« Trois petits tours et puis s’en vont… » 

           Les enfants hissés sur leurs chevaux de bois tournent et tournent encore avec bonheur sur le manège. L’instant où il faudra descendre de leurs montures qui se sont immobilisées survient toujours trop vite et leurs yeux se font implorants pour obtenir de leurs parents un tour supplémentaire. Bientôt, ces enfants devenus grands découvriront le carrousel des adultes. Mais n’est-il pas injurieux de rapprocher l’une de l’autre la ronde magique des canassons de foire avec cette danse enivrante des affaires à laquelle se livrent passionnément les adultes pendant trois ou quatre décades de leur vie ? Il est vrai qu’à la première, on donne le nom de jeu tandis qu’on parle de travail pour désigner la seconde ! Quoiqu’il en soit de cette distinction dont nous ne nions pas la valeur, voyez comme les hommes aux cheveux grisonnants peinent, comme lorsqu’ils étaient enfants, à descendre de leurs destriers honorifiques et ne quittent le plus souvent qu’à regret leurs activités trépidantes. Qu’il leur est difficile de laisser leur place… On dirait que la vie n’est plus rien pour eux, maintenant qu’ils sont descendus du manège des grandes personnes.

  Nous laissons à d’autres le soin de consoler les jeunes retraités encore vigoureux en déployant l’éventail, d’ailleurs attractif, des mille et une manières de s’occuper utilement à l’âge de soixante-cinq ans et nous applaudissons aux services signalés que leur générosité sait rendre aux causes qui nous sont les plus chères et les plus sacrées. Comme ils ont raison de fuir une ruineuse oisiveté et de proposer leurs compétences et leurs talents pour aider les générations qui les suivent ! Si je puis cependant leur donner un conseil, ce sera celui de ne pas chercher à enfourcher les haridelles des manèges du troisième âge. On attend justement de leur sagesse, au bel automne de leur existence, qu’ils cessent de tournoyer comme des feuilles mortes et de plastronner encore jusqu’au moment où ils tomberont de leur selle…

  Nos seniors, nos vétérans, nos anciens, nous aimons qu’ils nous enseignent, à l’âge qui est le leur, que la prière et la contemplation sont bien plus que le travail et qu’ils l’ont suffisamment compris pour ne pas céder à la fatale griserie que serait leur empressement à fabriquer des manèges de retraités. Si nous leur exprimons toute notre gratitude pour la disponibilité qu’ils montrent pour accomplir de bonnes œuvres, nous avons encore davantage besoin de voir leurs yeux se tourner courageusement vers leur éternité. Finalement, qu’ils nous montrent cet équilibre chrétien de l’existence où le travail maîtrisé ne constitue plus un obstacle à l’union de l’âme à Dieu, où la prière occupe la place privilégiée qu’elle aurait dû toujours avoir. S’ils nous donnent cet exemple, comme ils nous aideront nous-mêmes à nous rappeler que le travail n’est certes pas le tout d’une existence humaine !

  Affirmons donc l’âge de la retraite comme devant être tout spécialement le trait d’union entre la vie laborieuse de la terre et la vie contemplative du Ciel. Personne ne travaille au Paradis car la vision béatifique n’est pas un travail. Si tous, nous devons anticiper la vie du Ciel par le développement, tout au long de notre vie, de nos efforts généreux à connaître et à aimer Dieu, l’âge de la retraite doit nous stimuler pour adopter l’allure très vive de ceux qui sont conduits par l’amour et qui ne veulent pas manquer le plus grand rendez-vous de leur existence. Ce n’est en effet ni sur la quantité ni sur la qualité ni sur le prestige de nos travaux que nous serons jugés mais uniquement, exclusivement sur l’amour de charité avec lesquels nous les aurons menés.

R.P. Joseph

 

D’où vient la joie ?

