Un sacrifice, c’est dur quand on l’avale

Un dimanche soir, après 20 km au pèlerinage de Pentecôte, les enfants âgés de 7 à 12 ans traînent la patte sous le soleil…Vont-ils tenir pour l’heure de marche restante ?

« Les enfants, dit le chef de chapitre, vous êtes fatigués, c’est normal ! C’est l’occasion de gagner encore plus de mérites : chacun va offrir ses difficultés, sa fatigue, ses ampoules s’il en a, de tout son cœur, par amour de Jésus et de Notre-Dame, comme un sacrifice pour une intention personnelle : ses parents ou grands-parents s’ils sont malades ou en difficulté ; la famille, un camarade ou des voisins à convertir ; les vocations qu’il connaît… Vous êtes d’accord pour essayer ? Alors prions et chantons de tout notre cœur maintenant.»

Instantanément, et comme chaque année, les enfants répondent présent, le chant est plus fort, le groupe se resserre et reprend un rythme de marche régulier. Parfois on chante « un sacrifice, c’est dur quand on l’avale… Mais après ça, on dirait que c’est du sucre ! »

Que s’est-il passé ?

Les intentions concrètes ont facilité le sacrifice, l’oubli de soi et de ses douleurs (réelles). Elles ont redonné une motivation et un courage. L’exemple des plus faibles va stimuler les autres. Une fois l’étape atteinte, la légitime fierté d’y être arrivé va fortifier la confiance en soi pour les prochaines épreuves : « J’ai été capable de le faire, je pourrai recommencer ! »

Enfants ou adultes, notre nature humaine est ainsi faite. Nous avons besoin de nous oublier et de rester concrets pour progresser avec la grâce de Dieu.

Des actions insignifiantes méritoires et formatrices !

Bossuet, qui fut un grand directeur de conscience, « aux grands efforts extraordinaires où l’on s’élève par de grands élans, mais d’où l’on retombe d’une chute profonde », préférait « les petits sacrifices qui sont quelquefois les plus crucifiants et les plus anéantissants, les gains modestes, mais sûrs, les actes faciles mais répétés et qui tournent en habitudes insensibles… »

« En effet, l’homme courageux n’est point celui qui accomplit quelque grand acte de courage, mais bien celui qui accomplit courageusement tous les actes de la vie… Nous devons, à défaut de grands efforts, en accomplir à toute heure, de petits, excellement et avec amour. La grande règle, c’est d’échapper, jusque dans les petites actions, à la vassalité de la paresse, des désirs et des impulsions du dehors… On vous appelle pendant votre travail (ou votre épouse vous demande un service), vous avez un mouvement d’humeur : aussitôt levez-vous, contraignez-vous à aller vivement et joyeusement où on vous appelle… La devanture d’un magasin vous attire à l’heure où vous rentrez : passez de l’autre côté de la rue et marchez rapidement1… » Faire les comptes et gérer les papiers administratifs vous répugne : astreignez-vous à les traiter au moins une fois par mois dès le début du week-end… Un plat manque de sel, taisez-vous et contentez-vous de ce qui est servi… C’est par de tels « crucifiements » que vous vous habituerez à triompher de vos penchants, à progresser et à donner l’exemple sans vous laisser décourager par les échecs et les difficultés. Rien n’est perdu, chaque action apporte à la formation du caractère et au progrès spirituel sa quote-part. Chaque victoire, si petite soit-elle, diminue l’effort du lendemain.

Nous avons bien compris que ces considérations valent pour l’éducation de nos enfants, mais elles sont d’abord utiles pour nous-mêmes. Comment prêcher ce qu’on n’essaie pas soi-même de pratiquer ? Comme les petits pèlerins, il nous faut travailler dans le concret de l’instant présent.

N.D. de Fatima nous invite au sacrifice quotidien

Chacun sait combien Notre-Dame a insisté auprès des voyants sur l’importance des sacrifices « pour les pauvres pécheurs ». Lucie a précisé le 20 avril 19432 : « La pénitence que le Bon Dieu demande c’est le sacrifice que chacun doit s’imposer à lui-même pour mener une vie de droiture dans l’obéissance à sa loi. Il veut pour mortification l’accomplissement simple et honnête des tâches quotidiennes et l’acceptation des peines et des soucis. Étant à la chapelle à minuit, Notre-Seigneur me disait : le sacrifice exigé de chacun est l’accomplissement de son propre devoir et l’observation de ma loi ; c’est la pénitence que maintenant je demande et j’exige.» Puis en 1957, Lucie ajoutera « Chacun doit non seulement sauver son âme mais aussi toutes les âmes que Dieu a placées sur son chemin3.»  

