Porter sa croix

 « Salut, ô Croix, notre unique espérance »1

            Nous devons « porter notre croix ». L’expression nous est familière et elle évoque immédiatement à nos yeux le douloureux chemin parcouru par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour se rendre au Calvaire. A nous de suivre le divin exemple qu’il nous a donné si nous voulons sauver nos âmes et pénétrer dans le Ciel : « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il se renonce et prenne sa croix, et qu’il me suive »2. Pourtant, sommes-nous bien capables d’expliquer ce que signifient ces mots ? Suffit-il de souffrir pour « porter sa croix » ? Non, il est trop manifeste que les hommes peuvent être très éprouvés sans pour autant porter la croix. « Porter sa croix », c’est donc un certain esprit que nous essaierons de définir d’abord (I). Nous montrerons ensuite qu’il y a un art pour porter la croix sans la rendre plus lourde qu’elle ne l’est (II) et qui permet même de la rendre suave et légère (III).

I – Pour bien comprendre l’expression : « porter sa croix » :

La Croix, ce redoutable instrument de supplice, est devenu le symbole par excellence du Christianisme qui l’exalte et la glorifie. Saint André, arrivé au lieu de son martyre et voyant la croix, s’écrie : « O bonne croix qui a tiré ta gloire des membres du Seigneur, croix longtemps désirée, ardemment aimée, cherchée sans relâche, et enfin préparée à mes ardents désirs, retire-moi d’entre les hommes, et rends-moi à mon maître, afin que par toi me reçoive Celui qui m’a racheté par toi »3. Dans ses paroles, il explique le motif de son amour de la croix : elle est le moyen mystérieusement choisi par Dieu pour l’accomplissement de l’œuvre de la Rédemption. Tel est à jamais son titre de noblesse.

Cependant, si les deux frères de sang, Saint Pierre, Saint André et quelques autres saints ont subi dans leur corps la crucifixion, à l’imitation de Notre-Seigneur, c’est d’une façon spirituelle que les catholiques sont en général appelés à porter leur croix.

Ce qu’on appelle leur croix, c’est l’ensemble des souffrances et des épreuves diverses, corporelles ou morales, qu’ils sont amenés à supporter tout au long de leur existence ici-bas. Ce sont les conséquences du péché originel qui touchent tous les hommes. Si les maux subis par chacun varient en nombre et en intensité, nul n’est épargné. Les souffrances peuvent être également des conséquences ou des punitions divines pour les péchés personnels mais pas nécessairement. Des âmes très innocentes sont également placées dans le creuset de la douleur.

Mais il faut ici comprendre que l’expression « porter sa croix » ne consiste pas à souffrir et à être éprouvé. On peut l’être terriblement sans porter sa croix. Il s’agit en réalité de l’esprit avec lequel on reçoit et on vit les vicissitudes auxquelles on se trouve confronté. Ceux qui portent leur croix sont ceux qui ont saisi et accepté les souffrances et les épreuves comme étant des moyens privilégiés de rédemption, de sanctification, d’élévation spirituelle. Un Baudelaire l’avait perçu : « Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance comme un divin remède à nos impuretés ».

Le poète, au lieu de se révolter, sentait l’occasion privilégiée que la souffrance, chrétiennement vécue, lui donnait d’expier ses fautes, d’obtenir le pardon et la purification de son âme. Il savait voir la souffrance comme cette âme d’élite que fut Elisabeth Leseur : « Je crois que la souffrance a été accordé par Dieu à l’homme dans une grande pensée d’amour et de miséricorde ».

Ce n’est donc pas que les chrétiens aiment la souffrance ! Mais ils croient en sa valeur rédemptrice et ils expérimentent peu à peu comme elle est le moyen salutaire pour les désentraver des attaches terrestres et leur permettre de prendre leur envol vers les biens célestes. Comme l’a écrit Pie XII : « La Foi ne vous fera certes pas aimer la souffrance pour elle-même, mais elle vous fera entrevoir pour quelles fins très nobles la maladie peut être sereinement acceptée et même désirée »4.

C’est à ce titre que la souffrance est saluée, aimée et déclarée bienheureuse. Non point en elle-même mais en raison des biens précieux qu’elle nous obtient quand nous la portons dans cet esprit vraiment chrétien. Voilà l’un des sommets de la sagesse chrétienne.

II – L’art de ne pas alourdir sa croix :

 Ceux qui ne savent pas comment soulever un lourd fardeau peuvent se faire très mal au dos. Il existe, dans l’ordre naturel, des manières, des méthodes, des astuces même, pour accomplir sans trop de mal des tâches difficiles et fatigantes. Nous croyons qu’il en va aussi de même dans l’ordre surnaturel. Voyons qu’il y a d’abord des moyens de ne pas alourdir sa croix comme beaucoup ont tendance à le faire. Disons donc comment, il ne faut pas la porter.

Nous ne recevons les forces surnaturelles que pour porter le fardeau d’aujourd’hui. Demain et l’avenir doivent être paisiblement abandonnés à Dieu. Il risque fort de succomber sous le poids du jour, celui qui appréhende aujourd’hui les souffrances éventuelles et les peines de demain.