           Pour que la joie demeure dans une âme, il faut qu’elle s’origine dans un fondement parfaitement stable. Or rien n’est tel ici-bas. Tout est fragile, tout s’use, tout disparaît. Mais, comme c’est pourtant presque toujours dans les choses d’ici-bas que les hommes cherchent leur félicité, il ne faut pas s’étonner que la joie n’existe en eux que par intermittence. Ils s’y agrippent avidement et font des efforts désespérés pour la retenir. Mais, inexorablement, elle leur échappe des mains et les laisse bien souvent dans une affreuse prostration.

  Le seul regard philosophique suffit à comprendre que la joie la plus stable qu’on puisse trouver doit parvenir de ce qui n’est pas sujet au changement. Dieu seul est parfaitement immobile et ne connaît aucune variation. Il jouit, lui seul, d’un bonheur infini que rien ne peut affaiblir. Qui parvient à placer en lui son bonheur ne sera jamais déçu et trouvera en Lui seul, autant qu’il est possible sur la terre, la constance dans la joie. Il faut cependant bien reconnaître que cet idéal philosophique, s’il a été plus ou moins théorisé, n’a pas été vécu. L’élévation qu’il requiert est plus angélique qu’humaine et celui qui y accèderait ne se trouve pas pour autant soustrait aux attentes des multiples contingences humaines.

  Il n’en reste pas moins que ce regard philosophique aura été utile pour nous préparer à découvrir la réalité de la joie chrétienne. Oui, c’est bien de Dieu qu’on peut espérer, dès cette terre, la stabilité dans la joie. Mais, cette fois-ci, il ne s’agit plus d’une simple vue de l’esprit mais d’un don de Dieu et d’un fruit bien réel que finissent par cueillir ceux qui auront le mieux enraciné leur vie en Lui.

  Un don ou un fruit ? La joie dont nous parlons est d’abord un don divin. C’est Dieu qui l’infuse dans les âmes. Son désir est de la communiquer avec profusion mais Il se trouve presque toujours arrêté dans son élan par le désintérêt des hommes à la recevoir. Les hommes courent à perdre haleine vers de petites joies factices qui les empêchent de s’intéresser à la joie principale. D’autant plus que la joie est aussi un fruit. Elle ne s’obtient progressivement et dans la stabilité qu’au prix de l’acceptation de l’œuvre chrétienne dans nos âmes. Il s’agit justement d’orienter toutes nos facultés intérieures vers Dieu et de renoncer pour ce motif à tout ce qui nous disperse et nous éloigne de Lui. La joie est grandissante à mesure de cette conversion plus grande de l’âme qui se tourne vers Dieu.

  Cette joie qui ne trompe pas et qui est destinée à s’enraciner et à s’accroître immensément dans les âmes est donc toute dans le rapprochement de l’âme avec Dieu, dans une union qui s’amorce dès cette terre. Elle monte de l’intérieur au lieu d’être guettée à l’extérieur. Elle ne supprime pas les souffrances du corps et de l’âme. Chacun comprend d’ailleurs que leur nombre et leur intensité ne peut même que grandir au fur et à mesure que Dieu, s’unissant une âme, doit par là-même la purifier plus profondément.

  Mais comprenons que cette joie est plus forte que la tristesse. Alors même que les épreuves fondent de toutes parts sur les amis de Dieu, il est vrai que la fine pointe de leur âme reste insubmersible et qu’elle éclate d’allégresse car l’union à Dieu ne leur est pas enlevée. Plus encore, elle est réjouie d’avoir à présenter à Dieu le sacrifice et l’immolation du tout ce qu’elle désire et désire intensément se prêter au travail divin – dont elle comprend la nécessité – qui constitue à la débarrasser de toutes ses scories.

  C’est ainsi que saint François d’Assise nomme parfaite la joie au moment où le chrétien, accablé d’épreuves, mais justement mort à lui-même, se réjouit pleinement de ne plus vivre qu’en Dieu seul.

