Ne nous décourageons pas !

Certains d’entre nous, plus lucides que la majorité, pourraient se décourager devant l’état de déliquescence de notre civilisation chrétienne occidentale. De ce fait, une certaine langueur les atteint, qui les freine dans leur action ou dans le développement de leurs talents personnels.

William J. Slattery, loin de leur donner raison, leur énonce des raisons d’espérer1 :

« Plutôt que de considérer l’Eglise comme quelque chose d’ancien, avec la tentation de se dire que sa jeunesse et sa maturité créative sont derrière elle, nous prenons conscience qu’elle n’est peut-être pas encore sortie de l’enfance. 

Il y a une chose que nous savons avec certitude : l’Eglise du Christ divinement constituée porte en elle une sagesse et une énergie dotées d’une éternelle jeunesse. Ni la persécution, ni les chefs incapables ou corrompus, ni les catastrophes de l’Histoire ne parviendront jamais à la dévitaliser. « La Chrétienté a subi un certain nombre de bouleversements dont le christianisme est mort chaque fois, écrivait Chesterton. Il est mort et s’est relevé de chacune de ses morts, car son Dieu sait comment on sort du tombeau ». Sa vitalité, si manifeste dans son passage des catacombes aux cathédrales du premier millénaire, la rend pleinement apte à mener une autre lutte herculéenne pour faire naître une nouvelle civilisation chrétienne. Nécessairement nouvelle – abandonnons les illusions – parce que la « civilisation occidentale » d’aujourd’hui, devenue culture globale dominante, s’empresse de se débarrasser de tous les symboles chrétiens publics, éliminant la morale chrétienne de ses institutions, de ses programmes éducatifs et de sa conscience médicale ; elle aura bientôt achevé de détruire jusqu’à l’esprit chrétien qui seul consolidait ses fondations. L’Occident s’est tragiquement condamné lui-même, et il n’apparaît pas qu’il soit récupérable.

La nouvelle civilisation chrétienne peut commencer n’importe où. Peut-être même, une fois de plus, en Occident, en Amérique et en Europe. Car cette société en décomposition compte des hommes et des femmes au cœur ardent, entièrement convaincus que Jésus-Christ est le Seigneur de toutes les dimensions de la vie ; des minorités créatives qui œuvrent à faire renaître de ses cendres le phénix des idéaux sociaux-chrétiens ; qui, encore aujourd’hui, jour après jour, prient, étudient, parlent et agissent pour construire sur la vérité une culture de vie et un ordre de liberté centrés sur le Christ. (…)

La tâche de bâtir une civilisation chrétienne peut paraître décourageante, mais nous pouvons agir en nous rappelant comment elle a été construite la première fois : sous l’impulsion de la conviction que Jésus-Christ est le seul sauveur de l’humanité, qu’il n’y a que dans la foi catholique que l’homme peut trouver la plénitude de la vérité ; qu’il ne peut y avoir de paix avec la dictature du relativisme ; que ni le syncrétisme ni le faux œcuménisme ne sont envisageables ; que l’amour du catholicisme pour Dieu, pour chaque homme et pour chaque femme en fait une religion ouverte sur le monde qui propose « l’antique vérité » à tous, avec ardeur et intelligence ; et que chacun de nous a un rôle à jouer.

Car une civilisation est construite ou détruite non pas par des réalités sans nom, mais par la force des actions cumulées d’individus qui changent les choses parce qu’ils font usage de leur créativité, de leur liberté avec le soutien de la grâce sanctifiante. Avant toute révolution sociale, il faut une révolution intérieure. C’est dans l’âme que l’histoire est faite, dans ce sanctuaire secret où toute la puissance des hommes politiques, des législateurs, des militaires et des médias des régimes totalitaires est toujours réduite à néant. Et ce sanctuaire est la raison d’être du catholicisme : c’est dans la mesure où il y pénètre avec les vérités divines, la sanctifiant avec la vie surnaturelle et la guidant vers l’union avec Dieu dans le Corps Mystique du Christ qu’il devient l’irremplaçable bâtisseur d’une civilisation véritablement chrétienne.

Dans cette mission la plus urgente, la plus cruciale – car qu’y a-t-il de plus urgent, de plus crucial que le salut éternel ou la damnation ? – le catholique devra défier les forces d’un monde hostile au Christ et être défié par elles. (…)

Dans le feu de la guerre spirituelle, son cœur sera renforcé par le souvenir de la longue lignée de catholiques héroïques et créatifs qui l’ont précédé et lui ont ouvert la voie. Mais il y aura plus que le souvenir : il y aura la présence mystique. »