La contrition

« Puisque Dieu veut le salut de tous les hommes, il doit leur donner à tous la grâce et les moyens nécessaires pour se sauver1. »

 

           Bien chers parents,

 

           Les circonstances inattendues et inédites dans lesquelles nous avons été brutalement plongés et dans lesquelles il nous faut cependant apprendre à vivre nous contraignent dans tous les domaines à rechercher des solutions ou des palliatifs aux difficultés nouvelles face auxquelles nous nous trouvons confrontés. Il s’agit pour nous tous d’imaginer, de mettre au point, de découvrir ou de redécouvrir des procédés visant à préserver au mieux les biens naturels et surnaturels qui sont nécessaires à nos vies sans nous laisser aller et sans négliger aucun de nos devoirs. S’il vous faut veiller au difficile quotidien de vos maisonnées, votre sollicitude de parents chrétiens ne doit pas non plus perdre de vue l’essentiel qui est le souci surnaturel de vos âmes et de celles de vos enfants. Cette préoccupation, qui est toujours la vôtre, pèse plus fortement encore sur vos épaules au cours de cette période d’une durée inconnue durant laquelle vos familles ne peuvent plus bénéficier des secours sacramentels et de la proximité des prêtres. Elle requiert donc que vous connaissiez les recours surnaturels qui existent dans de semblables cas pour que vous en viviez vous-mêmes et que vous sachiez aider vos enfants à les comprendre et à en vivre. La présente lettre a pour objet d’exposer ce qu’il faut savoir et ce qu’il faut faire lorsqu’on n’a plus la possibilité de se confesser pour un temps indéterminé.

 

  1. Rappels de doctrine concernant la contrition

 

« L’homme ne voit que ce qui paraît au dehors, mais le Seigneur regarde le cœur2. »

 

  1. Nous avons l’habitude que nos péchés nous soient remis au confessionnal. Nous croyons fermement en effet, lorsque le prêtre nous donne l’absolution et alors que nos cœurs sont réellement contrits, que Dieu, dans sa miséricorde, nous pardonne nos péchés. Nous savons cependant que nos péchés ne seraient pas remis si nous n’avions pas les dispositions intérieures de contrition. C’est elle qui est rigoureusement nécessaire pour obtenir le pardon de nos péchés. Et, si elle est parfaite, elle obtient même de Dieu la rémission immédiate de nos péchés, avant même l’absolution.
  2. On comprend donc l’importance de la contrition et la nécessité de bien l’expliquer dans la situation présente. Elle consiste dans la douleur intérieure des péchés que l’on a commis et dans le bon propos de ne plus recommencer. Aussi, il y a toujours un double mouvement qui existe dans l’acte de contrition : l’un vers le passé, pour détester les péchés commis et le second vers l’avenir pour se déterminer à lutter courageusement dans les tentations.
  3. Pour qu’elle soit réelle, il faut que la contrition possède quatre qualités. Elle doit être intérieure, surnaturelle, souveraine et universelle. Expliquons en quelques mots ces quatre caractères.

 

– En disant qu’elle doit être intérieure, nous voulons dire qu’elle doit être une véritable douleur du cœur et ne pas être seulement l’expression de quelques mots extérieurs de repentir qui ne signifieraient pas notre état intérieur.

– Elle doit être ensuite surnaturelle tant dans son principe qui est l’inspiration du Saint-Esprit agissant en nous que dans nos motivations qui doivent être la douleur d’avoir offensé Dieu, les souffrances et la mort de Jésus-Christ sur la croix à cause de nos péchés, la crainte des châtiments dont nous sommes passibles, la perte du Paradis ou la laideur du péché.

 

– Elle doit encore être souveraine en ce que notre raison doit comprendre le péché comme étant le plus grand de tous les maux et le détester comme tel.

 

–  Elle doit être universelle car elle doit s’étendre à tous les péchés sans aucune exception ni réserve.

 

