Dieu et César, à chacun ce qui lui revient –

A propos de la polémique sur le secret de confession

           L’actualité liturgique et sociétale de cet automne 2021 est largement consacrée aux relations entre l’Eglise et l’Etat. L’évangile du 22ème dimanche après la Pentecôte rappelle le précepte rendez à César ce qui est à César, mais à Dieu ce qui est à Dieu tandis que, le dimanche suivant, jour de la fête du Christ-Roi, l’Eglise proclame la royauté sociale de Jésus-Christ qui est l’antithèse du laïcisme. Nous pouvons y voir les réponses catholiques à certaines recommandations de la Commission Sauvé sur les abus dans l’Eglise et aux déclarations de plusieurs hommes politiques français qui, en demandant à celle-ci d’introduire des exceptions au secret de la confession, veulent promouvoir la supériorité de la loi civile sur la loi religieuse, fût-elle d’origine divine. Ce principe erroné, qui sous-tend la récente loi confortant le respect des principes de la République, pourrait, en effet, servir de fondement à une remise en cause du secret de la confession, et, peut-être même un jour, d’autres règles canoniques en vigueur dans l’Eglise.

  L’importance que l’Eglise attache au secret de la confession est suffisamment connue pour qu’il ne vaille pas la peine de s’y étendre : le concile de Latran IV, réuni en 1215, l’a proclamé de façon solennelle en même temps qu’il instituait l’obligation de la confession annuelle. Plus récemment, le code de droit canonique de 1917 affirme que « le secret sacramentel est inviolable ; c’est pourquoi le confesseur veillera diligemment à ne pas trahir le pécheur ni par parole, ni par signe, ni d’une autre façon pour n’importe quel motif ». Aucune exception ne peut donc justifier la levée du secret et ce, que le confesseur ait donné ou non l’absolution au pénitent. Ces règles ont été maintenues dans le nouveau code de 1983.

  En droit laïc français, le secret de la confession est placé sous le régime du secret professionnel et est protégé à ce titre. Le principe même d’un secret professionnel est nécessaire au bien commun et doit être respecté en particulier par les médecins, les notaires, les avocats, les militaires, ainsi que certains fonctionnaires et salariés. La formulation de l’article 226-13 du code pénal est très large et vise la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire. Ce délit est sanctionné par une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Cette interdiction de révéler le secret s’applique aux membres du clergé puisque deux arrêts rendus par la Cour de cassation en 1810 et en 1891 ont inclus le secret de la confession dans le secret professionnel tel qu’il est défini dans le code pénal. Un arrêt beaucoup plus récent, rendu en 2002, rappelle l’obligation imposée aux ministres du culte de garder le secret dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur ministère, ce qui est plus large que la communication d’une « information » par le pénitent au confesseur pendant le sacrement de la pénitence qui seule bénéficie de la protection édictée par le code de droit canonique.      

  Une dérogation à la règle du secret est prévue pour donner à son détenteur la possibilité de s’en libérer afin de lui donner la faculté de dénoncer aux autorités certaines atteintes ou mutilations imposées à un mineur. Il ne s’agit en aucun cas d’une obligation mais d’une simple possibilité alors qu’une dénonciation est obligatoire pour les personnes qui ne sont pas soumises au secret professionnel et qui viendraient à avoir connaissance de tels faits. L’obligation de dénonciation s’efface alors devant le secret professionnel mais peut justifier une exception à celui-ci. Autrement dit, la loi civile permet, dans certaines circonstances, au prêtre de dévoiler le secret dont il est dépositaire, sans qu’il soit obligé de le faire, alors que la loi ecclésiastique l’interdit dès lors que les faits lui ont été révélés dans le cadre du sacrement de pénitence.    

  La loi ecclésiastique et la loi civile sont donc parfaitement compatibles et les deux condamnations d’évêques français prononcées au XXIème siècle pour non-dénonciation d’atteinte sur mineurs ne remettent pas en cause cette appréciation. Le 4 septembre 2001, Mgr Pican, alors évêque de Bayeux-Lisieux, a été condamné à trois mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Caen pour ne pas avoir dénoncé un prêtre de son diocèse coupable d’abus sur mineurs. C’était la première condamnation d’un évêque français en matière pénale depuis la Révolution de 1789 et la première en Europe pour un ecclésiastique de ce rang. Le jugement retient que l’évêque s’est abstenu de dénoncer les faits commis par un prêtre de son diocèse dont il était le supérieur hiérarchique. Pour le tribunal, l’option de conscience, tirée du secret professionnel, ne pouvait s’appliquer dans le cas d’espèce car l’évêque avait eu connaissance des faits non seulement en dehors de toute confession mais grâce à une information que lui avait transmise le vicaire général du diocèse, lui-même alerté par la mère de l’enfant. Le jugement applique la notion de secret professionnel aux faits révélés directement par la personne concernée et portant sur sa propre histoire. Pour mesurer le chemin parcouru depuis 2001, rappelons seulement que Mgr Pican est resté en fonction à la tête de son diocèse jusqu’en 2010, année pendant laquelle il a atteint la limite d’âge qui s’applique à l’épiscopat, et qu’il a même reçu une lettre de félicitations du cardinal Castrillon Hoyos, préfet de la congrégation du clergé, pour ne pas avoir dénoncé un de ses fils à l’autorité civile.  

