme. Sursum corda !

 

Bâtir une cathédrale…

 

C’est à l’Éternel qu’appartient la terre avec tout ce qu’elle contient, le monde avec tous ceux qui l’habitent,

Car il l’a fondée sur les mers et affermie sur les fleuves.

Qui pourra monter à la montagne de l’Éternel ? Qui pourra se tenir dans son lieu saint ?

Celui qui a les mains innocentes et le cœur pur, celui qui ne se livre pas au mensonge et qui ne fait pas de serments trompeurs.

Il obtiendra la bénédiction de l’Éternel, la justice du Dieu de son salut.

Telle est la génération de ceux qui te cherchent, qui aspirent après toi, Dieu de Jacob !

Portes, élevez vos linteaux ! Élevez-vous, portes éternelles ! Que le roi de gloire fasse son entrée !

Ps 24.

 Louis d’Henriques

 

Hodie, hodie

Notre citation pour janvier et février :  

Gentils pasteurs, qui veillez en la prée,

Abandonnez tout amour terrien,
Jésus est né et vous craignez de rien,
Chantez Noël de jour et de vesprée.
Noël !

Jean Danel (1490-1531)

Hodie, hodie

Motet sacré pour le jour de Noël, 1619

Choeur a cappella

Hodie, hodie

Christus natus est

Noe Noe Noe Noe

Aujourd’hui, aujourd’hui

Le Christ est né

Noël, Noël

Hodie, hodie

Salvator apparuit

Alleluia, Alleluia

Aujourd’hui, aujourd’hui

Le Sauveur est apparu

Alleluia, Alleluia

Hodie, hodie

In terra canunt Angeli

Laetantur Archangeli

Noe Noe Noe Noe

Aujourd’hui, aujourd’hui

Sur terre, chantent les Anges

Se réjouissent les Archanges

Noël, Noël

 

Hodie, hodie

Exultant justi dicentes

Gloria in excelsis Deo

Allelulia  Alleluia

Noe noe noe noe …

Aujourd’hui, aujourd’hui

Les justes exultent, disant

Gloire à Dieu au plus haut des cieux

Alleluia, Alleluia

Noël, Noël, Noël …

 

 

Partager son enthousiasme pour la lecture

Foyers Ardents a récemment rencontré une jeune mère de famille qui, au cœur de son village, a ouvert une bibliothèque accessible à tous dans une dépendance de son habitation.

Cette initiative nous a semblé excellente et nous avons décidé de la faire découvrir à nos lecteurs, qui auront peut-être envie de suivre son exemple et de faire ainsi fructifier un ou plusieurs talents…

 FA : Bonjour Laetitia, vous avez ouvert, il y a tout juste un an : Ma Biblio Catho, pouvez-vous nous dire comment cette idée originale et magnifique vous est venue à l’esprit ?

 LB : L’idée est venue tout simplement quand j’étais une jeune maman très disponible. En effet, je suis d’un naturel très actif et en début de mariage, j’avais beaucoup de temps libre. Ne souhaitant pas reprendre le travail, et comme je m’occupais plus ou moins de la procure de notre paroisse, j’ai eu idée d’exploiter ma passion pour les livres. J’ai commencé par acheter et revendre des bons livres d’occasion que je découvrais par de bons plans. Puis l’idée d’ouvrir un espace au public est venue car la disposition de la maison était adaptée. Aussi, je trouvais cela vraiment réjouissant de recevoir des personnes partageant la même ardeur pour la lecture car je me sentais terriblement… seule dans cette région totalement inconnue.

 FA : Quel est le but (ou les buts) recherché(s) à travers cette bibliothèque ?

LB : Mon objectif initial était de proposer aux parents des livres pour leurs enfants sans avoir à mettre des milles et des cents dans les achats de livres ; en effet, ceux-ci ne sont souvent lus qu’une fois (peut-être une fois par enfant et encore…) et coûtent cher. Je voulais « investir » pour les autres. Aussi, je voulais donner la possibilité à ces parents de venir me demander l’avis sur un livre ou voir si je pouvais le leur prêter avant de l’acheter.

Dans la réalité, j’ai actuellement plutôt un public d’adultes. Cela convient aussi car les personnes moins religieuses trouvent dans ma bibliothèque de quoi se divertir sainement à travers les ouvrages que je propose. « Petit à petit, l’oiseau fait son nid » comme on dit. On peut commencer avec un bon roman avant d’aller vers les témoignages puis la vie d’un saint pour en arriver à des ouvrages religieux et donc à des réflexions d’ordre plus moral et spirituel.

 FA : Vous proposez des livres bien sûr ; mais aussi d’autres produits attractifs ?

