Charlemagne

Comme le dit la légende, c’est à Charlemagne que nous devons l’organisation de l’école en France.

Si l’idée de Charlemagne était de promouvoir l’enseignement pour un plus grand nombre et de lutter contre l’ignorance, à commencer par la sienne propre, en établissant des structures capables d’intégrer de plus en plus d’élèves, la réalisation et l’organisation de ce projet revint à Alcuin.

Diacre d’origine anglo-saxonne, formé à l’école cathédrale d’York, et distingué par Charlemagne, Alcuin conçut « le programme dont le but était de créer le sol fertile et le climat favorable à l’épanouissement naturel des graines de la foi catholique en une société chrétienne ».

« Sa stratégie était conçue pour fonctionner en quatre cercles concentriques. Il pensait en siècles, il savait que son travail consistait à planter des chênes, à élever une forêt de foi résiliente, robuste, dont la croissance serait lente mais vigoureuse, capable de résister à un climat hostile. Le cercle intérieur était constitué de l’Académie palatine d’Aix-la-Chapelle, où furent formés les porte-flambeaux qui porteraient l’esprit, les idéaux et les méthodes de la nouvelle culture dans les chancelleries épiscopales et les classes monastiques. Mais c’était également le centre où lui-même, les enseignants et certains des meilleurs étudiants discutaient, débattaient, priaient et planifiaient la restauration des outils pratiques de diffusion de la culture (alphabétisation, livres, art, architecture, liturgie et musique) à travers tout l’empire. Le second cercle était composé d’un >>> >>> petit nombre de monastères où l’enseignement supérieur était prodigué aux moines et au clercs les plus talentueux. Le troisième se composait de la majorité des abbayes et des écoles cathédrales où la plupart des jeunes moines et des nobles étudiaient. Enfin, dans le quatrième cercle se trouvait l’horizon ultime de leurs efforts : la création d’écoles pour l’enseignement primaire universel, installées soit sur des terrains monastiques, soit dans des paroisses, et dirigées par des moines ou des curés.

[…] Educateur dans chaque fibre de son être, Alcuin se consacra résolument à l’enseignement des étudiants de l’Académie palatine, puis plus tard de Tours. Il organisa la scolarité selon un plan moderne : « Donnez des maîtres à la fois aux garçons et aux clercs ; séparez en classes ceux qui pratiquent le chant, ceux qui étudient les livres et ceux qui copient (des manuscrits). » Le cursus était axé sur la grammaire, l’arithmétique, la logique, la rhétorique, la musique, l’astronomie et la géométrie. Chaque classe avait son propre enseignant chargé de la discipline « afin que les garçons (et les filles de leur côté, futures éducatrices) ne soient pas autorisés à flâner, oisifs, ni à se livrer à des jeux idiots ». Une inscription sur l’une des portes de l’école recommandait aux élèves d’être assidus – et aux éducateurs d’être doux ! Merveilleux professeur lui-même, Alcuin devint pour ses étudiants, l’incarnation de l’apprentissage, de la patience et de l’excellence pédagogique, en se fixant des objectifs ambitieux, en suscitant l’intérêt et en excitant l’imagination. Beaucoup d’étudiants lui manifestèrent leur attachement en le révérant et en l’aimant comme un père spirituel, puis en tant qu’ami, et restèrent en contact avec lui par correspondance longtemps après la fin de leurs études. »1

 

L’œuvre d’Alcuin se développa grâce à de nombreux outils pratiques qu’il se plut à multiplier : intensification de la fabrique de parchemins, de plumes et de pinceaux, afin de fournir les matériaux aux nouveaux copistes qui permirent une plus grande diffusion des textes anciens, développement d’une école de calligraphie qui créa la caroline, minuscule lettre beaucoup plus facile à lire, qui préfigurait notre script moderne ; multiplication des scriptoriums des abbayes, et des écoles cathédrales préfigurations des universités des XIIème et XIIIème siècles ; restauration du latin comme langue commune de l’empire ; création d’écoles de chant grégorien dans les monastères et généralisation du rite romain par multiplication du sacramentaire grégorien.

Cette gigantesque entreprise de renouveau intellectuel du IXème siècle permit plus tard l’éclosion du magnifique essor de l’université médiévale française dont la figure de proue est saint Thomas d’Aquin, fondateur essentiel de la pensée chrétienne et occidentale.

