C’est la rentrée!

Eh oui, après de bonnes vacances ensoleillées pendant lesquelles nous aurons changé d’air et pu nous détendre en famille, nous voici de retour à la maison, prêts à reprendre le cours normal de notre petite vie déjà bien organisée…

Le cours normal ? Non, n’en reprenons pas le cours « normal », comme s’il ne s’était rien passé pendant ces semaines de repos ! Ne poursuivons pas le cours de notre vie en la reprenant exactement là où on l’avait laissée ! Nous revenons fortifiés de bon air et de saines activités, le moral au beau fixe après avoir vu tant de belles choses et passé de si précieux moments réunis en plusieurs générations… Ne sentons-nous pas cet allant qui nous motive, nous donne envie d’aller plus loin, d’être meilleurs dans ce que nous entreprendrons ? Et si nous décidions de nous améliorer ? de gommer ces petits défauts qui rendraient la vie de notre époux encore plus agréable ? De bannir quelques mauvaises habitudes qui, sournoisement, se sont confortablement installées dans notre quotidien ? Et si on en parlait à deux pour décider vraiment et précisément tout ce que nous aimerions améliorer durant cette nouvelle année qui commence ?

Voici une idée: organisons un dîner en tête à tête, là, dès les premiers jours après notre retour ! Cela peut se faire aussi bien à la maison qu’à l’extérieur, mais que ce soit agréable, un peu intime et hors de l’ordinaire !

Avant toute chose, nous devons être bien d’accord, tous les deux, de ce que nous voulons que soit notre foyer : aussi saint que possible, uni, équilibré, dans la volonté du bon Dieu. Nous sommes également prêts à fournir les efforts nécessaires pour progresser vers ce but commun. Et il est normal que cela coûte de se réformer !

Préparons donc cela chacun de notre côté en notant sur une feuille :

Ce qui doit changer (vie spirituelle, habitudes de notre vie familiale, amélioration matérielle, horaires…)

Commençons par le plus douloureux, car il est bien étonnant de voir combien, pour chacun de nous, toucher à notre téléphone portable est un sujet sensible ! Et nous savons bien, au fond de nous-mêmes, que nous l’utilisons trop souvent de façon désordonnée, compulsive et boulimique ! Quelles que soient nos habitudes, il y a des règles intransigeantes à nous imposer, la première étant que cet outil-là ne doit pas entrer dans le salon, ni même franchir le seuil de notre chambre matrimoniale. Cet endroit est un peu le «Saint des saints» de la maison, il ne regarde que notre intimité d’époux et « le monde » n’a pas à y pénétrer. Décidons donc de laisser nos téléphones à l’extérieur de ces pièces, l’entrée de la maison étant l’endroit idéal pour ne pas avoir la tentation de le sortir à tout prétexte (dont celui de ces fameuses notifications à bannir, et qui vous alertent de la moindre nouvelle tirée de la rubrique des faits divers les plus croustillants !). Et imposons-nous de ne le consulter que trois fois par jour, ce qui devrait largement suffire dans une journée normale (chacun adaptera, bien sûr, cette fréquence en fonctions de ses besoins professionnels ou des circonstances). On en coupera le son pour limiter les tentations.             >>> >>> Puisque le téléphone ne sera plus dans notre poche, voilà qui nous motivera à décider de reprendre la lecture de vrais livres, mieux écrits et plus complets que les « brèves » lues à la va vite sur nos petits écrans. Il y a tant de bons livres qui pourraient nous aider à progresser en stimulant notre âme, notre réflexion, intelligence, mémoire, et il est d’ailleurs surprenant de constater soudain que cette lecture-là est bien plus reposante et enrichissante que « l’autre ».

Peut-être que les vacances en famille ont aussi permis de prendre quelques bonnes habitudes de prières ou de chapelet en commun qui n’étaient pas encore bien acquises. Décidons de les maintenir. Et pourquoi pas essayer d’aller une ou plusieurs fois à la messe en semaine ? Ou bien de faire, ensemble ou non, une retraite spirituelle dans l’année ?

