Maison de famille

Depuis la plus haute Antiquité, la notion de famille s’est ancrée dans un territoire, qui limitait l’influence de la familia romaine, du clan mérovingien ou de la demeure médiévale. Mais cette famille avait souvent un sens beaucoup plus large que le nôtre car elle regroupait les familiers, les domestiques, les paysans ou les ouvriers, tous ceux qui fréquentaient la maisonnée et la zone géographique sous son influence.

Il ne nous reste pas grand-chose de cette interaction avec une terre, un village, ou une région. L’appartenance à une famille se limite à nos proches, et nombreux sont les jeunes qui connaissent à peine leurs grands-parents, ou les frères et sœurs de leurs parents. C’est une notion très moderne qui va de pair avec la dislocation de la cellule familiale, qui n’est plus le noyau dur de la société contemporaine, le solide fondement de l’ordre chrétien. Cela crée des individus sans base, sans racine, exportables dans n’importe quel pays, sans fidélité ou attachement à la terre de leurs ancêtres, sans atome crochu avec ceux de leur sang.

Pour lutter contre cette tendance lourde de conséquences, il est nécessaire de « revenir à la terre », d’avoir un lieu d’ancrage quelque part en province, de stabiliser les siens autour d’un lieu où ils puissent venir se retrouver, se ressourcer, se reposer, reprendre leur souffle, être chez eux. C’est la raison d’être de la « Maison de Famille », qui est le lieu où l’on maintient l’esprit de famille, où l’on s’entraide, où l’on sait que toutes les générations trouveront leur réconfort, où l’on cultive la confiance et la générosité.

Rares sont encore les maisons de famille qui subsistent à travers les siècles et restent dans la même lignée au fil du temps, mais elles sont souvent le témoignage matériel de la pérennité de cette institution et de la grâce divine du mariage, de la force du clan familial chrétien qui a perduré tout au long de ces générations.

 

Saint Michel et saints de France

Le culte de saint Michel s’est répandu dans toute l’Europe à partir du Ve siècle et des apparitions du grand Archange au Mont Gargan, dans les Pouilles, en Italie. En France, c’est son apparition à saint Aubert, en 708, qui fut à l’origine de la première basilique du Mont-Saint-Michel, qui devint un des lieux les plus fréquentés par les pèlerins du Moyen-Age. Les « Miquelots », pèlerins de toute l’Europe, venaient vénérer le guerrier invincible et le défenseur de la Chrétienté, après être passés par bien des lieux de dévotion consacrés à tous ces saints dont notre pays foisonne.

 Ecoutons plutôt ce qu’en dit l’historienne Régine Pernoud1 :

« Ils sont partout. Ils surgissent à tout instant, à chaque croisée de chemin, à chaque tournant de route, et pour nous, qui contemplons le spectacle de la distance de notre XXe siècle, à chaque tournant de page.

De qui s’agit-il ? Des saints. Aux temps féodaux et même dès la période franque au Ve siècle, impossible de faire un pas, de visiter un monument, d’ouvrir un manuscrit sans les rencontrer. En rangs de plus en plus serrés à mesure qu’on avance au cours des âges. Durant les deux siècles médiévaux encore, leur nombre s’accroît bon an mal an. Pour le médiéviste, c’est simple routine. Mais qui finit par faire question : pourquoi, comment tant de saints et de saintes ? Ils donnent leurs noms aux personnes, et plus encore aux églises, aux monastères et de même aux localités, villes et hameaux. Pas un édifice religieux ou civil qui n’évoque, sculpté ou peint, tel ou tel saint ou sainte ; leur histoire alimente l’iconographie, guide le pinceau du fresquiste, le ciseau du tailleur de pierre, l’outil du maître verrier, et aussi la plume du copiste. Tous les modes d’expression sont bons pour rappeler leur mémoire : arts plastiques, poésie, théâtre. On se transmet le récit de leur passion, on va vénérer leurs reliques ; et pour abriter celles-ci, on conçoit tout un mobilier éblouissant : chasses d’argent et d’or, réhaussées d’émaux et de pierres précieuses. Rien n’est trop beau pour eux. […]

Au début du XIIe siècle, les saints ont littéralement envahi le territoire. […] Le plus souvent, les villes de France sont désignées par leur sanctuaire principal : pour le pèlerin, la ville ne vaut que par le saint ».

