La louange

           Dans ses Méditations sur l’Evangile, le bienheureux Charles de Foucauld nous donne un des fondements de la joie chrétienne, fleuron de notre Foi et de notre fierté d’être catholiques.

Saint Matthieu, 21,16 : « … et les enfants … criaient dans le temple : Hosanna au Fils de David. »

 

           Notre-Seigneur approuve les enfants qui chantent : « Hosanna au Fils de David ». Il approuve donc, Il veut qu’on le loue… Il ne Lui suffit pas qu’on le remercie, qu’on Lui demande pardon, qu’on Le prie d’accorder des grâces ; ces trois mots : « merci, pardon, secourez-nous », si indispensables, et qui doivent être à tout instant dans nos cœurs sur nos lèvres, ne suffisent pas pour Le prier comme nous le devons : il faut encore Le louer. Louer, c’est exprimer son admiration et, en même temps, son amour, car l’amour est inséparablement uni à une admiration sans réserve. Donc, louer Dieu, c’est se fondre à Ses pieds en paroles d’admiration et d’amour, c’est Lui répéter de toutes les forces qu’Il est infiniment parfait, infiniment aimable, infiniment aimé, que Sa beauté, notre admiration et notre amour sont sans mesure ; c’est Lui dire sans fin. Lui dire sans pouvoir mettre de terme à une si douce déclaration, qu’Il est beau et que nous L’aimons.

 

  Combien la louange fait partie essentielle de l’amour ; combien, par conséquent, elle fait indispensablement partie de nos devoirs envers Dieu ; c’est facile à voir… Mais il est une deuxième cause pour laquelle nous devons à Dieu la louange ; c’est que, nous permettre de la Lui adresser, c’est de sa part une incomparable faveur : permettre à quelqu’un de nous dire, de nous répéter sous toutes les formes qu’il nous aime, n’est-ce pas la plus grande faveur que nous puissions lui faire ? N’est-ce pas lui dire que Son amour nous plaît, nous est agréable, n’est-ce pas lui dire que nous l’aimons aussi ?… Dieu nous permet de nous tenir à Ses pieds, murmurant sans fin des paroles d’admiration et d’amour : quelle grâce, quelle bonté, quel bonheur ! … Mais, quelle ingratitude si nous méprisions une telle faveur ! Ce serait la mépriser que de n’en pas profiter, et non seulement Dieu nous permet ce bonheur des bonheurs, mais Il nous l’ordonne : Il nous ordonne de Lui dire que nous L’admirons et que nous L’aimons, et nous ne répondons pas à une invitation si précieuse et si douce ? quelle ingratitude ! quelle indignité ! quelle grossièreté, quelle monstruosité !

 

  Mon Seigneur et mon Dieu, apprenez-moi à trouver toute ma joie à Vous louer, c’est-à-dire à Vous répéter sans fin que Vous êtes infiniment parfait et que je Vous aime infiniment : « Delectare in Domino et dabit tibi petitiones tuas » avez-Vous dit. Apprenez-moi à me délecter en Vous, dans la vue de Vos infinies beautés et le murmure amoureux et incessant, à Vos pieds, de Vos louanges !

 

  Sainte Magdeleine, obtenez-moi la grâce de louer Notre-Seigneur, notre Maître commun, comme Il veut que je le fasse !

 

 

Son enfant au Paradis

          

La religion catholique nous pousse à pratiquer la vertu d’Espérance à son plus haut degré, spécialement dans la force que représente la certitude du bonheur éternel. Humaine au plus haut point, tout autant que divine, voici la lettre que le Bienheureux Charles de Foucauld envoyait à sa sœur, alors qu’il avait appris la naissance, et la mort presque aussitôt après le baptême, de son petit Régis. Puisse cette lettre continuer à réconforter de nos jours tous les parents qui connaissent cette épreuve !

