Les âmes des saints

Ma chère Bertille,

Nous venons de fêter la Résurrection, nous allons bientôt solenniser ces grands jours de l’Ascension et de la Pentecôte. Aussi, mieux que toutes les lettres que je pourrais t’écrire, je préfère laisser parler les âmes des saints.

Dans les extraits ci-dessous que je t’envoie, tu y retrouveras l’âme vibrante de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus selon le témoignage d’une de ses novices sœur Marie de la Trinité.

Je t’en laisse apprécier le suc afin que ton âme vive du Christ et que tu vives pour Lui.

Bien affectueusement.

AZILIZ

Aveugle et ignorant le calcul.

Je lui demandais si Notre Seigneur n’était pas mécontent de moi, en voyant toutes mes misères. Elle me répondit:   « Rassurez vous, Celui que vous avez pris pour époux a certainement toutes les perfections désirables; mais, si j’ose le dire, il a en même temps une grande infirmité: c’est d’être aveugle ! Et il est une science qu’il ne connaît pas: c’est le calcul. Ces deux grands défauts, qui seraient des lacunes fort regrettables dans un époux mortel, rendent le nôtre infiniment aimable.

 « S’il fallait qu’il y voie clair et qu’il sache calculer, croyez vous qu’en présence de tous nos péchés, il ne nous ferait pas rentrer dans le néant ? Mais non, son amour pour nous le rend positivement aveugle !
« Voyez plutôt : si le plus grand pécheur de la terre, se repentant de ses offenses au moment de la mort, expire dans un acte d’amour; aussitôt sans calculer, d’une part, les nombreuses grâces dont ce malheureux a abusé, de l’autre, tous ses crimes, il ne voit plus, il ne compte plus que sa dernière prière, et le reçoit sans tarder dans les bras de sa miséricorde. « Mais, pour le rendre ainsi aveugle et l’empêcher de faire la plus petite addition, il faut savoir le prendre par le cœur ; c’est là son côté faible… »

Au moment de communier…

« Au moment de communier, je me représente quelquefois mon âme sous la figure d’un petit bébé de trois ou quatre ans qui, à force de jouer, a ses cheveux et ses vêtements salis et en désordre. – Ces malheurs me sont arrivés en bataillant avec les âmes. – Mais bientôt la Vierge Marie s’empresse autour de moi. Elle a vite fait de me retirer mon petit tablier tout sale, de rattacher mes cheveux et de les orner d’un joli ruban ou simplement d’une petite fleur… et cela suffit pour me rendre gracieuse et me faire asseoir sans rougir au festin des anges. »

 Mon secret : invoquer la Sainte Vierge.

    Les novices lui témoignaient leur surprise de la voir deviner leurs plus intimes pensées:   « Voici mon secret, leur dit-elle: je ne vous fais jamais d’observations sans invoquer la Sainte Vierge, je lui demande de m’inspirer ce qui doit vous faire le plus de bien; et moi-même je suis souvent étonnée des choses que je vous enseigne. Je sens simplement, en vous les disant, que je ne me trompe pas et que Jésus vous parle par ma bouche. »

Combattre sans courage

    Je me désolais de mon peu de courage, ma chère petite sœur me dit : « Vous vous plaignez de ce qui devrait causer votre plus grand bonheur. Où serait votre mérite s’il fallait que vous combattiez seulement quand vous vous sentez du courage ? Qu’importe que vous n’en ayez pas, pourvu que vous agissiez comme si vous en aviez ! Si vous vous trouvez trop lâche pour ramasser un bout de fil, et que néanmoins vous le fassiez pour l’amour de Jésus, vous avez plus de mérite que si vous accomplissiez une action beaucoup plus considérable dans un moment de ferveur. Au lieu de vous attrister, réjouissez-vous donc de voir qu’en vous laissant sentir votre faiblesse, le bon Jésus vous ménage l’occasion de lui sauver un plus grand nombre d’âmes ! »

Comment Jésus nous reçoit après une faute.

