Le coeur d’une jeune fille française

 Chère Bertille,

           Je sais l’amour que tu as pour ton pays la France. Dans notre société qui tend à se mondialiser, qui veut faire perdre les particularités de chaque nation et du coup les valeurs propres de sa population, il faut tendre encore plus à être de vraies jeunes filles françaises.

Ce qui nous caractérise toutes les deux, c’est notre jeunesse. Si l’on regarde les grandes saintes jeunes filles françaises : sainte Geneviève, sainte Jeanne d’Arc, sainte Odile, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, elles avaient toutes une grande dévotion en Notre-Dame. Notre-Dame a modelé notre pays, la France, par ses multiples apparitions et toujours elle est apparue comme une jeune femme : Lourdes, la Salette, la Rue du Bac, Pontmain…. Par-là elle nous encourage à garder notre esprit de jeunesse. Oui la jeunesse est un état d’esprit et non une période délimitée par l’âge. La vraie jeunesse est d’ordre spirituel. Sous le regard de Dieu nous ne vieillissons pas. Regarde le prêtre, quel que soit son âge, il monte à l’autel de Dieu qui réjouit sa jeunesse : « Introïbo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem meam ».

Si nous voulons rester jeunes, il faut être spirituelles. La jeunesse que tu fréquentes est blasée, triste. Elle a perdu tout sens et tout but à la vie. Pose lui la question : pourquoi vis-tu ? On te répondra : pour gagner de l’argent, pour le plaisir. Quel Idéal ! Un rien peut détruire l’idéal qu’elle essaye de construire chaque jour et qui la rend encore plus triste. Notre Idéal, il faut le placer en Dieu, là est notre trésor. C’est lui qui nous maintiendra jeunes. Le mot « Idéal » est synonyme de vocation, réaliser le plan de Dieu qu’Il a pour chacune d’entre nous.

Pour se construire, la jeunesse a besoin de modèles, c’est pourquoi les mamans prennent soin de raconter aux enfants les beaux exemples de ceux qui se sont dépassés pour Dieu, tels les Saints. Et la lecture de telles vies est toujours enthousiasmante. Le plus bel exemple que la jeune fille peut avoir, est la contemplation et l’admiration de la Sainte Vierge. “Qu’elle se mette à l’école de Marie, qu’elle la regarde, qu’elle la contemple, qu’elle entre en Elle, dans son Cœur, et qu’elle se laisse transformer. Marie a porté Jésus dans son sein. C’est là qu’il a été formé, et c’est là que nous devons retourner pour nous laisser former, pour que le Christ grandisse en nous1.”

A l’image de la Vierge, la jeunesse doit être pure et vraie. Le monde sait qu’en s’attaquant à la pureté, il détruit la jeunesse. Alors il faut construire un rempart encore plus solide. L’être pur n’a pas besoin de se cacher, de se dissimuler, ou de mentir. Les jeunes d’aujourd’hui sont “masqués”. Ils cachent ce qu’ils sont par leur apparence.

Ma chère Bertille, si tu veux construire quelque chose de solide, il faut t’asseoir sur des bases qui ne soient pas superficielles mais profondes. En étant chaque jour là où tu dois être tu seras heureuse.

On peut aussi admirer la disponibilité de la Sainte Vierge, dès sa jeunesse. A 16 ans elle accepte de devenir la mère de Dieu. Quelle responsabilité. Elle n’a pas peur, car elle sait être dans le plan de Dieu. Comme sainte Thérèse : « l’unique chemin, c’est l’abandon du petit enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son père ».

Du fait que nous soyons jeunes filles françaises, nous devons aussi remplir notre rôle. La France est fille aînée de l’Eglise. Elle doit cette place au nombre de saints qu’elle a enfantés, qu’elle a nourris et qu’elle a donnés au monde. Elle le doit aussi à son esprit missionnaire. Quel rayonnement la France a eu sur le monde : Elle possédait plus de la moitié des missionnaires du monde entier. La jeune fille a sa place dans cette œuvre. Sainte Thérèse a bien été nommée patronne des missions du fond de son Carmel. Alors continuons, à notre humble place, de rayonner, soyons missionnaires dans notre pays, afin qu’il retrouve sa Foi d’autrefois et le rayonnement qu’il avait.