                Nazareth, 12 février 1900

 

  Ma chère Mimi, je viens de recevoir la dépêche envoyée hier… Tu as dû avoir de la peine de la mort de cet enfant, et j’en ai aussi à la pensée de la tienne…, mais je t’avoue que j’ai aussi une admiration profonde et que j’entre dans un ravissement plein de reconnaissance, quand je pense que toi, ma petite sœur, toi, pauvre voyageuse et pèlerine sur la terre, tu es déjà mère d’un saint… que ton enfant, celui à qui tu as donné la vie, est dans ce beau ciel auquel nous aspirons, après lequel nous soupirons… Le voici devenu, en un instant, l’aîné de ses frères et sœurs, l’aîné de ses parents, l’aîné de tous les hommes mortels : oh ! comme il est plus savant que les plus savants ! Tout ce que nous connaissons en énigme, il le voit clairement…Tout ce que nous désirons, il en jouit… Le but que nous poursuivons si péniblement, que nous nous estimerons trop heureux d’atteindre au prix d’une longue vie de combats et de souffrances, il y est arrivé dès le premier pas… Ces merveilles, « que l’œil de l’homme ne peut voir, ni ses oreilles entendre, ni son esprit comprendre », il les voit, les entend, en jouit…, il nage pour l’éternité dans un bonheur sans fin, et il s’enivre à la coupe des délices divines. Il contemple Dieu dans l’amour et la gloire, parmi les saints et les anges, dans le chœur des vierges dont il fait partie, et qui suit l’Agneau partout où Il va…

Tous tes autres enfants marchent péniblement vers cette Patrie céleste, espérant l’atteindre, mais n’en ayant pas la certitude, et pouvant en être à jamais exclus ; ils n’y arriveront sans doute qu’au prix de bien des luttes et des douleurs en cette vie, et peut-être encore après un long purgatoire : lui, ce cher petit ange, protecteur de ta famille, il a, d’un coup d’aile, volé vers la Patrie, et, sans peine, sans incertitude, par la libéralité du Seigneur Jésus-Christ, il jouit pour l’éternité de la vie de Dieu, de Jésus, de la Sainte-Vierge, de saint Joseph et du bonheur infini des élus… Comme il doit t’aimer !… Tes autres enfants pourront compter, ainsi que toi, sur un protecteur bien tendre : avoir un saint dans sa famille, quelle force ! Être mère d’un habitant du Ciel, quel honneur et quel bonheur ! Je le répète, j’entre dans une admiration ravie en pensant à cela : on estimait la mère de saint François d’Assise bien heureuse parce que, de son vivant, elle assista à la canonisation de son fils ; mille fois plus heureuse es-tu ! Tu sais, avec la même certitude qu’elle, que ton fils est un saint dans les cieux, et tu le sais dès le premier jour de ce fils chéri, sans le voir traverser, pour arriver à cette gloire, toute une vie de douleurs. Comme il t’est reconnaissant ! A tes autres enfants, tu as donné, avec la vie, l’espoir du bonheur céleste et, en même temps une condition soumise à bien des souffrances ; à celui-ci tu as donné, dès le premier instant, la réalité du bonheur des cieux, sans incertitude, sans attente, sans nul mélange d’aucune peine… Comme il est heureux et comme Jésus est bon de récompenser cet innocent d’une couronne immortelle et d’une gloire ineffable, sans qu’il n’ait jamais combattu ! C’est le prix du saint baptême, c’est le prix du Sang de Jésus. Lui qui a souffert et combattu assez pour avoir le droit de sauver les siens sans nul mérite de leur part, Il a assez de mérites pour introduire tous ceux qu’Il veut, à l’heure qu’Il veut, dans le royaume de son Père.

  Ma chérie, ne soit donc pas triste, mais répète plutôt avec la très Sainte Vierge : « Le Seigneur a fait pour moi de grandes choses… les générations me proclameront bienheureuse… » oui, bienheureuse, parce que tu es la mère d’un saint, parce que celui que ton sein a porté est déjà, à cette heure, éclatant de la gloire éternelle ; parce que, comme la mère de saint François d’Assise, tu as, encore vivante, le bonheur pénétrant et incomparable, bonheur vraiment ravissant et extasiant, de penser que ton fils est un saint, éternellement assis aux pieds de Jésus, éternellement appuyé sur Son Cœur, dans l’amour et la lumière des Anges et des Bienheureux.