Comprenons aussi que Dieu sait bien mieux que nous et la croix que nous sommes capables de porter avec son aide et celle qui nous convient le mieux pour nous sanctifier ! Acceptons-la paisiblement comme elle est sans penser que nous aimerions mieux porter celle de notre voisin. Réjouissons-nous pour ceux qui portent peut-être une croix plus légère (d’ailleurs, qu’en savons-nous vraiment ?) et remercions Dieu d’avoir si bien choisi la nôtre.

N’ajoutons pas à notre fardeau des poids que Dieu n’a nullement voulu que nous portions. Comprenons en particulier que nos défauts, notre orgueil, notre susceptibilité, notre jalousie, par exemple, alourdissent terriblement nos épreuves. Au lieu de nous soutenir les uns les autres dans notre pèlerinage, nous nous faisons mal, nous nous heurtons, nous aggravons considérablement notre peine au lieu de l’adoucir par une vraie charité mutuelle.

Portons-la non par la force de nos muscles et en nous raidissant, non pas à la manière des stoïciens antiques, mais persuadés au contraire que ce n’est qu’en Dieu qu’on trouve la force pour la soulever. C’est en réalité bien plus Lui qui la porte que nous qui la portons.

III – L’Adoucissement marial et l’allégement des croix

Le Fils de Dieu Lui-même a voulu la présence de sa Mère à ses côtés tout au long de son chemin de croix et Marie a passé auprès de son Fils crucifié les trois terribles heures que dura le temps où il fut élevé de terre.

Que notre Foi nous donne la conviction profonde de la nécessité d’accomplir notre pèlerinage, de suivre notre chemin, toujours avec Marie. Sans elle, nous ne pouvons pas survivre. Si les saints, chargés de fardeaux terrifiants, volent plutôt qu’ils ne marchent sur ces routes d’exil, c’est qu’ils se sont abandonnés à Marie qui les porte sur son cœur.

N’est-ce pas là le secret qui donne l’explication de la joie profonde des saints ? La douce intimité avec la très sainte Vierge Marie, voilà le gage d’un vrai bonheur, même au milieu de nos croix et voilà la certitude de l’allégement de nos peines.

C’est ainsi que nos chemins deviennent non seulement supportables mais doux à nos âmes. Bien porter sa croix sur la terre, c’est en vérité la clef du bonheur.

 

Père Joseph

1 Tiré du « Vexilla Regis », hymne du dimanche de la Passion

2 Mt. 16, 24

3 Matines de la fête de Saint André

4 Pie XII dans son radio-message du 14 février 1954

 

 

Grandeur de la mission procréatrice

   « Mais Onan savait que cet enfant ne serait pas pour lui, aussi, quand il s’unissait à la femme de son frère, il se retirait et se souillait à terre pour ne pas donner de descendance à son frère. En agissant ainsi, il déplut à Yahvé qui le fit mourir lui aussi.[1]»

            Le péché solitaire ou onanisme[2] est certainement, à l’adolescence, la faute responsable de la perte de l’état de grâce, la plus répandue. Si l’effet de surprise peut constituer une excuse réelle au début, il ne peut plus ensuite être admis comme une raison qui exonère du péché et du péché grave. L’adolescent sent qu’il fait mal. Mais l’attrait du plaisir découvert est puissant de telle manière que nul péché ne tourne plus rapidement à l’habitude vicieuse. Ce sont des générations entières qui sont ravagées les unes après les autres par ce mal dissimulé qui atteint l’homme dans ce qu’il y a de plus intime et qui l’enchaîne parfois pour très longtemps. Le mariage lui-même ne l’en délivre pas toujours. Or, aujourd’hui, l’aggravation de cette lèpre morale de la jeunesse, déjà si terrible, provient de l’extrême facilité à trouver, grâce aux écrans, toutes les images les plus dégoûtantes qui soient. Voilà pourquoi nous voulons souligner, dans cet article, la malice de ce péché, par opposition à la grandeur de la mission procréatrice (I). Nous évoquerons ensuite les moyens à prendre pour ne pas y tomber ou en sortir (II). Enfin, nous nous interrogerons sur la légitimité de conserver la propriété ou l’usage d’appareils électroniques, s’ils constituent des occasions prochaines de péché. (III).

I – Grandeur de la mission procréatrice et péché solitaire :

Nous croyons que de nombreux adultes auraient du mal à expliquer pourquoi l’onanisme est un péché. Et, s’ils ne savent que bredouiller, il n’est pas étonnant que leurs enfants demeurent dans un brouillard encore plus épais. Pourtant, il est certainement capital de le savoir pour en mesurer la turpitude et en avoir horreur. Gageons que si chacun se rendait compte de la perversité de ce péché, cette connaissance serait à elle seule un puissant remède pour ne pas y tomber ou pour en sortir.

Dieu, notre créateur, nous a pourvus de la puissance de transmettre notre nature humaine. Il a dit à Adam et Eve : « Croissez et multipliez-vous » et Il les a dotés de la semence de vie. C’est une incomparable dignité qui fait de l’homme et de la femme des procréateurs. S’ils ne créent pas l’enfant qu’ils engendrent car Dieu seul est créateur, ils agissent en vue de disposer la matière en laquelle Dieu infusera l’âme. D’un point de vue naturel, c’est la plus élevée des puissances dont l’homme soit pourvu.