 

17 ans!

Je ne résiste pas à vous faire connaître ce texte, extrait du Dossier Spirituel du Pèlerinage de Pentecôte 2022. Puisse-t-il vous enthousiasmer, même si vous avez 3 ou 4 fois l’âge d’être un « héros » !


Un homme réalise dans sa vie ses rêves de dix-sept ans. Et dans certaines circonstances, ce sont les jeunes qui réalisent les plus grandes choses. Dix-sept ans, c’est l’âge héroïque. C’est l’âge de la vocation ; c’est-à-dire de l’appel de Dieu et de la réponse de l’homme. C’est l’âge où l’homme mesure le monde, prend lui-même sa mesure d’homme, par les options les plus considérables de toute sa vie. À dix-sept ans, le jeune Clovis rêve d’un grand royaume et à dix-neuf, bousculant le Roi des Romains, fondera l’unité française. À dix-sept ans, Jeanne voit l’agonie du royaume et à dix-neuf mourra, l’ayant sauvé. À dix-sept ans, Montalembert pleure d’envie en voyant William Pitt Premier ministre à vingt-quatre ans, mais lui, à dix-neuf ans, reconquerra les premières libertés de l’Église de France, réapprendra à son siècle l’audace et l’honneur, tandis qu’à dix-neuf ans Ozanam lui réapprenait la charité !

Résistons à cet esprit de vieillard qui pèse sur notre temps et sur notre pays, consistant à ne prêter intelligence qu’aux plus de 50 ans. C’est 30 de trop ! Nous devons transformer les mœurs des jeunes, remplacer un christianisme mondain, c’est-à-dire incomplet, par un christianisme loyal, une religion de jeunes qui vont jusqu’au bout.

S’il y a mille jeunes fils de France capables de comprendre ce langage, capables de faire à 17 ans le serment de ne pas vieillir avant d’avoir reconquis la France sur les barbares pour la rendre au Christ, alors nous sommes sauvés. Je fais appel à ceux-là.

 

  1. Doncœur, in Paul Doncœur aumônier militaire, P. Mayoux, p. 164-165

 

« La jeunesse seule, l’enfance, a cet élan, cette légère et allègre abnégation, ce débordement de vie qui fait reculer la mort. » (G. Hanoteaux)

Voilà qui est pour vous couvrir de honte si, ayant vos dix-sept ans comme Jeanne d’Arc, vous vous contentez des inerties et des calculs des cœurs vieillis.

Jeanne appartient aux jeunes. Antoine de Chabannes a 18 ans (il a fait ses premières armes à 13) ; son page, Louis de Coutes, a 15 ans ; Guy de Laval, qui sera fait comte à Reims, a 20 ans, son frère André 18 – à 12 ans il avait été fait chevalier sur le champ de bataille de la Gravelle ! – le duc René 20 ans ; le duc d’Alençon, 23 ; Dunois, 26 ; Charles VII lui-même n’a pas 27 ans.

 

  1. Doncœur, La chevauchée de Jeanne d’Arc, p. 9-10

 

La vocation

N’ayez qu’une crainte, dit sainte Thérèse, c’est de craindre quelque chose (…) Faites tout, dit-elle, comme s’il n’y avait au monde que Dieu et votre âme.

           Voilà deux principes qui, s’ils sont bien compris et appliqués, montrent la supériorité de notre religion et surtout, la liberté et l’épanouissement qu’elle procure, par cette relation de confiance avec notre Dieu, à la fois Père et Maître bienveillant de notre destinée.

  Quoi de plus libérateur que de se savoir infiniment aimé et choyé par la Providence ?

  Alors pourquoi craindre de s’engager, quelle que soit la voie envisagée, si l’on a la ferme volonté de suivre la volonté divine ? C’est cette confiance que nous devons inculquer à nos enfants, avant même le moment du choix, choix qui sera d’autant plus ferme qu’il aura été préparé par de bonnes discussions familiales, bien en amont.