Père Joseph

 

LA QUESTION DES ENFANTS MORTS SANS BAPTEME

           L’une des plus grandes épreuves que peuvent rencontrer des parents chrétiens est la mort de l’un de leurs enfants et leur souffrance s’accroît encore lorsque celui-ci meurt sans être baptisé, alors qu’il n’y a eu aucune faute de leur part. Il n’est pas rare de rencontrer une douloureuse incompréhension à propos des limbes. Nous voudrions commencer par citer un discours de Pie XII au sujet du devoir de baptiser les enfants avant de définir avec quel degré d’autorité l’Eglise s’exprime sur la question des limbes (II). Sans pouvoir ni vouloir nous démarquer de cette doctrine, il nous semble que des considérations consolantes peuvent être données à ce sujet (III).

 

I – Le discours de Pie XII du 29 octobre 1951

 

  Nous nous tournons vers l’autorité du dernier pape avant le Concile afin d’entendre de sa bouche l’enseignement traditionnel de l’Eglise sur le sort des enfants morts sans baptême et alors qu’ils n’avaient pas encore l’âge de raison. Pie XII l’a notamment rappelé dans son discours à l’occasion du Congrès des sages-femmes catholiques d’Italie, le 29 octobre 1951. Il leur dit qu’elles peuvent avoir le devoir, en cas de nécessité, de conférer elles-mêmes le baptême et il leur explique pourquoi :

« Si ce que nous avons dit jusqu’ici regarde la protection et le soin de la vie naturelle, à bien plus forte raison devons-nous l’appliquer à la vie surnaturelle que le nouveau-né reçoit par le baptême.

Dans l’ordre présent, il n’y a pas d’autre moyen de communiquer cette vie à l’enfant qui n’a pas encore l’usage de la raison. Et cependant, l’état de grâce, au moment de la mort, est absolument nécessaire au salut. Sans cela, il n’est pas possible d’arriver à la félicité surnaturelle, à la vision béatifique de Dieu. Un acte d’amour peut suffire à l’adulte pour acquérir la grâce sanctifiante et suppléer au manque du baptême. Pour celui qui n’est pas né, ou pour le nouveau-né, cette voie n’est pas encore ouverte. Donc, si l’on considère que la charité envers le prochain impose de l’assister en cas de nécessité, si cette obligation est d’autant plus grave et urgente qu’est plus grand le bien à procurer ou le mal à éviter, et que celui qui est dans le besoin a moins de facilité pour s’aider et se sauver par lui-même, alors il est aisé de comprendre la grande importance de pourvoir au baptême d’un enfant privé de tout usage de la raison et qui se trouve en grave danger ou devant une mort assurée. »

 

  On voit que Pie XII affirme ici de la façon la plus nette que la réception du sacrement de baptême est le seul moyen d’assurer aux enfants morts avant l’âge de raison d’aller au Ciel et, en cela, il est l’écho de toute la tradition ecclésiastique, enseignement consacré par les Conciles et les Pères de l’Eglise.

 

II – Entre un dogme et une simple opinion théologique

 

  Il est de foi qu’une personne humaine, même marquée du seul péché originel, ne peut jouir de la vision béatifique. Il serait cependant excessif de déduire de cette vérité que les enfants morts sans baptême sont certainement privés de la vision béatifique. L’Eglise ne l’a pas fait car elle sait que « Dieu n’a pas enchaîné sa toute-puissance aux sacrements1 ». On ne peut donc « nier la possibilité de voies exceptionnelles connues et voulues de Dieu seul2 ». Dieu nous a laissés dans l’ignorance sur ces possibilités de telle manière que nous devons tout faire pour assurer le sacrement du baptême à tous les enfants sans escompter une action mystérieuse de Dieu qui ne nous a pas été révélée.

 

  La croyance aux limbes pour les enfants morts sans avoir été baptisés n’est donc ni un dogme de foi ni même une conclusion théologique. Elle est cependant une « doctrine communément enseignée et s’imposant à notre adhésion sous peine de faute de témérité3 ». Monseigneur Gaudel, qui a rédigé l’article « Limbes » dans le « Dictionnaire de théologie catholique » exprime, quant à lui, que la croyance aux limbes, sans être un article de foi, s’impose cependant, sous peine de péché grave de témérité, au catholique. On ne peut aucunement se contenter d’y voir donc une simple opinion théologique parmi d’autres.