 

                14 février 1901

 

  Que Régis ait toujours sa place dans les conversations de famille ; pensez tous à lui ; qu’il ne soit ni oublié de ses frères et sœurs, ni passé sous silence ; qu’on en parle souvent, comme d’un vivant ; il est plus vivant que nous tous qui sommes sur cette terre ; il est le seul parfaitement vivant de tes enfants, car seul, il a la vie éternelle que nous tous, nous pouvons perdre, hélas ! comme tant d’autres la perdent, mais que ce cher Régis nous aidera à obtenir…. Je le prie souvent avec fruit… Je lui demande de m’apprendre à prier, demande-le-lui aussi, et apprends à tes enfants à s’adresser à lui dans leurs besoins, il les aime tant, et il est puissant ! (…)

 

 

Le clergé catholique

           Dans le développement et l’organisation de la civilisation occidentale, le clergé catholique, non seulement parce qu’il rassemblait tant de génies et de héros, mais encore parce qu’il avait la triple mission d’enseigner, de sanctifier et de gouverner, se tint en première ligne, irremplaçable.

           Il a été aidé en cela par de nombreux catholiques laïcs qui apportèrent une contribution essentielle à la naissance d’une nouvelle civilisation : des monarques, d’innombrables femmes chrétiennes, inspirés par le clergé, principe vital de la nation.

  Comme l’a dit Pie XI dans un mot célèbre : « Tous les bienfaits que la civilisation chrétienne a portés dans le monde sont dus, du moins à leur origine, à la parole et à l’action du sacerdoce catholique. »

Si l’on regarde l’histoire de l’Eglise d’un œil avisé, on saura en voir les imperfections, mais ce sont celles du plus grand chef-d’œuvre que le monde ait connu. (…) Qui a fait pour l’humanité ce qu’ont réalisé des prêtres comme Léon le Grand, saint Jean-Baptiste de la Salle et saint Vincent de Paul ? Les prêtres, qui comptent parmi les plus grands amoureux du monde, dont le cœur brûle d’amour pour le Christ crucifié et ressuscité, sont au cœur de ce que l’histoire a produit de plus noble : l’un d’eux contracta la lèpre avec les lépreux sur une île du Pacifique ; un autre fit vœu de soigner les malades au prix de sa propre vie ; un autre offrit de se substituer à un garçon aux galères, un autre encore s’avança parmi les prisonniers d’Auschwitz et dit : « Prenez-moi ! »  pour sauver un compagnon d’infortune (…) Nul plus grand amour, nul plus grand héroïsme, nulle plus grande réalisation ! (…)

  Car si l’héroïsme consiste essentiellement, non à agir, mais à souffrir, non à acquérir, mais à renoncer, non à triompher mais à se sacrifier, alors d’innombrables catholiques, prêtres et laïcs, à travers les âges, méritent le titre de héros, à l’image de leur Maître, Notre-Seigneur.

  Ces prêtres catholiques, ces hommes discrets qui ont changé les âmes ou cours de l’histoire, (…) ces héros qu’aucune chanson ne célèbre ont, jour après jour, transformé l’histoire et, en un sens, l’éternité, à l’autel du Saint Sacrifice, au confessionnal, au catéchisme et au chevet des mourants (…).

 

  Ainsi, c’est dans les traces de géants que nous, catholiques d’aujourd’hui, mettons nos pas ; c’est à les égaler que nous devons travailler ! Pour ce faire, nous avons besoin de nous rappeler la saga des hauts faits et de l’héroïsme catholiques. Quel puissant stimulant constitue, dans les moments de danger ou de solitude, cette connaissance que nous ne sommes jamais seuls, que nous sommes entourés de certains des plus grands esprits de l’humanité, de frères qui, bien que leur combat sur terre soit terminé, continuent de nous protéger et de prier pour nous avec toute la puissance qu’ils ont aux Cieux ! Epaules contre épaules, ils se tiennent avec nous face à toutes les forces ténébreuses de ce monde1.

