Pas de chance ? Quelle chance !

Il est 21h vendredi soir gare du Nord, Jean vient de manquer le train qui devait l’amener, le temps d’un week-end, faire du bateau avec des amis sur la côte normande, c’était le dernier train de la journée ! « C’est le RER qui était bloqué, encore un abruti qui a coincé les portes.» Jean sombre dans la morosité, c’est toujours comme cela, pour une fois qu’il pouvait faire du bateau. Il n’a jamais de chance de toutes les façons et cela tombe toujours sur lui ! Il met ses mains dans les poches, reprend le RER et s’enferme tout le week-end dans son appartement à ruminer son malheur pendant que ses amis voguent sur les eaux tourmentées de la Manche.

Pierre lui aussi devait se rendre à ce week-end, mais il venait en voiture depuis Angers et sa voiture vient de tomber en panne sur l’autoroute, fumée blanche, joint de culasse HS, dépanneuse et garagiste, et bonjour la facture ! Le week-end en bateau tombe à l’eau ! Il a de la chance, cela aurait pu se produire le week-end dernier alors qu’il se rendait dans le sud au mariage de son frère. C’était un super mariage d’ailleurs, il y a rencontré du monde et notamment une chic fille qui habite Angers aussi. Tiens au fait, vu que le week-end bateau est annulé, pourquoi ne pas l’inviter ce soir à prendre un verre avec des amis, ce sera l’occasion de faire plus ample connaissance…?

Ainsi va la vie, injuste me direz-vous ! Mais quelle différence entre la poisse de Jean et la chance de Pierre. Dans les faits, aucune ou presque, en réalité, uniquement la réaction de l’un ou l’autre envers des évènements contraires et contrariants, envers les petites épreuves de la vie.

L’un a pris l’habitude de voir le verre à moitié plein, de s’estimer heureux avec ce qu’il a et ce que la Providence lui envoie, l’autre est focalisé sur ce qui ne se passe pas bien, sur la difficulté de sa vie et le poids de ses épreuves.

Quelle différence cela fait-il ?

Pierre est capable face à un évènement contraire d’essayer de trouver une solution, s’il n’y en a pas, de tirer parti de cet évènement pour aller de l’avant et essayer autre chose. Très vite il a trouvé comment occuper intelligemment son week-end et comment progresser dans la vie. Il a revu Germaine plusieurs fois et quelques mois après ils se fiançaient.

Jean reste bloqué, obnubilé par la difficulté ou la contrariété, il la rumine, ce qui le rend incapable de lever la tête et de regarder à côté pour tirer partie des opportunités que lui offre la Providence. S’il avait levé les yeux, il aurait vu dans le métro cette affiche de concert gratuit à Notre-Dame nouvellement restaurée, il y serait allé et aurait pu s’émerveiller devant la pureté des voix d’enfants qui emplissaient le vaisseau millénaire éclatant de blancheur. Cela lui aurait peut-être donné envie de reprendre le chant qu’il pratiquait étant enfant. Il serait rentré dans ce chœur déjà renommé à Paris et y aurait rencontré Juliette qui aurait pu devenir sa femme. Mais non, il rumine encore car son RER a été retardé par un « #&$!# » qui, c’est certain, n’a fait cela que pour l’empêcher de faire ce week-end.

Pierre a vraiment toujours de la chance, même quand il n’en a pas, et en plus, il gagne des grâces et des mérites pour le Ciel car il se laisse porter par la Providence et accueille avec joie et gratitude les petites épreuves qu’elle lui envoie, légèrement et « facilement » il se dirige vers le Ciel. Quelle chance !

Jean a vraiment toujours la poisse, il en devient triste, mais qu’a-t-il fait au Bon Dieu ? Il récrimine et marmonne, il en vient à perdre l’espérance et petit à petit, c’est même sa foi qui faiblit. C’est vraiment la double peine. De pas de chance en mal chance il en vient à trainer vers l’Enfer les mains dans les poches, c’est vraiment pas de chance !

Sommes-nous plutôt Pierre ou sommes-nous plutôt Jean ? Certainement tous un peu des deux même si notre tempérament nous pousse naturellement plus vers l’une ou l’autre de ces caricatures peintes pour l’occasion. Mais sachons si besoin nous réveiller et redresser la barre pour saisir notre chance et reprendre la vie du bon côté !

Antoine

Questions essentielles avant les fiançailles

J’ai été enchantée de passer ces quelques heures avec toi dimanche dernier où tu montrais un enthousiasme débordant ; tu avais de grands désirs qui faisaient plaisir à voir et qui montraient combien se trompent les prophètes de malheur qui disent que notre jeunesse ne vaut plus rien !