Voilà donc un programme exaltant et simple tout tracé pour les pères de famille ! Il ne s’agit pas de nous perdre dans des rêves inaccessibles, mais de profiter de chaque circonstance présente pour en faire un acte d’amour ou de renoncement à notre volonté propre, pour le bien de notre épouse, de nos enfants, de ceux qui nous sont chers… Le Bon Dieu qui nous a voulus pères, a voulu que notre amour familial soit inséparable de l’amour de Dieu, et nous soit une aide pour aller vers Lui. Que nos efforts ne soient ni trop rigides, ni trop lâches, qu’ils gardent assez de souplesse et d’équilibre pour ne pas devenir un obstacle à notre activité, à notre paix ou à notre bonne humeur. Mais, comme les B.A. (bonnes actions) des scouts, que nos sacrifices soient quotidiens. Il nous semblera de plus en plus naturel d’en faire, et nous soutiendrons ainsi notre progrès surnaturel et celui de notre famille.

Haut les cœurs !

« Si vous voulez être des vainqueurs, luttez et établissez triomphante la vertu dans votre cœur, creusez profondément, même au prix des plus héroïques sacrifices, le sillon du bien ; exercez vos facultés par cette gymnastique fatigante, c’est vrai, mais fortifiante de l’habitude4 ».   

Pour y arriver, pratiquons cette devise que la Croisade Eucharistique enseigne à nos enfants : « Prie, Communie, Sacrifie-toi, Sois apôtre ! »

Le Bon Dieu nous attend dans le concret de chaque jour, notre épouse et nos enfants aussi !

Hervé Lepère

 

1 F.A. Vuillermet, OP, Soyez des hommes.

2 Lettre à Mgr Fereira da Silva, Fatima, manuel du pèlerin, éditions parthenon – 2017.

3 Au père Fuentes, idem.

4 F.A Vuillermet, OP

 

 

Cultivons la paix et l’optimisme 1

Vous avez certainement rencontré M. Catastrophe… Cet homme modèle, sérieux, voire grave. A la sortie de la messe ou chez des amis, il écoute attentivement ce qu’on dit. Mais à la moindre réflexion encourageante qui passe, il lance : « Je ne suis pas d’accord…C’est évident que la situation s’aggrave, le danger est là, untel a fait une erreur… Je ne sais pas comment nous allons nous en sortir… » Son discours refroidit l’ambiance, à moins qu’il ne la tende si un inconscient ose protester en apportant des éléments positifs. Le messager de mauvaises nouvelles, s’il ne se cabre pas, se recule derrière son œuvre : « Je n’ai fait que des constatations et suppositions, qui vivra verra ! » Il se tait mais le mal est fait : son entourage aura un peu moins de courage, un peu moins de douceur à opposer à la dureté de la vie ce jour-là. L’inquiétude est au cœur, elle grandit, sera probablement colportée, amplifiée, et refera la néfaste besogne.

Au-delà d’être humainement lourd à porter, le pessimisme est moralement mauvais. « Le désespoir contemporain est le fruit de l’humanité athée », pensait Saint-Exupéry. Aux âmes en état de grâce et de bonne volonté, saint Ignace de Loyola enseigne : « C’est le propre du mauvais esprit de leur causer de la tristesse, des tourments de conscience, d’élever devant elles des obstacles, de les troubler par des raisonnements faux, afin d’arrêter leurs progrès dans le chemin de la vertu. Au contraire, c’est le propre du bon esprit de leur donner du courage et des forces, de les consoler… et de les établir dans le calme2. »

Bien sûr, la croix fait partie de notre vie – rien ne se fait sans travail et sans effort – mais il nous faut chasser les tentations de tristesse, d’inquiétude et de trouble face aux difficultés, pour trouver la paix et la joie de Dieu, ouvrir les cœurs à l’amour et à l’Espérance, et fortifier les volontés pour accomplir le Bien. Le père de famille joue un rôle essentiel pour le bien de sa famille et l’équilibre de ses enfants en montrant l’exemple sur ce point.