  Le 22 novembre 2018, Mgr Fort, évêque d’Orléans au moment des faits, a été condamné à huit mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel d’Orléans pour non-dénonciation d’atteintes sur mineurs commises par un prêtre de son ancien diocèse dont il avait été informé par un courrier que lui avait envoyé la victime. Il faut noter dans le second cas une sanction plus sévère que dans le premier cas de dix-sept ans antérieur. En outre, même si cette circonstance n’entre pas dans la définition du délit reproché, dans ces deux affaires, les évêques avaient maintenu dans leurs fonctions ou dans des fonctions exposées aux mineurs les prêtres en question.       

  Le rapport de la commission Sauvé, mise en place par l’épiscopat français pour enquêter sur les abus sur mineurs commis par certains clercs, qui propose de faire évoluer la législation de l’Eglise sur le secret de la confession, ne laisse pas de surprendre et d’inquiéter. L’objectif poursuivi par les auteurs du rapport est, en obligeant les confesseurs à révéler ce type d’actions, d’en prévenir leur commission à l’avenir. Divers Etats fédérés américains et australiens ont engagé des réformes qui obligeraient le prêtre à violer le secret de la confession à cette fin.  

  De surprendre, car le secret de la confession non seulement garantit la liberté de la personne dans sa relation à Dieu mais est également une condition de la sincérité dans l’accusation. Une telle mesure serait sans effet pratique car il est déjà peu probable que les auteurs de ces délits s’accusent de ces délits à des prêtres qui les connaissent et il est à peu près certain qu’ils le feraient encore moins s’ils n’avaient plus la garantie du secret absolu de leur accusation, sauf peut-être s’il s’agissait d’une confession in articulo mortis qui serait sans effet sur le plan des poursuites pénales.

 

  D’inquiéter car une telle législation si elle était mise en place serait un grave empiètement de l’Etat dans le libre exercice du culte. De séparée de l’Etat, l’Eglise deviendrait subordonnée à celui-ci. On en revient aux paroles de Clémenceau parodiant au début du siècle dernier le précepte évangélique rendez à César ce qui est à César et tout est à César. L’on pourrait même craindre d’autres incursions du pouvoir temporel dans le pouvoir spirituel. Pourquoi les pouvoirs publics ne demanderaient-ils pas aux associations à objet religieux et à statut civil, et même aux associations cultuelles, d’introduire la parité entre hommes et femmes dans leurs organes d’administration ? Le fait que les femmes ne puissent accéder au sacerdoce ne constituerait-il pas une discrimination injustifiée dont les pouvoirs publics devraient s’émouvoir et qu’ils pourraient sanctionner ? Qu’en sera-t-il de la prédication concernant certains actes contre nature interdits par la loi ecclésiastique et autorisés, pour ne pas dire plus, par la loi civile, voire même de l’interdiction en elle-même de certaines pratiques ?  Nous ne sommes évidemment pas parvenus à un tel stade mais il convient de rester vigilant. Les réactions timides, tant de la conférence épiscopale française que du Vatican, sur l’éventualité d’une levée du secret de la confession par les pouvoirs publics de notre pays ne sont guère encourageantes, surtout après la reconnaissance par les évêques français de la responsabilité institutionnelle de l’Eglise dans les dérives de quelques-uns de ses fils.    

  Cela dit, il faut bien admettre qu’en se limitant à demander aux Etats, au nom du principe de la liberté religieuse affirmé par le concile Vatican II, la seule protection du droit commun et en refusant par principe tout statut protecteur qui lui soit propre, l’Eglise catholique s’est considérablement affaiblie à l’égard des autorités publiques. De même que, chez beaucoup de catholiques et pas seulement chez les laïcs, la foi tend à devenir une opinion comme les autres, l’Eglise est considérée comme une institution, voire même une association, comme les autres à laquelle le pouvoir civil peut, sans ménagement, imposer sa loi en fonction des idées et des majorités politiques du moment.            

  Nous sommes loin de la royauté sociale du Christ qui soumet à la loi divine les individus et les sociétés, y compris les Etats. Un jour viendra où l’ordre voulu par Dieu sera rétabli mais il n’est pas de victoire sans combat.  