Ces sanctuaires existent toujours, du moins pour ceux qui ont traversé les guerres de religion et la Révolution. Nous pouvons encore les visiter et les honorer. Leur force protectrice et bienveillante est toujours présente. Toutes ces reliques n’attendent que notre vénération pour vivifier à nouveau la foi de notre pays. Alors, n’hésitons pas, du Mont-Saint-Michel à saint Gilles du Gard, de saint Hilaire de Poitiers à saint Martin de Tours, de saint Eutrope de Saintes à saint Hugues de Cluny (…) à reprendre ces routes ancestrales dont nous sommes fiers, et à demander aux saints leur intercession.

Comme dit le cantique : « Saints de France à qui notre histoire doit ses jours de plus belle gloire, dans le malheur et le danger, vous saurez bien nous protéger… »

 

1 Les Saints au Moyen-Age, Plon, 1985.

 

Couples fondateurs

Il est de nombreux exemples dans l’histoire des hommes, qu’elle soit politique, artistique ou religieuse, où nous trouvons des « couples-fondateurs », assemblés pour le succès de telle cause ou pour la création de telle institution.

Beaucoup de grands hommes ont leur inspiratrice secrète, telle Madame de Maintenon pour Louis XIV, ou leur muse créatrice, telle Cassandre pour Ronsard, qu’ils le reconnaissent ou non. Et l’influence féminine, si elle n’agit pas directement, sait susciter les plus belles destinées, comme les plus féroces batailles. Nous ne pouvons citer ici toutes les muses artistiques des grands peintres, mais les livres d’histoire de l’art sont remplis de portraits féminins évocateurs de l’inspiration créatrice des égéries de tous les siècles.

De même, les plus grands destins féminins, ont souvent été soutenus par les œuvres d’hommes de qualité, citons seulement l’œuvre de réforme du Carmel de sainte Thérèse d’Avila, docteur de l’Eglise, qui a été prolongée et confortée par saint Jean de la Croix.

On retrouve également ces binômes dans les œuvres conjointes de saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal, de saint Vincent de Paul et sainte Louise de Marillac, de saint Pierre Fourier et de la bienheureuse Alix Le Clerc. Comme si la sainteté de l’un, et son rayonnement, trouvaient écho et leur plein épanouissement dans une œuvre féminine jumelle.

De la même façon que l’homme et la femme sont complémentaires dans la parentalité, nombre de grandes réalisations humaines ont eu besoin pour leur engendrement de « parents spirituels », d’un homme et d’une femme qui ont mis leurs compétences en commun pour œuvrer de concert à l’expansion du bien. C’est, somme toute, une autre façon d’obéir au précepte de la Genèse, donné par le Créateur à Adam et Eve en commun : « Croissez et multipliez ! »

 

Ecolo avant l’heure

Il est amusant de remarquer que nombre de saints et de religieux ont été des écolos avant l’heure. Et comment s’en étonner, quand on se souvient des préceptes du Créateur dans la Genèse qui créa la Terre et l’univers, et tout ce qui les compose, afin que la vie de l’homme soit harmonieuse au paradis terrestre, et qu’il puisse soumettre la Création dans le respect des lois divines. « Croissez et multipliez. »

N’est-ce pas ce que se sont acharnés à faire tous ces moines bénédictins qui ont façonné le paysage français pendant des siècles en défrichant de vastes zones et en les transformant en terres cultivables pour les paysans des environs ? Ils ne se posaient pas la question de savoir s’ils respectaient l’environnement, car ils savaient qu’ils participaient à faire fructifier un bien que le Bon Dieu leur avait donné. Il n’était pas question de décroissance à l’époque, ni de respect de la forêt primaire, car c’était une question de survie alimentaire pour les populations environnantes.

Nous avons également les exemples de tous ces saints ermites qui, dans leur lieu d’ermitage, étaient soutenus au jour le jour par un animal familier : une biche pour saint Gilles, un chien pour saint Roch, ou le chien gris de Don Bosco, qui leur était providentiellement envoyé pour leur procurer le ravitaillement ou les soins et la protection que leur dénuement volontaire ne pouvait leur fournir. Dieu se servait de ces animaux pour soutenir ces saints qui lui avaient tout abandonné. On voit bien ici l’étroite connivence entre les créatures et leur Créateur, ainsi que le soin paternel que le Bon Dieu prodigue aux âmes qui lui sont consacrées. Il leur fournit à la fois des biens spirituels, mais également les moyens naturels de poursuivre leur vie d’adoration. Pourquoi ? Parce que tout lui a été abandonné.

