Je n’ai pas fait exprès!

           Martin se confie à son ami Patrick : « Depuis la dernière réunion, Florent me fait la tête… qu’est-ce que j’ai dit pour mériter cela ? il est trop susceptible, c’est injuste ! »

Patrick rumine de son côté : « ma sœur Albane a hérité de la jolie commode de maman, alors que papa m’avait dit, il y a 10 ans, qu’elle était pour moi… c’était dit, c’est injuste ! »

S’ils n’y prennent garde, Martin et Patrick vont rentrer dans un cercle vicieux au bureau ou en famille : une rancune plus ou moins cachée va créer de la distance, leur sensibilité irritée va guetter la prochaine maladresse, un malaise va s’installer avec leur collègue de bureau ou leur famille. Le tempérament sanguin, extraverti, va exploser et ses paroles violentes vont laisser des traces. Le mélancolique, introverti, va ruminer, s’endurcir et créer un fossé. Silencieuse ou visible, la rancune va nuire au Bien Commun. Patrick et Martin doivent la détecter et agir en conséquence !

 

Notre psychologie peut nous jouer des tours

 

  Soyons-en conscients ! Certains ressentent vivement ce que d’autres considèrent comme un détail, une maladresse, et vice-versa.

Une grille d’analyse des types psychologiques1, utilisée dans les entreprises nous aidera à comprendre la manière dont nous préférons, naturellement, traiter les informations et nous faire une opinion. Certains privilégient les aspects logiques et objectifs, avec une tonalité intellectuelle (préférence « Pensée »), d’autres les aspects personnels et subjectifs, basés sur des valeurs et avec une tonalité affective (préférence « Sentiment »). Nous fonctionnons tous avec un mélange des deux, mais dans un dosage qui peut être très différent d’une personne à l’autre. 

Ainsi Martin et Patrick, avec leur préférence « pensée » recherchent des critères objectifs, impersonnels ; la justice, la logique. La fermeté et l’esprit critique leur paraissent nécessaires pour avancer. Florent, de préférence « sentiment », privilégie l’harmonie et l’empathie dans l’équipe, la chaleur humaine et la confiance, et a été choqué par une réflexion à l’emporte-pièce.

En réunion, Martin a critiqué une équipe ayant eu de mauvais résultats « ils sont mauvais, c’est nul ! ni fait ni à faire… ».

Florent : « mais ils se sont donnés du mal, ce sont des gars bien. Ils ont travaillé dur »

Martin : « c’est le résultat qui compte, et le résultat est mauvais ! »

Florent : « peut-être, mais tu es méprisant pour eux, c’était difficile ! »

Martin : « arrête de toujours les défendre. Si on ne peut plus se dire la vérité… »

Florent bouillonne et grimace en silence : « Martin m’attaque personnellement, la confiance manque, ses mots montrent un manque de respect pour les équipiers. C’est inadmissible ! »

Martin et Florent ont chacun des efforts à faire pour se comprendre et sortir de ce cercle vicieux.

À nous aussi, la charité commande de nous adapter à l’autre, de nous mettre à sa place. Il ne s’agit pas de nous aplatir et de renoncer à nos convictions, mais d’œuvrer au bien commun et, en passant, de mortifier notre amour-propre.

Savoir nous excuser même si nous n’avons pas fait exprès d’offenser l’autre

   Si vos bons amis vous disent régulièrement « arrête de t’excuser en permanence », ce paragraphe n’est pas pour vous ! Soyez simples et avancez malgré vos imperfections. Sinon, voici quelques conseils.

Choisissez le bon moment, où votre interlocuteur est seul, au calme. Commencez par une « formule de protection » pour signaler à votre interlocuteur que vous êtes venu en paix : « je t’apprécie, ton avis compte pour moi, puis-je te parler ? ». Puis faites vos excuses simplement et, si la réception est bonne, partagez une résolution pour l’avenir.

Ainsi Martin retourne voir Florent le lendemain et après sa formule de protection :

« Florent, j’ai l’impression que je t’ai blessé hier, en critiquant une de tes équipes, excuse-moi, je ne voulais pas t’offenser »

« …. »

« Visiblement, nous avons des réactions différentes, j’aimerais qu’on se comprenne mieux. Ce qui m’a gêné, c’est ce résultat, ces circonstances…. Cela a provoqué en moi tel sentiment (important de le dire), j’ai eu peur de… Je comprends une partie de ton point de vue mais j’ai voulu insister sur tel objectif, telle valeur…. Je ne voulais pas critiquer les personnes dans l’absolu, mais la manière de faire et le résultat… »

« Peut-être, mais c’était important… »

« En fait, nous avions des points de vue différents. Puisque nous nous apprécions et nous respectons, la prochaine fois que l’un de nous sent une tension, veux-tu que nous essayions de désamorcer en reformulant ? Disons par exemple : que veux-tu dire ? je ne me sens pas à l’aise, qu’est-ce qui compte pour toi sur ce sujet ? Ce sera notre code pour détecter que l’autre ne réagit pas comme nous… »

Martin a eu raison de faire le premier pas : il a compris qu’il avait involontairement blessé Florent et a donc présenté ses excuses. Mieux ! Il a montré de l’empathie : son souci de mieux comprendre son collègue si différent de lui. Enfin, il a donné des clés à Florent pour qu’ils se comprennent mieux à l’avenir.  

Ce qui est nécessaire du point de vue naturel, l’est encore davantage du point de vue surnaturel de l’humilité, de la justice, et de la charité. Comme Martin, n’hésitons pas à nous excuser même si nous n’avons pas fait exprès d’offenser un interlocuteur !

 

Réciproquement

 

  Si vous vous êtes senti offensé, pensez que cela a peut-être été involontaire de la part de quelqu’un qui n’a pas le même tempérament que vous…. cela vous aidera à pardonner !

Vous pouvez d’ailleurs faire la même démarche que Martin, à l’envers. Faire le premier pas vers l’autre est source de grâces.

« Pardonnez jusqu’à 77 fois 7 fois », afin qu’on puisse dire de vous « regardez comme ils s’aiment ! »

Hervé Lepère