Ce qu’on aimerait que l’autre améliore (petits travers de caractère, manies dans le quotidien matériel, efforts sur tel ou tel point…)

Cela regarde chacun d’entre nous, et en général nous ne manquons pas d’idées à suggérer à notre conjoint dans ce domaine ! Il va de soi que chacun fera preuve de patience et d’indulgence. L’épouse ne pourra pas demander à son mari fumeur de ne plus fumer sur le champ… Il en est de même pour bien des choses à corriger. Pour cela, il faut vraiment définir à deux et avec précision le progrès à faire: « Je ne fume plus que trois cigarettes par jour au lieu de cinq et toi tu ne téléphones plus à ta mère après que je suis rentré…»

Les résolutions d’activités, d’engagements de services à l’extérieur… Vie sociale

Il est normal que des époux rayonnent sur l’extérieur, nous avons tous à donner de nous-mêmes pour soutenir une œuvre, aider notre prochain, partager notre expérience personnelle, c’est un devoir de charité, et civique. Bien sûr, il faut un peu se pousser à sortir pour des réunions après une longue journée de travail, mais bien souvent, on y fait de formidables rencontres qui, elles aussi, nous apportent beaucoup ! Quelle communauté religieuse n’a pas besoin d’aide ? Quelle association n’accepterait pas de renforcer ses rangs ? Il y a encore les kermesses, les chorales, les visites aux malades ou aux personnes âgées…

Que ce dîner soit comme un nouveau départ. Après avoir pris soin de noter toutes nos résolutions pour l’année, et discuté librement, mis à plat quelques petites déceptions ou attentes, on se sentira un peu plus « neufs » pour repartir! Parfois même on réalisera, par ces bons échanges d’impressions, que l’autre était à cent lieues de ce que l’on s’imaginait bêtement dans son coin, et tout ira mieux ! Le mariage a ceci de rassurant que nous sommes à deux pour avancer, mais aussi pour nous soutenir : aussitôt que l’un trébuche, l’autre est plus fort à ses côtés pour le relever en une merveilleuse expression de notre amour mutuel.

Alors, très bonne rentrée !

Sophie de Lédinghen

 

 

La sagesse d’Anne  

La porte d’entrée claque enfin ! François est de retour chez lui, et son pas lourd laisse entendre à son épouse que l’humeur n’est pas des meilleures, ce soir… Anne soupire « Enfin ! Voilà maintenant quelques heures que je maintiens au chaud, comme je peux, ce dîner qui commence sérieusement à dessécher ! »

– Bonsoir, Chéri ! Dure journée, n’est-ce pas ?!

– Bonsoir !

A voir la mine renfrognée de son mari, Anne se retient de plaisanter, comme elle le fait bien souvent pour le dérider, d’une petite phrase enjouée comme : « Pardonnez-moi, Monsieur, êtes-vous bien mon mari ? Car, lui, est habituellement aimable et reconnaissant quand il me retrouve le soir… ». Mais elle sent bien que ce soir, cela ne servirait qu’à l’agacer.

Son mari, toujours muet, s’installe à table après un bénédicité rapide. Anne l’observe et a bien envie de lui dire « Moi aussi j’ai eu une journée longue et difficile, j’ai porté à bout de bras la maison et les enfants, tout est en ordre et accueillant avec un dîner encore chaud voilà ma récompense ? » mais elle se mord la langue, cela ne ferait qu’ajouter de l’huile sur le feu !

Il est clair que François, harassé par une dure journée, n’a pas été capable de retrouver son calme en revenant à la maison si tard. Il n’est pas sous son meilleur jour, c’est le moins que l’on puisse dire. Anne se dit alors que le mieux à faire est de dîner, que cela le détendrait, et qu’elle pourrait prendre des nouvelles de sa journée plus tard.

