Chef dans les mains de Dieu

           Quel grand mystère ! Dieu a voulu que la grâce du salut passe par ses créatures. L’Eglise d’abord, portée par sa cohorte de papes, d’évêques, de prêtres, de moines et de religieuses : foule d’hommes souvent faillibles et pourtant qui contribuèrent à transmettre la vérité infaillible de la foi. Mais les hommes aussi, les pères, les mères, les frères et les sœurs, tous les Chrétiens, dans la main de Dieu, deviennent comme des ciseaux, des maillets, des chasses, des burins, des pointes qui cisèlent les pierres de l’Eglise, qui construisent cet édifice qui traverse les siècles : l’œuvre du salut. Quel grand mystère !

  Comment des hommes, tous pêcheurs peuvent-il contribuer ainsi à l’édification de la gloire de Dieu ? Comment tout cela ne s’est-il pas déjà écroulé ? Emporté par le tumulte du péché, les ténèbres de l’orgueil et les vagues des impies ? Parce que l’Eglise est divine, parce que la grâce inonde le monde, parce que Dieu sait et voit tout, parce que son plan éternel prend en compte le mal et le péché pour en tirer un bien plus grand encore. Comme sa Passion mène à sa Résurrection. La Passion est marquée par la haine du sanhédrin, la trahison de Juda, le reniement de Pierre, la lâcheté des apôtres, la complicité cruelle des Romains, la couardise de Pilate : le péché a tué Dieu. Tout semblait perdu. Tous ces hommes étaient libres, ils n’étaient pas prédestinés à haïr, salir, cracher et tuer. Non ! Ils l’ont fait librement, là est leur crime. Mais Dieu a tenu compte de leurs péchés pour vaincre le péché, Dieu a tiré des ténèbres un bien plus grand : au milieu de la nuit resplendit la lumière de la Résurrection. Ainsi va l’histoire de l’Eglise et du Salut. Voici son grand miracle, le sceau de son origine divine : elle traverse les siècles et édifie la gloire de Dieu, fondée sur la misère et la faiblesse des hommes.

  Dans le plan de Dieu, après le sacerdoce de l’Eglise, vient le père de famille. Dieu lui donne charge d’âme, Dieu veut que l’œuvre du salut passe entre ses mains, qu’il soit libre d’aimer. Il n’est pas esclave, ni prédestiné, ni perdu dès la naissance, entraînant les siens dans sa perte. Non ! Dieu veut des pères de famille qui soient des chefs de famille. Qu’ils posent des actes, qu’ils agissent en Chrétien, qu’ils se donnent corps et âme à l’œuvre divine : pour leur famille d’abord, pour la cité ensuite. Voilà le rôle du chef de famille : continuer l’église dans le foyer, continuer la chrétienté dans la patrie, continuer la rédemption au milieu des hommes. Fidélité !

Mais, me direz-vous, tout s’effondre aujourd’hui. Les ténèbres envahissent tout. L’Eglise même semble disparaître, s’effacer, perdre sa foi, travestir sa charité. La société sombre. Elle a pu survivre quelque temps, s’accrochant aux restes de la loi naturelle que des siècles de Chrétienté avaient ancrée dans son cœur. L’occident vit sur les dividendes de la chrétienté qu’il a tuée. Mais sans la sève, l’arbre pourrit. Aujourd’hui, même ces restes naturels qui faisaient illusion disparaissent. Le monde s’avachit dans le péché et s’abrutit dans les ténèbres. Dieu ne guiderait-il plus la marche du monde ?

  Dieu nous préserve de nourrir de telles pensées. Oui, Dieu guide la marche du monde ! Grand mystère. Chaque homme est libre, libre de pécher, libre de se sanctifier. Mais pourtant, Dieu guide la marche du monde, Dieu tient nos vies entre ses mains, comme la prunelle de ses yeux. Non pas nos vies naturelles, mais nos vies surnaturelles, notre éternité. Le génie de Dieu est de savoir faire surgir le bien du mal, la lumière de la nuit. Souvenez-vous sa Passion qui mena à Pâques ! Il est en pareil de notre époque si laide. La nuit est là … mais au milieu de la nuit surgit la lumière. Méditez-cela, pères de famille, et alors vous retrouverez l’entrain d’agir. N’oubliez jamais cela, Dieu veut construire l’œuvre de son salut par nos actes. Alors agissons ! Ne cherchons pas à tout contrôler, tout savoir, tout maîtriser. Agissons selon nos moyens, à notre place. Agissons en pensant que le temps est long, que nous semons mais ne récolterons peut-être pas. Agissons en chrétiens, confiants en la Providence. Mais surtout, agissons ! Agissons humblement, laissant la main de Dieu intervenir. Laissons-nous surprendre par Dieu : nos plans sont rarement bons. Laissons-nous surprendre, par les grandes comme par les petites choses du quotidien, ces petits riens que Dieu glisse dans les plis du monde pour nous élever vers lui. Apprendre à se laisser surprendre, c’est apprendre à se laisser guider. Nous serions plus comme saint Pierre, à brandir une épée pour finalement rater notre coup et faillir ensuite. Non, agissons comme saint Jean, sainte Véronique, sainte Marie Madeleine, et plus encore, comme la mère de Dieu qui eurent le courage d’accompagner le Christ au milieu d’une foule qui lui crachait au visage. Quel acte de courage ! Et si nous sommes faibles comme saint Pierre, pleurons aux pieds de Jésus pour nous revêtir de sa force, la force du martyr. Au bout de la nuit, la lumière éclatera.  