Il me semble pourtant important de revenir sur la fin de notre conversation. En effet lorsque nous avons parlé du mariage de ta sœur, tu m’as dit avec un sourire : « C’est bien, elle épouse un garçon qui a le même idéal et les mêmes pratiques qu’elle ; mais je trouve que nous nous marions toutes dans notre petit vase clos ; c’est beau aussi de trouver quelqu’un en-dehors de nos chapelles et de le convertir. »

Je reconnais là ta fougue et ton désir d’apostolat mais quoi qu’il m’en coûte de te décevoir, il me semble capital de dissiper en quelques mots ces illusions… En effet, il est toujours beaucoup plus facile de parler de ces sujets avant que le cœur ne s’en mêle…

« Epouser un homme incroyant est le plus grave péril auquel une future épouse puisse exposer son salut éternel1 ». Tu me citeras bien vite Elisabeth Leseur, ou tante Gertrude qui convertit son mari, eut des enfants prêtres et mourut, ainsi que son mari, en odeur de sainteté… Bien sûr plusieurs exemples existent mais pour quelques cas magnifiques, combien de ménages brisés, et d’enfants éduqués sans foi ? 

Tu me répondras alors que tu n’irais pas jusque-là mais que tu pourrais épouser un gentil garçon, n’ayant juste pas beaucoup de pratique religieuse et prêt à te suivre où tu veux…

Je veux donc simplement te mettre en face des réalités, car en l’épousant, outre les difficultés d’adaptation intrinsèques à tout foyer, il faudra que tu sois prête à surmonter -plus ou moins selon les cas- de nombreux soucis supplémentaires. Y as-tu déjà pensé ?

Voici quelques questions auxquelles il est important que tu puisses réfléchir avant de prendre une quelconque direction2 :

Es-tu prête à ne pas pouvoir échanger avec ton époux sur toutes les questions religieuses et à n’avoir qu’une intimité d’âme toute relative puisque toute référence à ta foi sera pour lui obscure ?

Te sens-tu capable de porter toi-même et seule la lourde responsabilité de la vie spirituelle cohérente de ta famille si -et cela arrive souvent- ton mari n’adhérait pas pleinement à tes convictions malgré ses promesses ?

As-tu conscience que la fonction de chef de la cellule familiale ne sera pas naturelle chez lui puisqu’il ne l’aura sans doute pas connue étant enfant ?

Aura-t-il assez d’humilité pour accepter que tu lui expliques régulièrement, au cours de votre vie commune, les pratiques et traditions chrétiennes ?

Parviendras-tu à lui faire confiance suffisamment pour te reposer sur ses décisions de chef de famille, alors que c’est toi qui seras obligée de tenir le rôle attribué ordinairement au père : être le chef de votre petite cellule religieuse ?

Pourras-tu protéger tes enfants des critiques, les soustraire à l’influence des cousins quand tu auras fait entrer tes enfants dans une famille qui n’aura sans doute pas les mêmes références religieuses que celles dans lesquelles tu veux élever tes enfants ?

Es-tu bien sûre que vous serez encore d’accord dans quelques années pour mettre vos enfants dans les écoles bien catholiques ?

Sans compter qu’il est essentiel de toujours avoir à l’idée que les conséquences de nos actes pourront avoir des répercussions sur plusieurs générations, dans le domaine de l’exemple en particulier.

Je sais qu’il existe de nombreux foyers aujourd’hui dans ce cas et que certains font un beau chemin, mais avaient-ils vraiment conscience de toutes ces difficultés avant de se marier ? C’est la raison pour laquelle je te conseille de vraiment réfléchir avant de t’engager sur cette voie. Prends conseil, assure-toi d’être assez forte pour surmonter ces difficultés et ne perds pas de vue qu’une des exigences du mariage catholique est de parvenir au Ciel ensemble et avec tous vos enfants ; est-ce le chemin le plus direct ?

Certes, malheureusement tous les garçons que tu vois le dimanche, ne sont pas des perles rares ; tous n’ont pas pris conscience de la mission à laquelle Dieu les appelait, ni choisi les meilleurs moyens pour s’y préparer ; je te l’accorde, mais sois confiante, si tu pries chaque jour pour ton futur mari, si tu te prépares avec générosité et prends les moyens de le rencontrer en participant activement aux activités qui te sont proposées, le Bon Dieu, s’il te destine à cette vocation, répondra à ton appel. Mais n’oublie pas aussi de faire une bonne retraite qui t’aidera à déterminer avec lucidité la voie que Dieu t’a préparée.

 Je t’embrasse affectueusement et te confie au Saint-Esprit afin qu’Il t’envoie ses dons avec surabondance.