– Figure-toi que j’ai rencontré Marguerite aujourd’hui, lance t-elle gentiment, elle a pu me donner des nouvelles de son père si malade…

– Et comment va-t-il ?

– Les analyses sont très rassurantes, ils ont bon espoir de guérison…

« Victoire ! se dit Anne, au fond d’elle-même, la glace est rompue et le volcan n’a pas explosé ! », et la conversation se poursuit agréablement jusqu’à ce que les deux époux soient assez détendus pour prendre tranquillement, l’un et l’autre, des nouvelles de leur journée.

Pauvre Anne ! Elle qui attendait impatiemment le retour de son mari pour se reposer un peu sur lui, après une journée si bien remplie à courir de-ci pour l’un des enfants, de-là pour un autre, ponctuelle et souriante malgré les petits imprévus immanquables dans un quotidien de mère de famille. Non seulement François rentre bien plus tard que d’habitude, mais il fait mauvaise figure et se montre très tendu, comme si elle avait à « payer » ce qui ne s’était pas bien passé pour lui au bureau !

La voilà déçue, mais compréhensive, cherchant tout de suite à se rendre agréable à son mari fatigué et la tête encore dans ses soucis de travail. Une épouse ne se rend pas toujours bien compte du fossé qui existe entre le monde du travail de son mari et sa vie de famille. Les réunions qui s’enchaînent, les combats personnels, les contrats perdus de façon inattendue… Comme disait un prêtre de ma connaissance : « Mesdames, dites-vous bien que pour vos maris, c’est tous les jours la guerre au travail ! ». Bien sûr, l’époux >>> >>> doit faire tout ce qu’il peut pour laisser ses soucis professionnels à la porte de sa maison, mais parfois, il rentre avec le secret espoir d’être réconforté, sans vraiment reconnaître qu’il en a besoin… Se montrant grognon, en gardant l’idée que l’être aimé aura cette douce intuition qui lui permettra de comprendre qu’il a besoin d’affection alors qu’il agit comme si c’était la dernière chose qu’il voulait ! Voilà pourquoi réagir par des propos acerbes ne ferait qu’aggraver les choses.

L’épouse a compris qu’il fallait apaiser son mari, c’est l’heure de dîner, dînons ! Rien de tel pour refaire quelques forces et se changer les idées en parlant d’autre chose. Vous remarquerez qu’Anne ne vide pas son sac de la journée en énumérant tout ce qui s’est passé plus ou moins bien, non, elle donne une bonne nouvelle, et une nouvelle qui vient de l’extérieur du foyer pour distraire agréablement l’attention de son époux qui se montre reconnaissant de la douceur habile de sa femme en lui répondant gentiment. Anne sait que dans ce genre de situation délicate, il est dangereux de penser à soi-même et aux reproches qu’il aurait été si facile de lancer au nez de son mari en lui détaillant sa journée à elle, et lui faire ainsi la leçon.

Elle doit à tout prix aider son mari à aller mieux, elle s’oublie pour lui, sachant qu’ensuite, il sera possible de discuter de leur journée avec moins de passion.

Bien des discussions malheureuses s’engagent parce qu’on n’a pas su adapter son attitude à la circonstance. Le simple bon sens nous dit par exemple, qu’il n’est pas sage de discuter de problèmes épineux l’estomac vide, dans les moments de grande fatigue ou de mauvaise humeur. Que les époux apprennent à discerner le comportement à adopter en face de chaque situation : faut-il s’affronter ou se réconforter, et quand le faire… C’est d’abord en se réformant soi-même que l’on obtient un changement dans l’attitude de l’autre.   

Sophie de Lédinghen

 

 

La puissance de l’exemple  

Rien n’échappe à nos enfants, notre conduite, nos paroles, le ton même de notre voix, et tout petits déjà, ils nous imitent plus ou moins consciemment. Nous sommes de véritables références pour eux : « Papa a dit », « Maman a fait » ; et dans la mesure où nous voulons de bons enfants, ne sont-ils pas notre premier encouragement à la perfection ? Or, pour être de bons et saints parents, nous devons d’abord être de bons et saints époux.