  1. Le bon propos est le second élément de la contrition. Il est la volonté sincère de ne plus pécher à l’avenir. La contrition ne peut être véritable qu’à la condition d’exclure toute affection au péché, toute volonté de pécher. Ne laissons pas dire à nos enfants que, de toute façon ce bon propos est impossible car ils savent qu’ils vont retomber. Expliquons-leur que ce qui leur est demandé consiste à courageusement vouloir se relever et à lutter avec l’aide de la grâce divine. Et c’est en faisant toujours ainsi qu’ils avanceront. Si le petit enfant qui apprend à marcher restait par terre sous prétexte qu’il va encore faire des chutes, il n’y parviendrait jamais. Il en va de même dans l’ordre surnaturel.
  2. Le bon propos doit aussi être universel et s’étendre à tous les péchés mortels. Il doit amener à prendre tous les moyens pour les éviter et, par conséquent, pour travailler à s’en corriger. Il doit aussi fuir les occasions prochaines du péché dans toute la mesure où elles ne sont pas nécessaires car « Celui qui aime le péril y périra3.»
  3. Il est encore nécessaire de savoir qu’il y a deux degrés dans la contrition, la contrition parfaite et la contrition imparfaite également nommée attrition. Toutes les deux sont bonnes mais seule la contrition parfaite obtient de Dieu le pardon immédiat de tous les péchés même mortels. Il est donc nécessaire de bien les distinguer et d’aider les enfants à se placer dans des dispositions de contrition parfaite, surtout si l’on craint qu’ils aient commis des péchés graves.
  4. La différence entre les deux contritions se fait d’après les motifs qui en sont à l’origine. L’attrition ou contrition imparfaite amène à regretter les péchés que l’on a commis soit à cause de la laideur du péché soit par crainte des châtiments éternels ou temporels que l’on mérite tandis que la contrition parfaite est inspirée par la douleur d’avoir offensé un Dieu si bon, si aimable et si digne d’être aimé. L’effet de la contrition imparfaite est de disposer le pécheur à recevoir la grâce de Dieu dans le sacrement de pénitence mais ne suffit pas en elle-même pour obtenir la destruction du péché dans l’âme.
  5. Conclusion : il faut donc comprendre que la contrition parfaite est de nécessité de salut pour tout pécheur ayant commis un péché mortel s’il ne peut accéder aux sacrements de baptême ou de pénitence. Elle est alors la condition sine qua non pour retrouver l’état de grâce.
  6. Si le pécheur ne peut accéder au sacrement de pénitence, il doit donc s’efforcer d’entrer dans les dispositions de la contrition parfaite en y joignant le désir d’aller se confesser lorsque cela sera redevenu possible4. Le devoir demeure en effet, même si on pense avoir obtenu la contrition parfaite de confesser tous les péchés mortels commis. Et le pardon des péchés obtenu par la contrition parfaite avant une confession est en réalité toujours à attribuer à cette contrition liée au sacrement que l’on désire recevoir.
  7. Nous rappelons que le troisième commandement de l’Eglise demande de se confesser au moins une fois de l’an sans préciser de temps prescrit pour le faire.
  1. Moyens pour obtenir la contrition parfaite

 

« Est-ce que je veux la mort de l’impie, dit le Seigneur Dieu, et ne veux-je pas plutôt qu’il se convertisse et qu’il se retire de sa mauvaise voie, et qu’il vive5 ? » 

  1. De lui-même, l’homme ne peut obtenir la contrition parfaite, parce qu’il ne peut rien dans l’ordre surnaturel sans la grâce de Dieu. Mais, avec cette grâce, qu’il doit solliciter par une humble prière, il peut l’obtenir facilement.

 

  1. Il peut espérer l’obtenir facilement et de la bonté de Dieu et parce que les motifs de la contrition parfaite sont aisés à comprendre et à concevoir.

 

  1. Il est très important que les pécheurs n’interprètent pas mal le qualificatif de « parfait » et se découragent en pensant qu’ils n’y arriveront jamais. La contrition « parfaite » demande en réalité de savoir simplement concevoir le péché comme le plus grand mal et de le détester en tant que tel à cause de l’amour que l’on a pour Dieu. Il n’est donc pas requis de « sentir » une très grande douleur du péché ou un très grand amour de Dieu.

 

  1. Saint Charles Borromée proposait trois stations pour faciliter l’accès à la contrition parfaite. La première était la considération des châtiments terribles que méritent nos péchés. La deuxième, la perte du Ciel que l’on risque. Enfin, la troisième consiste à se représenter les souffrances de Jésus Crucifié à cause de nos péchés et de réaliser l’amour infini qu’il nous a témoigné par sa passion et par sa mort.

 

  1. S’il est vrai qu’un seul instant peut suffire pour accéder à la contrition parfaite, on fera bien de ne pas être présomptueux et d’y passer le temps que l’on passerait pour régler une affaire temporelle d’importance. Si le moindre degré de contrition parfaite suffit à obtenir de Dieu le pardon de ses péchés, désirons cependant grandir dans une componction toujours plus intense.

 

  1. Bien entendu, la pratique de l’examen de conscience est un moyen nécessaire pour connaître ses péchés et la récitation de l’acte de contrition doit naître spontanément sur les lèvres de celui qui est réellement contrit.

 

III. Conseils aux parents pour l’heure présente

 

« Je ne saurai jamais trop recommander à un père de ne jamais se permettre devant ses enfants aucune action qui puisse l’avilir à leurs yeux6. » 

 

  1. La connaissance de cette doctrine de la contrition et des moyens pour l’obtenir est nécessaire dans cette période de confinement pour que vous-mêmes, chers parents, et que vos enfants, vous ne viviez pas sur la fausse et décourageante pensée que vos péchés ne seront pas pardonnés avant la prochaine confession.

 

  1. Elle l’est spécialement pour ceux qui sont tombés dans le péché mortel et qui doivent donc savoir qu’ils peuvent retrouver l’état de grâce et qu’ils doivent même tout mettre en œuvre pour y arriver dès à présent. Il faut bannir l’idée diabolique qui consiste à se dire, une fois que l’on est tombé gravement une fois que ce n‘est plus la peine de lutter et que l’on n’a plus qu’à se laisser aller. Illusion funeste que l’on trouve trop fréquemment !

