La prière

Chère Bertille,

           La vie sur terre n’est pas un long fleuve tranquille. Il faut se battre pour réussir dans ses études, pour trouver un travail où l’on pourra mettre à profit les talents que le Bon Dieu nous a donnés. Il faut combattre pour ne pas se laisser emporter par les mauvaises amitiés, pour lutter contre les tentations que le démon essaye de mettre sur notre chemin pour nous faire flancher. Le monde sait bien nous rendre addicte de sa mode, de sa musique, de ses films et bien d’autres choses encore. Je voudrais utiliser la suite du texte publié précédemment par le Père Garrigou Lagrange pour te montrer que le soutien, la force tu les trouveras seulement dans la prière. Bonne lecture ! Je te porte bien affectueusement dans mes prières.

Anne

 

« Voyons ce que la prière peut nous obtenir.

  La fin de la vie des âmes c’est le ciel ; à cette fin suprême Dieu subordonne tous les biens qu’il lui plaît de nous départir, car il ne nous donne ceux du corps et ceux de l’âme, que pour la conquête de l’éternité bienheureuse.

  La prière ne peut donc nous obtenir que les biens qui sont dans la ligne de notre fin dernière, dans la ligne de la vie éternelle. En dehors de là elle ne peut rien, elle est trop haute pour nous obtenir tel succès temporel sans rapport avec notre salut. Il ne faut pas attendre d’elle ce résultat, pas plus qu’on ne demande à un ingénieur l’office d’une manœuvre.

  Les biens qui nous acheminent vers le ciel sont de deux sortes : les spirituels, qui nous y conduisent directement, et les temporels, qui peuvent être indirectement utiles au salut, dans la mesure où ils se subordonnent aux premiers.

  Les biens spirituels, ce sont la grâce, les vertus, les mérites. La prière est toute-puissante pour obtenir au pécheur la grâce de la conversion, et au juste la grâce actuelle nécessaire à l’accomplissement des devoirs du chrétien. La prière est souverainement efficace pour nous obtenir une foi plus vive, une espérance plus confiante, une charité plus ardente, une plus grande fidélité à notre vocation. La première des choses que nous devons demander selon le Pater, c’est que le nom de Dieu soit sanctifié, glorifié par une foi rayonnante, que son règne arrive, (c’est l’objet de notre espérance), que sa volonté soit faite, accomplie avec amour, avec une charité plus fervente. La prière est toute-puissante pour nous obtenir le pain de chaque jour, non seulement celui du corps, mais celui de l’âme, le pain supersubstantiel de l’Eucharistie, et les dispositions nécessaires pour une bonne communion. Elle est efficace pour nous obtenir le pardon de nos fautes avec la disposition intérieure de pardonner au prochain, pour nous faire triompher de la tentation : « Veillez et priez, de peur que vous ne tombiez dans la tentation », disait Notre-Seigneur ; pour nous délivrer du mal et de l’esprit du mal, « cette sorte de démon ne se chasse que par la prière et par le jeûne ». (Matth, XVII, 20.)

  Seulement, cela va sans dire, la prière doit être sincère : demander de vaincre une passion sans éviter les occasions, demander la grâce d’une bonne mort sans s’efforcer d’avoir une vie meilleure, ce n’est pas une vraie prière, un vrai désir, c’est à peine une velléité. La prière doit aussi être humble, c’est un pauvre qui demande. Elle doit être confiante en la miséricorde de Dieu, elle ne doit pas douter de son infinie bonté. Elle doit être persévérante pour montrer qu’elle vient d’un désir profond du cœur. Parfois le Seigneur ne semble pas nous exaucer tout de suite, pour éprouver notre confiance et la force de nos bons désirs, comme Jésus éprouva la confiance de la Chananéenne par une parole sévère qui semblait un refus : « C’est aux brebis perdues d’Israël que je suis envoyé…, il ne convient pas de donner aux chiens le pain des enfants. » Sous l’inspiration divine, la Chananéenne répondit : « Pourtant, Seigneur, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leur maître ». – « O femme, dit Jésus, ta foi est grande, qu’il te soit fait selon ce que tu demandes » ; et sa fille, qui était tourmentée par le démon, fut désormais délivrée (Matth., XV, 22).