Bienheureux les artisans de paix !

Commençons donc par accepter calmement les frictions avec les autres ou à apaiser les relations entre époux, entre enfants, en famille élargie, avec les collègues ou les voisins… « Mettre l’union dans les cœurs, c’est travailler avec Jésus ; mettre la discorde, c’est travailler avec le démon. Si donc l’occasion se présente de contribuer à rétablir ou à consolider la paix, n’y manquons jamais. D’un mot, on peut pacifier un cœur meurtri, d’un mot aussi, on peut lui donner plus d’aigreur. Si même il faut, pour le bien de la paix, faire une concession, un premier pas, un geste amical, s’il faut oublier une offense, un mauvais procédé, quelques fois briser son cœur, n’hésitons pas. Souvenons-nous que bienheureux sont les pacifiques. Jésus leur promet, en récompense de leur collaboration à son œuvre de paix, qu’ils seront fils de Dieu3. »

Si vos enfants vous voient rester en paix, chercher la paix malgré les désaccords même légitimes, malgré les soucis de la vie, ils comprendront  quelque chose de la miséricorde de Dieu et de son amour.

Si la tentation ne vient pas de nos relations humaines, elle peut venir par notre regard sur notre environnement. Est-il source de trouble et de fébrilité, ou de paix et de confiance ?

L’optimisme est-il encore possible ?

« L’optimisme est-il possible de nos jours alors que nous sommes tous accablés par le malheur, la cruelle humiliation nationale,… alors que sur le plan personnel, chacun voit chanceler le résultat du patient effort de sa vie, que le présent est dur et l’avenir imprévisible ? » se demandait Marie Pignal en 1941, comme nous pouvons nous le demander aujourd’hui. Oui, répondait-elle, l’optimisme est une vertu à travailler !

« L’optimisme est mieux qu’une disposition de tempérament, plus estimable qu’un besoin égoïste de se rassurer, plus valable qu’un désir de voir les choses s’arranger. C’est une disposition à saisir les choses de la vie dans leur profondeur, c’est-à-dire en liaison avec le sens surnaturel que Dieu, qui est tout bonheur, amour, beauté a donné au monde4. »

Pour être concrets dans ce travail, plusieurs axes s’offrent à nous. Commencer par prendre de la hauteur en relisant l’Histoire. Le Bon Dieu a utilisé les crises qu’ont traversées nos ancêtres : les débâcles politiques et religieuses avant la conversion de Clovis ; la disparition programmée de la France avant l’arrivée de Jeanne d’Arc ; le protestantisme avant la réforme du Concile de Trente…

Continuer en prenant du recul sur les bons évènements, petits ou grands, des années ou des jours passés, en observant les progrès ici ou là, dans nos enfants ou notre entourage : écoles, paroisse, projets, amis, ambiance de travail. Avec nos enfants, chanter « même le plus noir nuage a toujours sa frange d’or ! » Prendre conseil d’amis au tempérament plus positif que le nôtre sera utile pour éduquer notre regard !

Enfin, « ne traçons pas de limite aux forces qui nous dépassent. Ployons sous l’orage au lieu de reculer de quelques pas pour mieux nous dresser. Soyons plus souples devant la vie. Ne nous enfermons pas dans l’impasse de notre impuissante volonté ; restons sur le grand chemin où circule la volonté de Dieu pour recueillir les dons qu’elle nous apporte. Au lieu de porter un ultimatum aux évènements, laissons passer les desseins de Dieu et faisons Lui confiance. (…) Grâce à l’optimisme, nous garderons la lucidité du regard, la force de la volonté, le pouvoir d’action5. »

« Mais qui donc peut vous nuire si vous vous montrez zélés pour le Bien6 ? »

Le Bon Dieu attend notre confiance, nos enfants aussi !

 

Hervé Lepère

 

1 Dans cet article, nous comprendrons le mot « optimisme » comme un synonyme du mot « espérance naturellement et surnaturellement réaliste ».