    Je lui avais fait de la peine, et j’allais lui en demander pardon. Elle parut très émue et me dit: « Si vous saviez ce que j’éprouve ! Je n’ai jamais aussi bien compris avec quel amour Jésus nous reçoit, quand nous lui demandons pardon après une faute ! Si moi, sa pauvre petite créature, j’ai senti tant de tendresse pour vous, au moment où vous êtes revenue à moi, que doit-il se passer dans le cœur du bon Dieu quand on revient vers lui ?… Oui, certainement, plus vite encore que je ne viens de le faire, il oubliera toutes nos iniquités pour ne plus jamais s’en souvenir… il fera même davantage: il nous aimera plus encore qu’avant notre faute !… »

L’espérance

  Ma chère Bertille,

Remplie d’enthousiasme à la lecture des paroles de Charette que je t’avais adressées en guise de vœux pour saluer l’an nouveau, tu as voulu partager ta joie en montrant ma lettre à quelques-unes de tes amies. Las ! Tu as dû affronter leur froid scepticisme. Elles reprochent à cette lettre son ton pessimiste qui dessinerait, du moins à les entendre, une vision noire de la réalité qui nous entoure alors que nous avons tant de raison de rester optimistes.

            Ces mots de pessimisme ou d’optimisme sortent tout droit des officines de la Franc-maçonnerie et nous sont radicalement étrangers. Nous ne sommes ni l’un, ni l’autre, nous sommes des âmes d’espérance. Nous ne jugeons pas les êtres et les choses à l’aune des réalités humaines, mais selon une perspective éternelle. Nous sommes de la cité d’en haut et nous ne travaillons pas pour les quelques prébendes grossières qu’offrent le monde à ceux qui le servent. Le pessimiste ou l’optimiste n’a d’autre horizon que celui étriquée des biens de la terre.

Ne sommes-nous pas baptisées ? Laissons ces notions à ceux qui n’ont point d’espérance. Au calvaire, il n’est plus question d’optimisme ou de pessimisme, seule l’espérance est de mise. Note, fièrement, que le mot espérance est un joyau rare qui appartient en propre à notre belle langue  française. A ma connaissance, seul le français a un mot spécifique pour différencier l’espérance de l’espoir.

Il te souvient, non sans émotion certainement, de ce beau texte d’Alphonse Daudet dans sa fameuse Dernière Classe lorsque

le vieux maître chante les louanges du Français qui est : « la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide » aussi « il fallait la garder entre nous et ne jamais l’oublier, parce que, quand un peuple tombe esclave, tant qu’il tient bien sa langue, c’est comme s’il tenait la clef de sa prison ». Soyons fidèles à la clarté de notre langue et ne tombons pas dans l’esclavage de l’espoir ; demeurons enfants de France, femmes d’espérance.

Il ne s’agit pas de nier l’évidence : les réalités présentes sont sombres. Lorsque les hommes de la Terreur ont vaincu monsieur de Charette, la vieillesse du monde a détruit la jeunesse de Dieu. L’ombre de la Terreur continue de s’étendre sur la terre. Elle a pour noms avortement, euthanasie, manipulations génétiques…

A vue humaine, la situation actuelle est désormais sans issue. Devant une telle calamité, la spiritualité de l’autruche a le vent en poupe. La plupart des personnes se voilent la face ou se consolent dans un optimisme béat alors qu’il s’agit de regarder la réalité en face. Ce déni de réalité donne aux ennemis de Dieu et du pays le bâton pour nous battre. Ne te trompe pas, l’espoir ou l’optimisme ne sont pas les armes des combats d’aujourd’hui. Seule l’espérance permet de mener le bon combat. Ne savons-nous depuis sainte Jeanne d’Arc que la victoire vient d’en haut ? « Les gens d’arme batailleront et Dieu donnera la victoire ». Espérance contre tout espoir disait saint Paul, Contra Spem in spem.

