Je n’ai pas fait exprès!

           Martin se confie à son ami Patrick : « Depuis la dernière réunion, Florent me fait la tête… qu’est-ce que j’ai dit pour mériter cela ? il est trop susceptible, c’est injuste ! »

Patrick rumine de son côté : « ma sœur Albane a hérité de la jolie commode de maman, alors que papa m’avait dit, il y a 10 ans, qu’elle était pour moi… c’était dit, c’est injuste ! »

S’ils n’y prennent garde, Martin et Patrick vont rentrer dans un cercle vicieux au bureau ou en famille : une rancune plus ou moins cachée va créer de la distance, leur sensibilité irritée va guetter la prochaine maladresse, un malaise va s’installer avec leur collègue de bureau ou leur famille. Le tempérament sanguin, extraverti, va exploser et ses paroles violentes vont laisser des traces. Le mélancolique, introverti, va ruminer, s’endurcir et créer un fossé. Silencieuse ou visible, la rancune va nuire au Bien Commun. Patrick et Martin doivent la détecter et agir en conséquence !

 

Notre psychologie peut nous jouer des tours

 

  Soyons-en conscients ! Certains ressentent vivement ce que d’autres considèrent comme un détail, une maladresse, et vice-versa.

Une grille d’analyse des types psychologiques1, utilisée dans les entreprises nous aidera à comprendre la manière dont nous préférons, naturellement, traiter les informations et nous faire une opinion. Certains privilégient les aspects logiques et objectifs, avec une tonalité intellectuelle (préférence « Pensée »), d’autres les aspects personnels et subjectifs, basés sur des valeurs et avec une tonalité affective (préférence « Sentiment »). Nous fonctionnons tous avec un mélange des deux, mais dans un dosage qui peut être très différent d’une personne à l’autre. 

Ainsi Martin et Patrick, avec leur préférence « pensée » recherchent des critères objectifs, impersonnels ; la justice, la logique. La fermeté et l’esprit critique leur paraissent nécessaires pour avancer. Florent, de préférence « sentiment », privilégie l’harmonie et l’empathie dans l’équipe, la chaleur humaine et la confiance, et a été choqué par une réflexion à l’emporte-pièce.

En réunion, Martin a critiqué une équipe ayant eu de mauvais résultats « ils sont mauvais, c’est nul ! ni fait ni à faire… ».

Florent : « mais ils se sont donnés du mal, ce sont des gars bien. Ils ont travaillé dur »

Martin : « c’est le résultat qui compte, et le résultat est mauvais ! »

Florent : « peut-être, mais tu es méprisant pour eux, c’était difficile ! »

Martin : « arrête de toujours les défendre. Si on ne peut plus se dire la vérité… »

Florent bouillonne et grimace en silence : « Martin m’attaque personnellement, la confiance manque, ses mots montrent un manque de respect pour les équipiers. C’est inadmissible ! »

Martin et Florent ont chacun des efforts à faire pour se comprendre et sortir de ce cercle vicieux.

À nous aussi, la charité commande de nous adapter à l’autre, de nous mettre à sa place. Il ne s’agit pas de nous aplatir et de renoncer à nos convictions, mais d’œuvrer au bien commun et, en passant, de mortifier notre amour-propre.

Savoir nous excuser même si nous n’avons pas fait exprès d’offenser l’autre

   Si vos bons amis vous disent régulièrement « arrête de t’excuser en permanence », ce paragraphe n’est pas pour vous ! Soyez simples et avancez malgré vos imperfections. Sinon, voici quelques conseils.

Choisissez le bon moment, où votre interlocuteur est seul, au calme. Commencez par une « formule de protection » pour signaler à votre interlocuteur que vous êtes venu en paix : « je t’apprécie, ton avis compte pour moi, puis-je te parler ? ». Puis faites vos excuses simplement et, si la réception est bonne, partagez une résolution pour l’avenir.

