Notre-Dame de tous les jours

Notre Dame, l’Evangile ne relate aucune action d’éclat au cours de votre vie. Vous avez mené la vie des simples femmes de votre époque, sans que rien ne trahisse votre si belle mission : porter, élever et souffrir avec l’Enfant Dieu.

Dès la lumière du matin et jusqu’à la paix du soir, vos journées étaient semblables aux nôtres, avec le soin d’un foyer et ses humbles tâches quotidiennes, aussi êtes-vous

Notre Dame de tous les jours.

 

Dans le devoir d’état, avec sa lassitude qui parfois nous décourage, ou les petites joies que nous semons autour de nous,

Pour nos efforts que personne ne remarque et qui, sans cesse, sont à reprendre, ou la parole blessante un peu moqueuse,

Pour notre nature faible et rebelle, pour nos misères morales, la déception que parfois nous avons de nous-même, l’amour propre qui nous ne quitte pas et va se glisser subtilement partout,

Pour nos péchés et nos lâchetés, et pour savoir demander pardon,

Notre Dame de tous les jours, priez pour nous.

 

Pour les jours, mois et années qui passent si vite, pour tous les âges de la vie,

Pour la décision, petite ou grande, à bien prendre pour faire la volonté du Père, pour l’acte de charité à accomplir avec délicatesse et discrétion,

Pour s’oublier lorsque le cœur est lourd et s’unir, malgré notre faiblesse, à la croix, de toutes nos pauvres forces,

Pour ce qui doit nous guider sans cesse sur le chemin du Royaume, le cœur tourné vers le Seigneur comme une boussole,

Notre Dame de tous les jours, priez pour nous.

 

Dans les grandes peines qui fondent sur nous sans prévenir, quand tout s’écroule autour de nous, que nous pleurons devant le berceau vide ou que les espoirs de maternité sont déçus,

Pour cet enfant qui fait fausse route ou ces amis qui nous abandonnent ou nous trahissent, pour l’incompréhension de nos intentions,

Lorsqu’il faut quitter à regret ceux que nous aimons car l’heure du départ a sonné ou que nos rêves les plus généreux ne se réalisent pas,

Notre Dame de tous les jours, priez pour nous.

 

Pour la beauté de la Création, qui nous émeut et nous transporte le cœur, pour les petites joies quotidiennes ou les grandes grâces, toutes données par la main divine,

Pour rester fidèle à chaque instant et digne dans notre foi, solide dans les difficultés, confiante en vivant pleinement l’instant présent,

Pour ne pas s’inquiéter du lendemain et être heureuse de ce qui nous est retranché puisque Dieu le veut ainsi,

Pour vos statues dans les églises, ou dans un simple oratoire, au détour d’un chemin,

Pour vos vocables si divers mais qui veulent dire toujours « Mère »

Pour arriver à bon port après vous avoir tenu la main comme celle d’une maman,

Notre Dame de tous les jours, priez pour nous.

                  Jeanne de Thuringe

 

Plongée en eaux profondes

           Les vacances ne sont pas encore si éloignées et peut-être avez-vous encore de bons souvenirs dans la tête. En plein mois d’août, vous étiez sur la côte méditerranéenne et un peu désabusé par la platitude de la mer, le surfeur qui sommeillait en vous en était à regretter les vagues froides mais belles de l’Atlantique. Morne et plate, comme assommée par le soleil, la mer vous a paru pour un instant bien insipide. C’est alors que, voyant flotter le long des rochers un petit drapeau et non loin un tuba émergeant de l’eau, l’idée vous est venue d’aller chausser les palmes à l’instar de ce nageur équipé. Bien décidé à ne pas en rester là, vous voilà harnaché dès le lendemain tel le commandant Cousteau !

 

  Dépasser la première appréhension, réguler votre respiration et palmer en douceur, autant de petits efforts sur vous-même qui sont immédiatement oubliés tant la nouveauté du monde qui s’ouvre à vous vous absorbe. A peine votre masque est-il sous la surface que la lumière change, le bleu turquoise vous fascine, plus un bruit, seule votre respiration vient troubler le silence, le calme est immense. Soudain dans les rayons bleus du soleil qui arrivent à percer, un banc de milliers de poissons vient miroiter tranquillement, vous les approchez, leurs couleurs se dévoilent… Plus loin dans les rochers, une autre tâche rouge sombre attire votre œil. Vainquant votre appréhension, vous prenez une grande inspiration et vous voilà en apnée cinq mètres sous la surface. Les oreilles sifflent et la pression se fait ressentir, mais vous pouvez admirer pendant quelques dizaines de secondes l’étoile de mer qui se cache entre deux rochers. Vous aimeriez rester là à l’observer en détails, mais il faut remonter respirer avant de pouvoir redescendre de nouveau observer les merveilles des fonds marins. Cette fois-ci, ce sont des oursins que vous découvrez par dizaines au creux des rochers.