  De plus, quand les enfants savent qu’ils peuvent compter sur le jugement perspicace et sage de leurs parents, sur leur approbation au moment de l’hésitation sur une vocation religieuse ou sacerdotale, sur leur aide et leurs prières quand des doutes les assaillent, cela leur est d’un grand réconfort et assure une stabilité psychologique et spirituelle bien rares de nos jours.

  Voilà de quoi nous inciter à renforcer nos liens familiaux et nos discussions en famille, bien avant l’âge des choix d’avenir de nos enfants.

 

Grandir et mourir

           L’âge de la majorité et des responsabilités d’adulte a beaucoup varié selon les siècles, tant il est vrai qu’il était déterminé par les fluctuations de l’espérance de vie, selon les générations.

           Même s’il est difficile d’avoir des données précises sur la démographie au Moyen-Age, par exemple, on sait qu’au XIIIème siècle encore, un enfant sur trois meurt avant l’âge de 5 ans. En 1100, l’espérance de vie est de 20 ans seulement, alors qu’elle atteint 35 ans et plus au XIIIème siècle !

  La vie était courte, et ne pouvait donc être gâchée. Tous les instants comptaient : au Moyen-Age,  « l’omniprésence de la mort est indéniable. La question du salut demeure un fait urgent et permanent », comme l’écrit Patrick Sbalchiero1. Il fallait apprendre à grandir très vite, prendre sa part de travail dès le plus jeune âge pour faire vivre sa famille, se montrer un homme avant l’âge de 10 ans, guerroyer dès qu’on le pouvait. Nécessité faisait loi.

  Mais aussi était-on aidé par la grande spiritualité qui entourait la vie quotidienne : beaucoup de vocations, beaucoup d’églises ; avant 1328, il y avait au moins une église ou chapelle pour 200 habitants, ce qui veut dire au moins autant de desservants !

  Apprendre à grandir était surtout, apprendre à bien mourir, en ayant accompli la vocation pour laquelle nous étions faits.

  Nous ne sommes plus tout à fait dans les mêmes conditions, la vie est beaucoup plus facile pour nos jeunes, et c’est peut-être pourquoi, ils ont tant de mal à « grandir »… Mais le but à atteindre est toujours le même !

 

1 in Des hommes pour l’éternité – Artège – 2020

 

Les insomnies

           La retraite peut être un moment rêvé depuis des années, idéalisé et attendu comme un soulagement, ou au contraire, redouté et source d’inquiétude et d’angoisses : car avec la retraite, tous les maux de la vieillesse commencent à se manifester ou à s’intensifier, et parmi eux, non le moindre, l’insomnie…

Certains en souffrent déjà depuis longtemps, mais peu sont arrivés à l’apprivoiser ou même à la désirer, comme l’a fait le Bienheureux Charles de Foucauld dans sa retraite d’ermite.

Voici ce qu’il disait de ses nuits de veille, illuminées par sa profonde vie spirituelle. Quelle richesse pour nos pauvres âmes !

 

  Notre-Seigneur, prie seul, prie la nuit. C’est une habitude chez Lui… Bien des fois, l’Evangile nous répète : « Il se retira seul pendant la nuit pour prier » … Aimons, chérissons, pratiquons à son exemple, la prière nocturne et solitaire… Quand tout sommeille sur la terre, veillons et faisons monter nos prières vers notre Créateur… S’il est doux d’être en tête-à-tête avec ce qu’on aime au milieu du silence, du repos universel et de l’ombre qui couvre la terre, combien est-il doux d’aller en ces heures, jouir du tête-à-tête avec Dieu ! Heures d’incomparable félicité, heures bénies qui faisaient trouver à saint Antoine les nuits trop courtes… Heures où, pendant que tout se tait, tout dort, tout est noyé dans l’ombre, je vis aux pieds de mon Dieu, épanchant mon cœur dans Son amour, autant qu’il me chérit… Nuits fortunées que mon Dieu me permet de passer en tête-à-tête avec Lui… O mon Seigneur et mon Dieu, faîtes-moi sentir comme je le dois, le prix de pareils moments ! Faîtes-moi « delectare in Domino » … Faîtes-moi, à Votre exemple, n’avoir pas de plus chers moments, pas de plus vrai repos, pas d’heures plus suaves et plus enviées que ces heures de prières nocturnes et solitaires !

 Ecrits spirituels. Charles de Foucauld