  Mais si vraiment nous avons prié avec persévérance et si, malgré nos supplications, Dieu nous laisse aux prises avec la tentation, rappelons-nous l’apôtre saint Paul, qui lui aussi supplia à plusieurs reprises pour être délivré de l’aiguillon qui le tourmentait dans sa chair et qui reçut cette réponse : « Ma grâce te suffit pour vaincre », sufficit tibi gratia mea. Croyons avec l’Apôtre que cette lutte nous est profitable, et ne cessons pas de demander la grâce, qui seule peut nous empêcher de faiblir. Apprenons par là notre indigence, apprenons que nous sommes des pauvres, et que l’acte du pauvre consiste à demander. Le chrétien toute sa vie doit mendier les énergies surnaturelles qu’il lui faut pour faire son salut. L’âme humaine ne peut atteindre le ciel que si elle est lancée par Dieu ; mais une fois lancée, il faut qu’elle vole ; la prière est comme le coup d’aile du petit oiseau lancé hors du nid et qui réclame un nouveau secours.

  Quant aux biens temporels, la prière peut nous obtenir tous ceux qui doivent, d’une façon ou d’une autre, nous aider dans notre voyage vers l’éternité : le pain du corps, la santé, la force, la prospérité de nos affaires, la prière peut tout nous obtenir, à condition que nous demandions avant tout et par-dessus tout à Dieu de l’aimer davantage : « Cherchez le royaume des cieux, et tout le reste vous sera donné par surcroît ». Faut-il dire que la prière est inefficace parce que nous n’avons pas demandé ce bien temporel pour lui-même, mais seulement dans la mesure où il était utile à notre salut. Si nous ne l’avons pas obtenu, c’est que nous devons nous sauver sans lui. Notre prière n’est pas perdue, nous n’avons pas obtenu ce bien temporel qui nous était utile, mais nous avons obtenu ou nous obtiendrons une autre grâce plus précieuse.

  La prière humble, confiante, persévérante, par laquelle nous demandons pour nous les biens nécessaires au salut est infailliblement efficace, en vertu de la promesse du Seigneur. Dieu, en effet nous commande de travailler à notre salut. Il ajoute : « Sans moi (sans ma grâce) vous ne pouvez rien faire », « demandez, et vous recevrez » ; demandez-la-moi, cette grâce, je vous la donnerai, je vous le promets. Bien plus, c’est Lui qui fait jaillir la prière de nos cœurs, qui nous porte à demander ce que de toute éternité il veut nous accorder. Si telle prière n’était pas infailliblement efficace, le salut serait impossible, Dieu nous commanderait l’irréalisable ; la contradiction serait en Lui, suprême Vérité et suprême Bonté. Les simples comprennent tout de suite la parole de Jésus : « Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira ; qui de vous donnera une pierre à son enfant, si celui-ci lui demande du pain, et s’il lui demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent ? Si donc, méchants comme vous êtes, vous donnez de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent ! ». Telle est la prière simple et profonde du paysan rentrant du travail, posant sa bêche devant la porte de l’église et entrant pour dire un Notre Père. Quel crime celui qui consiste à arracher cette foi sublime au pauvre, qui par elle se rattache à l’Eternité ! Savoir prier, pour l’âme, c’est savoir respirer.