  De proche en proche, de nouvelles merveilles s’offrent à vous et la mer qui vous paraissait si plate et monotone il y a deux jours, vous apparaît sous son vrai regard, comme un monde immense et merveilleux que vous avez pu à peine entrevoir et que vous rêvez de découvrir encore davantage.

  Il en est souvent ainsi dans la vie, de l’étude et des personnes. Si l’on ne se donne pas la peine de rentrer en profondeur et de percer la surface parfois un peu morne et rébarbative de telle matière en cours d’étude ou de telle personne qui nous semble trop effacée, si les quelques efforts nécessaires pour passer au-dessus des apparences nous rebutent, nous pouvons passer à côté de merveilles qui resteront enfouies dans les profondeurs et que nous n’aurons pas pris la peine de découvrir. Cependant, il nous faut tout de même sortir pour respirer, tel le plongeur en apnée qui remonte chercher de l’oxygène avant d’être de nouveau en capacité et en mesure d’apprécier la beauté perçue. Parfois, il nous faut vaincre la peur de plonger plus en profondeur, souvent dans l’inconnu et sans savoir ce que l’on va trouver. Mais les trésors ne sont pas exposés au grand public ou au touriste consommateur qui passe rapidement à la surface sans aller au fond des choses, sans chercher à véritablement connaître les gens et à découvrir le diamant caché en eux.

 

  Quel que soit le sujet ou la personne, prenons garde à nos jugements hâtifs, prenons le temps de « plonger » plutôt que de surfer sur la vague des opinions toutes faites, le jeu en vaut la chandelle et vous découvrirez ainsi les merveilles de la création que le Bon Dieu a répandues dans son univers afin que ceux qui ont des yeux pour voir puissent le contempler. Sur ce, bon cours de maths et n’oubliez pas l’étoile de mer qui s’est cachée derrière l’intégrale triple.

 

Antoine

 

Le bonheur, c’est d’en donner

Chère Bertille

            Le monde n’est pas glorieux, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut s’enfermer dans la tristesse. C’est tout l’objectif du monde et du Grappin, de nous faire chuter par ce biais là. Alors, nous, jeunes filles prenons le contre-pied, en nous efforçant d’être la joie de tous.

   La joie chrétienne, c’est donner du bonheur aux autres. Le bonheur parfait n’existe pas sur cette terre. Il y a toujours une difficulté, une petite croix. Si on se regarde soi-même, jamais rien n’ira. Mais si notre objectif c’est d’apporter du bonheur aux autres, voilà un but à notre vie. Et tu verras Bertille que faire des heureux, c’est l’admirable moyen d’assurer ton propre bonheur.

Cette façon d’agir t’élève au niveau de Dieu même. L’unique but de Dieu, en nous créant, c’est de nous rendre heureux. Il nous accorde tous les moyens pour l’être : la grâce sanctifiante qui nous fait enfant de Dieu, les sacrements qui nous font participer à sa vie divine, la communion qui permet de vivre en sa présence… Il nous suffit de venir puiser à la source. Cette joie, toute jeune fille peut la donner, car elle est toute spirituelle. Même si tu as un tempérament flegmatique, tu peux procurer de la joie dans ton entourage. Imitons la vie de Notre-Seigneur sur terre. Comment a-t-il fait pour apporter la paix et la joie, partout où il passait durant sa vie publique ? Il ne cessait de faire du bien. Il guérissait les malades, consolait ceux qui étaient dans la peine, convertissait les âmes juste par sa présence. Sa personne toute entière diffusait le bien. Et c’est cela qu’il faut imiter. Pas besoin de grand discours. Juste une présence qui fait penser qu’un être supérieur existe.

  La sensibilité de la jeune fille est très variable, nous le savons, et soumise aux émotions. Pour rayonner cette joie, la jeune fille doit paraître toujours contente et l’être vraiment. Ne soyons pas de ces jeunes filles variables à l’excès, capricieuses qui vingt fois le jour, changent d’humeur, d’extérieur, de manières. Vrais baromètres ambulants qu’il faut consulter du regard avant de les aborder.

  Paraissons toujours contentes, à moins qu’il ne s’agisse de choses où Dieu est offensé, ce qui serait donner une sorte d’approbation. Dans ce cas, il suffit de rester froide et distante. Le secret d’être toujours contente, c’est de prendre tout comme venant de la main de Dieu qui saura son heure venue disperser les nuages et souvent même tirer le bien du mal.