Or il est facile de comprendre avec quel respect l’homme traite toute semence que ce soit. La semence, c’est l’espérance ; la semence, c’est la vie. Le paysan ne l’enfouira pas dans le sol qu’après avoir soigneusement travaillé la terre, pour qu’elle puisse lever. Il ne la dissémine pas à tout vent ; il ne la gaspille pas ; il sait bien qu’elle est son trésor et qu’elle conditionne l’avenir.

Est-il donc besoin de dire avec quel religieux respect doit être traitée la plus noble de toutes les semences, celle qui porte en elle l’espérance de la vie humaine ? Ce que portent en eux-mêmes les hommes et les femmes, c’est tout ce qui permet la perpétuation de la race humaine, la conception de nouvelles personnes, c’est l’éminente aptitude de coopérer à la création et, dans l’espérance du sacrement de baptême, d’offrir à Dieu de nouveaux enfants régénérés par son Sang.

Attardons-nous encore un instant sur l’incomparable grandeur de cet ordre que Dieu a voulu, qui n’a pas été remis en cause par le péché originel, et qui élève l’homme et la femme, dans l’institution du mariage, à devenir les  coopérateurs de Dieu dans son art créateur ! Qui prend conscience de cette dignité ne peut que magnifier la munificence divine envers ses créatures humaines et découvrir en même temps avec quel respect il doit considérer cette prérogative.

C’est de cette hauteur qu’il faut maintenant considérer la sévérité avec laquelle Dieu punit le péché d’Onan qui se retirait et se souillait en répandant sa semence à terre. En se conduisant de la sorte, Onan dispersait dans la boue la plus précieuse de toutes les semences, celle qui fait les hommes. Il gaspillait ce trésor contenu dans ses reins, et la déversait à terre comme si c’eût été de l’eau sale. Il manifestait en cela tout l’aveuglement de son cœur, sa méconnaissance coupable du don de la vie. Son refus de donner à la femme de son frère, qui était veuve, des enfants, alors que la loi juive du lévirat le lui imposait, exprimait sa désobéissance et son égoïsme. Il traitait comme rien, comme un excrément, cette puissance de vie que Dieu a remise aux hommes.

Il importe de faire donc comprendre à l’adolescent, à un moment donné, que le liquide séminal ne doit vraiment pas être considéré comme les autres sécrétions ou excrétions du corps humain. A la différence de tous les autres qui sont des déchets, il porte au contraire en lui-même une puissance procréative. Telle est sa nature voulue par Dieu. Dès lors, tout acte volontaire qui va contre cette fin, qui empêche d’y parvenir, est un acte contre-nature. Et c’est en cela que consiste le péché.

Certes, Dieu a associé un plaisir naturel à l’acte d’union de l’homme et de la femme. Mais ce plaisir n’est légitime que dans la mesure où il est précisément joint à un acte qui, dans l’union conjugale, est ordonné aux fins du mariage. En dehors du mariage, dans le célibat, la recherche de ce plaisir, dissocié de toute espérance procréatrice, est comparable à l’excès du gourmand qui ne mange pas pour vivre mais qui vit pour manger. Mais il faut dire que le mal est ici beaucoup plus grave car le plaisir dérobé est obtenu au mépris des lois procréatrices.

II – Remèdes au péché solitaire

Comme nous l’avons déjà dit, il nous semble que beaucoup d’adolescents sentent bien que le péché solitaire est un péché et un péché grave mais ont du mal à l’expliquer. Leur fournir cet éclairage est cependant  nécessaire pour qu’ils ne  finissent pas par se révolter contre un interdit qu’ils ne comprennent pas. Le bénéfice d’une explication bien franche permet en même temps de souligner la grandeur de la vocation humaine. Dieu a remis aux êtres humains la puissance de perpétuer la race humaine. Il appartient aux hommes de discerner la noblesse de la matière que permettra l’œuvre procréatrice.

De cet exposé, il résulte clairement que l’homme ne doit pas utiliser sa semence pour une autre fin que celle que Dieu lui a donnée. Toute déperdition volontaire du liquide séminal s’oppose donc à l’ordre divin en matière évidemment grave.

La chasteté parfaite est donc l’état normal dans lequel doivent demeurer tous ceux qui ne sont pas liés par le mariage.

On ne cachera pas aux adolescents que les combats qu’ils doivent mener dans ce domaine sont plus ardus que beaucoup d’autres. Il faut qu’ils le sachent et qu’ils s’attendent à devoir utiliser des moyens un peu vigoureux. On ne leur demande pas, comme l’ont fait Saint Benoît ou Saint François d’Assise, de se jeter dans des buissons d’épines quand les tentations se font violentes … Mais on peut, par exemple, leur dire que sortir de son lit pour marcher un peu en priant, le temps que s’apaise la violence de la chair, est souvent le seul moyen pour en venir à bout.

Il faut encourager les adolescents, les engager à la réception fréquente des sacrements de la confession et de la Sainte Eucharistie, leur recommander une dévotion mariale bien présente tous les jours, depuis les trois « Je vous salue Marie » du matin à ceux du soir en passant par le chapelet. La joie des premières victoires qu’ils remportent sur eux-mêmes les stimulera pour combattre avec plus de détermination. Le beau triomphe de la pureté et de l’état de grâce n’est pas si éloigné qu’ils le pensent souvent.