  La prière est donc une force plus puissante que toutes les forces physiques prises ensemble, plus puissante que l’argent, plus puissante que la science. Ce que tous les corps et tous les esprits créés par leurs propres forces naturelles ne peuvent pas, la prière le peut. « Tous les corps, dit Pascal, le firmament et ses étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits… De tous les corps ensemble on ne saurait en faire réussir une petite pensée, cela est impossible et d’un autre ordre… tous les corps ensemble et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité, cela est d’un ordre infiniment plus élevé… ». La prière, elle, peut obtenir la grâce, qui nous fera produire cet acte de charité.

  La vraie prière joue ainsi dans le monde un rôle infiniment plus grand que la plus étonnante des découvertes. Qui oserait comparer l’influence exercée par un savant incontesté comme Pasteur, à celle qu’exerça par sa prière un saint Paul, un saint Jean, un saint Benoît, un saint Dominique ou un saint François ?

  Chaque âme immortelle vaut plus que tout le monde physique, elle est comme un univers, unum versus alia, puisque par ses deux facultés supérieures, intelligence et volonté, elle s’ouvre sur toutes choses et sur l’Infini. A ces univers en marche vers Dieu, qui sont les âmes, la prière assure deux choses : la lumière surnaturelle qui les dirige, et l’énergie divine qui les pousse. Sans la prière, l’obscurité se fait dans les âmes, qui se refroidissent et meurent, comme des astres éteints. Ayons confiance en cette force d’origine divine ; rappelons-nous d’où elle vient, rappelons-nous où elle va ; c’est de l’Eternité qu’elle descend, d’un décret de l’infini bonté, c’est à l’Eternité qu’elle remonte. »

Rome, Angelico

Fr. Reg. Garrigou-Lagrange, O.P

 

A la conquête de soi

           Regardez ce pianiste qui laisse courir ses doigts sur le clavier comme si c’était eux qui décidaient. Observez la maîtrise, dans les nuances, la délicatesse du doigté, l’attention portée aux moindres détails mais qui paraît innée et naturelle, la synchronisation parfaite des deux mains et des pieds. Le tout s’épanouissant en une harmonie sublime qui vous va droit au cœur et vous fait percevoir un tout petit échantillon de la beauté qui doit régner au paradis. 

  Un tel niveau de maîtrise a demandé une bonne dizaine d’années pour savoir très bien jouer du piano et une vingtaine d’années en plus pour atteindre la pleine maîtrise de l’instrument. Et encore celle-ci nécessite-t-elle un entraînement journalier pour ne pas perdre les réflexes qui sont peu à peu et laborieusement assimilés.

 

  Il en est de même pour notre caractère, nos parents l’ont dégrossi par l’éducation qu’ils nous ont dispensée ; ils nous ont permis de saisir approximativement le mode d’emploi de notre esprit afin de pouvoir être capable de jouer les premiers morceaux.

  A nous ensuite de nous pencher sur notre âme pour l’effiler et en acquérir la maîtrise sous le regard de Dieu. A nous d’entraîner régulièrement notre volonté ; cela nous permettra de savoir nous diriger soi-même avant de vouloir conduire les autres. C’est cette maîtrise qui nous permettra d’élargir la gamme d’harmoniques sur lesquelles nous pourrons jouer, d’affiner notre caractère, d’accentuer les nuances et d’agir avec finesse et pertinence en toute situation.

  Cette finesse nous permettra d’être fort sans avoir à être violent, d’être sensible sans pour autant être faible, d’être ferme sans être rigide et d’exercer notre autorité au service de ceux dont nous avons la charge sans être tyrannique. En un mot d’être libre, de ne pas être esclave de nos émotions et de nos réactions épidermiques parfois blessantes.

  Ce dur équilibre est le sommet de la maîtrise de soi que nous devons chercher à conquérir tout au long de notre vie d’homme au prix d’un entraînement permanent fait d’efforts de volonté, de petits sacrifices offerts avec amour. Choisir de prendre un livre au lieu de poursuivre telle série, se lever dès que le réveil sonne ou ne pas ouvrir le frigo à tout hasard entre les repas, réprimer un mouvement d’humeur ou une réplique cinglante suite à une remarque désagréable sont autant de petits exercices qui vous aideront à gravir cette montagne.