 

  1. Elle est également source d’une grande

    consolation pour les âmes ferventes qui savent que leurs péchés véniels peuvent facilement être pardonnés grâce à cette contrition de l’âme. La vigilance des mères doit toujours rester sur le qui-vive pour faire attention à chacun de ses enfants. 

     

    1. Nous pensons que le rappel de cette doctrine par les pères de famille, dans les circonstances présentes, peut avoir un poids considérable et que les enfants ne peuvent être que très favorablement impressionnés et touchés d’entendre la voix paternelle prendre le temps de leur donner cet exposé, de manifester ainsi sa foi et de montrer cette sollicitude pour l’âme de ses enfants.

     

    1. Il est cependant certain qu’il doit lui-même montrer l’exemple pour être crédible. Qu’il ait conscience, s’il est fautif, qu’il ne pourra pas « tenir longtemps sa conduite cachée à ses enfants ; le plus léger indice en livrera certainement un jour le secret à leurs oreilles curieuses, et la triste vérité, une fois connue, fera plus de mal en quelques instants que toutes les leçons n’avaient pu jusque-là produire de fruit…7»

     

    1. Enfin, après l’utilisation intensive des moyens virtuels qui ont été mis en œuvre par l’école pour les cours, que la période des vacances, même si elles vont se passer dans le confinement, marque une nette coupure avec l’utilisation de l’internet, vrai nid de frelons dans les maisons pour la plupart d’entre nous.

     

      Chers parents, il me semble que nous ne faisons ici que commencer à balbutier les leçons que nous devons extraire des événements que nous vivons. Nous avons évoqué dans cette lettre la question de la contrition en raison de l’urgence où peuvent se trouver certains. Mais la réflexion doit s’étendre bien plus loin : cette crise sanitaire actuelle nous oblige, sur le plan spirituel, à évaluer notre capacité de continuer à vivre chrétiennement et avec ferveur dans des circonstances devenues tout à coup nettement moins favorables et en recherchant même à tirer le bien du mal. Nous vous assurons de notre religieux dévouement dans le Cœur Douloureux et Immaculé de Marie et nous portons vos familles dans nos prières au cours de ce temps Pascal en nous tenant toujours à votre disposition.

     

    Père Joseph

     

    Appendice : Acte de contrition parfaite selon saint Alphonse :

    Mon Dieu ! Je vous aime de tout mon cœur et par-dessus toutes choses parce que vous êtes infiniment bon et infiniment digne d’être aimé. Je me repens de tous mes péchés parce qu’ils vont ont offensé, ô Bonté infinie ! Je m’en repens de tout mon cœur et j’en ai plus d’horreur que de tous les maux ; je suis résolu de mourir plutôt que de jamais vous déplaire, moyennant votre grâce que je vous demande pour maintenant et pour toujours. Je me propose en outre de recevoir les saints sacrements pendant ma vie et à ma mort.

     

 

 

Porter sa croix

 « Salut, ô Croix, notre unique espérance »1

            Nous devons « porter notre croix ». L’expression nous est familière et elle évoque immédiatement à nos yeux le douloureux chemin parcouru par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour se rendre au Calvaire. A nous de suivre le divin exemple qu’il nous a donné si nous voulons sauver nos âmes et pénétrer dans le Ciel : « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il se renonce et prenne sa croix, et qu’il me suive »2. Pourtant, sommes-nous bien capables d’expliquer ce que signifient ces mots ? Suffit-il de souffrir pour « porter sa croix » ? Non, il est trop manifeste que les hommes peuvent être très éprouvés sans pour autant porter la croix. « Porter sa croix », c’est donc un certain esprit que nous essaierons de définir d’abord (I). Nous montrerons ensuite qu’il y a un art pour porter la croix sans la rendre plus lourde qu’elle ne l’est (II) et qui permet même de la rendre suave et légère (III).

I – Pour bien comprendre l’expression : « porter sa croix » :

La Croix, ce redoutable instrument de supplice, est devenu le symbole par excellence du Christianisme qui l’exalte et la glorifie. Saint André, arrivé au lieu de son martyre et voyant la croix, s’écrie : « O bonne croix qui a tiré ta gloire des membres du Seigneur, croix longtemps désirée, ardemment aimée, cherchée sans relâche, et enfin préparée à mes ardents désirs, retire-moi d’entre les hommes, et rends-moi à mon maître, afin que par toi me reçoive Celui qui m’a racheté par toi »3. Dans ses paroles, il explique le motif de son amour de la croix : elle est le moyen mystérieusement choisi par Dieu pour l’accomplissement de l’œuvre de la Rédemption. Tel est à jamais son titre de noblesse.

Cependant, si les deux frères de sang, Saint Pierre, Saint André et quelques autres saints ont subi dans leur corps la crucifixion, à l’imitation de Notre-Seigneur, c’est d’une façon spirituelle que les catholiques sont en général appelés à porter leur croix.