  Être toujours contente, c’est le signe certain de beaucoup d’efforts, de luttes intérieures, d’actes répétés pour pratiquer les vertus d’humilité, de charité, de patience et de douceur. Il faut un certain temps pour en arriver là. C’est un travail de tous les jours avec des chutes mais aussi de glorieuses conquêtes, que Dieu et ses anges admirent et devant lequel le monde lui-même s’incline. C’est l’apostolat de la jeune fille. Que de pécheurs endurcis ont cédé devant le bon visage, devant l’air souriant, devant l’empressement toujours joyeux d’une jeune fille.

   Voilà ma chère Bertille, mes encouragements à pratiquer la joie chrétienne. Tu procureras du bien aux autres mais tu seras aussi récompensée par cette paix intérieure qu’elle te procurera à toi-même.

 Anne

 

« Ne craignez point, petit troupeau »

           Le monde craque de toutes parts, les pères et les repères sont perdus, nul ne sait où donner de la tête ni à quel saint se vouer. L’inquiétude nous hante et alimente notre quotidien d’homme à courte vue et réaction instantanée via les ondes 3, 4 et 5G. Il semblerait que notre profondeur de champ très vaste dans l’espace se soit fortement réduite dans le temps. Nous nous considérons presque comme les premiers habitants de cette terre ayant oublié les générations qui nous ont précédés. Nous sommes malheureux et nous avons parfois l’impression de vivre les pires moments de l’histoire de l’humanité, certainement la fin du monde est arrivée, c’est pour bientôt car les choses n’ont jamais été aussi mal.

 

  Certes la vie n’est pas toute rose et de nombreuses interrogations subsistent. Mais jetons un œil par-dessus l’épaule de nos parents et regardons les tempêtes que nos pères ont eu à traverser : Mai 68 et la révolution sexuelle, la débâcle et l’exode de juin 1940, l’occupation et le STO, les déportations dans les camps nazis ou soviétiques, l’épidémie de grippe espagnole, 14-18 et la grande boucherie anonyme, 1870 et l’invasion prussienne, les guerres Napoléoniennes et la Bérézina, la Révolution française, la mort du Roi et la guillotine et le génocide vendéen, les guerres de religion et la lèpre du protestantisme, les Invasions des maures, la Guerre de cent ans et l’anarchie au royaume de France, les luttes incessantes du moyen-âge, les invasions Viking, la chute de l’empire romain… Et encore ce n’est qu’un très rapide balayage. Mettons-nous maintenant à la place de nos ancêtres qui ont vécu durant ces évènements et essayons d’imaginer leur vie, leurs angoisses, leurs inquiétudes ! Elles ressemblaient très certainement aux nôtres. Et malgré tout, ils ont vécu et ils sont morts comme nous mourrons, mais surtout ils ont transmis et ils ont réussi à transmettre contre vents et marées, contre assauts et attaques, contre tortures et massacres puisque nous sommes là grâce à eux pour transmettre à notre tour le dépôt de la Foi et de l’amour de Dieu. Et eux sont là-haut pour nous encourager et pour intercéder pour nous. Alors à quoi bon s’inquiéter, pourquoi se ternir la vie ? Parce que nous sommes déçus, parce-que nous commencions à croire aux sirènes consuméristes des lendemains qui chantent. Une vie tranquille et confortable serait notre droit alors qu’eux ont tous souffert et combattu. Et nous ne sommes pas prêt à y renoncer, nous sommes accrochés à notre confort et nous ne voulons pas croire que le bonheur de l’homme n’est pas de ce monde !

 

  Devons-nous pour autant vivre prostrés, vivre cachés, nous résigner dans la crainte et la torpeur en attendant la mort et le paradis puisque le bonheur n’est pas de ce monde ?

  Allons plutôt puiser la joie et l’Espérance à sa source, au sacrifice de la croix, imbibons-nous de l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, cela commencera déjà à nous rassurer, à nous rasséréner. Que peuvent contre nous les persécutions de nos ennemis puisque Dieu est avec nous ?

 

  Puis cherchons dans l’étude, dans l’histoire et dans la réflexion la conduite à tenir. Les temps nous sont hostiles et les repères habituels se sont évanouis. Et de nombreuses nouvelles questions se posent à nous pour lesquelles il n’existe pas de réponse toute faite. Prenons le temps d’y réfléchir, fuyons les réactions instantanées et à fleur de peau en prenant du recul autant que possible en nous posant la question des conséquences de nos décisions pour notre futur et celui de nos enfants.

  Essayons d’affronter les problèmes en face et au bon moment, sans anticiper des problèmes qui ne se poseront peut-être jamais étant donné la vitesse à laquelle les décisions politiques, les ordres et les contre ordres pleuvent. Mais aussi sans repousser indéfiniment la prise de décision quand celle-ci est nécessaire, car les problèmes non résolus sont source d’inquiétude latente.