 

  Observons l’impact de nos paroles et de nos décisions sur l’humeur du prochain, non pour chercher à faire nécessairement ce qui lui plaît, mais pour être sûr que leur effet le conduit vers le bien et non vers la révolte. Mieux vaut parfois se taire quand ce n’est pas le bon moment que de dire une chose vraie mais qui entraînera une attitude révoltée. A l’inverse même si c’est parfois au dépend de notre respect humain, nous devons proclamer la Vérité quand on nous la demande ou que le moment est approprié pour élever notre prochain et lui faire découvrir les merveilles que nous avons eues la chance de recevoir mais toujours avec délicatesse. Et surtout, – posons-nous la question – la cause qui nous tient tant à cœur et que nous défendons si âprement a-t-elle vraiment besoin de nous, ou flatte-t-elle simplement notre amour propre ?

  Cette maîtrise de soi nous est plus ou moins facile en fonction de notre caractère et de notre mode de réaction. Quoi qu’il arrive, sachons demander l’aide de Notre-Seigneur, lui qui a incarné l’équilibre parfait de l’amour de Dieu, du prochain et de la Vérité dans la délicatesse et la fermeté la plus accomplie.

  Mais à quoi bon cette conquête ? Par pur délire d’esthète, simple goût du beau et de la perfection pour elle-même. Pour pouvoir dire tel Auguste dans Cinna : « Je suis maître de moi comme de l’univers… »  Peut-être, mais surtout par amour et charité pour ceux qui nous entourent, pour mériter la confiance qu’ils nous accordent et les conduire le plus efficacement possible vers le bien.

  Voilà cher ami une belle conquête à te fixer, un objectif qui fera l’objet de toute ta vie, et alors peut-être parviendras-tu à ressembler à tel ou tel pianiste accompli que tu as sans doute admiré qui, arrivé à une belle maturité parvient après tant d’années d’efforts à jouer tout en nuance et en perfection sur les nombreuses harmoniques de son beau caractère affiné par l’exercice et l’amour de Dieu et du prochain.

Antoine

 

Un songe

           Lors des quarante jours que j’ai passé dans le désert, j’ai fait un songe. Ce songe m’est revenu à l’esprit, tandis que seul à Gethsémani, je vivais mon agonie.

           Des démons, que  je connaissais comme Fils de Dieu de toute éternité, menaient une danse infernale autour des âmes.

 

           Leurs noms étaient étranges : le chef s’appelait Facebook, je crus comprendre « Face de bouc », puis Instagram, Twitter, Snapchat, Tiktok, Pinterest. Ils permettaient de transmettre des informations au monde entier et leur action se faisaient sur des engins tout aussi étranges avec une seule pression de doigt.

  Commençait alors une série d’images en couleurs accompagnées de textes souvent rédigés dans des langues appauvries.

  Ces images étaient parfois celles de beaux paysages mais le plus souvent de personnes dans des tenues ou des pauses qui me faisaient, comme homme, penser à celles des orgies romaines dont j’avais eu connaissance à Jérusalem, et comme Dieu, je savais qu’elles étaient causes de ma Passion.

  Facebook, WhatsApp, Instagram, Twitter, Snapchat, Tiktok, Pinterest…

 

  Je voyais des âmes baptisées dans l’Eglise que j’avais fondée, oublier trop souvent l’éternité heureuse à laquelle je les appelais pour se laisser happer par ces démons…

  Jeunes gens et jeunes filles racontaient sans pudeur ce qu’ils faisaient ou pensaient, souvent en cachette de leurs parents, se mettant en avant. D’autres se précipitaient, pour regarder ce qui se passait sur ces petites machines comme à travers un trou de serrure. Les uns se rêvaient en héros, les autres qu’ils vivaient leurs aventures avec eux.