Ce qu’on appelle leur croix, c’est l’ensemble des souffrances et des épreuves diverses, corporelles ou morales, qu’ils sont amenés à supporter tout au long de leur existence ici-bas. Ce sont les conséquences du péché originel qui touchent tous les hommes. Si les maux subis par chacun varient en nombre et en intensité, nul n’est épargné. Les souffrances peuvent être également des conséquences ou des punitions divines pour les péchés personnels mais pas nécessairement. Des âmes très innocentes sont également placées dans le creuset de la douleur.

Mais il faut ici comprendre que l’expression « porter sa croix » ne consiste pas à souffrir et à être éprouvé. On peut l’être terriblement sans porter sa croix. Il s’agit en réalité de l’esprit avec lequel on reçoit et on vit les vicissitudes auxquelles on se trouve confronté. Ceux qui portent leur croix sont ceux qui ont saisi et accepté les souffrances et les épreuves comme étant des moyens privilégiés de rédemption, de sanctification, d’élévation spirituelle. Un Baudelaire l’avait perçu : « Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance comme un divin remède à nos impuretés ».

Le poète, au lieu de se révolter, sentait l’occasion privilégiée que la souffrance, chrétiennement vécue, lui donnait d’expier ses fautes, d’obtenir le pardon et la purification de son âme. Il savait voir la souffrance comme cette âme d’élite que fut Elisabeth Leseur : « Je crois que la souffrance a été accordé par Dieu à l’homme dans une grande pensée d’amour et de miséricorde ».

Ce n’est donc pas que les chrétiens aiment la souffrance ! Mais ils croient en sa valeur rédemptrice et ils expérimentent peu à peu comme elle est le moyen salutaire pour les désentraver des attaches terrestres et leur permettre de prendre leur envol vers les biens célestes. Comme l’a écrit Pie XII : « La Foi ne vous fera certes pas aimer la souffrance pour elle-même, mais elle vous fera entrevoir pour quelles fins très nobles la maladie peut être sereinement acceptée et même désirée »4.

C’est à ce titre que la souffrance est saluée, aimée et déclarée bienheureuse. Non point en elle-même mais en raison des biens précieux qu’elle nous obtient quand nous la portons dans cet esprit vraiment chrétien. Voilà l’un des sommets de la sagesse chrétienne.

II – L’art de ne pas alourdir sa croix :

 Ceux qui ne savent pas comment soulever un lourd fardeau peuvent se faire très mal au dos. Il existe, dans l’ordre naturel, des manières, des méthodes, des astuces même, pour accomplir sans trop de mal des tâches difficiles et fatigantes. Nous croyons qu’il en va aussi de même dans l’ordre surnaturel. Voyons qu’il y a d’abord des moyens de ne pas alourdir sa croix comme beaucoup ont tendance à le faire. Disons donc comment, il ne faut pas la porter.

Nous ne recevons les forces surnaturelles que pour porter le fardeau d’aujourd’hui. Demain et l’avenir doivent être paisiblement abandonnés à Dieu. Il risque fort de succomber sous le poids du jour, celui qui appréhende aujourd’hui les souffrances éventuelles et les peines de demain.

Comprenons aussi que Dieu sait bien mieux que nous et la croix que nous sommes capables de porter avec son aide et celle qui nous convient le mieux pour nous sanctifier ! Acceptons-la paisiblement comme elle est sans penser que nous aimerions mieux porter celle de notre voisin. Réjouissons-nous pour ceux qui portent peut-être une croix plus légère (d’ailleurs, qu’en savons-nous vraiment ?) et remercions Dieu d’avoir si bien choisi la nôtre.

N’ajoutons pas à notre fardeau des poids que Dieu n’a nullement voulu que nous portions. Comprenons en particulier que nos défauts, notre orgueil, notre susceptibilité, notre jalousie, par exemple, alourdissent terriblement nos épreuves. Au lieu de nous soutenir les uns les autres dans notre pèlerinage, nous nous faisons mal, nous nous heurtons, nous aggravons considérablement notre peine au lieu de l’adoucir par une vraie charité mutuelle.

Portons-la non par la force de nos muscles et en nous raidissant, non pas à la manière des stoïciens antiques, mais persuadés au contraire que ce n’est qu’en Dieu qu’on trouve la force pour la soulever. C’est en réalité bien plus Lui qui la porte que nous qui la portons.

III – L’Adoucissement marial et l’allégement des croix

Le Fils de Dieu Lui-même a voulu la présence de sa Mère à ses côtés tout au long de son chemin de croix et Marie a passé auprès de son Fils crucifié les trois terribles heures que dura le temps où il fut élevé de terre.

Que notre Foi nous donne la conviction profonde de la nécessité d’accomplir notre pèlerinage, de suivre notre chemin, toujours avec Marie. Sans elle, nous ne pouvons pas survivre. Si les saints, chargés de fardeaux terrifiants, volent plutôt qu’ils ne marchent sur ces routes d’exil, c’est qu’ils se sont abandonnés à Marie qui les porte sur son cœur.

N’est-ce pas là le secret qui donne l’explication de la joie profonde des saints ? La douce intimité avec la très sainte Vierge Marie, voilà le gage d’un vrai bonheur, même au milieu de nos croix et voilà la certitude de l’allégement de nos peines.