Ainsi Martin retourne voir Florent le lendemain et après sa formule de protection :

« Florent, j’ai l’impression que je t’ai blessé hier, en critiquant une de tes équipes, excuse-moi, je ne voulais pas t’offenser »

« …. »

« Visiblement, nous avons des réactions différentes, j’aimerais qu’on se comprenne mieux. Ce qui m’a gêné, c’est ce résultat, ces circonstances…. Cela a provoqué en moi tel sentiment (important de le dire), j’ai eu peur de… Je comprends une partie de ton point de vue mais j’ai voulu insister sur tel objectif, telle valeur…. Je ne voulais pas critiquer les personnes dans l’absolu, mais la manière de faire et le résultat… »

« Peut-être, mais c’était important… »

« En fait, nous avions des points de vue différents. Puisque nous nous apprécions et nous respectons, la prochaine fois que l’un de nous sent une tension, veux-tu que nous essayions de désamorcer en reformulant ? Disons par exemple : que veux-tu dire ? je ne me sens pas à l’aise, qu’est-ce qui compte pour toi sur ce sujet ? Ce sera notre code pour détecter que l’autre ne réagit pas comme nous… »

Martin a eu raison de faire le premier pas : il a compris qu’il avait involontairement blessé Florent et a donc présenté ses excuses. Mieux ! Il a montré de l’empathie : son souci de mieux comprendre son collègue si différent de lui. Enfin, il a donné des clés à Florent pour qu’ils se comprennent mieux à l’avenir.  

Ce qui est nécessaire du point de vue naturel, l’est encore davantage du point de vue surnaturel de l’humilité, de la justice, et de la charité. Comme Martin, n’hésitons pas à nous excuser même si nous n’avons pas fait exprès d’offenser un interlocuteur !

 

Réciproquement

 

  Si vous vous êtes senti offensé, pensez que cela a peut-être été involontaire de la part de quelqu’un qui n’a pas le même tempérament que vous…. cela vous aidera à pardonner !

Vous pouvez d’ailleurs faire la même démarche que Martin, à l’envers. Faire le premier pas vers l’autre est source de grâces.

« Pardonnez jusqu’à 77 fois 7 fois », afin qu’on puisse dire de vous « regardez comme ils s’aiment ! »

Hervé Lepère

 

 

Devant tous, je m’engage!

           Arnaud est très occupé : père de famille nombreuse et un travail prenant. Une vie bien remplie qui garde aussi du temps pour la prière, la lecture, les distractions en famille et avec quelques amis. Il ne lui reste plus de temps !

Arnaud a cependant trouvé une solution pour remplir son devoir d’état de chef de famille vis-à-vis de la société et de l’Eglise en s’engageant comme adjoint puis comme chef de chapitre au pèlerinage de Pentecôte. Il y consacre seulement 2 jours de congés par an. La préparation, il la fait par ses lectures spirituelles qu’il adapte au thème de l’année. Il recrute à la sortie de la messe ou de l’école et par quelques coups de téléphone. Il le dit lui-même : « il fallait seulement que je décide de cet engagement ferme, et que je réalloue quelques activités, sans dommage ni pour mon travail ni pour ma famille. Cet engagement m’oblige à sortir de moi-même et de mon train-train, à me donner et à progresser dans ce devoir d’état difficile »

Une nécessité morale pour tous les pères

   Déjà Pie XII le 7 septembre 1947 interpellait ainsi les fidèles : « Il n’y a pas de temps à perdre. Le temps de la réflexion et des projets est passé, c’est l’heure de l’action ! Etes-vous prêts ? Les fronts opposés dans le domaine religieux et moral se délimitent toujours plus clairement. C’est l’heure de l’épreuve. La dure course dont parle saint Paul est engagée. C’est l’heure de l’effort intense. Quelques instants seulement peuvent décider de la victoire. »

Les mots sont pesés et restent d’actualité ! Être prêts, donc se former régulièrement, équipés, associés avec quelques amis, dans le domaine religieux ou moral. Cela réclame un effort, mais il est nécessaire pour que Dieu donne la victoire !

 « Ce qui est en question, c’est de savoir ce que nous pensons de nous-mêmes. Sommes-nous une arrière-garde ? (…) Cherchons-nous à ne conserver que le droit de proclamer d’énergiques refus, de solennelles exhortations ? Notre ambition se borne-t-elle à cultiver un souvenir ?… actions, occupations fort honorables…mais très éloignées d’une entreprise de reconquête sociale…du travail avec efficacité au triomphe, universellement sauveur, de la Vérité »- Jean Ousset1.

Bien sûr, nous avons du mal à imaginer ce que pourrait être ce triomphe, le retour à un esprit de chrétienté. Mais, au temps de la décomposition de l’empire romain, les contemporains de Clovis et saint Rémi, imaginaient-ils que la chrétienté naissait grâce à leurs efforts ?