LB : En effet, Ma Biblio Catho est non seulement bibliothèque mais médiathèque et ludothèque. Je propose donc aussi des jeux de société comme les jeux de Loupio ou La Rose des Saints, ainsi que des CD de musique classique ou chants religieux, quelques bons DVD (pièces de théâtre, vraies vies édifiantes et aussi de bons films), des CD avec des histoires pour enfants à mettre dans la voiture quand on part en vacances, et autres divertissements tout à fait sains.

Je propose, une fois par mois, une matinée de découverte de jeux de société.

FA : Quels sont vos critères de choix pour les ouvrages que vous proposez ?

LB : Mes critères sont les références que je peux avoir d’abord par ma maman, puis des conseils de prêtres. J’ai aussi une amie religieuse qui m’a suggéré toute une liste d’excellents ouvrages. Les comités de lecture sont évidemment sources d’inspiration. Quoi qu’il arrive, je me fais mes propres opinions des ouvrages en les lisant tous avant de les proposer.

Parce que j’ai certaines convictions que je sais défendre par des arguments construits, je ne propose pas d’ouvrages de Fantastique ou Science-Fiction moderne. Et, concernant la politique, je n’ai que quelques ouvrages sur les fondements.

FA : Combien de livres avez-vous en stock ? Et comment vous les procurez-vous ?

LB : Je n’ai qu’une petite structure d’environ 600 ouvrages, pour l’instant. Et ils ne sont pas tous exposés car j’ai une étagère qui bouge régulièrement (période de Noël / période de la semaine sainte / proposition de revues, etc…). Beaucoup de livres sont des ouvrages qui appartiennent à ma famille et que je prête. J’achète beaucoup d’occasion (recherches ciblées) et j’ai de bons plans que je garde pour moi… Les quelques livres neufs achetés sur facture appartiennent à l’association Ma Biblio Catho. On m’a aussi donné plusieurs ouvrages pour la bibliothèque associative. Je propose un avoir pour les personnes qui donnent et / ou qui prêtent des livres à l’association, ce qui permet d’avoir aussi une bibliothèque non figée.

 FA : Dans le concret, combien de temps cela vous prend-il par semaine ?

LB : Au lancement, je passais beaucoup de temps pour chercher de bons livres d’occasion. C’était surtout du temps passé sur des sites internet divers et variés. Tout ce temps n’est pas compté. Aujourd’hui, ma bibliothèque n’est ouverte qu’un après-midi par semaine en plus d’un samedi par mois. C’est un temps que je réserve donc de manière exclusive à la Bibliothèque. Au début, je prenais sur ce temps pour référencer tous les ouvrages. Désormais, je le prends aussi pour couvrir les nouveaux arrivages. Je ne laisse pas un livre sortir sans qu’il soit recouvert.

 FA : Quelle est la principale difficulté rencontrée ?

LB : Mon point faible est ma base de données. Dieu merci, j’ai récemment fait la connaissance d’une jeune bibliothécaire qui m’aide à réparer cette lacune. En effet, ce n’est pas tant l’enregistrement de tous les ouvrages, qui est le plus compliqué, mais la gestion des entrées et sorties.

 FA : Quel accueil avez-vous rencontré dans votre village ?

LB : Quasiment tous nos voisins directs étaient présents pour la bénédiction de Ma Biblio Catho. Certains voisins sont mes plus fidèles clients. Au-delà, c’est mon manque de publicité qui a fait défaut. J’ai laissé faire le bouche à oreille car Ma Biblio Catho va déjà déménager…

 FA : Quels sont les moyens que vous avez mis en œuvre pour vous faire connaître ?

LB : Tout a commencé uniquement par mes connaissances. Certaines, de la région, ont parlé de moi et m’ont ramené du monde. J’ai aussi fait une sortie de la messe paroissiale de la petite ville la plus proche pour distribuer ma carte de visite. Après cela, j’avoue ne pas avoir beaucoup donné dans la publicité car j’ai une toute petite bibliothèque et je savais que nous n’allions pas demeurer dans la région très longtemps. En fait, notre présence dans la région n’aura pas duré deux ans, mais j’ai bien l’intention de déménager Ma Biblio Catho ! Un sondage a d’ailleurs déjà été lancé en Vendée pour connaître les attentes du public et mieux organiser mon installation.

 FA : Personnellement, pouvez-vous nous dire après cette première année d’ouverture ce que cette expérience vous a apporté ? Ses richesses ? Et éventuellement vos projets d’amélioration ?