Ma chère Bertille, je te souhaite de cultiver cet esprit de jeunesse chrétienne française. Je termine cette lettre par ces mots du futur Pape Pie XII lors de l’inauguration de la Basilique de sainte Thérèse de Lisieux, afin qu’ils t’encouragent chaque jour: « Quand je pense au passé de la France, à sa mission, à ses devoirs présents, au rôle qu’elle peut, qu’elle doit jouer dans l’avenir, en un mot, à la vocation de la France… comme je voudrais crier à tous les fils et filles de France : Soyez fidèles à votre traditionnelle vocation ! Jamais heure n’a été plus grave pour vous en imposer les devoirs, jamais heure n’a été plus belle pour y répondre. Ne laissez passer l’heure, ne laissez pas s’étioler des dons que Dieu a adaptés à la mission qu’il vous confie ; ne les gaspillez pas, ne les profanez pas au service de quelque autre idéal trompeur, inconsistant ou moins noble et moins digne de vous ! »

Anne

1 Le sacerdoce du Cœur, Jo Croissant p.140

 

 

 

La noblesse d’âme

Ayant eu la grâce de croiser des femmes à la noblesse d’âme si rare et si belle, sœurs admirables dans le monde ou le cloître, je voudrais t’en dire la beauté.

           Noblesse d’âme : deux sœurs, issues d’une illustre famille de France, étaient la simplicité même. Leur humilité était d’autant plus remarquable, que leur nom était grand. Le secret résidait en une éducation où Dieu était premier, Sa Volonté recherchée naturellement, pour tout guider. L’intime compréhension de l’exemple comme vocation, sans affectation.

  Noblesse d’âme n’était pas s’enorgueillir d’une histoire glorieuse au service du royaume, mais tenir leur place d’épouse et de mère, ouvrant leur porte au solitaire. Trouver normal que celui-ci ne puisse leur rendre le bien offert, mais lui proposer, à son tour de donner généreusement aux autres ce qu’il avait reçu.

  Noblesse d’âme de ne pas rendre le mal pour le mal quand cela arrivait, mais au contraire, de continuer à faire le bien prévu, gardant son cœur bien haut pour dominer ses passions.

Ne pas se montrer mesquines ou rancunières quand d’autres étaient injustes ou indélicates, et ne pas s’étonner d’être traitées parfois sans égards. Accepter de ne pas être comprises et parfois soupçonnées à tort, sans vouloir se justifier ou s’expliquer. Ne pas chercher à se faire justice soi-même, et savoir obéir sans comprendre, avec docilité, à l’autorité, en tout ce qui n’est pas péché.

Reconnaître ses fautes sans dissimuler ni prétexter et en accepter paisiblement les conséquences sans les rejeter sur les autres. Demander pardon et repartir le cœur léger pour continuer à aimer.

  Noblesse d’âme de ne pas penser tout savoir, mais donner son temps et ses talents joyeusement au service du bien commun, avec générosité et simplicité. S’efforcer de faire de son mieux, à sa place, et acquérir les compétences nécessaires, sans jamais se mettre en avant.

Ne chercher nul avantage, même de façon détournée, mais se renoncer paisiblement.

  Rester digne au milieu de l’affolement et au besoin sacrifier sa vie comme la duchesse d’Alençon dans le feu du bazar de la Charité.

  Noblesse d’âme de la moniale, attentive aux grands comme aux petits, au sourire toujours présent, sans jamais montrer ni son ennui, ni le temps donné sur sa charge. Ne pas faire sentir ce qui avait été reçu par l’éducation ou la grâce, que l’on découvrait au hasard, avec l’admiration profonde de cette humilité. Taire et pardonner le mal, digne au milieu des vicissitudes et des attaques. S’oublier sans cesse, sans le montrer.

           Noblesse d’âme de ne pas se laisser envahir par la réaction première, inhérente à notre nature blessée, mais offrir un visage serein qui puise sa force d’un regard levé vers le Ciel, car voyant La Main Divine dans tout événement.

Prier et mériter pour ceux qui nous blessent, sans s’étonner de leur fragilité, comme de la nôtre et repartir après avoir pardonné, sans dépit, sans amertume, sur le chemin.

  Noblesse d’âme, qui ne se découvrira pleinement qu’au Ciel. Combien d’actes apparemment insignifiants, se montreront alors parés de cette belle vertu. Que Notre Seigneur nous la donne et la fasse grandir en nous, à son Image et à celle de sa Mère.