2 2e règle du discernement des esprits

3 Père Mortier, op, L’Evangile

4 Le livre de la Confiance, Marie Pignal, 194

5 Idem

6 Epître de saint Pierre, au 5° dim. après la Pentecôte

 

Je ne suis pas venu pour être servi

Observez comment les parents annoncent une future naissance : « J’attends un bébé » dit la maman, « mon épouse attend un heureux évènement » dit le père. Parfois, il ose dire « nous attendons un enfant », mais jamais « j’attends ».

Comment le mari sait-il qu’il va être père ? Il faut que son épouse, s’observant quelque temps, finisse par le lui annoncer… A la naissance, la sage-femme attestera que le bébé est bien celui de la maman. Le père, lui, devra « reconnaître » son enfant et le déclarer pour être enregistré comme père. L’homme et la femme ne sont pas égaux devant le mystère de la vie.

Un mystère pour le père

Pendant sa grossesse, l’épouse va ressentir de profondes transformations physiques et psychologiques, le père ne sentira rien ! Les exemples un peu caricaturaux ne sont pas sans fondement : certaines épouses peuvent exprimer une légendaire envie de fraises en plein hiver, manquer de goût pour un plat ou une activité habituellement préférée, passer rapidement d’une bonne humeur communicative à un découragement ou un agacement pour un rien… Ne cherchez pas à comprendre, respectez le mystère féminin et adaptez-vous : écoutez beaucoup, soyez patient, communiquez votre sympathie même si vous êtes désarmé, l’amour doit être patient.

Avez-vous songé que le mystère va progressivement vous toucher aussi ? Par un simple acte d’amour, vous êtes devenu co-créateur d’une vie nouvelle. Vous le réaliserez lorsque vous sentirez les mouvements du bébé, ou parfois seulement après la naissance ! Quelle grandeur et quelle responsabilité que cet engendrement voulu par Dieu, et accompli par vous ! Méditez ce don de Dieu, rendez grâce et voyez ce qu’Il attend de vous maintenant : être un père à l’image et à la ressemblance de Notre Père du ciel, continuer à être un bon mari et un protecteur, servir le Bien Commun de votre famille.

Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir !

L’homme devra être particulièrement observateur et attentif vis-à-vis de son épouse, respecter son rythme pour être son protecteur et son soutien sans être pesant.

Si l’épouse est parfois impatiente ou cassante – cela arrive à tout le monde d’être maladroit, fatigué et d’avoir des paroles qui dépassent sa pensée- ce sera l’occasion de développer la vertu de patience, sans répondre ni ruminer sur les difficultés. Saint Paul nous dit que l’amour croit tout. Donnez donc à votre épouse le bénéfice du doute. « L’amour nous demande parfois de dire (ou plutôt de penser) : je te connais et je sais que tes paroles et tes gestes ne te ressemblent pas, toi, celle que j’aime. Je choisis donc d’être aveugle et sourd pendant un moment en attendant d’avoir la joie de retrouver le visage que je connais si bien et que j’aime si profondément1.» Cette attitude sera un véritable acte d’amour.  

Votre amour se traduira aussi par des services adaptés à ces circonstances de la vie. L’idée qu’il serait dégradant de servir est une des grandes erreurs de notre temps. Elle se déguise parfois, au travail comme à la maison, sous l’apparence du respect du domaine de chacun. Alors, l’égoïsme n’est pas loin et peut ronger la qualité de votre mariage. Le christianisme enseigne pourtant que « celui qui veut être le plus grand doit se faire le serviteur de tous » ; Notre-Seigneur nous en a donné l’exemple. Celui qui aime en vérité va s’adapter aux circonstances afin d’aider l’être aimé : faire les courses surtout si elles sont volumineuses, réaliser des bricolages trop longtemps attendus, prendre en charge certains travaux d’entretien pénibles, des conduites à l’école, le lever ou la toilette des enfants, être davantage présent pour jouer avec les enfants ou les promener le week-end et guider leurs devoirs…