Pas de planification, ni de sommet sur le climat, ni même de météorologie là-dedans. Ces hommes ne prévoyaient rien, mais ils avaient ce qu’il leur fallait, pour peu (!) qu’ils vivent dans l’amour du Bon Dieu. C’est également le cas des communautés qui, encore aujourd’hui, ne vivent que des largesses des donateurs, et ne se nourrissent que grâce à leur générosité.

Que dire encore de la relation qu’un saint François d’Assise avait avec la Nature ! Elle ferait pâlir de jalousie nos Verts modernes. Cette intimité fraternelle avec Dame Nature, Frère Soleil, Frère Loup ou ces oiseaux pour lesquels il prêchait, est vraiment surprenante. C’est un reflet de ce qui pouvait se passer au Paradis terrestre avant le péché originel.

 

 

Alors, « l’écologie chrétienne » a toujours existé, mais avec une dimension bien supérieure aux pauvres vues humaines qui président ce retour à la Nature, actuel. Ses fondements datent des premiers jours de l’Homme, du temps de sa dilection et de l’osmose entre la Création et Adam et Eve au Paradis terrestre. Elle est toujours un corollaire de la relation d’amour qui existe entre Dieu et les hommes, pour peu qu’ils se soumettent à ses commandements, véritable mode d’emploi de la Création, et qu’ils lui abandonnent leurs intérêts matériels.

Ce n’est pas en voulant tout contrôler et se mettre à la place du Créateur que l’homme moderne va retrouver cette innocence et cette juvénilité de la Nature,  ainsi que l’harmonie perdue du Paradis terrestre, qu’il recherche toujours avec tant de nostalgie.

 

Respect humain ou apostolat ?

Les saints, les grands hommes d’état, ou les chefs de valeur, ont souvent commencé par témoigner de leur Foi et de leur courage dans de petites choses. Ils y ont acquis un entraînement de la volonté, une sorte de baptême du feu, qui leur a permis plus tard d’avoir « l’habitus » de la vertu et du courage. C’est le cas de nombreux martyrs, qui s’exerçaient à une multitude de petites privations au quotidien, afin de ne pas faillir si le jour venait où des douleurs plus grandes se présenteraient.

C’est, dans un moindre cas, l’exemple fameux dont témoigna le Maréchal Leclerc. Une des premières batailles qu’il eut à mener, et une des plus redoutables selon ses dires, fut une bataille contre lui-même, et contre le respect humain. Durant ses études, il était le seul dans son dortoir à dire sa prière à genoux au pied de son lit, malgré les quolibets et les projectiles qu’il recevait pour le distraire de ses oraisons. A force de maintenir fermement sa position, il s’attira le respect de ses camarades, mais surtout, des grâces divines et une force de caractère et une rectitude qui lui servirent tout au long de sa carrière.

Nous ne devons pas avoir peur d’être fiers d’être catholiques. Cacher ses convictions, c’est ignorer la chance extrême que nous avons d’avoir la Foi. C’est être ingrats envers Celui qui nous a fait la grâce de nous la donner. C’est laisser le terrain à ceux qui ont le malheur de ne pas croire. C’est reprendre à notre compte les arguments des ennemis de l’Eglise, qui veulent imposer que la Foi soit cachée. C’est surtout priver les incroyants d’un témoignage qui pourrait les faire réfléchir et les convertir.

Cette théorie de l’enfouissement, nous la subissons maintenant depuis 60 ans, et elle porte ses fruits frelatés de déchristianisation, faute de catholiques qui témoignent de la vraie Foi, au jour le jour.  Alors, notre lampe merveilleuse, la lumière de notre foi, ne nous a pas été donnée pour que nous la cachions sous le boisseau. Nous savons très bien que la conversion de nos contemporains dépendra du courage de notre témoignage et de la grâce surabondante que le Bon Dieu voudra bien y ajouter.