Instruction en famille

Publication du décret d’application de la loi du 24 août 2021

Nous avons laissé à la fin de l’été la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République après avoir vu sa conformité examinée par le Conseil constitutionnel. En ce qui concerne l’instruction en famille, la loi a remplacé le régime de la « déclaration préalable » par une « autorisation préalable » donnée par l’Etat. Rappelons que les motifs prévus par la loi pour accorder une telle autorisation sont  (I) l’état de santé de l’enfant ou son handicap, (II) la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, (III) l’itinérance de la famille ou l’éloignement de tout établissement scolaire public, et (IV) l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif sous réserve que les personnes responsables de l’enfant justifient de la capacité de la personne chargée d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans l’intérêt supérieur de l’enfant.    

 

  Le décret du 15 février 2022 est relatif aux modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille ; il fixe en premier lieu les conditions de délai de dépôt de la demande qui doit être formulée auprès du rectorat de l’académie entre le 1er mars et le 31 mai précédant l’année scolaire considérée. Le délai de réponse de l’académie pouvant aller jusqu’à deux mois, il est plus prudent de ne pas attendre son expiration pour pouvoir prendre toutes dispositions utiles en cas de refus.

  Lorsque la demande est motivée par l’état de santé de l’enfant ou son handicap, un certificat médical doit attester de la pathologie ou du handicap et est transmis au médecin de l’éducation nationale qui émet un avis sur cette demande. L’autorisation peut alors être accordée par le rectorat pour une période maximale de trois années scolaires.      

  Lorsque la demande est motivée par la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, elle doit comprendre une attestation d‘inscription auprès d’un organisme sportif ou artistique et une présentation de l’emploi du temps de l’enfant, de ses engagements et de ses contraintes attestant qu’il ne peut fréquenter assidûment un établissement public ou privé.

  Lorsque la demande est motivée par l’itinérance des personnes responsables de l’enfant ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public, elle doit être accompagnée de tout document utile attestant cette situation.

  Lorsque la demande est motivée par l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, elle doit comprendre :   

– Une présentation écrite du projet éducatif comportant les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant, et notamment une description de la démarche et les méthodes pédagogiques mises en œuvre pour permettre à l’enfant d’acquérir le socle commun de connaissances, les ressources et supports éducatifs utilisés, l’organisation du temps de l’enfant et le cas échéant l’identité de l’organisme d’enseignement à distance participant aux apprentissages de l’enfant, ainsi que la teneur de sa contribution.    

– Tous éléments justifiant la disponibilité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant, ainsi que la copie du diplôme du baccalauréat de >>> >>> celle(s)-ci.

– Une déclaration sur l’honneur de cette ou ces personnes d’assurer cette instruction majoritairement en langue française. 

 

  Le rectorat doit accuser réception de la demande, et le silence gardé pendant deux mois vaut acceptation de celle-ci. La décision de refus d’autorisation fait l’objet d’un recours administratif préalable à tout recours contentieux auprès d’une commission présidée par le recteur de l’académie. Le recours, en droit administratif français, n’est pas suspensif.

Lorsqu’elle est accordée, l’autorisation est donnée pour une année scolaire sauf dans le cas où la demande est fondée sur l’état de santé ou le handicap de l’enfant. La décision d’octroi de l’autorisation emporte l’engagement des parents de se soumettre aux contrôles administratif et pédagogique qui peuvent être inopinés. Les résultats insuffisants aux contrôles pédagogiques peuvent entraîner l’obligation pour les parents d’inscrire leurs enfants dans un établissement public ou privé.  

  La loi a prévu que l’autorisation serait accordée de plein droit pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024 aux enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l’année scolaire 2021-2022 pour lesquels les résultats du contrôle pédagogique ont été jugés satisfaisants. Les parents des enfants concernés doivent déposer une demande d’autorisation contenant les seuls documents justifiant de l’identité et du domicile des parents et de l’identité de la personne chargée de l’instruction des enfants.

 

  Le décret introduit une sanction pénale avec une amende de 1 500 euros, portée à 3 000 euros en cas de récidive, pour les parents qui n’inscrivent pas leurs enfants dans un établissement d’enseignement sans autorisation préalable de l’Etat.

 

  Trois brefs commentaires peuvent être formulés sur ce texte :

– Comme le prévoit la loi, l’existence du projet pédagogique n’est requise que pour le motif lié à la situation particulière de l’enfant. Les parents qui pourront invoquer un des autres motifs prévus par la loi auront un dossier plus léger à fournir à l’appréciation de l’administration.      

– Les parents qui invoqueront la situation particulière de l’enfant ne pourront, en principe, voir leur demande examinée que sur les seuls critères du contenu du projet éducatif qui doit comporter les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant, et de la capacité de la personne chargée d’instruire l’enfant à permettre à celui-ci d’acquérir le socle commun de connaissances. Le Conseil constitutionnel a exclu la prise en compte de tout autre critère. Qu’en sera-t-il dans les faits ? Il est prématuré de le dire et la situation pourra varier d’une académie à l’autre.

– Il faudra attendre assez longtemps avant que les juridictions administratives et, en dernier lieu, le Conseil d’Etat explicitent ce que recouvre l’intérêt supérieur de l’enfant motivant le projet éducatif. Le Conseil constitutionnel a donné à ce concept une portée large afin de ne pas avoir à censurer la loi. Enfin, même si le décret n’aggrave pas les règles fixées par la loi, il complète une réforme qui remet en cause le droit des parents à choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants.

Thierry de la Rollandière