Le mariage chrétien commence par le consentement mutuel des époux face à Dieu, en présence du prêtre. C’est le début du chemin : tout est joie, optimisme et espérance !
Ils passeront le reste de leur vie à se sanctifier mutuellement en s’efforçant de donner et de recevoir en un effort jamais interrompu ; il y aura des succès et des échecs, des moments de joies immenses et des moments dramatiques. Tout un ensemble de réalités inévitables, mais héroïques et grandes dans la fidélité au quotidien.
N’allons pas croire que l’unité conjugale vient spontanément avec l’engagement matrimonial. Ni qu’une fois réussie, elle peut être conservée par inertie, sans être alimentée, sans lutte ! L’amour n’est pas capable de soutenir ce caractère impérissable que nous voudrions tous trouver en lui. L’amour est comme une plante rare et fragile, exposée au moindre risque, qu’il faut cultiver avec beaucoup de précaution pour qu’elle se développe progressivement jusqu’à atteindre sa pleine maturité et qu’ainsi elle vive vigoureuse. L’amour conjugal doit être soigné avec l’attention d’un bon jardinier qui maintient en parfait état et dans sa splendeur le meilleur de ses rosiers. Il l’engraisse, il le taille, le regarde et se réjouit de la vivacité des couleurs de ses roses ; si elles se fanent trop tôt ou si elles perdent leurs pétales, il en recherche la cause avec inquiétude ; et il travaille pour les conserver vivantes si elles sont malades, car il lui semble qu’avec la mort d’une rose c’est lui-même qui meurt un peu…
Que ne feraient donc pas deux personnes pour maintenir ainsi, frémissant et lumineux, l’amour qui les unit ! C’est une folie de ne pas mettre en œuvre tous les moyens pour garder et augmenter l’amour mutuel, car cela risquerait de les exposer à l’infidélité ou tout au moins à une intolérance sommaire remplie de heurts constants. Le refroidissement de l’amour est un processus subtil, presque insaisissable à ses débuts, qui ne se voit facilement que lorsque la dégradation est importante et semble presque irréparable.
L’amour a ses lois psychologiques qu’on n’oublie pas sans dommage, qu’on ne viole pas sans risque. Citons-en quelques-unes : « Les cadeaux, dit le proverbe, entretiennent l’amour. » Négligence et égoïsme le désagrègent.
Il ne suffit pas d’aimer ses enfants, de se soucier de leur éducation et de leurs études, d’améliorer le standing financier du ménage, d’avoir des ambitions d’avenir semblables en étant plus liés par l’amour commun des enfants que par un attachement mutuel bien vivace et par une exigence actuelle des cœurs…Cela est bien sûr honorable et a une valeur sociale indéniable, mais ce serait ce que nous appellerions des vies « parallèles », non des réussites conjugales. Que de conjoints, sans vivre en guerre l’un avec l’autre, ne connaissent plus les joies d’un amour profond mais les souffrances de la « solitude dans la cohabitation » !
L’amour conjugal, dans tous les foyers, subit plusieurs mues. Après deux ans, après dix ans,… il est différent de celui du temps des fiançailles. Cette transformation est inéluctable et nécessaire. Elle peut représenter un enrichissement qui entraîne un approfondissement de l’amour, ou par manque de vigilance, amorce un désenchantement et un détachement…
Il en est de même dans toute vie : l’entrée dans une nouvelle maison qu’on a fait construire à son goût, un nouveau pays que l’on visite, un nouveau poste que l’on occupe, une nouvelle toilette que l’on étrenne…tout cela présente au cœur humain la joie des printemps. Et pour un temps, mais pour un temps seulement, la possession comble les rêves. Madame est heureuse dans sa nouvelle vie, chez elle, avec son organisation à elle…Monsieur s’épanouit dans son nouveau travail avec de nouvelles responsabilités qui le valorisent…mais peu à peu se perd le charme des choses neuves et, si l’on n’y a pris garde, s’introduisent sournoisement l’accoutumance, la monotonie, précurseurs de la lassitude, de la satiété et de l’ennui.
Les coloniaux sont unanimes à souligner le caractère pénible des régions équatoriales, non pas seulement à cause de la chaleur, mais surtout de l’immuable régularité de la durée des jours et des nuits. A six heures du soir, tous les jours de l’année, avec à peine quelques minutes d’écart, la nuit tombe ! Cette régularité se fait vite lassante et même énervante au point que ce que l’on pourrait penser n’être qu’un petit détail, devient un élément des plus pénibles de la vie sous l’Equateur.
Nos journées ne se déroulent sans doute pas avec cette régularité et divers événements (difficultés financières, petits heurts de caractère, naissance d’un enfant…) viennent heureusement mettre leur petit ou leur gros grain de sel dans le menu conjugal !
Ne laissons pas les années endormir notre amour mutuel, réveillons-le notamment par un regain d’attention l’un pour l’autre, n’hésitons pas à « casser » la monotonie du quotidien pour faire une sortie ou une activité à deux, en dehors de notre cadre habituel …Le mariage est une conquête de chaque jour, nous le savons bien ! Ce n’est pas toujours si simple, me direz-vous, entre la fatigue, les soucis… Oui, mais n’oublions pas que nous avons la chance d’être deux pour porter ensemble les choses difficiles autant que les plus agréables, nous avons des grâces pour cela et ne nous lassons jamais de les demander ! Sachons aussi trouver la petite idée qui mettra un peu de nouveauté dans notre existence : une complicité…un bouquet de fleurs… un bon dessert…un petit geste affectueux…et soudain tout va mieux !
Sophie de Ledinghen