Préparer l’avenir

Soyez réalistes à l’imitation de saint Thomas d’Aquin. Ne comptez pas sur des révélations spéciales du Saint-Esprit pour discerner votre vocation personnelle, mais « voyez dans votre tempérament, votre métier, les circonstances (ici, le nouvel enfant), des indications providentielles et comme des signes de piste pour la grâce2. » Cet enfant attendu est une occasion pour le père de grandir en maturité, d’approfondir sa vie spirituelle pour donner l’exemple, transmettre la Foi et être capable de conduire sa famille au ciel. C’est aussi l’occasion de repenser à l’avenir matériel de la famille, d’anticiper sans toutefois précéder la Providence qui pourvoira à vos besoins si vous prenez les bons moyens. Certaines croix ne pourront être évitées : une maison devenue trop petite, un déménagement, un ajustement de vos horaires, de votre confort ou de votre train de vie, un effort pour mieux gagner votre vie ou l’humilité pour demander de l’aide… Saint Joseph sera votre conseiller et votre modèle : vous n’aurez jamais autant d’imprévus que lui !

Ne soyez pas trop pressé de connaître l’avenir ou de vouloir tout maîtriser, pensez plutôt à passer régulièrement quelques moments « de qualité », au calme, avec votre épouse tout au long de sa grossesse, et continuez après la naissance !

Partagez votre fierté et vos appréhensions, vos expériences et vos espérances face à l’évènement qui transforme si profondément votre vie. Une certaine inquiétude devant les responsabilités peut vous toucher, elle ne disparaîtra totalement que lorsque vous ou votre enfant aurez atteint le Ciel ! Souvenez-vous toujours que le Maître de la vie qui vous a donné cet enfant veut son salut encore plus que vous ! Vous avez en quelque sorte un droit sur le Bon Dieu et Notre-Dame pour obtenir les grâces et la force d’être de bons époux, de bons parents et de bons éducateurs. A vous de faire de votre mieux !

« D’aucuns diront peut-être que les forces leur manquent. Et ils auront raison s’ils n’explorent que leurs propres ressources morales. Mais le mariage est un sacrement, et tout sacrement est une source d’énergies surnaturelles qui viennent au secours de celui qui l’a reçu pour l’aider à accomplir ses devoirs3. » Alors, la prière « est le grand moyen offert à notre faiblesse, et quand le devoir se dresse en face de nous comme une crête escarpée et infranchissable, quelques minutes d’une prière humble et confiante nous apportent le renfort divin grâce auquel nulle cime n’est inaccessible4. »

 

Hervé Lepère

1 Au creuset de l’amour, Alice von Hildebrand

2 Saint Thomas d’Aquin par P.A.-L. Serrand, o.p.

3 Mgr Chollet, archevêque de Cambrai, in La famille catholique,  Abbé Patrick Troadec

4 Idem

 

 

De bons amis pour nos enfants

Vingt ans après, deux amis éloignés par des mutations professionnelles se retrouvent :

– Heureusement que je t’ai connu, tu étais plus sage que moi et tu m’as guidé !

– Mais non, c’est toi qui m’as donné envie de progresser et m’as montré que je n’étais pas seul !

– Tu m’as aidé à aller au fond des choses et m’as soutenu quand c’était difficile…

– J’ai osé m’engager dans des bonnes œuvres grâce à toi. Elles m’ont fait grandir.

– Je remercie tes parents qui m’ont accueilli souvent et ont permis à notre amitié de grandir si facilement.

Qui ne souhaite pas que ses enfants puissent avoir ce dialogue un jour ?

L’amitié pour nos adolescents

Les parents seront donc attentifs à observer et à encourager leurs enfants dans le choix de sains camarades puis de quelques bons amis, tout en respectant leur personnalité.

Il faudra découvrir ceux avec lesquels leurs affinités iront de pair avec une bonne influence réciproque : éducation, bonne humeur, piété, générosité envers les autres….

Avec l’âge, l’influence des amis deviendra essentielle pour compléter l’éducation que vous avez voulu donner, et aider le futur adulte à élever son idéal vers le Beau, le Vrai, le Bien. L’ami devient le confident, parfois avant les parents ; mieux vaut qu’il soit un « ange gardien » !