Quel père peut se refuser entièrement au rêve que, ce qu’il n’a pas vu, ses enfants le verront ? Dans la difficulté du temps présent, au milieu du troupeau de ceux qui acceptent le pire d’un cœur résigné, le père garde l’Espérance ! Sans elle et sans action, toute cité se défait comme sous l’action des flots.

Objections…

   « On ne peut pas tout faire. Tant de choses nous sollicitent déjà… »  Ceci ne nous dispense pas de chercher des solutions pour obéir à tous nos devoirs d’état.  Il est trop facile de choisir celui de nos devoirs d’état qui nous plaît davantage et d’écarter les autres.

A son insu, le père de famille qui ne s’ouvre pas à l’extérieur de la famille, seul puis avec ses enfants lorsqu’ils en ont l’âge, a une influence négative sur leur psychologie : des complexes d’infériorité, une peur de l’inconnu ou de l’hostilité, une indifférence pourraient se développer chez les enfants et les gêner dans leur vie future. Les paroles ne suffiront pas à soigner ce qu’un tiède exemple aura enseigné.

« Je ne suis pas compétent… » Personne ne vous demande de vous engager en politique si vous n’en avez pas la vocation. Le Créateur nous a donné à chacun au moins un talent. Or ces talents sont nécessaires pour reconstruire les communautés naturelles que la Révolution a détruit en laissant l’individu et son bulletin de vote seul face à l’Etat et à sa bureaucratie.

Concrètement

   De nombreuses possibilités s’offrent à vous, certaines ne prennent qu’un temps limité, d’autres nécessitent un investissement plus régulier.

La société se reconstruira parce que chacun s’investira sur le type d’action qui lui correspond le mieux :

 

  • Réunions mensuelles et actions locales ou nationales d’associations d’entraide entre familles2 ou jeunes professionnels3.

 

  • Logistique ou encadrement dans un pèlerinage, une kermesse, une école, une paroisse : il suffit de se proposer au prêtre.

 

  • Action civique locale, en se groupant à deux ou trois personnes. Dans une commune, l’action dans les domaines culturels ou historique est l’occasion de mettre en valeur les racines chrétiennes et les traditions qui constituent l’âme de la France. Les actions d’aide sociale4 ou de visite des malades dans une mairie, une association ou une paroisse permettent des contacts personnels qui, parfois, contribuent à soigner les misères spirituelles en sus de soulager la pauvreté humaine.
  • Regroupement des professionnels par métiers, autant que possible avec un esprit catholique, pour retrouver les bienfaits portés autrefois par les corporations : transmission de savoir-faire et de traditions entre les anciens et les jeunes, entraide face aux questions morales difficiles ou pour réaliser des projets, complémentarités entre les dynamiques et les savoirs des différents âges, assistance mutuelle. De telles associations existent pour les professions médicales, juridiques5, …il reste de nombreux métiers à unir et reconquérir : ingénieurs, artisans, commerciaux, financiers, chefs de projets….

  « La France n’est pas foutue. Elle est niée, écrasée, vidée, tout ce que l’on veut. Mais tant qu’il reste des Français, tant que l’on redonne du sens, que l’on défend le réel, tout en le construisant, alors, non seulement rien n’est perdu, mais il arrive un moment où l’on finit par obtenir des victoires. » – Robert Ménard (maire de Béziers)6

  Péguy avait raison de dire « les pères de famille sont les grands aventuriers du monde moderne ».

  Haut les cœurs ! Avec la grâce de Dieu, nos engagements seront féconds et nos exemples fructueux auprès de nos enfants.

 

Hervé Lepère

 

1 Pour Qu’il Règne, ouvrage de référence pour la coopération des laïcs au règne du Christ-Roi.

2 MCF-Mouvement Catholique des Familles, AFS Action Familiale et Scolaire, Civitas…

3 Dans plusieurs grandes villes de France

4 Selon les villes : Conférence St Vincent de Paul, associations de défense de la Vie, …

5 ACIM- Association Catholique des Infirmières et Médecins. Association des Juristes Catholiques

6 Abécédaire de la France qui ne veut pas mourir.

 

 

 

La force de l’Amour!

           Lorsque Louis-Marie avait éprouvé ses premiers sentiments pour Julie, son amour naissant lui avait donné des ailes : il avait mis son point d’honneur à bien réussir la fin de ses études, à trouver un bon travail et à approfondir sa vie spirituelle pour être plus digne d’elle. Ils sont maintenant mariés depuis quelques années, et leur amour réciproque reste une motivation essentielle dans les efforts de chaque jour.