 

  Pour nous y aider, nous avons nous-mêmes besoin de modèles à suivre, d’exemples de saints époux à observer. Il est fort probable que vous en ayez tous dans votre entourage, et cela est bien rassurant de voir leur bonne entente, leur affection mutuelle, leur rayonnement qui laisse entendre que cela a l’air tout simple, ou du moins réalisable ! 

 

  Voici trois grands et beaux modèles : les époux Louis et Zélie Martin, les époux René et Gabrielle Lefebvre, et les époux Luigi et Maria Beltrame Quattrocci. Ces trois ménages ont en commun d’avoir été très unis, d’avoir fondé un foyer profondément catholique, et d’avoir plusieurs vocations religieuses parmi leurs enfants puisque les Martin ont eu cinq carmélites sur cinq enfants, les Lefebvre deux prêtres et trois religieuses sur huit enfants, les Beltrame un prêtre, un moine bénédictin et deux religieuses sur quatre enfants. On pourrait penser que ces foyers devaient être de vrais petits couvents, des endroits tristes et ennuyeux. Bien au contraire, voyons ensemble ce qu’il s’y passait…

Une famille stable et unie

  C’est l’amour des parents qui créé l’atmosphère du foyer, et c’est cette atmosphère qui, dès les premières minutes de sa vie, pénètre l’enfant et compose son âme. Par la façon dont ils s’aiment et dont ils vivent, les parents enseignent ce qu’est aimer, ce qu’est le mariage. Pour un enfant, les images de l’enfance toutes centrées sur le père et la mère laissent des marques indélébiles : modèle ou cauchemar. Les souvenirs laissés par un père ou une mère qui s’aimaient noblement éclairent à jamais la conscience. La clé de l’énigme, c’est de s’aimer en chrétiens. La charité est l’âme du foyer. « La communauté ainsi fondée se trouve spiritualisée dans son essence. La sainteté, loin de dessécher l’amour, en fait une création continue, un chef d’œuvre de compréhension mutuelle, de dévouement désintéressé, de don total dans l’oubli de soi. Leur vie à deux n’est pas un égoïsme dans le mariage, mais une ascension collective dans et par le mariage. Ainsi réalisèrent ils en plénitude le plan du Créateur1. »

  Un foyer où règne le respect, où l’amour se prouve davantage qu’il ne se déclare, où la générosité entretient la gaieté, où la prière en commun nourrit les âmes et scelle l’union, est un foyer éducateur par son seul rythme, par son simple style de vie. Rien ne remplace cette péda- >>> >>> -gogie du bonheur, cette paix profonde qui récompense les vraies tendresses et qui rend supportables les peines et les souffrances.

  « Un tel amour ignore l’inquiétude et la susceptibilité. Il n’est ni ombrageux ni jaloux. C’est une force paisible, faite de confiance et de sécurité. Le mari laisse à la femme le ministère de l’intérieur, c’est-à-dire totale liberté dans l’agencement de la maison et la conduite du ménage. […] L’épouse pourvoit à tout amoureusement1. »

  La vie de prière est régulière et quasi diffuse, elle imprègne les âmes des enfants sans que l’on en parle à tout moment car ils comprennent bien que Dieu est partout et en toutes choses, qu’il les aime et les protège, mais veut des preuves d’amour en retour. Aimer, c’est se donner, et c’est aussi se vaincre pour plaire à celui que l’on aime, son conjoint, ou le bon Dieu.  Dans ces trois familles on peut dire que « les parents avaient l’âme religieuse, éloignant de leurs enfants les mauvaises influences, orientant leur piété et les disposant à vouloir, en tout, ce que Dieu veut, enfin les stimulant au sacrifice des âmes façonnées à dire « oui » au devoir1. »