Thierry de la Rollandière

 

La fin d’un monde par Patrick Buisson

           C’est une plongée dans l’histoire, une histoire récente et sociologique de la France, à laquelle nous invite Patrick Buisson dans La fin d’un monde puisque ce passage de l’ancien au nouveau monde qu’il décrit s’étend sur une quinzaine d’années, de 1960 à 1975. Le développement économique qui marque la fin des Trente Glorieuses s’accompagne d’une transformation des mentalités qui modifie en profondeur la société française. L’auteur illustre cette révolution petite bourgeoise, pour reprendre le sous-titre de l’ouvrage, par trois grandes thématiques que sont le grand déracinement lié à la forte baisse du nombre d’agriculteurs et à l’exode rural, le krach de la foi et la perte du sacré qui ont suivi le concile Vatican II, et le déclin de la virilité et, plus généralement, de la verticalité.

 

  Dans un style clair, l’auteur met en perspective les faits dont il dégage une analyse pénétrante qui ne manque pas de souffle. Un des fils rouges de cette révolution des mentalités peut être trouvé dans le vide qui saisit la société : les campagnes se vident et cela n’est pas neutre quant au rapport des français à la terre, les églises se vident des fidèles et même des prêtres, l’autorité paternelle se vide de sa légitimité et l’homme lui-même se vide de toute vie intérieure au profit des apparences que sont la mode et la consommation, en bref, de l’esprit du monde.       

 

  La partie la plus intéressante du livre est consacrée à l’évolution du catholicisme pendant cette période courte au regard de l’histoire de l’Eglise mais ô combien foisonnante. Dans le sillage de l’aggiornamento lancé par Jean XXIII, l’Eglise s’ouvre au monde, proclame la liberté en matière religieuse, promeut l’œcuménisme et entend rechercher le salut de tous les hommes et pas seulement celui des fidèles. La question du salut ne se pose d’ailleurs plus vraiment puisque l’Eglise renonce à parler des péchés personnels et des fins dernières. Cet abandon de pans entiers de la doctrine professée jusque là sème un grand trouble chez les catholiques et ce d’autant plus qu’il s’accompagne d’une modification en profondeur de la liturgie. La disparition du latin, l’adoption d’un nouveau rite de la messe, la liberté d’adaptation reconnue aux clercs dans les célébrations accélèrent à partir de 1965 le déclin déjà amorcé de la pratique religieuse. La perte d’identité d’un clergé qui se dit en recherche et la banalisation de l’état clérical qui rapproche le mode de vie des clercs de celui des laïcs provoquent de nombreux abandons de la vie religieuse.       

 

L’ouverture au monde est illustrée en particulier par l’expérience des prêtres ouvriers. Celle-ci s’avère un échec mais entraîne un rapprochement politique du clergé avec la gauche qui peut aller jusqu’à une certaine connivence avec le marxisme. Le mouvement de mai 1968 consacre l’influence des chrétiens progressistes dans l’Eglise. La conférence épiscopale française n’est pas en reste en soutenant à mots à peine couverts le socialisme et les mouvements des syndicats ouvriers. Il est possible d’y voir la conséquence du refus du concile de condamner le communisme mais aussi, les deux phénomènes pouvant coexister sans difficulté, la conviction, ancrée chez beaucoup d’esprits de cette époque, y compris chez les clercs, du caractère inéluctable de l’avènement du marxisme auquel il apparaît plus prudent de se rallier.    

 

  Dans l’ordre intellectuel, la foi l’emporte sur la religion. Autrement dit, la foi devient une affaire de conscience personnelle qui dépasse l’action de la grâce par les sacrements. Une telle conception rapproche les nouveaux catholiques des protestants. Le mépris des clercs pour la piété populaire et le déclin du culte marial et de celui des saints, joints à une certaine intellectualisation de la foi entraînent la déchristianisation du plus grand nombre. La sociologie des catholiques pratiquants se réduit pour se concentrer, surtout dans les villes, sur la bourgeoisie. Le refus de regarder la mort en face est une autre illustration du déclin de la foi comme si l’homme n’acceptait plus sa fin considérée comme une défaillance technique qu’il convient de réparer ou de différer le plus possible.    

 

  La dernière thématique est relative à la fin du pater familias et à l’exacerbation du féminisme dans toutes ses dimensions qui signent l’abandon du modèle traditionnel de l’homme mari, père, soldat et travailleur, et de la mère qui reste au foyer pour élever ses enfants. Le phénomène hippie influence l’idéal masculin tandis que la libéralisation du divorce, de la contraception et de l’avortement traduit en actes le slogan ni Dieu, ni mec des femmes libérées.  