C’est ainsi que nos chemins deviennent non seulement supportables mais doux à nos âmes. Bien porter sa croix sur la terre, c’est en vérité la clef du bonheur.

 

Père Joseph

1 Tiré du « Vexilla Regis », hymne du dimanche de la Passion

2 Mt. 16, 24

3 Matines de la fête de Saint André

4 Pie XII dans son radio-message du 14 février 1954

 

 

Grandeur de la mission procréatrice

   « Mais Onan savait que cet enfant ne serait pas pour lui, aussi, quand il s’unissait à la femme de son frère, il se retirait et se souillait à terre pour ne pas donner de descendance à son frère. En agissant ainsi, il déplut à Yahvé qui le fit mourir lui aussi.[1]»

            Le péché solitaire ou onanisme[2] est certainement, à l’adolescence, la faute responsable de la perte de l’état de grâce, la plus répandue. Si l’effet de surprise peut constituer une excuse réelle au début, il ne peut plus ensuite être admis comme une raison qui exonère du péché et du péché grave. L’adolescent sent qu’il fait mal. Mais l’attrait du plaisir découvert est puissant de telle manière que nul péché ne tourne plus rapidement à l’habitude vicieuse. Ce sont des générations entières qui sont ravagées les unes après les autres par ce mal dissimulé qui atteint l’homme dans ce qu’il y a de plus intime et qui l’enchaîne parfois pour très longtemps. Le mariage lui-même ne l’en délivre pas toujours. Or, aujourd’hui, l’aggravation de cette lèpre morale de la jeunesse, déjà si terrible, provient de l’extrême facilité à trouver, grâce aux écrans, toutes les images les plus dégoûtantes qui soient. Voilà pourquoi nous voulons souligner, dans cet article, la malice de ce péché, par opposition à la grandeur de la mission procréatrice (I). Nous évoquerons ensuite les moyens à prendre pour ne pas y tomber ou en sortir (II). Enfin, nous nous interrogerons sur la légitimité de conserver la propriété ou l’usage d’appareils électroniques, s’ils constituent des occasions prochaines de péché. (III).

I – Grandeur de la mission procréatrice et péché solitaire :

Nous croyons que de nombreux adultes auraient du mal à expliquer pourquoi l’onanisme est un péché. Et, s’ils ne savent que bredouiller, il n’est pas étonnant que leurs enfants demeurent dans un brouillard encore plus épais. Pourtant, il est certainement capital de le savoir pour en mesurer la turpitude et en avoir horreur. Gageons que si chacun se rendait compte de la perversité de ce péché, cette connaissance serait à elle seule un puissant remède pour ne pas y tomber ou pour en sortir.

Dieu, notre créateur, nous a pourvus de la puissance de transmettre notre nature humaine. Il a dit à Adam et Eve : « Croissez et multipliez-vous » et Il les a dotés de la semence de vie. C’est une incomparable dignité qui fait de l’homme et de la femme des procréateurs. S’ils ne créent pas l’enfant qu’ils engendrent car Dieu seul est créateur, ils agissent en vue de disposer la matière en laquelle Dieu infusera l’âme. D’un point de vue naturel, c’est la plus élevée des puissances dont l’homme soit pourvu.

Or il est facile de comprendre avec quel respect l’homme traite toute semence que ce soit. La semence, c’est l’espérance ; la semence, c’est la vie. Le paysan ne l’enfouira pas dans le sol qu’après avoir soigneusement travaillé la terre, pour qu’elle puisse lever. Il ne la dissémine pas à tout vent ; il ne la gaspille pas ; il sait bien qu’elle est son trésor et qu’elle conditionne l’avenir.

Est-il donc besoin de dire avec quel religieux respect doit être traitée la plus noble de toutes les semences, celle qui porte en elle l’espérance de la vie humaine ? Ce que portent en eux-mêmes les hommes et les femmes, c’est tout ce qui permet la perpétuation de la race humaine, la conception de nouvelles personnes, c’est l’éminente aptitude de coopérer à la création et, dans l’espérance du sacrement de baptême, d’offrir à Dieu de nouveaux enfants régénérés par son Sang.

Attardons-nous encore un instant sur l’incomparable grandeur de cet ordre que Dieu a voulu, qui n’a pas été remis en cause par le péché originel, et qui élève l’homme et la femme, dans l’institution du mariage, à devenir les  coopérateurs de Dieu dans son art créateur ! Qui prend conscience de cette dignité ne peut que magnifier la munificence divine envers ses créatures humaines et découvrir en même temps avec quel respect il doit considérer cette prérogative.

C’est de cette hauteur qu’il faut maintenant considérer la sévérité avec laquelle Dieu punit le péché d’Onan qui se retirait et se souillait en répandant sa semence à terre. En se conduisant de la sorte, Onan dispersait dans la boue la plus précieuse de toutes les semences, celle qui fait les hommes. Il gaspillait ce trésor contenu dans ses reins, et la déversait à terre comme si c’eût été de l’eau sale. Il manifestait en cela tout l’aveuglement de son cœur, sa méconnaissance coupable du don de la vie. Son refus de donner à la femme de son frère, qui était veuve, des enfants, alors que la loi juive du lévirat le lui imposait, exprimait sa désobéissance et son égoïsme. Il traitait comme rien, comme un excrément, cette puissance de vie que Dieu a remise aux hommes.