Aussi est-il nécessaire de revenir une nouvelle fois à monsieur de Charette. Tu connais sa belle et noble devise, elle claque au vent sur les champs de bataille comme un cri d’espérance : « Combattu toujours, battu parfois, abattu jamais ». Je te mets au défi de trouver dans ces paroles le moindre optimisme. En revanche, cette devise est une magistrale leçon d’espérance. Le Chevalier de Charette accepte la réalité telle qu’elle est avec son lot de combats, de défaites, d’erreurs, mais il ne se laisse pas aller au désespoir car luit dans son âme de chrétien la leçon suprême : la Croix est, au-delà des apparences, la victoire suprême, l’espérance qui anime nos âmes : O Crux Ave, Spes unica.

Vois-tu Bertille, notre foi nous conduit sur ces chemins d’espérance où nous savons que toute tentative de restauration humaine est désormais vaine car la situation échappe complètement aux forces humaines, mais non point à la force divine de la grâce et à sa puissance de résurrection.

Ne te laisse donc pas abattre par les réflexions sceptiques des âmes pusillanimes, incapables de s’élever au-dessus du naturel. A ces esprits chagrins qui ne veulent pas voir la réalité en face et préfèrent les méandres des compromis, cherchant une consolation dans l’espoir, encourage-les à réciter souvent cette belle invocation bénie et encouragée par Pie IX : « Notre Dame de la Sainte Espérance, convertissez-nous ».

Tel est le souhait que je formule : convertis-toi à l’espérance, à l’école de Notre Dame.

Oui, vraiment monsieur de Charette est grand : « Faut rire ! »

Je t’embrasse bien affectueusement,

Aziliz

AIMER, EST-CE UNE SIMPLE AFFAIRE DE CŒUR ?

Chère Bertille,

« Aimer n’est pas si simple qu’il y paraît” m’écris-tu dans ta dernière lettre, un brin désabusée.

Et pour illustrer ton propos, tu enchaînes avec une salve nourrie de questions : “Comment savoir que nous aimons vraiment ? Devons-nous nous fier à notre cœur ou au contraire nous en méfier ? Aimer n’est-ce pas au fond l’illusion suprême ?”

Puis, certainement afin d’étayer ta dernière question quelque peu lapidaire, tu affirmes avec justesse que “l’émoi peut être très illusoire et nous entraîner dans la passion qui, à terme, détruit l’amour.”

Permets-moi de poursuivre ta réflexion sur ce sujet si délicat et essentiel.

Qu’est-ce qu’aimer en effet ? Est-ce ressentir un doux sentiment qui nous charme ? N’est-ce qu’un attrait plus ou moins violent qui nous submerge et nous entraîne ? En un mot, nous appuyant sur la formule tant de fois répétée que “le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas”, devons-nous conclure qu’aimer n’est qu’une simple affaire de cœur ?

Grâce à notre formation aristotélicienne où nous avons fort heureusement appris et compris que l’homme est un animal raisonnable, nous nous inscrivons avec force en faux face à cette réduction de l’amour aux dimensions du cœur.

Certes, il est possible que nous sentions dans notre cœur un attrait puissant qui nous émeut. Nul ne nie cette éventualité qui reviendrait à renier notre propre nature. L’attrait et ses émois appartiennent en effet à notre nature sensible, animale.

Cependant réduire l’amour à n’être rien d’autre qu’un attrait, une inclination de notre nature sensible à tomber sous le charme, n’est-ce point réduire l’amour à une force aveugle qui nous entraîne dans une spirale infernale où la concupiscence, puis rapidement la sensualité, tiennent les premiers rôles ? Nous serions réduites rapidement à devenir les esclaves du plaisir, à n’être qu’un bateau ivre et bientôt une épave.

Cette spirale nous éloigne en effet dangereusement des rives du devoir et nous donnons à la  passion, à nos passions, plein empire sur le cours de notre vie. Or la passion est aveugle. Guidées par nos seuls sentiments, nous nous recroquevillons de manière très égoïste au lieu de sortir de nous-mêmes et de nous épanouir. Nous construisons notre vie sur les sables mouvants de nos sentiments changeants. Ils finiront par nous engloutir.