 

***

 

  La lecture de ce brillant ouvrage laisse quand même le lecteur sur une interrogation. Celui-ci va être tenté de conclure comme l’y invite le slogan figurant sur le bandeau du livre : c’était mieux avant. Est-ce si sûr ? oui dans la mesure où la décadence des esprits et des mœurs est incontestable entre 1960 et 1975 et même plus encore dans les années qui ont suivi. Mais était-ce vraiment mieux avant 1960 ? Les prémices du déclin n’étaient-ils pas déjà en place ? Poser la question est déjà y répondre. Il faut remonter avant 1960 pour trouver les facteurs explicatifs de ce déclin même si les années 1960 marquent, surtout en ce qui concerne la religion et les mœurs, une accélération du processus de décomposition. L’auteur laisse au lecteur le soin de trouver les causes et les remèdes aux phénomènes qu’il décrit. En ce qui concerne les remèdes à la crise du catholicisme, nous pouvons relever que la réaction traditionnaliste existait déjà au moins en germe avec la création par Mgr Lefebvre en 1970 de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X pendant la période couverte par l’ouvrage. D’autres thèmes auraient pu y être abordés come le développement de l’immigration déjà très présente au cours de la période 1960-1975, la libéralisation des échanges et la mise en place de la Communauté Economique Européenne même si les effets de l’ouverture des frontières se sont surtout fait sentir après 1975.   

 

  Au-delà de ces questionnements, La fin d‘un monde est un livre très intéressant à lire tant il fourmille de citations pertinentes et d’anecdotes savoureuses sur l’histoire de cette période. L’on se prend à espérer qu’un jour, une analyse de même qualité puisse être écrite sur la période étrange que nous vivons et qui est source d’autres ruptures.     

 

Thierry de la Rollandière

1 Editions Michel Albin 2021

 

L’instruction en famille : vers l’interdiction ?

           Nous avons laissé le projet de loi une fois celui-ci voté l’hiver dernier par l’Assemblée nationale. Il est temps de présenter une appréciation critique de la réforme avant de reprendre le fil de la discussion de celle-ci au Parlement.

 

Appréciation critique de la réforme

 

           Le remplacement du régime de simple déclaration par un régime d’autorisation préalable très encadrée appelle des critiques de principe fondées tant sur le droit naturel que sur le droit positif.

  Parmi les arguments de doit naturel se trouve le principe selon lequel les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. La liberté dont disposent les parents dans ce domaine est un droit qu’ils tiennent de Dieu lui-même devant qui ils devront répondre de la façon dont ils l’ont utilisée. La fonction de l’Etat est de compléter, voire le cas échéant de suppléer, le rôle d’éducateurs dévolu aux parents. Ce principe de la liberté parentale de choisir le mode d’éducation de leurs enfants ne doit pas être la victime expiatoire de l’incapacité de la laïcité à combattre les abus d’une religion conquérante. En outre, cette liberté préserve les familles de toute dérive vers le totalitarisme. Les régimes totalitaires commencent toujours par enlever les enfants à leurs parents pour les faire éduquer par l’Etat. Enfin, l’Etat peut suppléer les parents dans leur rôle d’éducateur mais les éventuelles carences de ceux -ci ne peuvent être présumées.

  Le droit positif vient, une fois n’est pas coutume, au secours du doit naturel. La liberté d’enseignement est une liberté protégée par la Constitution en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il en résulte que son exercice ne peut être soumis à une autorisation administrative. En droit international, la liberté d’enseignement est reconnue par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme. Or, depuis 1946, les traités l’emportent sur le droit interne de la France.  Dans une décision rendue le 19 juillet 2017, le Conseil d’Etat a jugé que le principe de la liberté d’enseignement implique la possibilité de créer des établissements hors de tout contrat avec l’Etat tout comme le droit des parents de choisir pour leurs enfants des méthodes alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l’instruction au sein de la famille.

  Plus généralement, la mesure d’interdiction de l’instruction dans la famille est inscrite dans un projet de loi destiné à lutter contre le séparatisme islamique alors que le lien entre les deux n’a jamais été établi. Même si l’interdiction faite aux parents d’invoquer à l’appui de leur demande d’autorisation leurs convictions philosophiques, politiques ou religieuses a été retirée du texte, celles-ci ne pourront cependant pas être invoquées car seul l’intérêt supérieur de l’enfant, apprécié par l’administration selon des critères que la loi n’a pas fixés, pourra justifier une telle demande. Le quatrième cas de dérogation à l’interdiction de l’école à la maison, la situation particulière de l’enfant motivant le projet éducatif, est particulièrement flou. Enfin, la généralité de la mesure d’interdiction qui s’applique de façon uniforme aux enfants âgés de 3 à 16 ans encourt la critique. 