Il importe de faire donc comprendre à l’adolescent, à un moment donné, que le liquide séminal ne doit vraiment pas être considéré comme les autres sécrétions ou excrétions du corps humain. A la différence de tous les autres qui sont des déchets, il porte au contraire en lui-même une puissance procréative. Telle est sa nature voulue par Dieu. Dès lors, tout acte volontaire qui va contre cette fin, qui empêche d’y parvenir, est un acte contre-nature. Et c’est en cela que consiste le péché.

Certes, Dieu a associé un plaisir naturel à l’acte d’union de l’homme et de la femme. Mais ce plaisir n’est légitime que dans la mesure où il est précisément joint à un acte qui, dans l’union conjugale, est ordonné aux fins du mariage. En dehors du mariage, dans le célibat, la recherche de ce plaisir, dissocié de toute espérance procréatrice, est comparable à l’excès du gourmand qui ne mange pas pour vivre mais qui vit pour manger. Mais il faut dire que le mal est ici beaucoup plus grave car le plaisir dérobé est obtenu au mépris des lois procréatrices.

II – Remèdes au péché solitaire

Comme nous l’avons déjà dit, il nous semble que beaucoup d’adolescents sentent bien que le péché solitaire est un péché et un péché grave mais ont du mal à l’expliquer. Leur fournir cet éclairage est cependant  nécessaire pour qu’ils ne  finissent pas par se révolter contre un interdit qu’ils ne comprennent pas. Le bénéfice d’une explication bien franche permet en même temps de souligner la grandeur de la vocation humaine. Dieu a remis aux êtres humains la puissance de perpétuer la race humaine. Il appartient aux hommes de discerner la noblesse de la matière que permettra l’œuvre procréatrice.

De cet exposé, il résulte clairement que l’homme ne doit pas utiliser sa semence pour une autre fin que celle que Dieu lui a donnée. Toute déperdition volontaire du liquide séminal s’oppose donc à l’ordre divin en matière évidemment grave.

La chasteté parfaite est donc l’état normal dans lequel doivent demeurer tous ceux qui ne sont pas liés par le mariage.

On ne cachera pas aux adolescents que les combats qu’ils doivent mener dans ce domaine sont plus ardus que beaucoup d’autres. Il faut qu’ils le sachent et qu’ils s’attendent à devoir utiliser des moyens un peu vigoureux. On ne leur demande pas, comme l’ont fait Saint Benoît ou Saint François d’Assise, de se jeter dans des buissons d’épines quand les tentations se font violentes … Mais on peut, par exemple, leur dire que sortir de son lit pour marcher un peu en priant, le temps que s’apaise la violence de la chair, est souvent le seul moyen pour en venir à bout.

Il faut encourager les adolescents, les engager à la réception fréquente des sacrements de la confession et de la Sainte Eucharistie, leur recommander une dévotion mariale bien présente tous les jours, depuis les trois « Je vous salue Marie » du matin à ceux du soir en passant par le chapelet. La joie des premières victoires qu’ils remportent sur eux-mêmes les stimulera pour combattre avec plus de détermination. Le beau triomphe de la pureté et de l’état de grâce n’est pas si éloigné qu’ils le pensent souvent.


III – L’aggravation provoquée par la multiplication des écrans.

Nous l’avons dit : la lèpre du péché solitaire n’est malheureusement pas un phénomène nouveau. Mais il est absolument clair que la connexion rendue possible à chaque instant, par tant d’individus, en groupe ou solitaires, de jour comme de nuit, dans le métro ou sous les draps, à tous les films et à toutes les images, constitue une tentation prochaine et facile d’une excessive gravité. La recherche des illustrations érotiques et pornographiques ne prend que quelques instants. Toute la débauche la pire s’obtient en deux ou trois clics. Et voilà le bain excitateur dans lequel se trouvent alors plongés ces millions d’adolescents qui avaient déjà tant de mal à résister auparavant à la tentation du péché solitaire.

Soyons nets : la connexion sur internet des téléphones portables constitue un danger pour le plus grand nombre. Il faut, hélas, admettre que beaucoup d’adultes sont aujourd’hui dans l’obligation d’avoir ce branchement pour des motifs professionnels. Mais, il n’en va pas de même pour les adolescents. Leur donner cette connexion, alors qu’ils n’en ont pas réellement besoin et qu’ils sont sujets aux chutes contre la pureté consiste à les mettre en occasion prochaine et NON nécessaire de péché grave. Or se placer soi-même ou a fortiori, placer ses enfants en une occasion prochaine de péché grave, lorsqu’il n’y a pas un motif proportionné, est péché grave. Les parents doivent en avoir conscience et les confesseurs refuser l’absolution lorsque, de façon répétée, des adolescents viennent s’accuser de péchés solitaires consécutifs à la vue de mauvaises images sur leur téléphone portable alors qu’ils n’ont aucune raison nécessaire pour être connectés et qu’ils refusent de se déconnecter. Et cette conséquence ne vaut pas seulement pour les adolescents mais pour tous ceux qui récidivent dans ces péchés alors qu’ils n’ont aucune nécessité d’être connectés.