 

Jeanne de Thuringe

 

 

 

La fidélité, l’engagement

Chère Bertille,

          Je te remercie pour ta dernière lettre où tu me fais part de ta difficulté à rencontrer d’autres jeunes filles qui soient fidèles au choix de vie qu’elles semblent pourtant avoir fait.

          Je suis bien consciente, chère Bertille, que c’est un problème que nous rencontrons de plus en plus autour de nous. Je vais essayer de te donner quelques pistes de réflexion concernant la fidélité que nous devons toujours pratiquer : examinons d’abord la signification du mot fidélité, puis comment Dieu Lui-même est fidèle et doit être notre modèle, enfin nous verrons la manière d’être fidèle dans notre vie quotidienne.

  Lorsque l’on prend un engagement, il y a une notion de fidélité à la parole donnée. Le mot fidélité vient du latin fides : la Foi, c’est la force dans la Foi. Cela veut dire que la Fidélité doit être ancrée dans la Foi, mais c’est aussi la confiance, la fidélité, la parole donnée.

Nous pouvons ainsi prendre un peu de hauteur et considérer les choses par rapport à Dieu. Le Bon Dieu est l’être qui ne manque jamais, Il est le premier à être fidèle, nous le voyons dans Son amour pour nous. Il nous est tellement fidèle qu’Il nous a envoyé son propre Fils bien que nous nous soyons détournés de Lui, bien que nous ayons été infidèles. C’est par Dieu et grâce à Dieu que nous pouvons rester fidèles, et cela se manifeste par notre confiance en Dieu.

  Mais à quoi devons-nous être fidèles ? Tout d’abord, nous devons être fidèles à la grâce de notre baptême. Notre parrain et notre marraine ont pris cet engagement pour nous le jour où nous sommes rentrés dans l’Eglise. Mais le jour de la Communion Solennelle, chère Bertille, c’est chacun de nous qui a renouvelé en pleine conscience cet engagement de renoncer à Satan et de s’attacher pour toujours à Jésus-Christ. Et tu sais bien que si l’on compte seulement sur nos propres forces, il n’est pas évident de rester fidèle à cette grâce du baptême. Cette fidélité au Bon Dieu se traduit par tous les actes de la vie quotidienne, et là j’en viens à la fidélité dans le devoir d’état. C’est dans la persévérance au jour le jour, à bien faire nos tâches quotidiennes par amour pour le Bon Dieu que nous renforcerons notre engagement pris auprès de Lui.

  Qu’est-ce que la fidélité dans le devoir d’état ? Eh bien, c’est considérer que tous les actes de notre journée, même les plus minimes, sont grands aux yeux du Bon Dieu s’ils sont faits avec amour : ce peut être en s’appliquant à faire la vaisselle, en privilégiant un moment calme et silencieux, après avoir coupé le téléphone portable, pour étudier les cours, ou encore en faisant le ménage de la chambre.

Cette fidélité dans les petites choses va te préparer à la fidélité dans les grandes choses, car dans une société on a besoin d’élites qui s’engagent, donnent l’exemple et cherchent à élever les autres ! Il faut être prête à répondre à ce que le Bon Dieu veut pour nous, ce peut être des responsabilités auprès d’enfants, dans l’organisation d’un pèlerinage ou que sais-je…, et cela n’est possible que si l’on a déjà pris l’habitude d’être fidèle dans les petites choses.

  Cette habitude prise au jour le jour te permettra par ailleurs de faire les bons choix dans la vie quoi qu’il en coûte : le choix de rester fidèle à la Tradition de l’Eglise, même si les autres membres de la famille ne te suivent pas, le choix de t’habiller en chrétienne que ce soit à la faculté ou à la maison, le choix de fréquenter de bons amis qui t’apporteront du bien et qui te tireront vers le haut.