L’amour rend fort

   La Force, ce don qui nous inspire de l’énergie et du courage pour vivre chrétiennement en surmontant tous les obstacles est une qualité de la volonté. Pour orienter et guider la volonté, rien de tel qu’un haut idéal moral et spirituel ! Tous les éducateurs le savent et cherchent à développer l’amour de cet idéal chez les enfants et les adultes.

  L’amour continue à nous donner des ailes toute notre vie, au-delà de la période de découverte des premières années ! Louis-Marie puise dans l’amour de son épouse et de ses enfants, le sens de l’engagement dans son travail avec des responsabilités ou des contrariétés parfois lourdes à porter. Il y trouve aussi la persévérance dans les efforts vers la vertu pour corriger ses défauts (et cela dure toute la vie !).

  Son amour se concrétise dans les attentions de chaque jour, les services pour alléger le travail de son épouse, le temps passé avec les enfants même lorsque la fatigue ou l’égoïsme l’attirent vers internet ou son journal.

  Par amour, le bon mari sait respecter son épouse, s’unir à elle par un vrai don mutuel en évitant l’esprit de possession et pratiquer l’abstinence lorsqu’elle est souhaitable.

  Par amour, il sait envisager le positif en toute chose, y voir l’action de la Providence avant de s’inquiéter des incertitudes ou des épreuves.

Ainsi, le père aide sa famille à aller de l’avant. Il fait le pari de la confiance par amour : confiance envers son épouse, confiance envers les enfants. Il éloigne toute pensée de jalousie qui blesserait cet amour et pèserait sur l’ambiance de la famille.

  Une traduction de saint Paul, apparemment moderne mais théologiquement juste1, nous montre quelle force doit porter notre amour en famille : « l’amour est patient, serviable, sans envie (…) il ne s’emporte pas (…), il excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout » (1 Cor-XIII). Quel programme à mettre en pratique !

Plus fort pour bien aimer

            S’adapter au tempérament de chacun pour trouver le bon moment et la bonne manière de se parler peut réclamer un effort. Par expérience, nous savons tous les effets négatifs d’une parole, d’un silence ou d’une attitude maladroite, au mauvais moment… Le père de famille essaiera de faire attention à ce point. Cet effort d’adaptation montrera son amour à son épouse et à ses enfants et les fera tous grandir.

Il faut de la force et de la persévérance chaque jour pour rassurer, donner confiance, encourager, protéger, organiser une vie régulière afin que la paix règne dans la famille malgré les incertitudes ou les épreuves qui peuvent secouer notre tempérament.

  « Tu t’apercevras bientôt, je crois, (qu’en raison des imperfections humaines et des difficultés qui en découlent), l’amour, bien qu’il soit un don, doit aussi être appris, particulièrement lorsque tu t’efforceras de l’intégrer dans votre vie quotidienne qui n’est pas vécue dans un château de contes de fées mais au milieu des pressions, des problèmes et des épreuves quotidiennes2. »

Avoir la force d’intégrer notre amour dans la vie quotidienne, voilà le secret pour développer cet amour ! Cette règle s’applique à l’amour humain, comme à l’amour de Dieu.

A contrario, il est évident que la faiblesse détruit l’amour. Nous appelons faible, un mari ou un père inconstant dans l’épreuve, tombant trop facilement dans les tentations. L’amour impur rend faible, esclave des passions charnelles. Il est un faux amour.

Apprendre la force de l’amour

   Quels que soient notre âge et l’état de notre famille, apprenons la force qui nous aidera à mieux aimer et utilisons notre amour pour développer notre force de caractère ! Plus nous pratiquerons la force par amour, plus la force deviendra une habitude. Cette habitude libèrera notre volonté qui pourra s’employer, par un nouvel élan, à conquérir des qualités nouvelles et toujours plus élevées.

La force, qui est une qualité de la volonté, ne doit pas être confondue ni avec l’entêtement, ni avec l’énergie. Elle ne se conquiert que lentement et doit être éclairée par l’intelligence sur les buts à atteindre.

La rentrée scolaire peut être une bonne occasion de prendre quelques résolutions pour développer notre force par amour : amour de notre épouse, de la famille, de Dieu.

Au-delà des services ou des signes d’amour que nous pouvons mettre à notre programme, souvenons-nous que l’Eucharistie est appelée « le Pain des Forts » ! Quoi de mieux pour progresser, que la communion chaque dimanche, et pourquoi pas une messe en semaine cette année ? Une messe par amour de notre famille, ainsi confiée au Bon Dieu ; une messe pour mieux accomplir notre rôle de père ! 