III – L’aggravation provoquée par la multiplication des écrans.

Nous l’avons dit : la lèpre du péché solitaire n’est malheureusement pas un phénomène nouveau. Mais il est absolument clair que la connexion rendue possible à chaque instant, par tant d’individus, en groupe ou solitaires, de jour comme de nuit, dans le métro ou sous les draps, à tous les films et à toutes les images, constitue une tentation prochaine et facile d’une excessive gravité. La recherche des illustrations érotiques et pornographiques ne prend que quelques instants. Toute la débauche la pire s’obtient en deux ou trois clics. Et voilà le bain excitateur dans lequel se trouvent alors plongés ces millions d’adolescents qui avaient déjà tant de mal à résister auparavant à la tentation du péché solitaire.

Soyons nets : la connexion sur internet des téléphones portables constitue un danger pour le plus grand nombre. Il faut, hélas, admettre que beaucoup d’adultes sont aujourd’hui dans l’obligation d’avoir ce branchement pour des motifs professionnels. Mais, il n’en va pas de même pour les adolescents. Leur donner cette connexion, alors qu’ils n’en ont pas réellement besoin et qu’ils sont sujets aux chutes contre la pureté consiste à les mettre en occasion prochaine et NON nécessaire de péché grave. Or se placer soi-même ou a fortiori, placer ses enfants en une occasion prochaine de péché grave, lorsqu’il n’y a pas un motif proportionné, est péché grave. Les parents doivent en avoir conscience et les confesseurs refuser l’absolution lorsque, de façon répétée, des adolescents viennent s’accuser de péchés solitaires consécutifs à la vue de mauvaises images sur leur téléphone portable alors qu’ils n’ont aucune raison nécessaire pour être connectés et qu’ils refusent de se déconnecter. Et cette conséquence ne vaut pas seulement pour les adolescents mais pour tous ceux qui récidivent dans ces péchés alors qu’ils n’ont aucune nécessité d’être connectés.

Conclusion

Il va sans dire que l’éducation des enfants, avant l’adolescence, est déterminante. Une maman faible, qui cède aux caprices de ses bébés, qui n’oblige pas à terminer ce qu’il y a dans une assiette, qui se montre excessive dans ses caresses, qui ne cherche pas la formation réelle au caractère, prépare des adolescents mous. Ces malheureux, nullement préparés aux combats contre eux-mêmes dans ces petites choses, auront le plus grand mal à remporter ces batailles plus rudes de l’adolescence. On ne dira jamais assez le rôle fondamental que joue la mère de famille dans la formation des hommes. Mamans, n’agissez pas sans réfléchir sur la portée de vos actions et de vos réactions sur vos bébés et vos petits. Demandez conseil et priez.

Papas, investissez-vous dans l’éducation de vos enfants pour agir de concert avec vos épouses. Alliez la fermeté à la bonté.

Père Joseph

[1] Gen.38, 9-10

[2] Nous n’entrerons pas dans certaines distinctions suivies par quelques auteurs.

« ELOIGNEZ LES PETITS ENFANTS DU CHRIST. »

 Nous croyons que Notre-Seigneur Jésus-Christ est le seul vrai Dieu, que notre bonheur est de la connaître, de l’aimer, de l’imiter, de l’adorer, de nous unir à lui, dès cette terre, puis dans l’éternité bienheureuse. En conséquence, nous voulons que les hommes soient baptisés le plus tôt possible car c’est par ce sacrement qu’ils deviennent les enfants de Dieu. Nous n’avons pas plus besoin qu’ils nous donnent leur assentiment pour leur procurer ce bienfait que pour leur donner la nourriture quotidienne que réclame leur corps. Le baptême ouvre la porte de l’ordre surnaturel à l’âme et lui confère la grâce sanctifiante et toutes les vertus surnaturelles. Cette infusion initiale donne alors à chacun l’aptitude à poser des actes d’une excellence divine et vise à nous amener à notre vraie perfection qui est la sainteté ou l’imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Les actes des vertus surnaturelles sont inspirés à notre esprit par les lumières divines de la foi, et exécutés par notre volonté avec le secours divin de la grâce[1] ». Nous ne pouvons rien souhaiter sur la terre de meilleur que de vivre constamment en état de grâce et, mus par l’amour de Dieu, de nous adonner à pratiquer toutes les vertus surnaturelles avec la plus grande ferveur. Tel est l’unique et véritable itinéraire qui permet dès ici-bas de connaître un vrai bonheur, gage de la félicité éternelle.

Mais que se passe-t-il maintenant, lorsqu’un être humain n’a pas été baptisé ? La pratique des vertus lui est-elle totalement fermée ? Il importe de distinguer ici les vertus surnaturelles des vertus naturelles ou acquises. Ces dernières viennent de la répétition des mêmes actes bons que nous effectuons. Peu à peu, nous obtenons une facilité à les accomplir. Ils nous disposent à bien agir, et avec aisance, dans un domaine donné. Les vertus naturelles sont ces bonnes habitudes acquises par la répétition des mêmes actes. Elles sont donc, non pas le fruit du baptême, mais du labeur honnête de l’homme qui essaie de vivre raisonnablement. Les païens peuvent posséder de telles vertus et c’est un constat que nous pouvons faire chez certains d’entre eux.