  Et c’est là qu’il est bon de s’engager dans des œuvres, des mouvements de jeunesse, ou autre. Nous ne sommes pas faits pour vivre seuls. Nous avons le devoir de rayonner et de transmettre ce que nous avons reçu. L’engagement dans ces œuvres est un excellent moyen d’apostolat, et cet engagement pris auprès des hommes n’est que le reflet de l’engagement que nous avons pris auprès de Dieu en choisissant d’être chrétiens. Tu n’as pas le temps ? Tu n’es pas la hauteur ? Mais qui est toujours à la hauteur d’une responsabilité ? Dans tout engagement pris, le Bon Dieu donne la grâce d’état, il ne faut pas avoir peur, mais au contraire une grande confiance. Plus nous aurons conscience de notre faiblesse, plus nous aurons confiance en la force du Bon Dieu, plus nous rayonnerons dans ces œuvres où nous nous sommes engagés. Il n’y aura alors plus de problème de temps, chaque action trouvera naturellement sa place dans la journée.

  Ces premiers engagements qui sont parfois temporaires préparent à des engagements définitifs que sont le mariage ou la vie religieuse. Eh oui, à un moment donné, il te faudra suivre la vocation que le Bon Dieu t’a préparée et t’y engager de tout ton cœur et avec amour !

  Voilà chère Bertille, quelques réflexions sur la fidélité à la parole donnée et l’engagement afin qu’elles puissent t’aider tout au long de ce Carême, temps fertile aux résolutions pour la conduite de la vie.

  Bien amicalement,                       

  Anne

Ma mère, apprenez-moi

 O Marie, ma Mère, je vous prie chaque jour et pourtant je vois ma faiblesse. La jeune fille ou la femme que je suis est bien loin de celle que je voudrais être, de celle que vous fûtes. Enseignez-moi votre cohérente simplicité et apprenez-moi à me mettre dans vos pas. Que je puisse Le servir ici-bas et que ceux qui me rencontrent puissent ainsi, à travers moi, avoir une idée de la beauté et de la bonté de Dieu.

 Mon enfant, ma fille, il est important de vouloir n’être rien et de tout attendre de Dieu. Laisse-toi faire, et pour cela, laisse Lui la première place. Aie le cœur rempli de Lui comme tu as le cœur rempli de ton fiancé ou de ton époux. Cherche à Lui plaire comme tu veux plaire à celui que tu aimes et lorsque tu as un doute dans la décision à prendre, tourne-toi vers moi, je te réponds toujours.

C’est ainsi que l’ange Gabriel m’a trouvée et que mon Fiat fut si simple.

Merci ma Mère, montrez-moi et apprenez-moi.

  Mon enfant, ma fille, dans le choix d’un axe de vie, d’une activité, d’une détente, d’une rencontre demande-toi ce qui Lui ferait plaisir et Lui ferait honneur, comme tu voudrais faire honneur à celui que tu aimes. Même dans le silence de ta chambre le matin, après avoir offert ta journée, pour choisir tes vêtements et te préparer, ne L’oublie pas. Avec mon aide, en pensant à moi, tu sauras bien vite ce qui me plaît ou ce que je mettrais si j’étais à ta place.

Merci ma Mère, montrez-moi et apprenez-moi.

Mon enfant, ma fille, sache Le louer dans toutes ses œuvres, sois toi-même une louange à Celui qui nous a tout donné. Lorsque tu as une réponse ou une démarche délicate à faire, ne te précipite pas mais demande-toi ce que j’aurais fait à ta place, je t’éclaire toujours. Que ton cœur soit joyeux et bon envers tous, car miséricordieux. Pleure avec ceux qui pleurent, réjouis-toi avec ceux qui se réjouissent. Donne sans te lasser, cours au-devant des besoins que tu auras devinés. Apporte aux autres la paix et la beauté de Dieu sans les juger mais en les aimant.

C’est ainsi que je partis voir ma cousine Elisabeth et que j’ai pu aussi consoler Zacharie par ma douce présence.

Merci ma Mère, montrez-moi et apprenez-moi.

Mon enfant, ma fille, lorsque le renoncement frappe à ta porte, que la gêne ou les événements viennent contrarier tes projets ou te mettent dans l’incertitude, garde le cœur confiant et paisible en Celui qui peut tout. Ne t’agite pas, ne t’inquiète pas. Il sait ce qu’Il fait, pourquoi et comment. Continue de ton mieux à accomplir ta tâche quotidienne et laisse sa Providence agir. Sois forte au milieu de ceux qui doutent.

C’est ainsi que nous fîmes Joseph et moi lancés sur les routes pour la naissance à Bethléem de mon tout-petit ou sur la  route de l’exil en Egypte. De fait, rien ne nous a manqué.