Hervé Lepère

 

1 La Charité se résume en ce commandement : tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et ton prochain….

2 Au creuset de l’amour, Alice von Hildebrand-2002

 

 

Célibat géographique ou déménagement?

           Marc, marié avec 3 jeunes enfants, ingénieur en bureau d’étude, hésite : son entreprise lui propose une mission d’un an pour mettre au point son matériel sur une base militaire, dans une ville agréable mais à 500 km de son domicile actuel… Doit-il faire confiance à son chef qui a intérêt à ce qu’il accepte, mais ne peut pas garantir un poste précis à son retour ? Et puis, son épouse n’est pas enthousiaste…

Marc a récemment acheté une maison. Dans la grande ville où il réside, il bénéficie d’une bonne école catholique, d’un réseau d’amis…  Son épouse n’est pas une aventurière, elle fréquente de nombreuses amies, quelques œuvres associatives … Partir seulement 1 an ? Se fatiguer à chercher un logement, faire la classe à l’aîné des enfants, n’avoir la messe que les dimanches, mais pas en semaine ? Marc hésite à refuser le poste, car il a besoin de progresser pour sa motivation professionnelle et pour nourrir sa famille qui grandira encore. Alors, peut-être partir en célibat géographique ? Revenir en train chaque week-end ? Son épouse sensible, fera-t-elle face avec les 3 enfants ? Tout se mélange dans sa tête : comment trier tous ces arguments pour ou contre ? Il prend conseil.

La séparation des époux est mauvaise, sauf exceptions

Toute la semaine, mari et femme séparés sont sous pression, pressés d’accomplir leurs devoirs professionnels ou de soin des enfants. Le mari rentre tard le vendredi : comment se réincorporer dans la vie de famille qui a continué sans lui ? Chacun a une lourde liste de choses à régler pendant le week-end qui ne sera donc pas un temps de détente. Le mari veut reprendre en main les enfants, et son épouse peut avoir l’impression qu’il lui reproche ainsi de ne pas avoir été à la hauteur. Parfois, c’est l’épouse fatiguée qui demande de serrer la vis… Comment garder la complicité légitime du père avec ses enfants, l’écoute, les conseils, les échanges ? Comment réagir lorsque l’épouse souhaite qu’ils aillent dîner chez des amis le samedi, en laissant les enfants ? Ou au contraire, lorsqu’un des adolescents est invité à l’extérieur ?

Ceux qui ont vécu en célibat géographique le disent : en raison de la distance, des rythmes et contextes de vie différents, un déphasage permanent s’installe et fait souffrir durement. L’unité des époux, donc de la famille, est mise en danger et personne ne sort indemne lorsque la vie commune reprend.

Les enfants ont besoin de parents visiblement unis, attentifs voire admiratifs l’un pour l’autre, pour être épanouis et se sentir en sécurité : ils souffriront davantage de la séparation que d’un déménagement.

Seuls le soir, le mari ou l’épouse peuvent chercher des compensations (sorties, amitiés, internet, coucher tardif) ou perdre le moral, succomber à la langueur, aux récriminations, ou à la tristesse.

Pie XII , dans son discours aux jeunes époux du 15/07/1942, nous alerte sur ce thème de la séparation: « C’est une épreuve, c’est une douleur, certes ; mais c’est encore un danger : le danger que l’éloignement prolongé accoutume peu à peu le cœur à la séparation et que l’amour se refroidisse et baisse, selon le triste proverbe « loin des yeux, loin du cœur » (…) La tentation viendra de ceux qui vous entourent : on voudra, dans une intention louable et sans éveiller le moindre soupçon, vous consoler, vous réconforter ; cette compassion sincère et votre courtoise reconnaissance soumettront votre tendresse à une dangereuse épreuve, la feront fléchir et grandir ; les intérêts matériels ou moraux du foyer, des enfants, de l’absent lui-même uniront leurs voix pour vous presser de recourir à des conseils, à des appuis, à des aides. Cette rencontre de l’empressement le plus loyal et le plus désintéressé et de votre confiance la plus sincère et la plus honnête pourra furtivement insinuer l’affection dans votre tendre cœur. »

Célibat géographique : LA question essentielle

Est-ce vraiment notre devoir de choisir le célibat géographique et de laisser l’épouse avec les enfants ? Ou est-ce une forme de confort ? Cette question est primordiale : si c’est vraiment un devoir, c’est à dire la volonté de Dieu, alors les grâces d’état seront présentes. Sinon, le danger est majeur.