  Le temps passé était parfois considérable, au détriment de la prière où je les attendais comme un rendez-vous d’amour quotidien, de la culture, du travail manuel, ou du simple repos du corps et de l’esprit.

  Et toujours ce tourbillon incessant de petites fenêtres qui s’ouvraient et se refermaient, les unes après les autres, m’enserrant dans une danse sans fin.

  Facebook, WhatsApp, Instagram, Twitter, Snapchat, Tiktok, Pinterest…

 

  Mon Père avait donné à l’homme des yeux pour admirer Sa Création, une bouche pour parler et chanter, des oreilles pour écouter. Mais presque tous alors, préféraient se servir de ces petites machines, qui mettaient une barrière si peu naturelle entre les hommes et faisaient le jeu de l’adversaire.

  Ils ne prenaient plus le temps de se recueillir dans le silence et ce tourbillon ressemblait étrangement à celui des damnés, qui n’ont pas un instant de paix.

  La diffusion de petites phrases assassines sur un « soi-disant ami », grâce à la vitesse de propagation et l’écho à large échelle permise par ces petites fenêtres, ruinait bien plus sûrement sa réputation que les commères les plus efficaces…

  Facebook, WhatsApp, Instagram, Twitter, Snapchat, Tiktok, Pinterest…

 

  Puis je vis ce phénomène continuer dans les familles, même proches de moi, avec de jeunes mères plus occupées par ces prétendues informations que par leurs enfants, et les pères oublieux de leur rôle.

Plus le temps pour tenir la maison, lire et prier, se promener avec leurs enfants, jouer avec eux, leur parler, les écouter au sortir de l’école. L’information apportée par ce petit engin qui s’appelait « smartphone » (encore un nom étrange), qu’elle soit juste ou fausse, était plus importante que ces petits que je leur avais confiés. Comment cela était-il possible ? Ma Mère avait tant penché son beau visage vers moi, toute attentive, et mon père adoptif tant éveillé mon esprit et guidé mes mains…

Certains préféraient aussi, tout en parlant avec l’entourage, s’occuper de la petite machine. Elle réussissait alors ce tour de force de rendre tout à la fois présents les absents, et absents les présents. Elle devenait d’ailleurs, au fil du temps, de plus en plus séduisante, légère et facile, indispensable, grâce aux nouveaux démons…

Facebook, WhatsApp, Instagram, Twitter, Snapchat, Tiktok, Pinterest, smartphone…

 

Tous les péchés s’y donnaient rendez-vous : luxure, envie, orgueil, curiosité, mensonges, étalés au grand jour comme autant de fiertés. Je voyais les esprits enchaînés et incapables de réfléchir par eux-mêmes ; une information en chassait une autre, frappait les esprits qui s’échauffaient ou s’enthousiasmaient sans recul, sans réflexion. Chacun se faisait centre du monde.

  Hélas, je vis aussi certains de mes prêtres séduits, sous couvert d’efficacité, par ces démons, se disperser sur ces petites machines. Leur ministère n’en était ni amélioré ni facilité, bien au contraire, les prières faites à la va-vite ou les âmes laissées de côté. Ils étaient trop occupés ! Pourtant y renoncer leur auraient valu tant de grâces pour elles…

  Je vis enfin ces jeunes gens que j’appelais au sacerdoce mais qui me préféraient ces petits engins dont ils ne pouvaient plus se défaire… Combien restaient chez eux, vocations avortées par un esclavage voulu, alors que je leur demandais de libérer les âmes…

Facebook, WhatsApp, Instagram, Twitter, Snapchat, Tiktok, Pinterest, smartphone…

 

  Non ce n’était pas un songe, c’était bien la triste réalité des âmes vingt siècles après ma Passion, et mon agonie était là, généreuse, offerte. J’acceptais tout de grand cœur, pour les libérer de cet esclavage.