 

  Enfin gardons à l’esprit que nous sommes sur la terre pour « louer, honorer et servir Dieu et, par ce moyen, sauver notre âme ». Une bonne retraite peut nous aider à nous en souvenir et à remettre ce but devant nos yeux. Une fois le but en tête, les décisions s’ordonnent naturellement et souvent avec la grâce de Dieu, tout s’éclaire. Enfin, cultivons notre abandon en la Providence, si le Bon Dieu permet que nous soyons dans des situations difficiles et compliquées, il nous envoie aussi les grâces pour en sortir, il nous suffit de les lui demander pour les obtenir !

 

  Alors haut les cœurs, la vie est belle et surtout celle d’un jeune homme chrétien qui a Dieu avec lui.

 

Antoine

 

Semeuse de joie

Ma fille, ma sœur, tu le sais bien, un saint triste, est un triste saint… Et il n’est pas si facile d’atteindre, comme saint François d’Assise, la joie parfaite. Joie de la pure volonté divine quand la nature y répugne ou rechigne… Je laisse à d’autres le soin de te l’enseigner.

Je voudrais t’apprendre plutôt comment être une semeuse de joie dans un monde qui confond joie et excitation, humour et grossièreté. Ces petites joies quotidiennes pour donner à l’âme la bonne direction, l’habitude de la gaieté, socle de ce qui fera grandir vers la joie parfaite.

C’est si important de pouvoir laisser derrière toi dans la journée, ou dans ta vie un sillage de bonheur, malgré les malheurs des temps.

Oh, je sais bien que tout va mal avec les décisions de nos gouvernants, cette tyrannie qui prend forme peu à peu, et celle des hommes d’Eglise contre la vraie foi et la messe qui l’exprime.

Les conversations en sont si pleines, que l’on croirait qu’il n’existe plus d’autres sujets. Les âmes sont inquiètes, tournent et retournent tout cela dans leur tête, se précipitent sur les dernières nouvelles données à profusion par « les étranges lucarnes » et cherchent comment échapper à cet étau qui se resserre.

Le remède : semer de la joie.

C’est là le danger : nous faire perdre la paix et la joie qui l’accompagne nécessairement, cette joie simple, faite de confiance et d’émerveillement comme un enfant redécouvrant le monde chaque matin. Si pendant ce temps, Dieu est oublié, loin derrière les créatures, l’Adversaire se réjouit.

Alors à ta petite place, efforce-toi de semer de la joie autour de toi, c’est si nécessaire.

Avoir une oreille attentive et patiente donnant son temps et son cœur.

Penser à ce qui pourrait faire plaisir ou soulager la peine, deviner le petit geste de réconfort ou d’aide, rendre un service inattendu surtout s’il te coûte, tant et tant de petits riens pour,

Semer de la joie.

 Montrer la bonté de Dieu dans chaque instant, savoir sourire d’une situation et rire de bon cœur, dédramatiser l’inquiétude excessive, prier pour savoir comment réconforter afin de trouver les mots justes, même si c’est juste un petit mot.

Être heureuse d’offrir ce qui nous peine ou nous mortifie, comme un honneur qui nous fait participer à la Rédemption.

Réprimer un mouvement d’impatience, au contraire mettre l’autre en valeur.

Souligner ce qui est bien fait et complimenter, s’effacer si cela nous contrarie.

Ne pas se mettre en avant mais laisser les louanges aux autres.

Ne pas contrister pour,

Semer de la joie.

 Rappeler que Dieu est au-dessus de tout et permet le mal dans un dessein mystérieux, qu’après la Passion vient la Résurrection.

Aider à voir toute la bonté divine dans nos vies, dans ce soin permanent si nous Le laissons faire calmement.

  Emmener l’ami un peu triste se promener et s’émerveiller de la beauté de la création ou lui faire découvrir une belle œuvre, un beau lieu, un beau livre.

  Décorer la maison et faire de bons et beaux repas autant que possible,

  Sourire enfin si tu n’as rien d’autre à donner, un sourire franc et net, du fond du cœur.

  Modestement, gratuitement, sans attendre le retour ou le remerciement qui peut-être ne viendra jamais,

  Semer de la joie.

   Vocation bien féminine que de répandre du bonheur autour de toi. Au soir de ta vie, que laisseras-tu derrière toi ? Peu de choses somme toute car nous ne faisons que passer, mais si chacun peut se souvenir que tu semas de la joie, alors celle-ci te sera rendue au centuple. Tu auras alors une place toute particulière dans l’éternité bienheureuse, où la joie ne finit jamais, comme

  Semeuse de joie       

 Jeanne de Thuringe