LB : Honnêtement, j’ai été très déçue du manque d’intérêt d’un public que j’espérais viser. Nous habitons à dix minutes de Paray-le-Monial (Apparitions du Sacré-Cœur à sainte Marguerite Marie Alacoque). C’est donc une région assez croyante, j’espérais toucher toutes ces familles qui fréquentent l’école privée hors-contrat de Paray-le-Monial, mais j’ai appris à mes dépens plusieurs choses :

– Les jeunes que je pensais toucher ne lisent pas autant que les jeunes conservateurs ou traditionnalistes ; ou s’ils lisent, ce sont des ouvrages que l’on trouve partout. Autant dire que ce n’est pas ce que je vise comme public puisque mon idée est bien de proposer ce que l’on ne trouve dans aucune autre bibliothèque publique.

– Il est difficile de « faire bouger » les gens qui ont déjà leurs habitudes. Ils sont bien dans leur petite ville. Ils ont des librairies à quelques coups de pédales, pourquoi prendre la voiture pour fréquenter une petite bibliothèque ?

– La localisation n’aide pas, il faut le dire. Nous sommes non seulement excentrés, mais les gens n’aiment pas beaucoup avoir l’impression de rentrer chez nous (même si nous sommes dans une dépendance de la maison). Le public est réticent à aller chez les gens. Lorsque je déménagerai Ma Biblio Catho, j’ai l’intention de l’ouvrir dans un bourg, avec une vraie visibilité, avec pignon sur rue. La visibilité est essentielle si on veut que ça fonctionne. J’aurais été en centre-ville de Paray-le-Monial, je suis sûre que ça aurait mieux pris.

Malgré cette déception, j’ai réalisé que j’avais touché, de manière inattendue, des personnes plus mûres. L’apostolat aura été de courte durée mais c’est toujours cela qui a été semé. Cela me suffit pour me donner l’envie de continuer et de faire mieux.

 FA : Recommanderiez-vous à d’autres cette initiative ? Quelles qualités principales cela demande-t-il ?

LB : Je recommande, oui, bien sûr ! Pourquoi pas, même, en étant rattaché à l’association Ma Biblio Catho ? Pour les qualités, il faut avant tout aimer lire ! Que cela concerne le roman jusqu’à la morale, on doit être capable de répondre à toutes les questions (ou presque) qui sont susceptibles de nous être posées. Pour ma part, j’ai une expérience d’aide-documentaliste qui m’a aidé à monter tout cela mais il suffit d’avoir une grande qualité : l’organisation. Il faut aimer le contact social, évidemment ! Partager quelque chose que l’on aime doit être presque de l’ordre de la passion. La passion est bonne quand on se passionne pour les bonnes choses !

 FA : Un très grand merci, chère Laetitia, pour ce témoignage très intéressant qui va sans doute faire des émules ! Et bon courage pour le déménagement !

 

Utiliser ses talents pour progresser

Edgar Grospiron, champion de ski à bosses, médaillé d’or aux jeux olympiques de 1992, raconte : « Je suis devenu champion du monde à 19 ans, grâce à ma vitesse : c’était mon point fort n°1. Mais je faisais des fautes techniques et la technique, c’est 50% de la note totale. J’ai donc décidé d’améliorer ma technique pour rester au top. C’était impossible en skiant à une telle vitesse. Il fallait que je ralentisse. Et même comme ça, il me faudrait des années pour progresser vraiment. Nano, mon entraîneur, m’a conseillé une autre stratégie. À l’époque, je descendais une piste en 32 secondes. Il m’a demandé de réduire mon chrono à 30 secondes. Quand j’y suis parvenu, il m’a fixé un nouveau temps : 28 secondes. Pour moi, c’était le bonheur total de skier toujours plus vite, et j’ai atteint ces 28 secondes en seulement quelques semaines. Ce jour-là, Nano m’a dit : « Objectif atteint : tu descends à une telle vitesse qu’on n’arrive plus à voir tes fautes ! »

« Je passais mon temps à m’améliorer sur mes forces. J’avais une grosse exigence sur mes points forts, et plus je travaillais dessus, plus j’étais bon même là où j’étais mauvais (sic). Ça m’a permis de donner le meilleur de moi-même, toujours plus, toujours mieux. »

Quelles leçons tirer de cet exemple ?

Nous ne sommes pas candidats aux jeux olympiques, mais nous devons gagner la course vers le ciel (cf. saint Paul), et pour cela remplir au mieux notre devoir d’état de père, nourricier, éducateur et gardien de l’équilibre et de la paix de notre famille sur cette terre.

Tel un sportif, nous développerons nos talents de père et les talents de nos enfants principalement par l’entraînement et par l’expérience. Bien sûr, les bons conseils seront indispensables, la réflexion et la prière aussi. Mais il faudra surtout nous relever de nos chutes ou erreurs inévitables avec une grande persévérance.

Comme notre sportif, n’envions pas les talents des autres, mais cultivons les nôtres. Le Bon Dieu nous a donné ceux qui nous conviennent ! Au fait, les connaissons-nous suffisamment ?