Que faire si votre adolescent est fasciné par un camarade de classe dévergondé ou qui se permet des paroles ou des actes ignorés dans votre maison ? L’adolescent est souvent impressionné par celui qui brille ou qui ose des choses que lui-même ignore. Lorsque cela arrive, sachons questionner l’influence qu’il subit : t’aide-t-elle à grandir dans un idéal noble ? A être fidèle à tes devoirs et à progresser ? Aimerais-tu cet ami comme futur mari de ta sœur ? (Ou l’amie comme épouse de ton frère ?) Notre attention portera sur les actes, sans condamner la personne : peut-être le camarade a t-il une situation familiale difficile, un manque d’éducation, un caractère ingrat ?

N’attendez pas que vos enfants soient attirés par de mauvais éléments pour faciliter les circonstances qui les feront choisir de bons camarades et de bons amis ! Que vos enfants sachent que les vrais amis sont bienvenus chez vous et qu’ils osent les y faire venir : vous serez contents de voir les bonnes influences et détecterez plus facilement les éventuelles faiblesses.

 

Encouragez vos enfants à se donner aux autres dans des mouvements qui cultivent un idéal noble, cet idéal qui sera un point commun avec de futurs amis. Scoutisme, chorale, groupes de formation ou associations sont évidemment prioritaires sur les réunions trop mondaines ou même seulement sportives. 

Si vous vous sentez isolés en province, n’hésitez pas à encourager les jeunes à se déplacer lorsqu’un événement intéressant a lieu un peu loin ! L’amitié naît souvent sans qu’on s’en rende compte, il faut donc prendre le temps de se connaître au-delà des premières impressions, créer les occasions de se retrouver, ne pas vouloir aller trop vite si on veut que l’amitié soit solide et dure longtemps. 

Une saine amitié nous entraîne vers le haut

Apprenons aux jeunes qu’aimer, c’est vouloir le bien de l’autre, sans se rechercher soi-même. Leur amitié sera donc d’autant plus belle qu’ils placeront leur idéal plus haut. Donnons nous-mêmes l’exemple dans nos amitiés !

L’amitié doit savoir donner Dieu en même temps que notre cœur à la personne aimée : vivons donc de Foi et de prière.

Pour soutenir notre ami dans ses difficultés, le préserver du mal, le soutenir voire le redresser dans les chutes, soyons exemplaires et sans respect humain.

Pour nous perfectionner et monter ensemble plus haut, construisons des habitudes vertueuses, connaissons nos défauts et travaillons les vertus que nous possédons déjà.

Développons la confiance mutuelle qui permet les confidences. Celle qui s’appuie sur la franchise et la douceur, et non pas la flatterie. Celle qui sait dire les vérités qui peuvent déranger, mais en choisissant la forme adaptée et le moment opportun où l’âme est accessible.

Pour être heureux de nous retrouver et de passer du temps ensemble, soyons attentifs à l’autre, restons simples et souriants même si notre temps est limité.

Ainsi notre don sera fructueux et nous recevrons en retour des biens encore plus grands que ceux que nous aurons donnés.

Camarades ou amis ?

Aidons nos enfants à distinguer les amis et les camarades. Un ami se choisit avec soin car « l’amitié, c’est la mise en commun de deux vies par l’échange des pensées, le partage des sentiments, la communication de ses projets, la mise en accord des activités et leur essor vers un même idéal1. ».

Cependant les circonstances nous font rencontrer d’autres personnes : à l’école, au travail, dans les différentes organisations de la société. Dans ces milieux, nous devons partout nous montrer bons camarades, pour faciliter la vie commune et pour être apôtres.

Bien sûr, la diversité entre camarades : pensées, façons de sentir, acquis différents est parfois source de difficultés. Elle présente pourtant de gros avantages si nous savons nous en servir. Elle nous aide à enrichir nos propres notions, adoucir nos angles, prendre conscience des nuances, nous adapter aux différentes personnalités, nous exercer à défendre nos idées par l’exemple et par des discussions argumentées, sans violence ni respect humain.

De bons camarades peuvent alors être de bons soutiens quoique d’une manière moins intime et plus limitée que des amis.

Si le niveau est bas, changeons-le ! C’est un programme de conquête et non de timide défense. Ne soyons pas présomptueux, ce ne sera pas possible avec tout le monde et pas seul contre tous. Nous repérerons donc ceux qui ont les meilleures qualités pour nous soutenir dans ce but. Si malgré tout, nous trouvons des tentations pour nous, nous n’obtiendrons pas le progrès pour les autres. Il vaudra mieux, dans ce cas, s’éloigner de ceux à qui nous ne voulons pas ressembler, sans aigreur mais fermement.