Aimer ne consiste pas à se laisser submerger par une vague, mais bien à s’élever au-dessus de soi et de ses propres intérêts, à s’ennoblir en cherchant un bien supérieur : le bonheur de l’autre.

Réalisons-nous ce bel idéal si notre cœur exerce un pouvoir sans partage ? Ou, pour reprendre tes propres termes « devons-nous nous fier à notre cœur ou nous en défier » ?

Nous ne doutons pas que le cœur joue un grand rôle dans l’amour. La question qui se pose ici est de savoir quelle place il lui revient.

Affirmons-le de manière claire au risque de nous répéter : il est essentiel que le cœur ne soit pas la puissance dirigeante dans l’ordre de l’amour.

Nul ne peut aimer en effet s’il ne connaît au préalable. Il est impossible que nous prétendions aimer quelqu’un que nous ne connaissions ni d’Eve, ni d’Adam ! Un parfait inconnu n’ébranle aucune puissance de notre cœur et nous restons parfaitement indifférentes en sa présence. Qui pourrait prétendre aimer sans connaître au préalable ?

Le simple bon sens nous montre que le cœur suit l’intelligence et ne saurait en aucun cas la précéder.

                                                           AZILIZ

Le cœur a ses raisons

 

Ma chère Bertille,

Tu m’as confié que des sentiments contradictoires agitent ton cœur dernièrement  et que, sans coup férir, tu passes de la joie intense à la tristesse soudaine. Tu m’écrivais que tu as bien conscience que ces mouvements brusques et contradictoires sont dus aux nombreuses interrogations qui s’entrechoquent dans ton âme lorsque tu penses à ton avenir et que tu envisages ta possible vie future comme épouse et mère.

Tu te demandes si tu pourras un jour connaître la joie d’aimer et d’être aimée, alors que tu ressens déjà profondément dans tout ton être les appels joyeux à la maternité.

Ces interrogations sont bien légitimes et ne devraient pas prêter le flanc à l’inquiétude, mais tel un mauvais lierre qui s’agrippe à l’arbre et le vide de sa sève, des questions lancinantes tournent en boucle dans ton âme. Elles t’entraînent dans une spirale malsaine et t’empêchent de regarder paisiblement l’avenir qui s’ouvre devant toi. En un mot, elles t’enferment et t’asphyxient.

Tu m’écrivais que tu ne pouvais en effet t’empêcher de te demander constamment si tu rencontreras un jour un homme qui saura t’aimer et t’apporter la sécurité à laquelle tu aspires. Et puis, tu t’interroges pour savoir si tu sauras le comprendre et le rendre heureux ; les garçons te semblent parfois si difficiles à cerner. Tu aimerais savoir comment être sûre que vous serez faits l’un pour l’autre. Et de manière plus générale, tu en viens à te demander si aimer n’est pas un leurre ou tout simplement un mensonge !

Dans nos prochains échanges, je me propose de jeter sur le papier quelques considérations sur cette belle et noble réalité qu’est l’amour souvent mal comprise, parfois déformée voire même profanée.

Aussi grâce au rythme lent de la plume allons-nous aborder ces questions essentielles, tâchant d’y mettre un peu d’ordre. Dans un premier temps, afin d’éviter de nous éparpiller, j’aimerais fixer le cadre de notre promenade épistolaire en me contentant de dessiner le pourtour de cette vaste question de l’amour. Question essentielle qui touche tant de domaines variés qu’il est aisé de s’égarer dans ces dédales où les questions du rôle de l’attirance, des sentiments, de la volonté et de la grâce s’enchevêtrent comme à plaisir. Nous reviendrons sur chaque d’entre elles, car toutes méritent un développement.

Pour l’heure, et de façon volontairement un peu schématique, j’aimerais t’exposer comment je compte procéder. Permets-moi donc de te faire parvenir l’ébauche de mon plan que je modifierai au gré de tes remarques afin que nous cheminions de concert.

  1. L’homme est créé pour aimer. Mais parce qu’il est composé de chair et d’esprit, il doit faire effort pour unifier attirance, sentiments et volonté qui tirent chacun dans un sens bien différent. De plus, l’amour est une réalité complexe qui demande à être analysée afin de savoir de quoi nous parlons vraiment. Faute de faire ces distinctions nécessaires, beaucoup se trompent sur la nature même de l’amour et se brûlent les ailes.