 

L’examen par le Sénat 

 

  Le Sénat a examiné le texte en commission en mars, puis en séance publique du 30 mars au 12 avril 2021. Il a souhaité trouver un point d’équilibre entre lutte contre le séparatisme et liberté d’enseignement. Il a considéré que le texte remettait en cause la liberté de l’enseignement et que les objectifs que le gouvernement s’est fixé pour lutter contre le séparatisme auraient pu être atteints en utilisant pleinement les dispositifs existants.  S’il a supprimé du projet de loi les dispositions relatives à l’interdiction de l’instruction en famille et maintenu le régime actuel de la déclaration, le Sénat a renforcé les mesures de contrôle.  Les parents condamnés pour infractions sexuelles ou pour violence ne pourront exercer l’instruction en famille. Celle-ci sera également interdite en cas d’absence de déclaration ou de déclaration frauduleuse. Les personnes chargées de cette instruction devront présenter dans leur déclaration les modalités d’organisation de cette instruction et l’enseignement ainsi dispensé devra l’être principalement en français. Enfin, seuls des inspecteurs académiques spécialement formés pour ce mode d’instruction pourront exercer le contrôle pédagogique prévu par la législation.         

 

L’échec de la commission mixte paritaire et le vote final du texte le 23 juillet

 

  Les deux assemblées du Parlement ayant voté des textes différents, le gouvernement a décidé de provoquer la création d’une commission mixte paritaire composée de sept députés et de sept sénateurs chargée de trouver un compromis sur le contenu du projet de loi. La commission mixte paritaire s’est réunie le 12 mai et a vite constaté que les positions des deux assemblées étaient trop divergentes pour que puisse se dégager un accord.

Le texte est revenu à l’Assemblée nationale qui l’a examiné en séance publique du 28 juin au 2 juillet 2021. Ce fut en quelque sorte une seconde lecture au rabais, le gouvernement n’était pas représenté par le ministre de l’intérieur qui avait préparé et porté la réforme. Sur les dispositions concernant l’enseignement, le ministre de l’éducation nationale n’a assuré qu’un service minimum et une secrétaire d’Etat à la notoriété encore en devenir, Nathalie Elimas, en soutenait, assez faiblement d’ailleurs, la discussion. Les débats ne présentaient, il est vrai, guère d’intérêt, la majorité La République en marche ayant décidé, sur l’instruction en famille comme sur presque toutes les dispositions du projet, de revenir au texte qu’elle avait voté en février, sans tenir compte des apports du Sénat, et d’opposer une fin de non-recevoir aux amendements présentés par les députés de l’opposition. 

  Le Sénat a examiné le texte le 20 juillet. Prenant acte du vote par les députés d’un texte ignorant sa contribution au débat, les sénateurs ont rejeté en bloc le projet de loi. Le gouvernement a demandé à l’Assemblée nationale de statuer définitivement et celle-ci a le 23 juillet, dans l’indifférence générale, entre deux lectures du projet de loi sur le covid, voté à nouveau le texte qu’elle avait adopté le 2 juillet.     

 

La saisine du Conseil constitutionnel

 

  Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 13 août 2021. Il n’a statué que sur les dispositions dont il avait été saisi par les parlementaires, ce qui lui a permis de ne pas se prononcer, au moins à ce stade, sur le renforcement du contrôle de l’Etat sur les écoles hors contrat et les associations cultuelles. Sur l’instruction en famille, il a considéré que la loi était conforme à la Constitution dans la mesure où il ne s’agit pas, selon lui, d’une liberté fondamentale, protégée au même titre que la liberté d’enseignement, mais d’une modalité de mise en œuvre de l’instruction obligatoire. Il a toutefois émis des réserves d’interprétation : le recours à cette technique juridique lui permet de ne pas censurer une loi tout en en donnant l’interprétation que devront suivre l’administration et les tribunaux. Le Conseil constitutionnel a ainsi interprété la loi pour limiter le pouvoir d’appréciation des rectorats saisis d’une demande de dérogation en vue d’assurer l’école à la maison : ceux-ci ne pourront, pour fonder leur décision,  que vérifier la capacité des personnes responsables de l’enfant à donner à celui-ci le socle commun de connaissances, de compétences et de culture prévu par la législation et s’assurer que le projet éducatif d’instruction en famille comporte les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant. Un décret devra préciser la procédure à suivre par les rectorats conformément à cette interprétation donnée par le Conseil constitutionnel. Cette décision, plus politique que juridique, ne rend pas bonne une loi qui reste mauvaise mais en réduit les effets les plus pervers.  Le combat mené n’aura pas été complètement vain.   

 

Thierry de la Rollandière

 

L’instruction en famille: vers l’interdiction

           La question peut a priori sembler surprenante, voire un peu décalée, puisqu’à plusieurs reprises en 2020, pour une durée de plus de deux mois, et pour de plus brèves périodes en 2021, l’Etat a décidé la fermeture des écoles et demandé aux parents d’assurer eux-mêmes l’instruction de leurs enfants. Cette situation exceptionnelle, due à la crise sanitaire, marque quand même la reconnaissance du rôle de premiers éducateurs dévolu aux parents, l’école n’agissant en principe que par délégation de ceux-ci.   