 

Hervé Lepère 

1 Père Sertillanges O.P, Jeunes de France 

 

 

 

Ils comptent sur nous !

Depuis l’été, les mauvaises nouvelles s’enchaînent : chute du gouvernement, émeutes révolutionnaires, capitulation des autorités devant l’ennemi, défaites multiples, absence de bonnes nouvelles, rumeurs…L’invasion continue, les habitants du village sont profondément découragés. À leur bon prêtre qui veut les faire prier le chapelet chaque jour, ils répondent : « à quoi cela sert-il ? Pourquoi continuer à allumer les cierges pour la prière ? Nous sommes abandonnés, isolés, perdus… ».

Mais ce 17 janvier 1871, Notre-Dame de l’Espérance apparaît à Pontmain : « Priez mes enfants, mon Fils se laisse toucher, il vous exaucera dans peu de temps ». La nuit même, plusieurs témoignages d’officiers et soldats allemands diront avoir vu dans le ciel, une femme les chasser. La nuit même, les Prussiens battent en retraite sans attendre une hypothétique offensive française. La région est sauvée. Les sacrifices de quelques héros comme les zouaves pontificaux de Sonis (2 septembre 1870) et la prière persévérante des fidèles ont été utiles. Quelles leçons en tirer ? En 2024, à la vue de certains évènements du monde, ne sommes-nous pas tentés par le découragement comme les habitants de Pontmain en 1871 ?

 

Croire en l’Espérance !

« Tout désespoir en politique est une sottise absolue » disait Maurras. Il en est de même dans les domaines familiaux, spirituels ou professionnels. Vous connaissez probablement l’histoire du « meilleur outil du diable1 » ? Le découragement… N’oublions-nous pas parfois que notre Dieu est un Dieu d’Amour qui s’intéresse à nous comme il nourrit les oiseaux du ciel et habille les lys des champs ? Il nous a donné son Fils aux mérites infinis, sa très sainte Mère pour être notre mère attentive à tout instant, et toute la cohorte des saints de tous les temps. Il a « inventé » la Communion des Saints, si réconfortante et si efficace où chacun peut compter sur les autres. Croyons et nous serons soutenus !

Ils ont besoin de nous !

Ne soyons pas égoïstes : malgré nos faiblesses, nous avons aussi le devoir et le pouvoir de soulager les autres. Lors d’une des apparitions de la rue du Bac à Paris2, des mains ouvertes de la Sainte Vierge sortent des rayons d’un éclat ravissant. Elle explique : « Ces rayons sont le symbole des grâces que je répands sur les personnes qui me les demandent. » Certains rayons cependant restent sombres : « ce sont les grâces que personne ne demande… »

Quelle tristesse si nous ratons ce potentiel, mais quel réconfort de savoir que de multiples grâces sont encore disponibles sur simple demande ! Nous, membres de l’Église Militante, sommes un maillon indispensable de la distribution des grâces sur les vivants et sur les morts. Qui les demandera si nous n’y pensons pas nous-mêmes ? Notre prière compte pour les autres. Ravivons donc en famille, notre conscience de la communion des saints. Développons la qualité de notre amour de charité et la régularité de nos actes et de nos prières, plus que leur quantité, afin de porter du fruit. C’est dans les petites choses du quotidien, portées par un amour profond, que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus a acquis ces mérites qui lui ont valu le titre de Patronne des Missions.

Au-delà du quotidien, puisons dans les trésors de l’Église, notamment par notre participation fréquente à la messe. Nous y sommes explicitement associés au prêtre en particulier par ces paroles qui suivent la consécration « c’est pourquoi, nous Vos serviteurs (le prêtre), et avec nous Votre peuple saint, nous présentons à votre glorieuse Majesté cette offrande… ». Baptisés en état de grâce, nous sommes de ce peuple saint. Notre participation à la messe nous offre une possibilité de répandre les mérites infinis de Notre Seigneur sur ceux qui en ont besoin.                              