Il peut y avoir de bonnes raisons à la séparation : dans une période difficile, le père de Padre Pio1 s’est expatrié deux fois pour payer les études de ses enfants, pendant que son épouse gérait seule la petite ferme de Pietrelcina. Un officier affecté sur un poste qui l’obligerait à être en déplacement hors de son domicile 4 nuits chaque semaine ne fera pas déménager son épouse. 

Mais souvent, les motifs d’éviter un déménagement, certes fatigant, ne sont-ils pas remplis de prétextes ? Des tentations sous apparence de bien :

¨ Les bonnes écoles…  mais en primaire, au pire, on peut s’organiser pour des cours par correspondance ; et en secondaire la pension est une bonne solution.

¨ La messe… il faudra peut-être faire quelques km en plus, vers une église moins jolie…

¨ Le déménagement est fatigant, Paris fait peur parce qu’on sera plus à l’étroit, que faire si on est propriétaire ? Ce sont de vrais sacrifices matériels, mais pour un bien plus noble : l’unité familiale.

¨ Le travail éventuel de l’épouse… occasion de changer ? ou d’arrêter temporairement ?

¨ La difficulté du poste : si l’autorité légitime nous croit capable de réussir et nous le propose, ne refusons pas l’effort, ou la progression de carrière !

¨ Les amis et les cercles…c’est l’occasion de se faire de nouveaux amis !

Sachons voir les bénéfices d’un déménagement :

Un déménagement nous sort de la routine qui peut endormir notre vie familiale ou professionnelle, et même notre âme. Retrouvons la joie des petits enfants face à la découverte de nouveaux horizons, de nouveaux amis. Un déménagement est une occasion de prendre de nouvelles habitudes.

Dans notre cas réel, Marc a finalement déménagé avec sa famille. Les essais de son matériel ont duré deux ans au lieu d’un. Il est revenu ensuite dans sa grande ville, avec un travail encore plus intéressant.

Chaque membre de la famille avait gagné en confiance en soi, en capacité à affronter l’incertitude de l’avenir ! Si c’était à refaire, ni son épouse ni lui n’hésiteraient ! L’unité familiale qui aurait souffert de la séparation s’est trouvée renforcée : ils avaient vécu une aventure ensemble.

Que faire si le devoir impose la séparation ?

Des règles fortes pour une vie régulière sont nécessaires.

La vie spirituelle doit être renforcée par les deux époux, pour que la grâce compense l’anomalie de la séparation : le chapelet quotidien est vital, une messe en semaine et la méditation quotidienne sont des atouts majeurs. Enfin, les époux peuvent se coordonner pour prier à la même heure, à distance. « Souvenez-vous que, si Dieu a élevé le lien nuptial à la dignité de sacrement, de source de grâce et de force, il ne vous y donne pas la persévérance sans votre propre et constante coopération. Or, vous coopérez à l’action de Dieu par la prière quotidienne, par la maîtrise de vos penchants et de vos sentiments (surtout s’il vous fallait vivre quelques temps séparés l’un de l’autre), par une étroite union au Christ dans l’Eucharistie, le pain des forts, de ces forts qui savent, au prix de n’importe quels sacrifices et renoncements, maintenir sans tache la chasteté et la fidélité conjugales. » (Pie XII, discours aux jeunes époux, 15/07/1942)

Des photos et souvenirs, au foyer comme dans le logement temporaire de l’époux, des images pieuses ou objets familiers entretiendront le lien du souvenir et de l’affection.

Le contact fréquent entre époux, au téléphone, pas seulement par mail ou whatsapp aura pour but de garder l’unité à travers un gros effort d’écoute de la part du mari. Écouter l’épouse partager ses joies et ses soucis, ses émotions et ses pensées. S’intéresser aux enfants, réfléchir ensemble mais avec une attention accrue pour celle qui est sur le terrain ! Le père aura intérêt à écrire à ses enfants de temps en temps, ou à leur parler au téléphone : il montre ainsi qu’il pense à eux ! Si le retour chaque week-end n’est pas possible, les époux échangeront quelques lettres : elles sont plus appropriées que les réseaux sociaux pour partager les vraies joies et peines, des confidences mutuelles, des projets, des intentions ou pensées qui peuvent s’élever à des considérations spirituelles qui les grandiront.