     Merci ma Mère, montrez-moi et apprenez-moi.

          Mon enfant, ma fille, quand il faut te plier à une règle ou une demande qui ne te plaît guère, que tu juges inopportune, ou que tu ne comprends pas, je suis là pour t’aider à l’accepter avec bonne humeur et humilité. Tu mets ainsi, sans t’en douter, des fleurs à ta couronne et tu apprends à te renoncer. Les fruits en seront toujours beaux.

  C’est ainsi que nous allâmes au Temple offrir au Père son propre Fils et accomplir ma purification alors que je suis l’Immaculée. 

  Merci ma Mère, montrez-moi et apprenez-moi.

   Mon enfant, ma fille, lorsque les noirs nuages s’accumulent, que le monde se montre à toi comme un ennemi implacable et sournois, pense à moi. Je suis l’Etoile du Matin. Tu peux avoir le sentiment que Dieu a disparu de ta vie ou ne s’intéresse plus aux hommes avec le déferlement de lois iniques et de haine contre l’Eglise. Mais cela n’est pas vrai, c’est quand Il semble caché qu’Il œuvre en profondeur et quand Il disparaît apparemment, qu’Il se fait tout enseignant et attend notre amour sans faille.

  C’est ainsi que nous le retrouvâmes au Temple après l’avoir cherché dans l’angoisse, tandis qu’Il était aux affaires de son Père.

  Merci ma Mère de m’avoir montré et appris.

                    Jeanne de Thuringe

 

 

 

 

La Croix

Chère Bertille,

 Dans ta dernière lettre, tu me fais part de toutes les souffrances que tu peux avoir. Et ce n’est que le début d’une vie de femme. Pour t’aider à bien comprendre la souffrance, je te fais part aujourd’hui d’un texte que j’ai lu récemment et qui m’a rappelé les confidences que tu m’avais faites.

« Jeune, et pourtant si douloureuse déjà, te voici, à ton tour aux prises avec la souffrance humaine. Par la porte et par les fenêtres, sournoise ou en bourrasque, elle est entrée chez toi ; elle s’y est installée, locataire indiscrète et tenace.

  Tu souffres dans ton âme soucieuse, dans ton cœur meurtri, dans ton corps malade ! Tu souffres par les choses, par les gens, par la vie, par toi-même. Il y a tant de manières de souffrir et tant de raisons pour lesquelles on souffre !… Inutile de détailler. Pour le moment, ce qui importe, c’est ta souffrance à toi, très personnelle, qu’on devine ou non, mais que tu expérimentes avec une étrange acuité.

  Devant elle, aux prises avec elle, qu’es-tu ? Que penses-tu ? Comment réagis-tu ? Fais-tu de la résignation ? de l’amertume ? de la révolte ? de l’amour ? du blasphème ? de la mélancolie ? du doute ? du désespoir ? Tout est possible. Autant de souffrances, autant d’attitudes devant la souffrance. Seulement certaines attitudes sont mauvaises, laides, malfaisantes ; certaines autres sont bienfaisantes, glorieuses et belles.

  Quoi qu’il en soit, écoute !

  Dieu domine ce problème et l’éclaire. Avant de penser à ta souffrance ou pendant que tu y penses, nomme Dieu. Sans Lui rien ne vaut et ne signifie, la souffrance peut-être encore moins du reste. Dieu est, et tu souffres. Ce sont là les deux données : la première, donnée de la foi ; la deuxième, donnée de ton expérience.

  Dieu est. Oui Il est…. Et toi, tu souffres… Que veut-il donc ce Dieu qui t’aime et que tu aimes et qui te fait ou te laisse souffrir ?

 Peut-être veut-Il que tu expies. Car tu as péché. En quelle proportion, ta conscience peut te le dire. Où il y a péché, il doit y avoir expiation proportionnée. La souffrance acceptée paie pour la jouissance recherchée. Si ce n’est pas en ce monde, ce sera en l’autre. Mais ce sera. Mieux vaut que ce soit en celui-ci parce que l’expiation volontaire devient méritoire. Aussi toute chrétienne vraie, qui connaît ses fautes, et connaît en même temps le devoir d’expiation, se souvient, dès qu’elle est douloureuse, qu’elle fut coupable. Généreusement, elle consent à boire à la coupe amère pour se punir d’avoir bu à la coupe délicieuse.