Toutefois, il faut bien comprendre que les vertus naturelles demeurent déficientes. Car « dans l’ordre présent (celui de l’élévation dans le Christ du genre humain), nulle disposition n’est bonne, purement et simplement bonne, que celle qui adapte le possesseur à la vision de Dieu[2] ». Or les actes des vertus naturelles ne peuvent dépasser notre condition d’être humain raisonnable et volontaire. Ils ne sont pas non plus méritoires pour le Ciel. Et, de plus, même d’un seul point de vue naturel, ils sont souvent entachés par l’ignorance complète de certaines vérités telles que l’humilité. S’il est donc possible de signaler de beaux actes de force et de dévouement, par exemple, dans l’antiquité païenne, il est à craindre leurs racines d’orgueil. Seule la révélation chrétienne, l’exemple et la doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous découvrent la perfection de la vertu et la grâce de nous mouvoir dans l’accomplissement d’actes authentiquement surnaturels.

Essayons maintenant de considérer où en est l’exercice des vertus surnaturelles et naturelles dans nos sociétés d’aujourd’hui.

Nous avons dit que les vertus surnaturelles nous étaient communiquées lors de l’effusion de la grâce dans nos âmes à notre baptême. La raréfaction des baptêmes a donc pour conséquence immédiate celle des vertus surnaturelles. D’autre part, même si elles existent chez ceux qui sont baptisés et en état de grâce, leur exercice se trouve en réalité freiné par la corruption de la doctrine catholique dans un très grand nombre d’esprits. L’intelligence de l’abnégation et la place nécessaire de la croix ont été massivement oubliées et rejetées au profit d’une existence d’un nouveau genre chrétien. En cette religion, il est de moins en moins supporté que l’on ait le devoir de s’abstenir de certains plaisirs qui s’offrent au motif d’une morale réellement contraignante. Une place est encore accordée à un Dieu qui rassemble les hommes et qui cimente leur fraternité, mais non plus à un Dieu qui oserait encore imposer aux hommes les exigences de ses commandements intangibles.

Les vertus naturelles ne se portent pas mieux que les surnaturelles et pour une raison principale en réalité valable pour les unes et pour les autres. La Foi en Dieu s’est volatilisée. C’est vrai chez les catholiques chez qui la religion s’apparente à un sentiment du divin bien plus qu’à une conviction claire de l’existence de Dieu et à une adhésion au contenu de la Révélation. La transcendance cède la place à l’immanence et l’homme ne croit plus suffisamment en Dieu pour accepter à cause de Lui, de renoncer aux voluptés terrestres. Nous décrivons là une très forte tendance, même s’il ne faut pas généraliser.

Mais ce qui est vrai chez les catholiques provient en réalité d’une montée de l’agnosticisme et de l’athéisme qui est une caractéristique de notre époque. Or la remise en cause de l’existence de Dieu provoque une véritable révolution de l’ordre moral. « Si Dieu n’existe pas, tout est permis » avait noté Dostoïevski. Si notre existence se termine à l’instant de notre mort et que nos actes demeureront à jamais impunis, il devient illusoire de retenir les hommes de céder à leurs passions. Certes, il reste le principe des natures et de leur respect. Mais, dans les faits, qui a nié Dieu est bien près de refuser la permanence des essences et de leurs lois. Si Dieu n’est d’ailleurs pas à l’origine des choses, c’est à chacun de juger, à ses risques et périls, d’en enfreindre les règles s’il estime qu’elles existent. Mais, en réalité, l’existentialisme et le relativisme ont fait leur œuvre et le sentiment le mieux partagé est qu’il n’y a rien de stable. Aucune loi ne s’impose aux hommes et chacun se construit librement comme il l’entend. Est vertueux ce que je décide d’être.

Est-ce donc l’ère de la liberté qui commence ? Que devient cet homme à qui ses géniteurs et ses maîtres annoncent qu’il fait de sa vie ce qu’il lui plaît de faire et qu’il n’a de compte à rendre à personne ? Que ce qu’il décide librement de faire de son existence est bon au motif qu’il l’aura librement décidé ? Il s’oriente vers la satisfaction de ses désirs les plus immédiats. Il exige que ses caprices soient entendus. Au fur et à mesure que se découvrent à lui les jouissances sensuelles, il les recherche toujours plus fortes et grisantes. Tout simplement, parce qu’il est en quête du bonheur et que le monde se réduit à ses yeux à la seule matière.

Dira-t-on que ce petit animal assoiffé de toutes les voluptés, puis un instant repu, et de nouveau en chasse de blandices nouvelles est vraiment libre ? On peut le dire et peut-être même le croire. Mais, à la vérité, pour pouvoir le penser, il faut ne plus rien savoir de la liberté ! La réalité est celle d’un abominable esclavage. L’être humain habitué à ne jamais résister à la tyrannie toujours plus sévère de ses sens est un pauvre malheureux. Dans l’illusion de son eldorado sensuel, il sombrera dans la débauche et les plaisirs orgiaques. Jusqu’à quand ? Jusqu’à cette impression de dégoût de tout et surtout de lui-même et à cette certitude tardive qu’il a pris le mauvais chemin de la vie. Mais comment sortir d’un tel asservissement lorsque la volonté n’a jamais été exercée ? Comme on comprend la vertigineuse augmentation des suicides d’ailleurs vantés par cette société comme le nec plus ultra de la liberté !