 

  L’interdiction de l’école à la maison a été annoncée par Emmanuel Macron dans son discours des Mureaux d’octobre 2020 et présentée comme la mesure phare de son plan de lutte contre le séparatisme islamique. Le président a même placé cette réforme au même niveau que les lois votées en 1882 et 1884 à l’initiative de Jules Ferry pour créer l’école primaire laïque et obligatoire de 6 à 14 ans. Au moins la IIIème République avait-elle préservé la liberté des parents de donner eux-mêmes l’instruction à leurs enfants.

Cette mesure a été votée à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi confortant le respect des principes de la République le 16 février 2021. Ce fut la mesure la plus discutée par les députés, son examen a duré près d’une journée entière et le gouvernement a dû faire des concessions – assez limitées en réalité – pour surmonter les réticences de quelques-uns des élus de sa majorité. Le Sénat a repoussé la réforme lorsqu’il a examiné le projet de loi en avril 2021. La commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs, n’a pu concilier, lorsqu’elle s’est réunie le
12 mai 2021, les positions opposées des deux assemblées. Une nouvelle lecture dans chacune d’entre elles, probablement en juillet, précèdera un ultime vote par l’Assemblée nationale. Parmi les dispositions de la loi qui seront soumises à l’appréciation du Conseil constitutionnel, l’interdiction de l’instruction en famille figurera en bonne place. La décision du Conseil sera très attendue pour connaître toute la portée de la protection constitutionnelle de la liberté de l’enseignement : en effet, aucune des lois ayant encadré la possibilité pour les parents de donner l’instruction à leurs enfants ne lui a été déférée.     

Un bref rappel de l’état du droit existant précèdera une présentation des dispositions du projet de loi du gouvernement sur l’instruction en famille et l’examen des positions respectives de l’Assemblée nationale et du Sénat. Une appréciation critique de la réforme conclura le présent article.  

 

L’état du droit

  Le code de l’éducation affirme dans le premier de ses articles le droit de l’enfant à l’éducation qui doit lui permettre de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté. Le même code définit le droit de l’enfant à l’instruction qui, en plus de l’éducation, a pour objet de garantir l’acquisition des éléments fondamentaux du savoir. Il y aurait sûrement beaucoup à dire sur ce mélange des genres mais ce n’est pas l’objet de cet article. L’instruction est donnée par priorité dans les établissements d’enseignement bien qu’elle puisse être aussi donnée dans les familles.      

  Les familles qui font le choix de donner l’instruction à leurs enfants, et la question devrait se poser d’autant plus souvent que l’âge à partir duquel la scolarité obligatoire a été abaissé en 2019 de six à trois ans, doivent le déclarer chaque année à la mairie et à l’académie. L’absence de déclaration est pénalement sanctionnée. Des contrôles sont prévus : un contrôle administratif par le maire, chaque année puis tous les deux ans, doit lui permettre de s’assurer des raisons avancées par la famille pour justifier un tel choix et de vérifier qu’il est donné aux enfants une instruction compatible avec leur état de santé ; un contrôle pédagogique effectué par l’académie, en principe chaque année, porte sur la réalité de l’instruction dispensée, ainsi que sur les acquisitions de l’enfant et sa progression. Lorsque les résultats du contrôle pédagogique sont jugés insuffisants, un second contrôle est organisé et, si celui-ci est considéré comme défectueux, l’inspection académique peut mettre en demeure les parents d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement public ou privé.      

    

Le projet de loi du gouvernement

  L’article 21 du projet de loi confortant le respect des principes de la République pose le principe de l’instruction obligatoire de 3 à 16 ans dans des établissements d’enseignement sauf dérogation accordée par l’autorité académique dans quatre cas limitativement énumérés que sont (i)  l’état de santé de l’enfant ou son handicap, (ii) la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, (iii) l’itinérance de la famille ou l’éloignement  d’un établissement scolaire, et (iv) l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant sous réserve que les personnes responsables de l’enfant justifient de leur capacité à donner l’instruction dans la famille dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le projet de loi interdit aux parents de pouvoir invoquer à l’appui de leur demande de dérogation leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses.

Le fait de donner l’instruction dans la famille sans avoir obtenu de dérogation est pénalement sanctionné.     

 

Les apports de l’Assemblée nationale

  Pour l’Assemblée nationale, la liberté de l’enseignement, qui est une liberté de rang constitutionnel, comprend le droit d’ouvrir des établissements d’enseignement privés et le droit des parents d’y inscrire ses enfants, que ces établissements aient signé ou non un contrat avec l’Etat. Elle ne recouvre pas explicitement la possibilité pour les parents de donner aux enfants l’instruction dans la famille. Pour la majorité des députés, la liberté de l’enseignement doit être mise en balance avec le droit des enfants à l’instruction qui s’exerce par priorité dans les écoles.