Conclusion

Il va sans dire que l’éducation des enfants, avant l’adolescence, est déterminante. Une maman faible, qui cède aux caprices de ses bébés, qui n’oblige pas à terminer ce qu’il y a dans une assiette, qui se montre excessive dans ses caresses, qui ne cherche pas la formation réelle au caractère, prépare des adolescents mous. Ces malheureux, nullement préparés aux combats contre eux-mêmes dans ces petites choses, auront le plus grand mal à remporter ces batailles plus rudes de l’adolescence. On ne dira jamais assez le rôle fondamental que joue la mère de famille dans la formation des hommes. Mamans, n’agissez pas sans réfléchir sur la portée de vos actions et de vos réactions sur vos bébés et vos petits. Demandez conseil et priez.

Papas, investissez-vous dans l’éducation de vos enfants pour agir de concert avec vos épouses. Alliez la fermeté à la bonté.

Père Joseph

[1] Gen.38, 9-10

[2] Nous n’entrerons pas dans certaines distinctions suivies par quelques auteurs.

« ELOIGNEZ LES PETITS ENFANTS DU CHRIST. »

 Nous croyons que Notre-Seigneur Jésus-Christ est le seul vrai Dieu, que notre bonheur est de la connaître, de l’aimer, de l’imiter, de l’adorer, de nous unir à lui, dès cette terre, puis dans l’éternité bienheureuse. En conséquence, nous voulons que les hommes soient baptisés le plus tôt possible car c’est par ce sacrement qu’ils deviennent les enfants de Dieu. Nous n’avons pas plus besoin qu’ils nous donnent leur assentiment pour leur procurer ce bienfait que pour leur donner la nourriture quotidienne que réclame leur corps. Le baptême ouvre la porte de l’ordre surnaturel à l’âme et lui confère la grâce sanctifiante et toutes les vertus surnaturelles. Cette infusion initiale donne alors à chacun l’aptitude à poser des actes d’une excellence divine et vise à nous amener à notre vraie perfection qui est la sainteté ou l’imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Les actes des vertus surnaturelles sont inspirés à notre esprit par les lumières divines de la foi, et exécutés par notre volonté avec le secours divin de la grâce[1] ». Nous ne pouvons rien souhaiter sur la terre de meilleur que de vivre constamment en état de grâce et, mus par l’amour de Dieu, de nous adonner à pratiquer toutes les vertus surnaturelles avec la plus grande ferveur. Tel est l’unique et véritable itinéraire qui permet dès ici-bas de connaître un vrai bonheur, gage de la félicité éternelle.

Mais que se passe-t-il maintenant, lorsqu’un être humain n’a pas été baptisé ? La pratique des vertus lui est-elle totalement fermée ? Il importe de distinguer ici les vertus surnaturelles des vertus naturelles ou acquises. Ces dernières viennent de la répétition des mêmes actes bons que nous effectuons. Peu à peu, nous obtenons une facilité à les accomplir. Ils nous disposent à bien agir, et avec aisance, dans un domaine donné. Les vertus naturelles sont ces bonnes habitudes acquises par la répétition des mêmes actes. Elles sont donc, non pas le fruit du baptême, mais du labeur honnête de l’homme qui essaie de vivre raisonnablement. Les païens peuvent posséder de telles vertus et c’est un constat que nous pouvons faire chez certains d’entre eux.

Toutefois, il faut bien comprendre que les vertus naturelles demeurent déficientes. Car « dans l’ordre présent (celui de l’élévation dans le Christ du genre humain), nulle disposition n’est bonne, purement et simplement bonne, que celle qui adapte le possesseur à la vision de Dieu[2] ». Or les actes des vertus naturelles ne peuvent dépasser notre condition d’être humain raisonnable et volontaire. Ils ne sont pas non plus méritoires pour le Ciel. Et, de plus, même d’un seul point de vue naturel, ils sont souvent entachés par l’ignorance complète de certaines vérités telles que l’humilité. S’il est donc possible de signaler de beaux actes de force et de dévouement, par exemple, dans l’antiquité païenne, il est à craindre leurs racines d’orgueil. Seule la révélation chrétienne, l’exemple et la doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous découvrent la perfection de la vertu et la grâce de nous mouvoir dans l’accomplissement d’actes authentiquement surnaturels.

Essayons maintenant de considérer où en est l’exercice des vertus surnaturelles et naturelles dans nos sociétés d’aujourd’hui.