  En toutes choses, ces parents-là montrent l’exemple, au travail comme dans les loisirs familiaux, dans le sacrifice comme dans les exercices de piété. « Nous avons passé quelques années de vie paisible en famille avec de bons parents chrétiens, profondément chrétiens. […] tous les matins mes parents s’y rendaient (à l’église) de bonne heure pour communier, et assister à la Messe quand ils le pouvaient2. »

 

Une affection équilibrée

  Deux aspects sont à relever dans cette éducation muette qu’est l’exemple des époux de ces trois familles : une affection et une entente mutuelles qui ont un grand retentissement sur l’équilibre de leurs enfants. « Je suis toujours très heureuse avec lui, il me rend la vie bien douce. C’est un saint homme que mon mari, j’en désire un pareil à toutes les femmes1. »

  Entre eux, ces ménages entretiennent une admiration mutuelle très épanouissante pour leurs enfants qui y puisent un réconfort propice à leur équilibre naturel autant que spirituel. « Entre eux, jamais le moindre nuage, tant est parfaite l’unité de vues. M. Martin exerce l’autorité à la façon d’un patriarche dont le caractère même impose le respect et la soumission […] Quant aux enfants, elles se sentaient enveloppées d’une affection tendre et ferme, accompagnée d’authentiques égards1 ».

 

  La désunion dans la famille met l’enfant en insécurité. Le ton de la discorde l’effraie, lui qui a un besoin profond d’unité se sent menacé. L’hésitation s’installe en lui : « Est-ce de ma faute ? ». Les parents doivent se persuader de l’influence de leur comportement sur celui de leurs enfants. Les foyers désunis, orageux, les foyers où manque une véritable union des âmes et des cœurs provoquent chez leurs enfants des conflits psychologiques. Ils établissent en eux l’insécurité et les poussent sans s’en rendre compte à chercher dans un monde factice l’épanouissement dont ils ont besoin. Personne n’est à l’abri de quelques tensions en ménage, mais que cela se fasse en dehors des enfants, et avec une volonté commune d’apaiser au plus vite et charitablement ses différends.

 

  Le foyer dans lequel les deux époux vivent de leur foi en toutes choses, pour leur amour et leur sanctification mutuels, seront récompensés dans l’éducation de leurs enfants qui deviendront leur couronne au ciel. On ne peut rien sans Dieu. Une vie religieuse profonde, les vertus théologales sont plus précieuses à l’éducateur que des compétences et des sécurités trop humaines. Par notre simple exemple, enseignons donc à nos enfants comment aimer, comment le grand et beau « oui » d’un jour peut durer toute la vie. Et puissent-ils à leur tour, prononcer un « oui » ferme et généreux devant Dieu, quel que soit le choix de leur état de vie.   

Sophie de Lédinghen

1 L’histoire de la famille Martin, Père Stéphane-Joseph Piat

2 La petite histoire de ma longue histoire, Mgr Marcel Lefebvre

 

Scènes de ménage

« Si, si… ça va ! »

           « Chérie, et si on profitait de ce rayon de soleil, pour aller faire un tour en forêt ? » « Maintenant ?! » « Oui, plus tard il ne fera plus aussi bon, et on ne sait pas s’il fera beau demain… » « Oh non ! se dit Laurence, moi qui viens juste d’installer ma machine à coudre ! Bon, il va falloir équiper les enfants : bottes, anorak et tout ce qu’il faut pour emmitoufler le petit monde en plein hiver, sortir la poussette, attraper le goûter… » « Quoi, ça ne va pas ? » interroge Jean du fond de l’appartement. « Si, si … ça va ! » répond-elle un peu contrariée. Et en un clin d’œil voilà toute la famille embarquée et ceinturée dans la voiture familiale. Gentiment Jean fait un sourire à sa femme et lui attrape la main. Il sait, lui qui la connaît si bien, l’effort qu’il vient de lui demander !