J’en vis alors certaines réagir, renoncer, éclairer les autres, sortir de tourbillon qui ne les rendaient pas paisibles et quitter Facebook, WhatsApp, Instagram, Twitter, Snapchat, Tiktok, Pinterest, smartphone.

Elles retrouvèrent et développèrent la paix, la bonté, la douceur, la joie, l’humilité, l’intelligence, la liberté, et mon Père put agir en elles pour les faire grandir.

                  Jeanne de Thuringe

 

Tintin au pays des soviets (suite et fin)

           Après une visite d’usine si intrigante, notre reporter intrépide prenant son courage à deux mains, décida d’aller rencontrer ses dirigeants afin de mieux comprendre leurs objectifs.

           En entrant dans le couloir menant aux bureaux, couloir sombre et qui lui parut interminable, il aperçut sur les murs une grande galerie d’images, agrémentées de citations d’hommes célèbres, retraçant l’historique de cette fabrique de la société moderne et les idées ayant conduit à sa réalisation.

  La première de ces citations était de Descartes, « L’homme est maître et possesseur de la nature ». Suivait de près celle de Rousseau : « Que l’élève n’apprenne pas la science, qu’il l’invente ». Ainsi qu’une gravure représentant la décapitation du roi Louis XVI en 1793, comme si la domination de la nature puis l’invention d’un contrat social, issu de l’imagination – et sans lien avec la nature humaine et le réel – avaient conduit l’intelligence humaine à couper le lien qui soumettait la société à l’autorité divine. Se détachant alors de son objet qui est la découverte de la vérité par l’appréhension du réel, l’intelligence humaine s’est à ce moment transformée et focalisée uniquement sur la dernière de ses facultés, l’imagination. Elle a, à partir de celle-ci, élaboré un modèle de société sans Dieu et sans nature, censée apporter la paix et le bonheur sur Terre. Dieu n’ayant pas apporté ni promis le bonheur sur terre, mais dans les cieux, et étant un signe de contradiction, il convient de l’éliminer de ces modèles de société si l’on veut parvenir à la paix et au bonheur de l’Humanité. Or éliminer Dieu est un vaste programme pour une société qui s’est construite sur Lui, avec Lui et par Lui depuis sa création.

  Il faut pour cela commencer par nier tout ce qui peut ramener l’homme à Lui. La première chose étant la notion de nature, nature humaine, nature politique, nature divine, etc… qui ne seraient en fait que des conventions permettant à une partie de l’humanité de dominer l’autre. Cela conduit progressivement à la destruction de la famille et de toutes les communautés elles-mêmes, basées sur la nature de l’homme, de la femme et de l’homme comme animal social et politique, pour parvenir à un individu libéré de toute entrave. A cet endroit du couloir figuraient des photos de l’atelier de transformation de la vérité et d’exploitation des émotions décrits dans les reportages précédents.

  Il importe en effet de transformer en profondeur l’intelligence commune de l’homme pour éviter que celle-ci ne soit capable de retourner à ses anciennes amours qu’il nomme « vérités ». Le cas échéant, la révolte et la guerre se rapprocheraient et tout serait à recommencer. D’où l’importance de changer les mots pour changer la conscience, et la rendre incapable de retrouver le chemin de la vérité.

  Ici notre reporter pouvait voir la photo d’une ville moderne, scintillant dans la nuit, avec ses immenses tours qui semblent s’élever jusqu’au ciel, symbole de la puissance et de la beauté de nos sociétés modernes dans un monde organisé, efficace, utile et performant, rassemblant des individus libérés de toute contrainte sociale, mentale et géographique.

  Toutes, non, une contrainte résiste encore et toujours à l’Homo Fabricus : celle de la mort. Mais que l’on se rassure, c’est l’objectif de notre fabrique pour les années à venir, un grand chantier en préparation.

  Un des employés de l’entreprise d’ailleurs cité sur le mur l’affirme : « Nous allons obtenir la maîtrise de notre destin, nous allons prendre notre mortalité en main1 ».