En réalité, nous devons dénoncer l’empire du démon. L’homme qui se révolte contre Dieu devient infailliblement la proie du diable. Expert à tenter l’homme, à concéder quelques cacahuètes pour l’attirer, Satan n’est pas original. Il redit inlassablement aux hommes ce qu’il chuchotait à Eve au jardin de l’Eden : « Vous serez comme des dieux ! » Mais notre époque est la plus naïve de toutes celles de l’histoire. Elle répète la promesse du serpent avec une conviction jamais égalée et elle précipite ainsi les enfants des hommes dans un enfer terrestre. Au nom de la liberté !

Plus que jamais, nous devons avoir la ferme volonté d’une parfaite cohérence dans la vie familiale afin que notre foi soit l’unique principe de notre existence. C’est ainsi que nous maintiendrons, en dépit du contexte, la vie catholique sur terre.

Père Joseph

[1] R.P. Joseph Schellhorn in le « Catéchisme de la vie intérieure » 1937 p. 16

[2] Abbé Berto in « Les vertus nécessaires à la jeunesse actuelle

 

La famille et les scandales

Qui ne connaît pas dans son entourage proche d’excellents parents douloureusement atteints par l’éloignement de la foi ou l’inconduite morale d’un ou de plusieurs de leurs enfants ? Le contexte de la crise de l’Église et de l’apostasie de la société civile et la révolte contre toute loi morale constituent des facteurs redoutables de corrosion qui parviennent à faire chanceler de jeunes gens qui avaient pourtant reçu une solide formation religieuse. Les familles touchées par de tels drames se trouvent alors confrontées à des questions bien délicates. Quelle attitude adopter à l’égard de ces fils ou de ces filles à la vie devenue si répréhensible ? Le devoir de protéger le reste de la fratrie du mauvais exemple ne demande-t-il pas de rompre avec eux ? Mais si cette rupture est décidée, comment espérer encore le retour des enfants prodigues ? On comprendra qu’il est absolument impossible de traiter des situations innombrables qui peuvent se présenter. Notre désir est de donner ici un éclairage qui est indispensable pour répondre aux problèmes qui se posent et auxquels les parents se trouvent confrontés. Cet éclairage nous sera donné par l’exposé de certaines notions de théologie morale à la lumière desquelles nous proposerons certaines lignes de conduite. Nous terminerons sur quelques cas concrets.

I- Quelques notions de théologie morale

Le pécheur public

Par « pécheur public », l’Église désigne une personne qui a été baptisée dans la religion catholique mais qui s’est rendue coupable d’un ou de plusieurs délits énumérés dans le Code de Droit Canonique lorsque les fautes qu’elle a commises, ou sont déjà divulguées ou risquent facilement de l’être. Parmi ces délits retenus par le Code, citons la défection de la Foi Catholique par l’apostasie et l’hérésie, l’appartenance à la franc-maçonnerie ou des sectes analogues, l’avortement, la bigamie, l’adultère, le concubinage, etc … Notons qu’une faute isolée ne suffit pas toujours pour qu’une personne puisse être considérée comme pécheur public, même si cette faute a été divulguée. Il faut qu’elle se trouve habituellement dans cette situation de péché. Un homme qui commet une fois le péché d’adultère n’est, par exemple, pas pécheur public pour autant mais il le devient s’il vit avec une autre femme que la sienne et que sa situation est connue ou risque aisément de l’être. Aujourd’hui, le cas de péché public le plus fréquent est celui du concubinage qui est presque devenu la norme. Ajoutons que certains péchés, même s’ils ne sont pas des délits, c’est-à-dire des transgressions de la loi ecclésiastique, peuvent cependant être gravement nuisibles au bien commun.

Le bien commun

Il est à noter que tous les péchés graves ne sont pas pour autant des délits. Le Droit Canon ne reconnaît comme délictueux que ceux d’entre eux qui sont spécialement nuisibles au bien commun de l’Église. Elle se doit de protéger sévèrement ce Bien dont l’affaiblissement provoqué par des lésions graves et répétées entraîne un préjudice pour tous les fidèles.

Afin de défendre ce bien commun et tous les fidèles, l’Église sanctionne ceux qui se rendent coupables de ces infractions d’ordre canonique. Des peines de gravité variable sont définies par le Code et amènent des conséquences graves telles que le refus des sacrements et de la sépulture ecclésiastique tant qu’ils n’ont pas donné des signes clairs de leur repentir et de leur amendement et qu’ils n’ont pas fait une réparation publique.

L’Église explique pourquoi elle agit toujours ainsi et dans quel esprit elle le fait. Elle le fait, non point pour offenser le pécheur dont elle souhaite ardemment la conversion mais afin de combattre pour l’honneur de la religion et de préserver ses enfants du scandale.

Le scandale

Le grand souci de l’Église est d’empêcher que les fidèles ne soient scandalisés par une indignité ou une inconduite qui n’aurait pas été reprise comme il l’aurait fallu. La notion de scandale doit être ici reprécisée car son acception courante (choquer) s’est éloignée de sa véritable signification.

 « Est scandaleux tout fait, omission, parole, action quelconque ayant au moins un aspect moins bon et pouvant produire une faute morale chez autrui[1] ».