  Pour comprendre ce petit aparté, il faut vous dire à quel point ces deux-là ont des tempéraments complémentaires. Jean, un grand bilieux, vit dans le futur, et a trois idées à la fois qu’il mène de front en permanence. Incapable de tenir en place, il fait preuve d’un esprit d’adaptation incroyablement rapide pour passer d’une activité à l’autre ! Voilà qui bouscule parfois un peu trop son épouse très organisée dans ses horaires, et dans tout ce qu’elle fait avec douceur et efficacité. Vous l’avez compris, Laurence a horreur des imprévus ! La régularité, ses repères quotidiens la rassurent et la reposent dans son train de maison bien chargé.

  Le calme de Laurence fait un bon contrepoids à l’agitation de son mari, et lui-même rend service à sa femme en la sortant de son petit « règlement » millimétré ! Ils rient parfois ensemble, tout surpris par leurs réactions si différentes face aux événements. Mais surtout ils ont appris à se comprendre et à se ménager. Jean sait que sa femme a besoin de se conditionner aux événements qui sortent de l’ordinaire, et, la plupart du temps, fait l’effort d’anticiper ses propositions. Quant à Laurence, elle ne refuse pas en bloc tout ce que son mari demande, mais accepte régulièrement en tâchant de ne pas se montrer contrariée.

  Entre époux les causes de désaccords nous paraissent parfois infinies. Ce qui fait plaisir à l’un peut sembler à l’autre ennuyeux, parfois même déplaisant. Cela fait partie du grand « drame » du mariage : la nécessité constante de mourir à soi-même pour l’amour de l’être aimé. En adoptant une attitude aimante, on arrive souvent à découvrir dans ce qui nous ennuie, le goût que l’autre peut y trouver. En cas d’échec, il n’y a guère d’autre solution que le sacrifice, ce qui, à première vue, ne semble pas très attrayant. Mais il est étrange de constater combien ces sacrifices, en apparence insignifiants, peuvent finalement apporter de joies inattendues et entretenir l’amour entre deux êtres. « Dieu aime celui qui donne avec joie » nous dit saint Paul. Apprenons donc à nous faire mutuellement cadeau de nombreux et fréquents sacrifices personnels pour la joie de l’autre, mais aussi pour l’encourager à faire de même, donnant ainsi à notre famille un esprit plus élevé, plus noble. La sainteté n’est pas d’être parfaits, mais de tendre à la perfection dans chaque petite chose avec un réel effort de progrès de l’âme.

 

Toute une histoire !

  Les invités viennent enfin de partir et Patrick aide son épouse à ranger la cuisine transformée en un beau souk marocain ! Ils discutent agréablement de la soirée tout en s’affairant, quand soudain Patrick entreprend de modifier le rangement du tiroir à couverts… « Mais enfin, qu’est-ce qu’il te prend ? Ça allait très bien comme c’était ! » « Mais non, ce n’était pas logique du tout ! » « Ce n’est pas la logique de Monsieur, alors Monsieur range comme il faut ! » « Ben oui, les couteaux à droite, et les fourchettes à gauche ! Normal ! » « Est-ce que je m’occupe du rangement de tes outils, moi ?! » « Mais enfin, tu ne vas pas en faire toute une histoire !!! »

  Même dans le mariage, nous avons la fâcheuse tendance à considérer que c’est « notre manière de faire » qui est la meilleure. Face au défi d’un changement, notre première réaction est souvent de penser « ça me regarde » ou « laisse-moi tranquille ». Même pour des choses insignifiantes, il nous est difficile de changer pour le mieux parce que l’ouverture au changement implique un combat contre notre propre volonté. Nous voudrions être de grands amants, mais c’est notre propre volonté que nous aimons le mieux ! Nous aimons Dieu (jusqu’à un certain point), nous aimons notre époux (jusqu’à un certain point). Mais, comme l’a fait remarquer Kierkegaard, « notre amour le plus cher est habituellement, et demeure, notre propre volonté ».