1 Les citations en italique sont tirées du livre du Père W. Slattery – Comment les catholiques ont bâti une civilisation.

 

Les bénédictins et l’Europe

           Qui sont les vrais pères de l’Europe ? Quels sont ceux qui, à travers les siècles, ont concouru à former l’esprit européen et la civilisation occidentale ? Nous ne parlons pas ici de l’Europe d’après-guerre ou de l’Europe de Bruxelles, non, mais de l’Europe chrétienne, bimillénaire, sortie du travail laborieux de construction matérielle et spirituelle des Bénédictins, puis de toutes les communautés religieuses qui s’en sont inspirées.

  C’est saint Benoît de Nursie qui est le vrai Père de notre Europe. La Règle qu’il a instaurée, qui codifie la vie des moines en partageant leur vie en trois tâches essentielles : oraison, travail intellectuel et travail manuel, est à l’origine de l’esprit européen et du brio de sa civilisation.

  En imposant à ses clercs un tiers de temps consacré à la prière, il savait très bien que ce temps ne serait pas perdu, que c’est le point d’ancrage dans le Ciel qui permet aux facultés spirituelles de décupler, et aux capacités intellectuelles de s’ouvrir à une connaissance divine qui permet de mieux appréhender les réalités matérielles.

  De plus, ce sont les Bénédictins qui ont été les premiers gardiens de l’histoire européenne, les passeurs de mémoire de la Grèce et de la Rome antiques, vers notre Haut Moyen-Age, grâce à leur travail de copistes et à leur étude des textes anciens. Ils ont enseigné et transmis ces rudiments de culture, de la Scandinavie à l’Andalousie, se servant de la langue de l’Eglise comme ciment intellectuel et spirituel des peuples convertis. Parallèlement, ce sont eux qui ont pu retransmettre les coutumes et légendes des pays du Nord qu’ils évangélisaient en les retranscrivant en latin, comme dans l’Histoire ecclésiastique des peuples anglais, de Bède le Vénérable, au VIIIème siècle.

  Ce sont eux qui ont transmis leur esprit de prière aux peuples, même les plus rudes, leur apprenant ainsi comment éclairer leur intelligence à la source même du Savoir, par l’oraison.

  Dans cette harmonie entre prière, travail intellectuel et manuel, ils ont permis à l’Europe occidentale de bénéficier d’un extraordinaire développement technique et économique. Grâce à leurs chantiers de défrichage, de déboisement, d’assèchement des marais, ils ont multiplié les ressources de régions entières, leur permettant par là même de sédentariser les peuples nomades et appauvris, et de leur procurer une prospérité que l’Europe n’avait pas connue auparavant. Les abbayes développaient également des techniques innovantes, tant en architecture qu’en agronomie, ainsi que l’étude approfondie des sciences, des arts et des lettres.

  Refuges contre les invasions barbares et contre l’esprit du paganisme, ce sont elles qui ont réconcilié les anciens panthéistes avec l’univers. En délivrant l’homme païen de sa peur du cosmos qui paralyse l’intellect devant l’arbitraire d’une divinité incompréhensible, l’instruction des moines lui a expliqué que le Vrai Dieu est un Dieu personnel, créateur mais aussi amour incarné, atteignable par la raison. Il est le meilleur allié de l’expansion du génie humain.

  Alors ce n’est pas par hasard que la civilisation chrétienne occidentale a eu ses siècles de gloire, aussi longtemps que le génie du christianisme a été transmis par ces générations de religieux catholiques. C’est cette alliance entre la liberté et les forces humaines orientées vers le Ciel, et l’action du Créateur, qui a permis l’épanouissement et le rayonnement de l’Europe chrétienne.

  Plaise à Dieu que l’ancienne flamme des bâtisseurs de l’Europe puisse rapidement renaître de ses cendres encore fumantes ! C’est certainement l’intention de prière et le sujet de l’oraison de nombreux d’entre nous…