Bien qu’il ne soit pas toujours en lui-même un péché, l’acte qui cause le scandale l’est très souvent. Aujourd’hui, la multiplication des péchés publics et leur légalisation provoquent une banalisation universelle ou à peu près des comportements les plus répréhensibles. Même chez ceux qui continuent à distinguer le bien du mal, l’accoutumance à côtoyer la perversion est extrêmement dommageable en elle-même et débouche sur des tentations qui résultent de ce contexte de débauche.

La coopération au mal

Il est aisé de comprendre que l’on ne doit pas coopérer positivement au péché en l’approuvant, en le conseillant, en le louant, en le légalisant, en en prenant la défense. Mais les circonstances peuvent nous demander de faire davantage et de nous y opposer activement en le désapprouvant et en y mettant obstacle. Nous pouvons être coupables et même gravement coupables de ne pas utiliser les moyens qui sont à notre disposition pour empêcher le péché. Enfin, que le péché ait déjà été commis, ou qu’il risque de l’être, nous pouvons être tenus à la correction fraternelle.

La correction fraternelle

Elle consiste soit à reprendre son prochain de ses péchés ou de ses défauts, soit à l’avertir d’un péril de pécher où il se trouve. Ce devoir de charité nous oblige gravement si

« le prochain se trouve dans une grave nécessité spirituelle » ; si l’on peut prévoir que « notre intervention sera très probablement, sinon très certainement efficace » ; « qu’il n’y ait pas d’inconvénient grave constituant une excuse valable[2]».

Il importe de souligner ici que la vraie charité consiste à avoir le courage de reprendre le pécheur tandis que la fausse charité est de ne jamais rien dire et de laisser faire.

Le libéralisme moral et l’inversion du scandale

Dans le domaine moral, le libéralisme consiste à donner les mêmes droits à toutes les personnes, qu’elles soient ferventes catholiques ou pécheurs publics. Il donne les mêmes droits à tous ; il use des mêmes égards envers les uns comme envers les autres sans faire aucune distinction entre le bien et le mal. Qu’il s’agisse d’une attitude que l’on adopte par principe ou par facilité et lâcheté, le libéralisme moral crée une atmosphère détestable qui place le vice et la vertu sur un pied d’égalité et est gravement scandaleux en elle-même.

La conséquence logique du libéralisme moral est de conduire à l’inversion du scandale. Par cette expression, nous voulons désigner l’attitude de ceux qui en viennent à se choquer et à s’indigner contre les personnes courageuses qui refusent l’indulgence coupable à l’égard des pécheurs. C’est là une inversion vraiment diabolique.

La tolérance

Comprenons cette notion dévoyée par la modernité qui, en son nom, ne fait plus de différence entre le vrai et le faux, le bien et le mal, le beau et le laid. Tout se trouve noyé dans le relativisme. Non, la tolérance est toujours la permission d’un mal qu’on préfère laisser subsister de crainte qu’en cherchant à l’éradiquer, on en provoque un plus grand. Il est à souhaiter cependant que la tolérance soit provisoire et que le moment surviendra, la situation s’étant améliorée, où l’on pourra s’attaquer au mal. L’acte de tolérance est toujours un acte de la vertu de prudence, non de celle de justice, et elle relève du chef.

II – Lignes de conduite

1) Le bien commun l’emporte sur le bien particulier. A la lumière de ce principe, les parents d’un enfant qui mène une vie scandaleuse doivent toujours se rappeler que leur amour de cet enfant et le désir de le ramener ne doivent pas passer au-dessus de la préservation de l’ensemble de la famille. S’ils ne doivent pas abandonner leurs efforts pour qu’il se dégage de sa vie de péché, ce ne doit pas être au risque de banaliser ses comportements coupables devant ses frères et sœurs.

2) En tenant compte de l’âge des enfants, de leur connaissance précise ou approximative de  la situation de celui de leurs frères ou sœurs qui vit mal, il importe que la réprobation de son indignité et de son inconduite soit clairement exprimée par les parents. On expliquera que ce blâme nécessaire et les distances qu’il impose n’empêchent ni l’affection qu’on lui porte ni l’espérance qu’on a de le ramener de ses mauvais comportements.

3) Parmi toutes les circonstances qui doivent être considérées, signalons que la sévérité envers le coupable doit être plus stricte dans une famille bien préservée où le scandale d’une inconduite provoquera un mal plus grand. Elle doit être aussi plus grande si l’enfant a reçu toute l’éducation chrétienne qu’il était possible de lui donner.

4) Les prières et les sacrifices pour le coupable sont de tous les jours. Les tentatives et les efforts pour le ramener doivent être tentés avec un grand discernement de toutes les circonstances pour qu’ils soient efficaces pour la brebis perdue sans nuire à la fratrie.

 III – Quelques cas concrets

Nous envisagerons trois cas dont les deux premiers, même en milieu traditionnel, ne sont pas rares. Quant au troisième, il est certes rare mais malheureusement pas inexistant.

  1. a) Cas d’un enfant vivant en concubinage:

La banalisation de cette situation dans la société d’aujourd’hui est extrême. Dès que l’on sort des milieux catholiques traditionnels et conservateurs, la pratique du concubinage avant le mariage est généralisée et elle l’est souvent avec la bénédiction des prêtres. Ce fléau est une menace très sérieuse pour les familles qui restent catholiques tant le mauvais exemple est insidieux.