2 .Peut-on parler vraiment d’amour lorsqu’il n’y a qu’une attirance ? N’est-ce pas réduire l’amour à un vil intérêt personnel ?

  1. Il semble évident qu’amour et égoïsme ne font pas bonne pair. Comment se fait-il alors que souvent l’amour passionné fasse tomber l’homme dans un égoïsme éhonté ? Nous toucherons là à la question du plaisir qui se revêt des oripeaux de l’amour.
  2. L’amour est-il un mouvement de la volonté, le fruit d’un choix conscient ou une passion plus forte qui nous entraîne et nous enchaîne ? Lorsque nous aimons, le dernier mot doit-il être laissé au cœur ou la raison a-t-elle encore un rôle à jouer ? L’amour n’est-il qu’une flamme romantique ou une école de vie à l’ombre du sacrifice et de l’oubli de soi ? L’amour doit-il être réduit à une envolée sentimentale ? N’est-il pas au contraire un chemin de crêtes qui mène aux sommets ? Comme tu le devines, la question du bonheur sera au centre de notre recherche, car l’amour est davantage une recherche du bien de l’autre qu’une recherche de soi.
  1. Est-il digne de parler d’amour à propos de Dieu ? L’amour qui est au centre de la vie humaine, n’est-il pas aussi un sentier qui mène à Dieu ? Certains auteurs, et non des moindres, parlent d’amitié entre Dieu et l’homme : qu’est-ce que cela recouvre ? Est-il vraiment possible de parler d’amour entre Dieu et l’homme lorsque la nature divine et la nature humaine sont si différentes ? Si l’amour entre Dieu et l’homme est une réalité, en quoi aimer Dieu et se laisser aimer par Lui peut influencer en profondeur l’amour humain et lui donner son sens profond ?

Tu le vois, les questions sont nombreuses et il nous faudra y répondre pour saisir ce qu’est l’amour et la place qu’il doit occuper dans notre vie. Bien simplement, dans la clarté et la joie, nous allons explorer ensemble ces chemins de vie qui nous mènent à Dieu.

En attendant de recevoir tes remarques et, très certainement, d’autres questions concernant ce noble sujet, je te redis toute mon affection et je t’embrasse…en signe d’amitié !

AZILIZ

Quantité ou Qualité

Chère Bertille,

            N’est-il pas de bon ton de nos jours de se vanter d’avoir, grâce aux fameux Réseaux Sociaux tels Facebook, Instagram, tweeter ou je ne sais quel autre compte, des centaines d’amis ?Pourtant, paradoxalement, nos contemporains avouent qu’ils souffrent de plus en plus de solitude.

L’homme n’est pas cependant un loup solitaire. Il est un animal raisonnable et sociable qui a besoin des autres pour avancer le long de la route dans son pèlerinage qui le conduit aux portes de l’éternité. Ne peut-on pas comparer la vie à une course de montagne ? On s’y élance de bon matin pour en conquérir le sommet en empruntant souvent des chemins pentus.

A l’aube de la vie, le chemin est rendu facile grâce au nid familial. L’enfant est entouré de ses parents qui l’aident à grandir et lui apprennent à marcher. Cet apprentissage essentiel se fait dans une atmosphère de douceur et de paix nécessaire au plein épanouissement de l’âme de l´enfant. Mais plus le temps passe cependant et plus les aléas de la vie rendent le chemin escarpé et rude.

Dans cette période cruciale de la vie, les amis prennent toujours plus d’importance pour nous aider à continuer à monter.

Mais qui est l’ami ?