Il faut préserver ou organiser des moments de qualité, entre époux et en famille, chaque week-end et plus spécialement lors de vacances ou à la fin de la période de séparation. Certains militaires après une mission de 6 mois en opérations, organisent un beau voyage en famille pour se retrouver et pour créer des souvenirs positifs qui domineront sur ceux de la séparation.

Enfin, il est vital de savoir s’arrêter, avant que l’usure ne soit trop forte, donc de reconsidérer régulièrement l’évolution des circonstances qui dictent le devoir, et de chercher toutes les occasions de revenir à une situation normale.

L’unité de la famille, clé de sa sainteté

La famille catholique est le reflet de la sainte Trinité : les parents (image de Dieu le Père), les enfants, l’unité de la famille (représentant l’Esprit Saint, qui unit les autres personnes). Prenons bien conseil pour discerner notre vrai devoir lorsque cette unité est mise en danger par une séparation afin de préserver ce commandement : « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. »

 « Que nulle séparation de temps ou de lieux, chers jeunes époux, ne relâche le lien de votre amour, ce lien que Dieu a béni, que Dieu a consacré. Restez fidèles à Dieu, et Dieu gardera votre amour immaculé et fécond. » (Pie XII – 15/07/1942)

Hervé Lepère

 

1 Le Padre Pio est évidemment saint mais sa messe n’est pas célébrée dans les lieux de culte de la FSSPX et des chapelles amies en raison des doutes qui pèsent sur la procédure des canonisations revue après le Concile.

 

 

L’honneur de servir

           Nous sommes en Août 2050, les petits-enfants sont en vacances et leur grand-père Henri raconte sa guerre de 2020…

« L’ennemi COVID-19, un virus, a attaqué la France et de nombreux pays. Nous avons été enfermés avec vos parents, qui avaient votre âge, dans notre maison pendant plusieurs semaines sans pouvoir sortir. Imaginez-vous ? L’école, le travail du papa, le fonctionnement de la maison, les distractions, et même la vie religieuse : tout à la maison, tous ensemble, tous les jours !

C’est la guerre, avait dit le président. La guerre, ça révèle les caractères, la qualité des hommes et la qualité des chefs ! Ce qui est vrai dans les conflits militaires, a été vrai dans cette guerre particulière, et dans nos familles.

Ce confinement a rendu plus visibles les défauts ou tentations de chaque famille : les échanges avec nos amis et la réflexion nous ont aidés à progresser dans les mois suivants.

La proximité permanente a montré chez certains des tensions entre époux, ils ont travaillé leur unité par la prière, l’attention mutuelle, la recherche des points à admirer chez l’autre, l’oubli ou le pardon des défauts.

Les familles où les enfants faisaient la loi et submergeaient leurs parents, où les crises de nerfs jaillissaient plusieurs fois par jour, se sont inspiré de la règle monastique de saint Benoît pour établir quelques règles de vie.

D’autres, adeptes du chacun pour soi, dans sa chambre ou sur son portable…ont redécouvert la joie des contacts personnels père/fils et père/fille, et les activités communes.

La tentation de s’accrocher aux écrans plusieurs fois par jour a été vaincue par un esprit de sacrifice et de prière, et par la joie des activités et discussions en famille. 

Tous, nous avons reçu une leçon d’humilité et de courage : aucune famille, aucun père de famille n’était parfait sur l’ensemble de ces sujets…. Avec d’autres pères de famille, nous avons donc réfléchi et travaillé à notre rôle de pères de famille : « l’honneur de servir ! »

Le père a pour but de servir le Bien Commun

Être père, c’est plus qu’un métier ! On exerce son métier pendant la journée, on est père quand le travail est fini. Être père, c’est une joie ; ou bien c’est une mission. C’est aussi une responsabilité quelquefois désagréable. C’est donc beaucoup plus et beaucoup moins qu’un métier. C’est plus noble et moins absorbant.  Comme tout chef l’est pour son groupe, le père est missionné pour le Bien Commun de la famille. Il a charge d’âmes, il est l’image de Dieu le Père, du Christ qui aime l’Église et donne sa vie pour Elle, c’est le Bon Pasteur.

Selon la noblesse du but que le père donne à sa famille, l’avenir des enfants sera influencé : en fera-t-il des saints en visant le ciel ? ou des matérialistes en visant d’abord la réussite scolaire et financière ?  