Cependant ceux qui vivent en concubinage sont des pécheurs publics. Leur indignité et leur inconduite font scandale et les parents d’un enfant qui se trouve dans cette situation ont le devoir de protéger leurs autres enfants contre ce scandale.

Aussi ne doivent-ils en aucun cas accepter de concéder à celui de leurs enfants qui vit en concubinage de venir à la maison familiale avec son concubin comme si de rien n’était. Ce qui implique de ne les recevoir à dormir ni dans la même chambre évidemment ni même dans des chambres différentes. Ce qui implique également de ne pas accepter le concubin du membre de la famille à la table familiale. C’est sa présence même qui doit être bannie de la maison afin de ne pas accoutumer les autres enfants à l’indulgence vis-à-vis du péché.

 Lisons ce que dit Saint Paul : « En vous écrivant dans ma lettre de n’avoir pas de relations avec les impudiques, je n’entendais pas d’une manière absolue les impudiques de ce monde, ou bien les cupides et les rapaces ou les idolâtres ; car il vous faudrait alors sortir de ce monde. Non, je vous ai écrit de n’avoir pas de relations avec celui qui, tout en portant le nom de frère, serait impudique, cupide, idolâtre, insulteur, ivrogne ou rapace, et même avec un tel homme de ne point prendre de repas. (…) Ceux du dehors, c’est Dieu qui les jugera. Extirpez le méchant du milieu de vous[3]». En réalité, la parole de Saint Paul exige de ne pas accepter à un repas le frère lui-même qui est pécheur public. Si l’on peut penser que l’apôtre parle plutôt des repas de la communauté chrétienne, les parents doivent cependant se demander si la présence même de celui de leurs enfants qui vit en concubinage à la table familiale, même sans son concubin, surtout si son attitude est insolente et provocante, ne suffira pas à constituer le scandale.

En revanche, ce qui est possible, surtout si les parents estiment par un entretien avec le concubin de leur enfant, ou le décider au mariage, s’ils estiment souhaitable le mariage ou favoriser la cessation du concubinage, c’est de le recevoir dans la plus grande discrétion, à l’insu de leurs enfants et en dehors du cadre familial.

  1. b) Cas d’un enfant divorcé remarié

Non seulement les divorcés remariés sont des pécheurs publics mais ils sont frappés d’une infamie de droit[4]. Leur situation d’état habituel d’adultère est rendue encore plus odieuse par l’apparence de légalité que donne le mariage civil.

Tout ce que nous avons dit concernant le concubinage vaut a fortiori pour la situation d’un enfant qui vivrait avec un autre conjoint que son conjoint légitime ou qui vivrait avec une personne ayant abandonné son conjoint légitime.

Recevoir cette personne causerait un scandale beaucoup plus grave encore que de recevoir un concubin pour les motifs suivants : ce serait un outrage commis contre le caractère sacré du mariage et l’inviolabilité des engagements qui ont été contractés devant Dieu et ce serait également un outrage envers le conjoint légitime.

Etant donné que la seule issue à cette situation est la séparation de deux adultères, les recevoir ensemble dans le cadre familial ne peut que constituer un grave scandale.

Il reste que les parents pourraient les recevoir en privé pour les conjurer de se séparer.

  1. c) Cas d’un enfant vivant dans une relation contre-nature 

Faut-il rappeler que l’Eglise enseigne que ce péché est puni par la loi divine de la peine de mort et que cette peine fut encore appliquée en France au XVIIIème siècle ? Que le Catéchisme de Saint Pie X enseigne qu’il y a « quatre péchés dont on dit qu’ils crient vengeance devant la face de Dieu dont l’homicide volontaire et  le péché impur contre l’ordre de la nature[5] » ?

Là encore, le scandale a produit ses effets sur toute la société car ce vice se trouve terriblement banalisé.

Tout ce que nous avons dit auparavant vaut en face d’une telle situation. Mais il nous semble, en plus, que l’enfant qui se trouve dans un tel cas doit être rencontré par ses parents uniquement en privé et à l’extérieur du cercle familial pour l’aider à retrouver l’amitié avec Dieu. La seule acceptation de sa présence suffirait dans l’esprit des membres de la famille à relativiser la gravité de son péché qui l’est déjà tellement par tout le contexte extérieur.

L’abaissement vertigineux de toute moralité ne doit pas nous amener à baisser les bras et la barre. Nous devons, avec la grâce de Dieu, courageusement demeurer fidèles aux commandements divins qui sont immuables. Notre intransigeance constitue en réalité l’aide la meilleure que nous pouvons apporter aux pécheurs pour qu’ils prennent conscience de leur péché et qu’ils s’amendent. Mais prions pour tant de familles si douloureusement éprouvées par ces situations dramatiques. Faisons pénitence pour que les coupables viennent à résipiscence.

Père Joseph

NB : nous nous référons uniquement au Code de 1917

 

[1] Vittrant : « Théologie morale » p. 197

[2] idem p. 99

[3] I Cor, 5 ; 9-13

[4] Canon 2356 du Code de 1917

[5] Catéchisme de Saint Pie X – V – Chap. 6