 Peut-être veut-il que tu répares. Car il se peut que tu aies plus de souffrance à porter que de péchés commis. Alors tes peines signifient autre chose qu’une expiation toute personnelle….. Mais d’autres ont péché qui s’en moquent, ne se soucient nullement d’expier, méconnaissent leur dette de châtiment et ajoutent à leur faute celle de ne pas réparer. Dieu pense à toi pour cette dure et sainte besogne. Il t’associe à Jésus-Christ. Qu’est ce, pour une part, la Rédemption, sinon la substitution volontaire de l’Innocent aux coupables si bien que sur sa chair déchirée le Fils immaculé expie la multitude volupté des hommes ? Il y a là un  mystère profond. Seules les âmes profondes aussi, sont en mesure d’y comprendre quelque chose. Mais quand elles ont compris, par une grâce de choix, leur souffrance s’éclaire splendidement. Quelle émouvante majesté chez elles ! Quelle révélation de leur intime valeur !

Tantôt c’est la maman qui répare pour sa fille ; tantôt c’est la jeune fille qui répare pour ses parents ; tantôt c’est l’amie qui répare pour son amie ; tantôt c’est la chrétienne qui répare pour n’importe quel pécheur inconnu ; tantôt c’est la jeune apôtre qui répare pour les âmes qu’elle aime et voudrait sauver….. Tous les saints, sans exception, subirent ce traitement de faveur. Dieu agit avec toi comme avec eux.

 Peut-être veut-Il t’attacher à Lui. Comprends sa méthode. Les âmes qu’Il aime, celles auxquelles, plus qu’à d’autres, Il tient, Il les tire à Lui ; Il fait tout pour les rapprocher de Lui et réaliser avec elles une spéciale intimité. Or souvent, ici, quel est l’obstacle ? Un amour, une passion, un quelqu’un ou quelque chose qui vous charme et vous asservit, vous absorbe et vous immobilise, et appuyant sur vous de tout son poids vous empêche, ailes étendues, de vous élever à Dieu.

Dieu te tendait amoureusement la main et toi, c’est d’un geste si languissant que tu lui offres la tienne ! Et  même la lui offres-tu ? Il faut l’épreuve qui passe, déchire, secoue, renverse et libère. Tu sens que tout t’échappe. Et c’est vrai, tout t’échappe…. Mais Dieu arrive.

Peut-être veut-Il te former. Dieu, dit l’Evangile, est un vigneron qui taille sa vigne pour qu’elle produise : et la fait pleurer pour qu’elle rende… Dieu, dit le poète est un sculpteur qui cogne dans le marbre à grands coups de marteau pour que, parmi les éclats de pierre tombés à ses pieds, la statue se dresse, expressive et vivante… Par la souffrance, la vigne est fécondée ; par la souffrance, le marbre devient chef d’œuvre. Le vigneron est cruel et doit l’être ; l’artiste est dur et doit l’être. L’art détruit pour construire ; il supprime pour achever ; il corrige pour embellir.

Dieu se fait un idéal de toi et tend, si tu ne refuses pas, à le réaliser en toi. S’il te laissait tranquille, ce serait l’aveu du peu de valeur qu’il te reconnaît, la proclamation officielle de ton inaptitude à devenir de la beauté. Ton goût du repos peut y trouver son compte : mais, pour toi, quel échec ! En définitive, quelle vie manquée !

Depuis que les hommes sont des hommes et que parmi eux naissent des saints, nulle méthode n’a réussi sauf la méthode coûteuse de la formation par la souffrance…. Vertus à acquérir, défauts à corriger, vices à tuer, ressources à développer, tout demande effort. Et tout effort fatigue.

Le bon sens te dit «Tant qu’à faire de souffrir, souffre avec profit ». Le sens chrétien te dit « Aie confiance dans le procédé de Dieu ». Les deux te disent : « sache souffrir, et en souffrant, sache grandir ».

 Voilà ma chère Bertille ce beau texte sur la souffrance dont je voulais te faire part. Médite ces mots et accepte généreusement les souffrances que le Bon Dieu t’enverra.

Je suis de tout cœur avec toi.

Bien chaleureusement

                               Maïwenn