Bien affectueusement,

 

Anne

1 Abbé Charles Grimaud – Futures épouses

2 Se référer au FA N° 34 – Les fiançailles

 

 

Duc in altum

Entraîner avec joie, sans crainte, ton âme et celles qui te sont confiées. Ne pas s’étonner des difficultés prévues et imprévues, mais avancer quand même sur le chemin de la vie avec tes projets, tes renoncements.

Comment est-ce possible ? Tu te sens si petite, si faible et parfois si découragée.

           Duc in Altum…

 Le découragement vient de ce que nous nous appuyons sur nos propres forces, que nous regardons nos capacités avec l’intime conviction de notre faiblesse, plus ou moins avouée, et que nous voudrions un résultat immédiat selon nos vues.

Cette vision terre à terre, même si nous visons un but haut, nous freine, nous attriste et finalement tôt ou tard, nous fait renoncer…

  Duc in Altum…

Alors, il faut puiser la joie où elle est, tremper ton énergie à sa source et savoir y revenir sans cesse pour ne pas te laisser gagner par la tristesse ou la tentation de l’abandon car elles t’entraînent à glisser au fil de l’eau, sans effort.

  Duc in Altum…

La source, c’est la joie de Pâques, de la Résurrection.

Celle d’un immense amour donné dans les plus grandes souffrances, qui a tout vaincu, tout balayé et surtout le maître de l’éternelle tristesse, celui qui n’a de cesse de nous faire manquer le but…

La joie d’un triomphe éternel auquel nous sommes associés car enfants de Dieu.

Duc in Altum…

Regarde la croix. Celle du crucifié, ressuscité !

A la messe, le Christ qui se donne à toi en nourriture est un corps glorieux, vivant. Si tu Le reçois, convaincue de Sa victoire, tu ne peux qu’avancer avec confiance et donc enthousiasme.

C’est là ta force, ton moteur, ta raison d’espérer sans te décourager.

  Duc in Altum…

 Avec cette certitude dans le cœur, il te faut ensuite très concrètement lutter contre la lassitude.

Pour ne pas te laisser envahir par les mauvaises pensées ou les obstacles imaginaires, jette-toi dans les bras du Seigneur et occupe tes mains ou ton esprit à autre chose, fais diversion.

Contre-attaque par des pensées joyeuses, le soleil est forcément présent derrière les nuages. Rappelle-toi les grâces reçues, t’en réjouir te donnera de l’allant.

Sois aimable avec la personne envers laquelle cela te coûte le plus, rend facilement service et surtout ne te compare pas et ne te regarde pas trop.

Ainsi tu arriveras au port.

  Duc in Altum…

Jeanne de Thuringe

 

Ô Saint Joseph, donnez-moi l’ombre sinon mon amour est mort

Pour que vous me parliez, je me suis mis en prière,
Mais je n’entendais rien que le vent qui faisait battre mon volet,
Que la pluie et cette sourde plainte de mon cœur.

Ne tardez plus, car, dans mon âge mûr,
Je sens que j’ai besoin de votre conseil.
Ah ! Pourquoi vous cachez-vous ainsi ?
Pourquoi mettre entre vous et moi des siècles d’ombre et de silence ?
Je suis prêt à sentir votre main dans la mienne,
Mais j’étreins le vide tout à coup,
Je n’aurais jamais cru qu’il fût aussi difficile de la saisir.
Vous êtes fixe dans ma pensée.
Il faut que j’aille à la conquête de votre pauvreté
Comme à la conquête d’un lys dans les difficultés d’une croisade.

Ayez pitié de moi, Patriarche !

Si loin, et si proche : car vous veillez singulièrement sur ma vie !
Vous ne m’avez rien refusé que de vous laisser entendre et voir.
Mon cœur s’emplit de piété quand je pense
Qu’à toutes mes heures d’amertume vous êtes là !
J’aime, de vous, jusqu’aux images les plus banales,
Jusqu’aux statues bariolées qui se dressent sur l’autel villageois,
Qui vous représentent avec une équerre, un bâton ou une règle à la main.

Vous, le bafoué,
Dont le nom seul est une gêne sur les lèvres du chrétien tiède,
Et un blasphème sur celles de l’impie,
Recevez ici mon hommage. (…)

Souvenez-vous de votre sortie d’Egypte,
Quand la persécution eut pris fin, quel arc-en-ciel se leva sur les vergers sonores !
Mais ces merveilles ne furent rien,
en comparaison de celles que vous avez contemplées au moment où, comme un lys,
La main de votre divin Fils s’est posée sur votre paupière pour la clore.
L’ombre peut régner dans ma chambre.
Il y a de la lumière au-dehors.
Vous m’êtes témoin, ô Saint Joseph !
Que les seules vraies joies que j’ai goûtées,
C’est dans l’ombre quand je me sens avec vous.
Lorsque l’on est privé d’honneurs, combien il est doux d’aimer son métier, de se dire que L’on travaille sur votre établi et que notre famille contemple notre œuvre du moins avec l’œil bienveillant de la foi !