 

Louis d’Henriques

 

La prière des pères de famille

           « Qui tient la femme tient tout », s’exclama Jules Ferry, lorsqu’il plaida pour l’école laïque obligatoire. Son objectif était de faire main basse sur les consciences. Pas uniquement les consciences de son temps, mais celles du futur. Aussi voulut-il étendre l’emprise de la République laïque sur les femmes, qui souvent restaient au foyer et élevaient les enfants et les consciences de demain dans la foi catholique. Le catéchisme, la foi, la France éternelle s’est transmise ainsi pendant des siècles, sur les genoux des mères de famille parlant à leurs petits enfants.

  Comme Jules Ferry avait raison ! Peu à peu, la République pénétra les foyers, jusque dans leur intimité. Peu à peu, elle s’empara des consciences, cachée derrière les vanités. Elle avança drapée d’illusion, aidée du matérialisme et du confort, et en deux siècles, elle déchristianisa la Fille aînée de l’Eglise. La mainmise sur les consciences a tué la force d’un peuple autrefois chrétien. La République a violé les foyers, et cherche toujours à étendre son emprise totalitaire. Aujourd’hui, les Français sont démunis, désarmés, désemparés. Ils n’ont rien en quoi espérer, rien après quoi vibrer, ils s’accrochent à leurs idoles éphémères et meurent avec elles. Ils ne savent plus écouter le silence, prier, chanter, se tourner vers leur Créateur. Non, ils se prostituent et se livrent corps et âmes au premier charlatan, au premier marabout venu leur promettre richesse, confort et divertissement avec force bruit et plaisirs. Au fond de leur cœur, certains sentent le grand mensonge, ils sentent qu’on se moque d’eux, que sous couvert de fausse liberté on les enchaîne. Mais le mensonge progresse et continue son œuvre : appauvrissement moral et désormais matériel de ce peuple autrefois grand, réduit à pleurer ses cathédrales en feu sans en comprendre le sens, jeté sur les ronds-points pour crier son désarroi de se voir mourir, sans personne pour lui tenir la main, tétanisé à l’idée de se rappeler qui il est, humilié au point de battre sa coulpe sans cesse pour des crimes idéalisés au détriment de ses vrais péchés. Un peuple peureux, esclave parce qu’il ne sait plus se mettre à genoux.

  Mais il reste des chrétiens en France. Ils sont dans les foyers où l’on prie. D’abord les mères de famille, qui toujours sur leurs genoux annoncent la bonne nouvelle évangélique et transmettent la foi dans leur sacerdoce maternel. Mais plus encore par les pères de famille ! L’on a fait croire que les bondieuseries étaient choses de bonnes femmes, que les hommes vont au bistrot tandis que leurs épouses vont à l’église. Mensonge !

La prière des mères continue l’Eglise, la prière des enfants attendrit le cœur de Dieu et enchante tout le Ciel, la prière des prêtres est la seule à même de sauver l’Eglise, mais c’est la prière des pères qui reconstruira la chrétienté. Un chrétien n’est grand que lorsqu’il a le genou en terre, humilié, adorant son Dieu, le suppliant de le sanctifier et de sanctifier les siens. Le père de famille est le chef des âmes que Dieu lui a confiées. Il doit les conduire au Ciel. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus dira qu’elle découvrit l’amour de Dieu à travers l’amour de son père ; quelle responsabilité !

           Quel fils n’a pas compris beaucoup des choses de Dieu lorsqu’il surprit un matin ou un soir, son père, à genoux dans le salon, droit comme un « i », dignement et simplement abandonné dans les mains de Dieu. Qui n’a pas eu envie de prier à son tour, de découvrir la profondeur de l’intimité avec Dieu, de devenir un saint, rien qu’à voir son père prier ?