Est-ce celui que tu ajoutes à une liste virtuelle ou qui, toujours à travers ce monde virtuel, te raconte le petit détail de sa vie quotidienne qui ne présente pas grand intérêt, sinon celui d’entretenir sa pathologie nombrilisme ? Est-ce celui qui t’invite à te retrouver dans une fête mondaine entre mille et un « amis” et d’augmenter ainsi le nombre de tes connaissances car cela pose son monde d’avoir un médecin, un architecte, ou un ingénieur dans son carnet d’adresses ?  Est-ce celui qui se sert de toi pour son seul avantage ?  Est-ce celui surtout qui, lorsque la réalité vient frapper à ta porte, s’évanouit dans la nature et disparaît complètement du paysage ? Tu fais alors l’expérience d’une grande solitude…

Non, l’ami n’est pas ce falot aux multiples visages qui ne sait que se rechercher et ne se tourne vers toi que pour sa propre utilité.

Dans le chemin de la vie, l’ami est celui qui te soutient dans ta marche. C’est le bâton indispensable sur lequel tu te reposes.

tu tombes, il te relève ; si tu te blesses, il t’apporte réconfort et force ; si tu succombes à la tentation de rebrousser chemin, il t’oblige à avancer ; si tu t’égares trompée par les passions, il n’hésite pas à te corriger pour te remettre sur le chemin. Aussi n’hésites-tu jamais à lui demander conseil, il connaît si bien tes qualités et tes défauts qu’il saura te conseiller avec doigté.

Au-delà des vicissitudes du moment, il est celui en effet qui toujours t’indique la route à suivre coûte que coûte. Ainsi lorsque s’élève le chemin et que ton souffle se fait plus court lors d’ascensions soudaines et abruptes, l’ami est là, vigilant et encourageant.

Tu peux te permettre de le déranger à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, comme l’Evangile t’invite à le faire d’ailleurs. Il t’accueillera toujours avec affection et prendra le temps de t’écouter avec soin.

L’ami, c’est celui qui parle à ton âme. Aussi la lui ouvres-tu avec bonheur.

Sais-tu que des latinistes font venir le mot latin amicitia, qui signifie amitié en français, de deux mots latins animus et custos qui signifient, eux, âme et gardien ? Laissons à d’autres plus doués que nous de juger de la justesse du raisonnement de ces philologues, il n’en reste pas moins vrai que l’ami est bien ce gardien de l’âme. L’amitié n’est rien d’autre qu’un échange d’âmes qui doit être reçu et vécu comme une grâce extrêmement rare qui remplit l’âme de reconnaissance, de joie et de sérénité.

Qui dit amitié, dit fidélité, invitation à l’oubli de soi et au don de soi. L’ami est en effet celui qui est capable de donner sa vie pour l’autre.

A ce titre, Notre Seigneur n’est-il pas l’Ami parfait qui donne sa vie pour nous sauver et qui tout, au long de notre vie, se rend présent et frappe à la porte de notre cœur pour nous indiquer la marche à suivre ? La vie de la grâce est-elle autre chose qu’une amitié avec Dieu ?

Dans le monde actuel où le virtuel a remplacé le réel, où la quantité a pris le pas sur la qualité, l’amitié est une perle extrêmement rare.

Tu l’auras saisi : l’amitié est du domaine du sacré. La prolifération commerciale de soi-disantes amitiés utilitaires qui font florès sur les Réseaux Sociaux la ravale et la profane en favorisant des échanges superficiels comme seul peut en produire le virtuel qui injurie le réel.

Existe-t-il encore de vrais amis ? Nous vivons à l’ère des copains, à celle de camarades avec qui on profite de la vie.

Nous sommes passés du temps de l’amitié à celui du profit, de l’époque des nobles échanges d’âmes à la jouissance et au plaisir de posséder. L’avoir a pris le pas sur l’être et seul compte désormais le nombre au mépris de la grandeur et de la beauté de l’union des âmes dans leur recherche commune du Vrai.

Revenons au temps de nos Pères et à leur sagesse, tissons avec soin et délicatesse ces liens humains qui permettent à l’amitié d’éclore dans les âmes avides d’aimer et d’être aimées.

Sois cette amie pour tous, peut-être trouveras-tu un jour l’âme sœur. Du moins au crépuscule de ta vie seras-tu prête à Le rencontrer.

AZILIZ