Qu’Ils en ont vu, Jésus et Marie, d’hommes qui vous tenaient pour peu de chose,
Qui dressaient en face de votre boutique aux meubles simples et honnêtes leur art décoratif !
Ce n’est pas chez vous qu’un Pilate eût commandé son lavabo, Hérode son lit, César sa chaise.

Ils s’adressaient aux fournisseurs officiels qui en recevaient de la gloire.

Mais vous, Patron bien-aimé, vous avez déposé dans le cœur des ouvriers de bonne volonté,
A qui ne vont point les faveurs des puissants de ce monde, cette graine cachée qui s’appelle l’amour et qui ne se vend ni ne s’achète.
Cette graine, vous la faites tant fructifier en moi,
Et embaumer, que ma bouche ne sait vous dire mon allégresse.

Donnez-moi l’ombre, sinon mon amour est mort.

 

Prière de Francis Jammes (1868-1938) Extraits 

 

 

Imitons le silence de saint Joseph

Ma chère Bertille,

 Si  nous nous référons à l’Evangile, saint Joseph est bien « l’homme du silence ». C’est donc le moment de te donner quelques considérations sur cet élément fondamental, essentiel de la vie spirituelle du catholique qui veut entretenir une relation vraie et sincère avec le mystère de Dieu. Ne crois pas que le silence ne soit réservé qu’aux personnes cloîtrées ; les actifs et tous ceux qui sont tenus d’avoir de nombreux contacts humains ou de grandes responsabilités ne donneront à leurs paroles et à leurs actes le juste poids de vérité et d’efficacité qu’à condition de savoir goûter et pratiquer régulièrement le silence.

 Arrêter le mouvement de ses lèvres et l’agitation de ses pensées n’est que la première étape : ce n’est là que l’action de se taire.

« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure1. » Ce n’est que dans le silence que nous parviendrons là où Dieu a fait en nous sa demeure. L’amour de Dieu sera suivi de cette union avec Celui qui seul peut combler le vide de notre cœur.

Le bruit, les paroles inutiles, les informations écoutées en boucle, les sonneries perpétuelles des notifications de notre téléphone et ce monde toujours en mouvement n’ont d’autre effet que de nous faire perdre de vue l’essentiel.

Certains refrains nous reviennent sans cesse à l’esprit : « Il faut regarder la vie en face », « être au courant des actualités pour savoir comment réagir », etc…

La meilleure façon de regarder la vie réelle en face est d’avoir cette confiance en Dieu et de ne regarder le monde qu’à travers le kaléidoscope de notre amour pour Lui : tout ce qui arrive, bien ou mal, est voulu ou permis par Lui et rien de ce qui nous arrivera ne sera ignoré de Lui.

Ce silence n’est pas facile à atteindre, je te l’accorde ! En effet, Dieu ne parle pas le langage de l’homme et il est difficile de sentir sa présence ; il faut s’y exercer chaque jour, lui demander cette grâce et trouver la paix dans la confiance. Dieu veut davantage se donner à nous que nous ne désirons le posséder…

Ensuite, dans le silence de ton cœur, il te faudra apprendre à écouter sa voix. C’est encore une autre étape à laquelle tu ne parviendras que si tu lui demandes avec ardeur et sans jamais te décourager.

Avec Dieu il ne faut pas se durcir, ni s’impatienter, il suffit de Lui demander ses grâces sans jamais se lasser… Lui demander la contrition de nos fautes, Lui demander de remplir notre cœur de son amour, Lui demander d’entendre sa voix…

Souvent tu me dis que tu rentres de réunion avec tes amis avec un arrière-goût de temps perdu et que tu ressens un grand vide. Ce grand vide, c’est la place de Dieu…

Parfois tu te décourages et tu trouves ce silence en Dieu inaccessible ? Utilise alors cette arme que tu possèdes si bien : le sourire ! Souris à tes qualités, à tes efforts, même s’ils sont vains, et remercie le Bon Dieu de t’avoir tout donné. Souris au Bon Dieu Lui-même, il saura changer en joie ces regards attristés sur toi-même. « La tristesse, c’est le regard sur soi, la joie, c’est le regard sur Dieu2. »

 Je te laisse méditer tout cela pendant ce Carême qui commence en ce mois de saint Joseph. Et dans les moments difficiles, pense à ces échanges de regards entre saint Joseph et Notre-Dame à Nazareth. Ils n’avaient pas besoin de mots pour que leurs cœurs s’unissent dans leur amour autour de leur Fils bien-aimé.

Je t’embrasse affectueusement,

Anne

 

 

1 Evangile selon saint Jean, 14-23

2 Dom Augustin Guillerand