  Deux choses peuvent nous amener à changer : la force surnaturelle du renoncement à notre volonté propre qui provient de la progressive soumission de notre volonté à celle du Christ (et par laquelle nous apprenons à nous céder les uns aux autres), et notre amour mutuel. L’amour peut faire fondre le cœur le plus froid, le rendre fluide et malléable. Quelle libération de notre emprisonnement intérieur que de pouvoir, par amour de Dieu ou de l’époux, agir contre nos propres désirs ! Que les épouses un peu autoritaires, et rebelles à leur devoir de soumission envers leur époux, l’entendent aussi, l’amour rend douce la mort à la volonté propre, bien que cette douceur ne puisse être ressentie qu’après une longue lutte. Courageusement, répétons souvent avec saint Paul « Je puis tout avec Celui qui me fortifie ».

L’amour mutuel est un don qui doit être nourri et protégé chaque jour de notre vie commune. Les difficultés sont normales et surgissent en raison de nos imperfections humaines. C’est donc d’abord en avançant personnellement, et avec un grand désir, sur le chemin de la perfection que nous apprendrons à sanctifier notre vie d’époux en luttant contre nos défauts, les excès de notre tempérament. Peu à peu notre âme fortifiée prendra le dessus et saura apaiser une mauvaise humeur, désamorcer une colère, adoucir une rancœur ou une impatience, au profit d’une paix intérieure, d’un respect mutuel et d’une confiance grandissante.

 

  Notre mariage sera béni, récompensé de nos multiples combats, parce que nous aurons tous deux eu conscience de bien des dangers que nous aurons combattus pour un amour profond, reposant lui-même dans l’amour de Dieu, dans les bons comme dans les mauvais moments, et dans lesquels nous aurons eu la ferme volonté commune de sortir vainqueurs.             

Sophie de Lédinghen

 

Bientôt la retraite… !

           Certains la voient venir avec appréhension… Quand d’autres l’attendent avec grande impatience : comment allons-nous la vivre, allons-nous supporter de nous retrouver à deux tous les jours, c’est la dernière partie de notre vie, à quoi allons-nous nous occuper ?

 

           Bien souvent l’épouse a pris des habitudes d’organisation de sa maison ainsi que la direction, plus ou moins autoritaire de son petit monde : elle règne en maîtresse sur son domaine ! Tandis que son mari, chargé de responsabilités professionnelles souvent plus lourdes en fin de carrière, et dirigeant, la plupart du temps ses équipes autant que des réunions quotidiennes, va soudainement se retrouver « vissé » à la maison et quelque peu désœuvré ! Ainsi faudra-t-il que les deux époux, du jour au lendemain, cohabitent toute la sainte journée sous le toit familial !

La vie nous a déjà souvent demandé une nouvelle organisation : notre mariage, la venue progressive des enfants, les mutations professionnelles, les déménagements… La grâce aidant, nous y avons toujours fait face ! Nous saurons bien encore faire front à cette étape-là, surtout si le bon Dieu nous a permis d’être encore à deux pour la franchir !

 

  Avec l’allongement de la durée de vie, des retraités d’environ 65 ans sont, aujourd’hui, encore pleins d’énergie et peuvent entreprendre quantités de projets. Si les époux sont restés bien unis toute leur vie dans leurs activités, leurs conversations, en pratiquant des dévouements communs, leur nouvelle vie de retraités devrait se faire bien naturellement car ils ont déjà travaillé cette union totale toute leur vie, se sacrifiant pour le bon plaisir de l’autre, guettant une petite joie à lui offrir…un simple regard suffisant parfois à savoir ce que l’on pense ou souhaiterait.

 

  Malheureusement, trop souvent, la vie peut avoir séparé les époux (trop de place laissée à la vie professionnelle, les épreuves familiales, les divergences dans l’éducation des enfants, un certain égoïsme favorisé par un matérialisme outrancier ou un confort financier…) et on a pris des habitudes de solitude, on ne se parle plus, on ne fait plus aucun effort pour l’autre. La retraite vient à point pour aider à se retrouver en sortant de soi-même !