 

III – Adoucissements

 

  Les prêtres n’ont pas le droit, même dans le bon désir d’adoucir la peine des parents, de prononcer des paroles qui amenuisent ou ébranlent les fondements de cette croyance traditionnelle. Dans l’autre sens, ils ne doivent pas non plus les obliger à exclure de leurs esprits tout espoir de salut pour leurs enfants.

Nous avons trouvé ces propos du Père A. Michel, excellent théologien, qui a combattu courageusement les assauts des théologiens d’avant-garde sur le sujet des limbes, dignes d’être connus :

« Nous ne voyons aucun inconvénient au point de vue de la foi et de la théologie, d’admettre que les parents chrétiens pourront reconnaître dans l’Au-Delà leurs enfants morts sans baptême. La localisation « dans la vie future ne saurait empêcher la communication des pensées par les idées infuses que Dieu accordera tant aux âmes glorifiées qu’aux âmes des enfants incapables de parvenir à la gloire4. »

 

  Voilà ce que dit aussi M. Brides qui fait autorité en Droit Canonique :

« Sans parler des condoléances et même des consolations que le curé ne manquera pas d’exprimer aux parents chrétiens affligés, nous ne blâmerions pas le prêtre (…) qui réciterait des prières avec les parents à la maison et même bénirait le petit cadavre (…) il ne s’agirait que d’une bénédiction « commune » à la fois invocative et déprécative – même sans formule – qui serait comme une supplication adressée au Père pour qu’il lui plaise de ne pas rejeter loin de lui et même d’adopter, dans sa miséricorde, cet enfant qui n’a pu être ici-bas, un authentique temple du Saint-Esprit.

En outre, aucune prohibition positive ne s’oppose à ce que le prêtre pousse la sympathie jusqu’à prendre part in nigris au cortège funèbre qui conduise le petit cadavre jusqu’au lieu de la sépulture. Cet enterrement n’a rien de « civil » ou « d’antireligieux » ; il est simplement (…) non ecclésiastique parce que la loi de l’Eglise l’impose tel. Rien n’empêche non plus le prêtre de réciter avec l’assistance une dernière prière devant la tombe, par exemple le Notre Père, afin de demander pour les parents désolés le courage et la résignation chrétienne5. »

Conclusion

 

  Voilà comment Monseigneur Besson, qui fut évêque de Nîmes a décrit les limbes des enfants morts sans baptême :

« Laissez monter vers Dieu, du fond du royaume invisible où règnent ces petits enfants l’hymne qu’ils chantent avec les bégaiements de leur langue imparfaite, à la gloire de leur créateur (…) ils adorent Dieu dans la clarté étincelante de ses ouvrages (…) Ils louent Dieu et ils lui rendent grâce d’avoir garanti leur innocence personnelle en les livrant à une mort prématurée. Ils se félicitent de n’avoir pas connu la malice et les dangers de ces péchés qui perdent tant d’âmes tombées d’une si grande chute, parce qu’elles étaient réservées à une si grande gloire6. »

Père Joseph

 

1 Mgr Gaume : “Traité du Saint-Esprit” Ed. Gaume Frères et Dupuy 1864, tome I p. 107

2 A. Michel “Ami du Clergé” 1951, p. 101

3 Ibidem p. 99

4 A. Michel : “Ami du Clergé” 1954, p. 584

5 M. Brides “A. C. “ 1952, p. 63

6 Abbé Jules Corblet “Histoire du sacrement de baptême” Tremblay 1881, tome I, pp. 164 et 165

 

 

Le conséquentialisme

           Dans sa parfaite sagesse, Dieu a instruit les hommes de ses voies d’une manière progressive et de différentes manières. Il leur a également fait connaître ses lois qui les aident à cheminer sur les sentiers qui mènent à Lui sans s’égarer et sans risquer de l’offenser. Selon l’incitation du psalmiste, l’humanité doit aimer ces commandements qui émanent des profondeurs de Dieu, qui lui apprennent à vivre des mœurs divines et lui donnent l’espérance de parvenir aux célestes félicités.