Identifions-les pour les faire fructifier selon les consignes de l’Evangile. Nous en avons bien plus d’un, au moins cinq ou dix talents… Sinon, pourquoi notre femme nous aurait-elle épousé ?

Développons donc les talents liés à notre état pour les sublimer et les élargir. Ils compenseront puis réduiront nos faiblesses.

Chacun comprend que les talents à usage professionnels sont à cultiver pour servir l’intérêt collectif de ses clients et de ses collaborateurs, assurer le bien-être de sa famille, réaliser un travail épanouissant…

Nous comprenons aussi que le bonheur dans le mariage et l’entretien de l’amour mutuel passent par un don de soi sans cesse renouvelé, une volonté de donner le meilleur de soi-même, donc d’avoir quelque chose à donner !

Mais peut-être oublions-nous parfois que Dieu n’a pas allumé le lampadaire de notre Foi et de nos qualités pour qu’elles restent sous le boisseau… Elles doivent luire aux yeux des hommes, non seulement par le bon exemple, mais par la participation au Bien Commun de la société. En particulier, les sociétés qui nous sont proches : la paroisse, l’école, le groupe de familles ou de jeunes, la commune et les associations.

Et avec nos enfants ?

Certains pères sont déstabilisés face à leurs enfants, tentés de déléguer (délaisser) totalement l’enjeu à leur épouse, à l’école et aux bons prêtres et religieuses qu’ils ont choisis et qu’ils financent… N’est-ce pas déjà bien ?

Pourtant, Dieu nous a fait pères, et nous a confié des enfants à faire grandir et à conduire au ciel, avec les grâces d’état de notre mariage. Pour cela, la présence du père auprès des enfants, passant du temps avec eux au moins le dimanche, est essentielle. On ne compte plus les études qui montrent le traumatisme, l’insécurité, le manque de confiance, la contamination des mauvaises influences liés à l’absence du père.

Alors, si nous pensons : « Je ne sais pas faire avec les jeunes enfants (puis avec les ados, puis avec les grands…).» « Je ne le comprends pas, » « avec lui, ça ne marche pas alors qu’avec son frère, c’était facile… ; » faisons comme notre champion olympique : retournons le problème !

Commençons par nous réjouir de la variété des tempéraments que Dieu a mis dans nos enfants, chacun reflétant une partie de l’image de Dieu. À nous de chercher leurs qualités avec persévérance, et de trouver ainsi les clés adaptées à chacun.

Pour cela, rien de tel que l’observation des enfants dans leur quotidien, dans les moments où nous jouons ou travaillons avec eux ! Encore faut-il y passer un peu de temps. Puis au calme, comparons régulièrement nos observations entre époux : « J’ai vu ceci chez Marc aujourd’hui, il m’a étonné par telle qualité (ou telle difficulté). Comment pouvons-nous l’aider ? »

Comme le coach sportif, encourageons-les à développer les talents qu’ils ont reçus. Il faut bien sûr, comme pour le skieur, aider à corriger les défauts éliminatoires : ceux qui font sortir de la piste (de la bonne voie) ou font tomber (dans le péché délibéré). Il faut aussi apprendre le sens de l’effort, de la persévérance, du courage pour se relever après une faute ou un échec. Mais la motivation de notre enfant pour valoriser ses talents sera une source d’énergie et de confiance en lui absolument indispensable. Avec elle, le progrès sera possible, sans elle, il sera difficile.

Comment utilisons-nous nos talents ?

Comment, nous les pères, allons-nous avoir le contact avec nos enfants si différents ? Appuyons-nous déjà sur nos propres points forts pour les transmettre ou au moins les vivre avec nos enfants.

Aimons-nous le jeu, le sport, les histoires, les visites, les promenades, les discussions, le bricolage, le dessin, écouter de la musique ou des conférences ? Peu importe, ce qui compte, c’est de commencer à partager nos points forts avec nos enfants.

Plus détendus dans ce que nous aimons, nous aurons envie de nous mettre à leur portée pour partager et transmettre, nous verrons mieux leurs réactions. Créons des rituels, la promenade à vélo ou à pied du dimanche, la vie de saint racontée un soir, le jeu de cartes familial… Nous serons agréablement surpris de voir les effets positifs de ces moments de qualité passés ensemble, même s’ils ne se produisent qu’une fois par semaine.

A travers ces moments du quotidien vécus ensemble, compléments indispensables des discours et de la prière familiale, nous développerons les aspirations des cœurs pour qu’ils soient épris d’idéal, qu’ils ne s’arrêtent pas aux idoles qu’ils rencontreront en route, mais qu’ils poursuivent leurs efforts jusqu’à approcher les trois sommets de la vie : le Vrai, le Beau et le Bien1.

 

Hervé Lepère

1 D’après le père Charmot – Esquisse d’une pédagogie familiale.