  Telle est la dernière innovation, le dernier objectif ambitieux, sur lequel tous les chercheurs de l’usine travaillent. Ce qui éclaire la raison d’être de l’entreprise est affiché en caractères immenses et colorés au-dessus de la porte du bureau du PDG :

« RENDRE L’HUMANITE HEUREUSE ETERNELLEMENT »

  Notre reporter tourna alors la poignée de cette porte brillante espérant rencontrer enfin le PDG de cette œuvre prometteuse et altruiste.

  Le bureau était vide, vide de tout, et une odeur de soufre s’en dégageait, c’est alors qu’il comprit et que son intelligence, heureusement encore capable de saisir le vrai, aperçut la figure hideuse du véritable PDG. Ainsi, tout ce qu’il avait aperçu au cours de sa visite trouvait son explication dans ce bureau du singe de Dieu qui fait miroiter à l’homme depuis sa création un impossible bonheur sans Dieu.

  Vous vous en doutez, cette entreprise prospère n’a jamais été si rentable qu’aujourd’hui, cependant Dieu veille et, comme à la Passion, attend son heure pour faire resplendir la vérité.

Antoine

1 Kurzweil employé de Google dans Humanité 2.0, 2007

 

 

La tendresse de Dieu

           Elle nous entoure sans cesse et nous ne la voyons pas…

           Elle est dans la beauté du ciel et ses lumières changeantes, dans le vent doux ou puissant, dans les saisons qui passent avec leurs mille couleurs, leur éclat ou leur nostalgie.

           Dans le vol des oiseaux qui viennent de loin et repartent après avoir niché, ou chantent et se promènent en titubant.

  Dans l’animal surpris qui s’enfuit au détour du chemin, nous laissant la joie d’une furtive rencontre.

  Elle nous surprend tout à coup dans une pensée ou une prière qui ne peut jaillir, sans elle, de notre pauvre cœur, car trop grande pour nous et qui nous hisse au-dessus de nous-mêmes.

  Elle nous révèle notre âme si pauvre, si incapable, si souvent tournée sur elle et nous fait crier « Abba, Père » devant notre misère.

  Elle nous donne des larmes qui parfois coulent de bonheur de se savoir tant aimés, et en retour d’aimer si peu, nous qui vivons bien trop selon nos rêves ou nos mauvais penchants et pas assez sous le regard de Dieu avec la transparence d’un enfant.

  Elle se montre dans la bonté de ceux qui nous pardonnent et nous donnent le meilleur d’eux-mêmes par l’exemple.

  Elle est dans le rire d’un enfant et l’avancée profonde des âmes qui nous sont confiées, pour lesquelles nous prions et donnons, et qui tout à coup nous dépassent.

  Elle se révèle dans une joie inattendue qui vient à nous, bonne nouvelle ou fruit de la charité d’un autre que le Saint Esprit éclaire pour venir nous visiter ou nous consoler.

  Elle est toute enfermée dans la Sainte Eucharistie, aussi présente qu’au Golgotha, et dans la tendresse maternelle de celle qui s’est unie pour nous au Sacrifice.

  Elle se cache aussi dans la monotonie des jours et de leurs tâches répétitives, invisibles et lassantes, quels que soient nos travaux, mais qui sont tellement occasion de fidélité et de persévérance.

  Elle est aussi bien présente, dans l’épreuve, la croix sous laquelle nous ployons et qui nous fait rechigner, donnée comme le remède à nos infirmités, et dont nous devrions être reconnaissants.

  Elle nous prie enfin d’être un canal sans obstacle, tout net, pour à travers nous, arriver joyeuse et féconde jusque dans le cœur de nos proches ou de nos rencontres afin de leur être révélée.

 

  Mon Dieu, faites que je sois un témoignage de votre tendresse…

                     Jeanne de Thuringe