La nécessité d’une réforme de la législation existante est liée, d’après l’Assemblée, à la forte augmentation du nombre d’élèves scolarisés à la maison : celui-ci s’élevait à 18818 en 2010 (dont 25 % n’étaient pas inscrits au CNED) à 62 000 en 2020 (dont 75 % n’étaient pas inscrits au CNED).

Une telle augmentation doit toutefois être relativisée en raison de l’abaissement de six à trois ans de l’âge à partir duquel la scolarité est devenue obligatoire en 2019. Les autres raisons avancées sont liées à la nécessité d’assurer un droit effectif à l‘instruction que ne garantirait pas l’instruction en famille, aux risques de dérive sectaire que ce mode d’éducation favoriserait, à l’utilisation de l’instruction en famille comme un paravent à des écoles privées non déclarées et à l’insuffisance des contrôles existants pour remédier aux situations à risque constatées.  

Tous ces motifs ne laissent pas de surprendre. L’augmentation du nombre d’enfants scolarisés à la maison aurait pu être l’occasion pour les pouvoirs publics de s’interroger sur le caractère défectueux de l’enseignement dispensé dans les établissements gérés par l’Etat. Le renforcement des contrôles mis en place par la loi Blanquer de 2019 est trop récent pour avoir pu faire l’objet d’une évaluation appropriée. Enfin, le risque de dérive sectaire n’existe t-il pas pour les élèves scolarisés dans les établissements publics ?

 

  L’Assemblée nationale n’a modifié qu’à la marge le projet du gouvernement. L’article 21 a certes plus que doublé de volume lors de son examen par les députés mais il n’a pas été fondamentalement modifié. Une bonne nouvelle à effet limité dans le temps doit être remarquée : la réforme n’entrera en vigueur qu’à la rentrée 2022 au lieu de la rentrée 2021. En outre, l’autorisation est accordée de plein droit pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024 aux enfants régulièrement instruits en famille avant la rentrée scolaire 2022 lorsque les résultats du contrôle pédagogique organisé par l’académie auront été satisfaisants. A côté de mesures très secondaires, deux modifications de fond ont été apportées au projet de loi : la mention selon laquelle les convictions philosophiques, politiques ou religieuses des parents ne peuvent être invoquées à l’appui d’une demande d’autorisation a été supprimée pour être remplacée par une disposition prévoyant que seul l’intérêt supérieur de l’enfant peut justifier une telle demande. La mention supprimée aurait fait courir au texte un fort risque d’inconstitutionnalité. La nouvelle rédaction, aux contours flous à défaut de définition de l’intérêt supérieur de l’enfant, peut s’analyser comme un repli tactique. La seconde modification complète le quatrième cas de dérogation qui devient « l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant motivant un projet éducatif que les personnes responsables de l’enfant doivent présenter lors de la demande d’autorisation ». Quels projets éducatifs pourront être agréés par les académies ? La loi ne le dit pas mais la combinaison de ces deux modifications pourrait, en fonction du climat politique, constituer la base d’une évolution future du texte vers un régime moins contraignant.

  Nous complèterons cet article dans le prochain numéro en présentant l’examen par le Sénat et les différentes modifications qui auront lieu pendant l’été.

 

Thierry de la Rollandière

 

Laïcité et séparatisme : à propos d’un projet de loi confortant les principes républicains

           Dans un discours prononcé aux Mureaux (Yvelines) le 2 octobre 2020, Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi destiné à renforcer les principes de la République contre le séparatisme islamique qu’il définit comme un « projet conscient, théorisé, politico-religieux qui se concrétise par des écarts  avec les valeurs de la République, qui se traduit souvent par la constitution d’une contre-société (…) Il y a dans cet islamisme radical (…) une volonté revendiquée, affichée, une organisation méthodique pour contrevenir aux lois de la République et créer un ordre parallèle, ériger d’autres valeurs, développer une autre organisation de la Société, séparatiste dans un premier temps mais dont le but final est d’en prendre le contrôle complet ».         

 

  Lorsque l’on veut combattre un mal, il convient de poser un diagnostic, d’en indiquer les causes et de proposer des remèdes. Dans le cas présent, le diagnostic est la partie la plus aboutie du discours macronien même s’il eût gagné à être plus complet sur certaines de ses manifestations comme l’insécurité, les zones de non droit et les atteintes à la liberté d’expression. En ce qui concerne les causes, il n’y a rien sur ce qui a pu entraîner le développement de l’islam radical, comme il l’appelle, dans notre pays. Il y a, en creux, l’incitation habituelle à ne pas tomber dans le piège de l’amalgame entre islam et islamisme radical mais rien sur l’immigration dont le terme est même complètement absent du discours. L’absence de mixité sociale est présentée comme un élément ayant favorisé le séparatisme alors qu’elle en est, au moins autant, une manifestation ou une conséquence. Quant au remède, il est tout trouvé : ce sera une nouvelle loi pour renforcer la laïcité.