 

  Le cap est délicat, il s’agit de vraiment décider ensemble de se retrouver pour ces 25 années peut-être encore ensemble ! Un nouvel équilibre à deux est indispensable, il s’adapte à chaque ménage. A ce dernier de saisir cette occasion de se redonner une chance pour le bien supérieur de toute sa famille, comme une sorte de « bouquet final » et pour le virage final de leur mariage.

 

  Les enfants sont partis, et cela a été douloureux, surtout pour l’épouse qui s’est soudain sentie plus désœuvrée et inutile, particulièrement à cet âge sensible de l’évolution de son horloge biologique, et souvent de la perte de ses propres parents. Son mari ne s’en est pas vraiment rendu compte, lui aussi a eu « ses deuils », quitter son travail, ses responsabilités peut entraîner une déprime qui mène à la tristesse, à la maladie, un sentiment de rejet de la société. Il peut être difficile de se remettre en cause pour une nouvelle organisation où chacun des époux trouve sa place pour un équilibre à deux. C’est le moment de tout réinventer pour se retrouver, car vieillir ensemble n’a rien à voir avec une solitude à deux !

 

  Le pivot, encore et toujours, est la prière ensemble. C’est un bon moyen pour se retrouver, fortifier son mariage devant Dieu, se rassurer, faire le signe de Croix ensemble, parler à Dieu d’une seule voix. Prendre enfin le temps d’aller plus souvent à la messe tous les deux, de faire une lecture ou une retraite spirituelle ensemble…Voilà assurément le meilleur moyen de prendre un virage solide pour les années à venir !

 

  La vie professionnelle, le lourd quotidien d’une grande maisonnée ont pris beaucoup de place dans la vie active des époux. Remettons à présent notre ménage, notre famille au premier plan ! Nos enfants, la jeunesse autour de nous, a besoin d’exemples généreux, dynamiques et heureux ! Donnons-nous encore ensemble à une juste cause (petits-enfants, bénévolat…), profitons de notre relative forme physique (même si on souffle un peu plus fort qu’avant dans la montée !) pour aller contempler de beaux paysages à l’occasion de promenades, de pèlerinages qui raviveront nos élans du cœur tout en entretenant notre bonne santé ! Offrons à notre entourage notre joie d’être au service des autres…

 

 

Et ménageons-nous aussi quelques espaces de liberté pour chacun afin de ne pas nous étouffer l’un l’autre par une omniprésence mutuelle. Après toutes ces années à la maison, l’épouse est heureuse de se donner un peu à l’extérieur, de retrouver quelques amies avec qui bavarder… Et le mari reprend doucement possession de son jardin, de son atelier ou de son garage qu’il range de fond en comble, comme un professionnel avec cahier de charge, échéances et objectifs ! Besoin de « retour au nid », de protection domestique… (L’épouse saura aussi faire sortir un peu le casanier, en le taquinant pour désamorcer sa mauvaise foi ou humeur… Il en sera finalement content !)

 

  Dans le mariage, rien n’est jamais acquis, c’est chaque jour qu’il faut entretenir cette attention l’un pour l’autre, ce don de soi, cette sanctification mutuelle. À l’âge de la retraite, les passions se sont apaisées, les rugosités du caractère adoucies, on est plus patient, souple… Est venue la sagesse ! On sait mieux se reposer dans le bon Dieu, prendre le temps des choses, rire ensemble, se parler : les souvenirs, les épreuves, les pardons, les « mercis »… Tout ce qu’on n’a pas encore pu se dire. C’est le moment d’un nouvel épanouissement de notre mariage, plus vrai, plus simple : cette joie d’être à deux, cette complémentarité qui nous rassure dans un esprit de bienveillance, de délicatesse, avec même davantage de tendresse : d’un seul cœur, d’une seule âme, comme le Christ aime son Église !

                    Sophie de Lédinghen