Tout commence en famille

C’est dans la famille, notre église domestique, que nous pouvons déjà faire exister une petite communion des saints : entre nous, vis-à-vis de nos parents âgés, des cousins qui en ont besoin, des défunts pour lesquels nous prions, ou avec ceux dont nous invoquons l’aide… Commençons par l’attention aux besoins de chacun : contribuer au fonctionnement de la maison, prendre des nouvelles et en donner, visiter les personnes seules ou tristes, proposer notre aide sans qu’on nous le demande : accueil d’amis de passage, bricolage ou ménage, don de vêtements ou jouets dont nous n’avons plus l’usage (et en bon état), disponibilité pour des conseils ou même des distractions, voire une aide financière dans les coups durs si nous le pouvons. Donnons aussi des intentions concrètes dans nos prières avec les enfants et dans le chapelet. Nommer les malades ou les défunts de nos familles rend concrets et motivants les sacrifices et les prières.

La communion des saints s’incarne aussi lorsque nous sommes des artisans de paix dans notre famille. D’abord entre enfants, entre époux, entre nous et nos enfants. Ensuite avec nos familles élargies autant que possible. Voyons le bien supérieur que représente l’unité de la famille, adaptons-nous au tempérament de chacun pour construire un cadre familial agréable et propice à la recherche du Royaume de Dieu et de sa justice. Gardons l’espérance dans cette communion des saints si la paix ne nous est pas donnée partout ou toujours… L’artisan de paix ne réussit pas toujours tout ce qu’il fait, mais la grâce de Dieu compensera ses imperfections involontaires.

Par ces exemples vécus en famille, nos enfants comprendront mieux la communion des saints, et pourront eux-mêmes y participer. Lisons et faisons lire les histoires de la Croisade Eucharistique pour réaliser les trésors mérités par des enfants grâce à leurs sacrifices ou leurs prières. Les enfants touchent le cœur de Dieu et de sa Mère de manière quasiment irrésistible. 

Tout restaurer dans le Christ

La famille animée de cet esprit chrétien, cellule de base de la société, est appelée à être le levain dans les sociétés qui l’entourent. Elle étendra sa sollicitude autour d’elle, pour soutenir les autres catholiques, et rayonner afin d’étendre le royaume de Dieu auprès de ceux qui ne le servent pas encore.

« Aujourd’hui, plus que jamais, ils (les laïcs) doivent prêter cette collaboration avec d’autant plus de ferveur, pour l’édification du corps du Christ, dans toutes les formes d’apostolat, en particulier quand il s’agit de faire pénétrer l’esprit chrétien dans toute la vie familiale, sociale, économique et politique3 ».

Alors, à notre mort, le Seigneur nous appellera : « Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Maître », et comme sainte Thérèse, nous pourrons passer notre ciel à continuer à faire du bien sur cette terre.

Hervé Lepère 

1 Voir l’histoire ci-après.

2 27 novembre 1830.

3 Pie XII, allocution au 2° congrès de l’apostolat des laïcs, 5 octobre 1957.

 

Les outils du diable :

Il y avait une annonce que le diable allait cesser ses affaires et offrir ses outils à quiconque voudrait en payer le prix. Le jour de la vente, les outils étaient exposés d’une manière attrayante : malice, haine, envie, jalousie, sensualité, fourberie…tous les instruments du mal étaient là, chacun marqué de son prix.

Séparé du reste se trouvait un outil en apparence inoffensif, même usé, dont le prix était supérieur à tous les autres. Quelqu’un demanda au diable ce que c’était :

Ça ! C’est le découragement ! fut la réponse.

– Eh bien ! Pourquoi l’avez-vous marqué aussi cher ?

– Parce que, répondit le diable, il m’est plus utile que n’importe quel autre. Avec ça, je sais entrer dans n’importe quel homme et une fois à l’intérieur, je puis le manœuvrer de la manière qui me convient le mieux. Cet outil est très usagé parce que je l’emploie avec presque tout le monde et très peu de gens savent qu’il m’appartient.

Il est superflu d’ajouter que le prix fixé par le diable pour le découragement était si élevé que l’instrument n’a jamais été vendu. Le diable en est toujours possesseur, et il continue à l’utiliser…