Nous avons dit que les vertus surnaturelles nous étaient communiquées lors de l’effusion de la grâce dans nos âmes à notre baptême. La raréfaction des baptêmes a donc pour conséquence immédiate celle des vertus surnaturelles. D’autre part, même si elles existent chez ceux qui sont baptisés et en état de grâce, leur exercice se trouve en réalité freiné par la corruption de la doctrine catholique dans un très grand nombre d’esprits. L’intelligence de l’abnégation et la place nécessaire de la croix ont été massivement oubliées et rejetées au profit d’une existence d’un nouveau genre chrétien. En cette religion, il est de moins en moins supporté que l’on ait le devoir de s’abstenir de certains plaisirs qui s’offrent au motif d’une morale réellement contraignante. Une place est encore accordée à un Dieu qui rassemble les hommes et qui cimente leur fraternité, mais non plus à un Dieu qui oserait encore imposer aux hommes les exigences de ses commandements intangibles.

Les vertus naturelles ne se portent pas mieux que les surnaturelles et pour une raison principale en réalité valable pour les unes et pour les autres. La Foi en Dieu s’est volatilisée. C’est vrai chez les catholiques chez qui la religion s’apparente à un sentiment du divin bien plus qu’à une conviction claire de l’existence de Dieu et à une adhésion au contenu de la Révélation. La transcendance cède la place à l’immanence et l’homme ne croit plus suffisamment en Dieu pour accepter à cause de Lui, de renoncer aux voluptés terrestres. Nous décrivons là une très forte tendance, même s’il ne faut pas généraliser.

Mais ce qui est vrai chez les catholiques provient en réalité d’une montée de l’agnosticisme et de l’athéisme qui est une caractéristique de notre époque. Or la remise en cause de l’existence de Dieu provoque une véritable révolution de l’ordre moral. « Si Dieu n’existe pas, tout est permis » avait noté Dostoïevski. Si notre existence se termine à l’instant de notre mort et que nos actes demeureront à jamais impunis, il devient illusoire de retenir les hommes de céder à leurs passions. Certes, il reste le principe des natures et de leur respect. Mais, dans les faits, qui a nié Dieu est bien près de refuser la permanence des essences et de leurs lois. Si Dieu n’est d’ailleurs pas à l’origine des choses, c’est à chacun de juger, à ses risques et périls, d’en enfreindre les règles s’il estime qu’elles existent. Mais, en réalité, l’existentialisme et le relativisme ont fait leur œuvre et le sentiment le mieux partagé est qu’il n’y a rien de stable. Aucune loi ne s’impose aux hommes et chacun se construit librement comme il l’entend. Est vertueux ce que je décide d’être.

Est-ce donc l’ère de la liberté qui commence ? Que devient cet homme à qui ses géniteurs et ses maîtres annoncent qu’il fait de sa vie ce qu’il lui plaît de faire et qu’il n’a de compte à rendre à personne ? Que ce qu’il décide librement de faire de son existence est bon au motif qu’il l’aura librement décidé ? Il s’oriente vers la satisfaction de ses désirs les plus immédiats. Il exige que ses caprices soient entendus. Au fur et à mesure que se découvrent à lui les jouissances sensuelles, il les recherche toujours plus fortes et grisantes. Tout simplement, parce qu’il est en quête du bonheur et que le monde se réduit à ses yeux à la seule matière.

Dira-t-on que ce petit animal assoiffé de toutes les voluptés, puis un instant repu, et de nouveau en chasse de blandices nouvelles est vraiment libre ? On peut le dire et peut-être même le croire. Mais, à la vérité, pour pouvoir le penser, il faut ne plus rien savoir de la liberté ! La réalité est celle d’un abominable esclavage. L’être humain habitué à ne jamais résister à la tyrannie toujours plus sévère de ses sens est un pauvre malheureux. Dans l’illusion de son eldorado sensuel, il sombrera dans la débauche et les plaisirs orgiaques. Jusqu’à quand ? Jusqu’à cette impression de dégoût de tout et surtout de lui-même et à cette certitude tardive qu’il a pris le mauvais chemin de la vie. Mais comment sortir d’un tel asservissement lorsque la volonté n’a jamais été exercée ? Comme on comprend la vertigineuse augmentation des suicides d’ailleurs vantés par cette société comme le nec plus ultra de la liberté !

En réalité, nous devons dénoncer l’empire du démon. L’homme qui se révolte contre Dieu devient infailliblement la proie du diable. Expert à tenter l’homme, à concéder quelques cacahuètes pour l’attirer, Satan n’est pas original. Il redit inlassablement aux hommes ce qu’il chuchotait à Eve au jardin de l’Eden : « Vous serez comme des dieux ! » Mais notre époque est la plus naïve de toutes celles de l’histoire. Elle répète la promesse du serpent avec une conviction jamais égalée et elle précipite ainsi les enfants des hommes dans un enfer terrestre. Au nom de la liberté !

Plus que jamais, nous devons avoir la ferme volonté d’une parfaite cohérence dans la vie familiale afin que notre foi soit l’unique principe de notre existence. C’est ainsi que nous maintiendrons, en dépit du contexte, la vie catholique sur terre.

Père Joseph

[1] R.P. Joseph Schellhorn in le « Catéchisme de la vie intérieure » 1937 p. 16

[2] Abbé Berto in « Les vertus nécessaires à la jeunesse actuelle