  Il faut cependant reconnaître que la fidélité pour les observer toujours comme ils ont été donnés peut requérir des hommes de grands sacrifices et exiger une vertu proportionnée. Bien souvent, l’alternative qui se présentait devant les chrétiens a pris une dimension radicale : ou l’héroïsme ou le péché. Quelle force d’âme il faut alors pour ne pas vaciller et se laisser emporter par la facilité !

  En ces instants difficiles, la tentation présente devant les yeux de ceux sur lesquels elle s’abat, le cortège de toutes les avanies qui lui seront réservées si elle choisit le parti de la vertu. Et, par ailleurs, elle s’efforce de réduire à presque rien le péché qu’on commettrait à choisir le parti du monde. L’étouffement de la conscience par de faux raisonnements est le plus grand mal qui puisse survenir.

  Parmi eux, il existe celui du “conséquentialisme”. A la vue des maux vrais ou supposés que l’on redoute de voir fondre sur soi, la nature se révolte et proclame qu’il est impossible que Dieu puisse exiger de tels sacrifices. Et, si c’est impossible, cela signifie qu’on ne peut être tenu d’embrasser un parti qui est si contraignant et qui risque de bouleverser si profondément notre existence. Mais, en réalité, il est faux que Dieu ne puisse pas exiger de nous de très grands sacrifices. Toute l’Histoire Sainte nous montre le contraire. Dieu ne veut que notre bien et nul ne sait mieux que Lui dans quelles circonstances Il nous place pour nous faciliter le cheminement vers le Ciel. Nous ne sommes, de plus, jamais tentés au-delà de nos forces et la grâce nous est infailliblement donnée pour accomplir les choix vertueux que nous devons faire.

  Voyons par exemple, comment le Catholicisme a défendu l’indissolubilité du mariage.

Lothaire II, roi de Lotharingie de 855 à 869, voulut obtenir du Pape Nicolas Ier la reconnaissance de la nullité de son mariage afin de pouvoir épouser sa maîtresse Waldrade. Sur le ferme refus du pontife romain, le roi, furieux, fit le siège de Rome. En vain. Le Pape ne céda pas et Lothaire dut se retirer vaincu.

  Encore plus saisissant est le cas de saint Thomas More, chancelier du royaume d’Angleterre, qui s’opposa au divorce du roi Henry VIII pour épouser Anne Boleyn et qui paya de sa vie sa détermination. En cela, il ne faisait qu’imiter l’attitude de l’Eglise de Rome qui préféra perdre le royaume d’Angleterre en 1527 plutôt que de trahir la loi divine et de salir l’honneur de la femme légitime d’Henry VIII, Catherine d’Aragon.

Ces dignes émules de saint Jean-Baptiste n’hésitent pas à perdre leur vie ou un royaume pour la fidélité à un principe.

  Plutôt mourir que de commettre un péché. Telle est la seule devise possible. A violer la loi divine pour éviter des épreuves, nous nous plaçons dans un danger plus grand, celui de perdre nos âmes.

  Il faut en être très convaincu aujourd’hui où la pression anti-catholique et opposée à la loi naturelle ne cesse de croître. C’est la demande que nous faisons à la très sainte Vierge Marie pour tous les foyers ardents que nous confions à son Cœur Douloureux et Immaculé.

Père Joseph

 

La prière, clef du bonheur

          Y a-t-il une découverte plus extraordinaire à faire sur cette terre que celle de prendre conscience de la faculté qu’on a de pouvoir parler à Dieu ? Comme il faut souhaiter que l’homme se rende compte le plus tôt possible de cette opportunité inouïe que la vie d’ici-bas lui offre déjà pour en profiter davantage !