Pour viser le ciel, le père sait montrer et pratiquer l’équilibre entre les quatre dimensions obligatoires de son devoir d’état : Dieu, le travail, la famille, le service de la Cité. Si la pratique de ces quatre dimensions est obligatoire, leur proportion varie bien sûr selon les personnes et les circonstances.

L’ambition est immense et nous semble dépasser nos possibilités ?

Croire et vouloir, c’est pouvoir !

Ce principe recommandé par un grand éducateur, le père Gaston Courtois (1897-1970), fait écho aux pratiques des grands hommes : « Pour venir à bout des choses, le premier pas est de les croire possibles » disait Louis XIV. Un chef qui ne croit pas au succès est battu d’avance.

En effet, ce principe est enraciné dans la nature psychologique de l’homme, c’est aussi une vérité dans l’ordre spirituel : « Aide-toi, le Ciel t’aidera ». Pour l’appliquer, le père cultivera les vertus d’humilité pour demander conseil, de force et de persévérance pour le mettre en œuvre, de douceur pour entraîner les siens.

Proximité et bienveillance

Pour l’enfant et l’adolescent, le père est longtemps celui qui sait, qui possède la science et la sagesse ; celui qui décide, qui possède la force et la volonté. L’enfant lui fait confiance et se livre à lui si le père sait l’écouter. Le père a la charge de cette jeune intelligence et de cette liberté novice. Le métier de père est donc surtout celui d’éducateur.

Être éducateur, c’est faire surgir de chaque être humain, toutes les vertus cachées dont il est capable afin de l’amener à se surpasser lui-même pour réaliser tout ce que sa mission attend de lui.

Le père devra voir, au-delà des défauts de son enfant, qui forment écran, les qualités profondes dont il faut lui faire prendre conscience pour qu’il s’applique à les mettre en valeur.

Pour cela, il devra prendre le temps d’écouter, de s’intéresser à ses activités, de parler, même s’il n’a pas de message particulier à passer et même s’il ne se sent pas très doué pour cet exercice. L’enfant sentira qu’on s’intéresse à lui, à son bien, et lorsqu’il en aura besoin, il saura se dévoiler. 

Ne soyons pas de ces chefs tout prêts à faire des reproches ou punir mais qui ne trouvent jamais une parole d’encouragement ou de félicitation sous prétexte que les enfants n’ont fait que leur devoir ! Faire son devoir n’est pas toujours facile, et l’enfant a besoin de se sentir soutenu par ceux qui ont pour mission de le guider.

Avec les enfants, comme avec notre épouse, un mot maladroit, un manque d’égards, une expression dure ou méprisante peuvent semer aujourd’hui une rancune qui ressortira en colère plus tard.

La fermeté pour faire respecter les règles de vie commune, établies avec notre épouse, et connues de manière explicite par tous, n’empêche pas la douceur dans la mise en œuvre.

Honneur et joie de la mission de père

L’autorité du père ne doit être ni étouffante ni laxiste. Ne soyons pas comme les pharisiens à l’exigence formelle tout extérieure, mais soyons des hommes de Dieu, de vrais chefs spirituels dans notre famille.

Le meilleur des pères, avec humilité, se fait aider par d’autres : son épouse, l’école catholique, les chefs scouts, les prêtres.

Être père, c’est aussi être voué au sacrifice. Le père renonce pour ses enfants à bien des petites satisfactions, il accepte de petites entraves à sa liberté, à son temps, à ses loisirs ; et la somme de ces humbles offrandes finit par être grande. Mais surtout, le père ne peut pas ne pas souffrir par ses enfants et pour eux. Peut-il prévoir les plans de Dieu ? Même si les grandes épreuves lui sont épargnées, il ne peut achever son œuvre sans dépouillement et sans souffrance. Il faut souvent qu’il renonce à ses rêves, qu’il accepte que ses enfants soient autres que ce qu’il avait désiré : c’est une purification de l’amour. S’il constate chez son enfant, l’apparition d’un défaut, il l’aidera par le conseil, mais l’aide la plus efficace sera le sacrifice personnel et la prière.

La vie du père est une vie de don, et d’un don sans mesure. Elle doit être lumineuse et transparente. À travers le père, Dieu resplendit.

Qui a bien compris l’honneur d’être père ne s’arrêtera plus sur la voie montante. Le père élève vers Dieu le chant de la bénédiction et de la reconnaissance, et sur sa famille humaine, par la main du père descend à son tour la bénédiction de Dieu.

Hervé Lepère