 

  La laïcité devra se répandre dans cinq domaines : la neutralité devra être affirmée dans les services publics, en particulier les transports et les piscines ; la dissolution des associations pourra intervenir en cas d’atteinte à la dignité de la personne ou de pressions physiques ou psychologiques ; l’école à la maison sera interdite sauf autorisation donnée dans des cas très limités par l’autorité académique ; les préfets pourront au titre de la police des cultes, prononcer la fermeture administrative des lieux de culte, au cas où des propos déplacés y auraient été tenus, et exerceront un contrôle administratif et financier renforcé sur les associations cultuelles en particulier pour en encadrer les financements étrangers ; enfin, l’Etat fera émerger une meilleure compréhension de l’islam en France avec l’enseignement de l’arabe à l’école et le développement d’études islamiques de haut niveau à l’université. Toutes ces mesures doivent contribuer au réveil républicain souhaité par le président.   

  Alors que le discours des Mureaux était consacré au séparatisme islamique, le projet de loi que ces propos étaient censés traduire est muet à cet égard ; il contient des mesures portant atteinte aux libertés de tous les citoyens et notamment des catholiques. C’est manifestement le cas de l’interdiction quasi-totale de l’école à la maison qui va priver les parents de leur droit naturel à donner l’instruction à leurs enfants, l’école n’agissant que par délégation. C’est également le cas des mesures applicables aux associations cultuelles sur lesquelles le contrôle de l’Etat, l’un des plus strict au monde, va être renforcé. La faculté donnée aux préfets d’ordonner la fermeture administrative des lieux de culte crée un risque de sujétion des religions à l’égard de l’Etat. Les mesures prises l’an dernier pour règlementer la célébration des cultes en raison de la crise sanitaire et les tentatives de remise en cause, dans certains pays, du secret de la confession montrent que ce risque n’est pas théorique.             

  Les remèdes ainsi inscrits dans la loi ne sont pas à la hauteur des enjeux. De nombreuses pratiques que la loi entend à juste titre prohiber sont le plus souvent mises en œuvre par les associations musulmanes de façon clandestine et apparaissent ainsi hors d’atteinte du législateur. En outre, la loi va manquer son objectif car la laïcité, fût-elle à la française, ne peut être le remède au séparatisme. L’objectif de la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’Etat était de réduire l’influence de l’Eglise catholique sur la société française et elle a parfaitement rempli le rôle qui lui avait été assigné. Le vide spirituel qui en a résulté dans la nation ne pouvait qu’être comblé par le développement d’une religion conquérante que l’immigration a indéniablement favorisé. L’attitude de retrait, pour ne pas dire l’enfouissement, de l’Eglise catholique dans la société française, conforme à ce que l’Etat attendait de ses dirigeants, a poussé dans le même sens.     

 

  En réalité, ce débat sur laïcité et séparatisme renvoie à un autre sujet important et souvent esquivé car il est difficile à traiter en pratique : il s’agit de la distinction entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel. Dans l’islam, les deux sont mêlés et plusieurs associations organisant le culte musulman ont d’ailleurs refusé de signer la charte de la laïcité proposée par le gouvernement, ne voulant pas admettre la supériorité du droit français sur la charia, le coran condamnant des pratiques contre-nature qui ont droit de cité dans notre législation. Dans l’esprit des hommes politiques français, la loi est au-dessus de la foi et ce slogan est devenu une rengaine, pour ne pas dire un dogme. Le christianisme affirme l’autonomie de deux pouvoirs mais le pouvoir temporel est subordonné au pouvoir spirituel, ce que beaucoup de catholiques, y compris des hommes d’Eglise, ont oublié.     

        

  Alors, quid du projet de loi ? Voté à l’Assemblée nationale le 16 février après deux semaines de débats en séance publique qui ont abouti à compléter le texte par des mesures annexes ou transitoires qui n’en ont pas altéré la substance, il a été examiné par le Sénat du 30 mars au 8 avril. Une commission mixte Assemblée-Sénat devrait constater un désaccord entre les deux chambres. Une nouvelle lecture dans chacune d’elles précèdera avant les congés d’été un ultime vote par l’Assemblée nationale à qui la Constitution donne le droit de statuer définitivement. Le contrôle de conformité du Conseil constitutionnel pourrait permettre de gommer les aspérités les plus criantes de la loi. Ni les débats, ni le combat ne sont finis.   

 

Thierry de la Rollandière