  Il me semble cependant que peu nombreux sont les hommes qui ont vraiment réalisé la capacité qui leur a été communiquée d’entrer en relation avec Dieu car il n’arrive presque jamais que l’on entende dire qu’on ait été obligé d’arracher quelqu’un à sa prière.

Or, si les hommes avaient vraiment compris à quels rapports intimes avec Dieu ils sont appelés, il faudrait se gendarmer pour les ramener aux autres obligations qu’ils doivent remplir. Comme l’a écrit saint Jean Chrysostome : « Voyez quel est votre bonheur et votre gloire : vous pouvez entrer dans un doux commerce avec Dieu, vous entretenir familièrement avec Jésus, désirer ce que vous voulez et lui faire connaître vos désirs. »

  Nous ne pouvons vraiment rien vouloir de meilleur pour nos frères et sœurs humains que d’entrer très avant dans ces explorations et révélations sans rivales que procure le dialogue de l’âme avec Dieu. Et à ceux qui y sont entrés, nous leur disons de ne pas demeurer seulement immobiles sur le perron d’un palais qui ne demande qu’à accueillir dans ses chambres intérieures tous ceux qui le désirent.

  En réalité, le chrétien ne devrait pas être surpris de comprendre que le plus doux agrément de la terre est dans la prière. Il croit en effet que la récompense essentielle qui est réservée à ceux qui entrent dans l’éternité en état de grâce est la vision béatifique. Le bonheur parfait, qui comblera tous les désirs de ceux qui peinent sur la terre, consistera dans cette intimité définitive qui les unira à Dieu. Si donc la félicité sans ombre est de voir Dieu, comment douter que la plus grande allégresse qui vienne après cette vision, pour ceux qui ne peuvent encore voir, se trouve dans l’union à Dieu par la foi ? Ils ne voient pas encore mais ils croient !

  Et ils sont déjà comme béatifiés au sens où leur esprit est à même de vivre en Dieu comme Dieu vit déjà en eux. A tous les hommes, qui cherchent nécessairement le bonheur, il faut dire et répéter que le bonheur est en Dieu, que le bonheur est Dieu, et puisqu’il en est ainsi, que la prière, qui est le moyen d’entrer en relation avec Dieu, y mène infailliblement.

  On gémit devant les difficultés de la prière. Comme c’est difficile de devoir parler à quelqu’un que l’on ne voit pas et dont les réponses ne parviennent pas à nos tympans. Quel effort que celui de ce recueillement en lequel l’âme doit se trouver pour élever son esprit vers Dieu ! Et, même dans ces conditions, quelle lutte contre les distractions… Enfin, comme il est fréquent que les retours divins ne correspondent pas aux demandes répétées. Mais on ne pense jamais aux facilités de la prière ! Qui est toujours disponible pour toujours écouter, de nuit comme de jour, tout ce qu’on a à lui dire ? Qui ne se rebute et ne se lasse jamais ? Qui s’intéresse à tout ce qui lui est dit et répond en réalité de la manière qui est la plus favorable à l’avancement des âmes ? Qui allie en lui-même la parfaite sagesse à la Toute-Puissance et la Miséricorde infinie ? Eh bien ! Celui-là seul qui est Dieu est cet interlocuteur qui possède toutes les qualités et les perfections. Or, il est à la disposition à chaque instant de qui le veut sans qu’il soit besoin de patienter dans les salles d’attente ou dans les antichambres !

  Et la toute-puissance de la prière se révèlera progressivement à ceux qui y persévèreront et découvriront l’invasion, l’envahissement divin de l’âme. A l’école de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Maître de la prière, par la médiation de la Très Sainte Vierge Marie, Première Orante, ils chanteront le Magnificat, ils attesteront, oui, ils s’écrieront : la prière, c’est la clef du bonheur !

Père Joseph