  Si la République a déchristianisé la France en prenant en otage les femmes, le cœur du foyer, Dieu reconstruira la France par la prière des pères de famille, par la tête du foyer. Quand un homme se met à genoux, droit, les yeux levés vers le ciel, c’est le regard de Dieu qui se pose sur la terre. Voilà la responsabilité des pères de familles : de preux à pieux, seule une lettre change, le « i ». Droit comme un « i » …

 

Louis d’Henriques

 

 

Les pieds sur la terre, les yeux dans le ciel

           Qui n’est jamais resté à contempler un arbre immense, au tronc fort et puissant, les racines enfoncées dans le sol, affleurant sous l’humus, et les branches hautes, déployant un riche manteau de feuilles abreuvées de lumière ? Qui n’a jamais contemplé ces arbres immenses sous le vent, chahutés par les bourrasques qui parfois arrachent les feuilles, font ployer les branches, mais l’arbre tient ! Il tient car il a ses racines enchevêtrées dans la terre. Pourquoi l’arbre monte-t-il ? Parce que la lumière le nourrit. Le sol lui donne l’eau et les minéraux. Mais c’est la lumière qui le nourrit. C’est elle qui lui permet de fabriquer sa substance. L’arbre, le seul être qui se nourrit de lumière… Si d’autres arbres plus grands l’empêchent d’accéder à la lumière, l’arbre meurt. Il meurt de faim. Toute sa force, ses racines, son bois dur, sa résistance au vent, tout cela concourt à une fin : boire la lumière.

  Qui n’a jamais laissé ses yeux courir le long d’un pilier de cathédrale, depuis sa base jusqu’au chapiteau, et au-delà, les nervures de pierre qui courent le long de la voûte et s’embrassent à son sommet ? Quelle force émane de ces pierres, empilées les unes sur les autres, droit vers le ciel ! Pour lancer la clef de voûte dans les hauteurs, pour la faire voler au-dessus de la nef, pour la faire naviguer sur le ciel, il faut un pilier fort, un pilier puissant. Il a les pieds dans la terre, ses fondations ancrées dans le roc, pour s’élever vers le ciel et porter des murs fins, ouverts par de large baies qui boivent la lumière. Cathédrale de lumière, portée par des piliers qui permettent aux vitraux d’inonder la maison de Dieu de sa clarté, comme le tronc permet aux feuilles de boire la lumière.

  Il y a dans ces deux images une image de la force ! Le pilier de cathédrale, comme le tronc de l’arbre, est fort et puissant. A les regarder, ils portent la terre elle-même. Ils s’ancrent dans le sol, dans notre monde terrestre pour s’élever vers le ciel. Ils font de la terre leur support, leurs racines, mais c’est la lumière qui les nourrit, c’est la lumière qu’ils cherchent, c’est après elle qu’ils soupirent. Et pour la rejoindre, ils se plient aux lois éternelles : le pilier est droit, le tronc est droit, sans cela, ils chuteraient. Le pilier est plein, faits de pierres taillées et jointes entre elle, sans cela il s’effrite sous le poids de la voûte et ne traverse pas les siècles. Les lois des poids et des masses, les lois des matériaux, les lois de l’eau et de la vie, les lois éternelles, voulues par Dieu, sont le chemin, la route, la direction au bout de laquelle brille la lumière.

La force est humble. Elle part de la terre, de l’humus, de là où nous sommes, de là où Dieu nous a placé. Elle est enracinée. Point de rêves, point de mythes, une simple réalité pure et belle. La force ne peut s’acquérir en dehors du plan du Dieu. La force est tournée vers Dieu. La force trouve sa source en Dieu.

La force est patiente. La force s’acquiert peu à peu, avec persévérance : pierre après pierre, le pilier monte. Année après année, le tronc s’épaissit, ajoutant une ligne de vie aux cernes accumulées. Effort après effort, petit renoncement après petit sacrifice, nous montons vers la lumière.

La force est obéissante. Elle suit les lois éternelles, elle suit le plan de Dieu. Si elle veut s’astreindre des lois, elle faillira. La force n’est pas vanité, n’est pas indépendance. Elle s’inscrit dans un tout : le père de famille, la mère, l’enfant, le prêtre, comme l’arbre dans la forêt ou le pilier dans la cathédrale, à sa place, construisent un tout à la gloire de Dieu.

Soyons des piliers de pierre, soyons des troncs d’arbres immenses, pour trouver la lumière et honorer Dieu.

          Louis d’Henriques

 

La cohérence

           Ou plutôt, la mise en conformité de notre vie avec nos principes catholiques, la dilution de notre volonté dans celle de Dieu. Se vider de soi pour se remplir de Dieu. « Heureux qui n’a de coeur que pour Dieu et que Dieu dans le coeur« , dit le proverbe.

           Derrière ce voeux pieux, derrière les jolis mots, prenons le temps de nous examiner sérieusement. N’avons-nous de coeur que pour Dieu ? Non, évidemment, nous sommes faibles et n’avons pas assez de toute une vie pour se remplir de Dieu. Mais alors, si une vie ne suffit pas à se remplir de Dieu, nous sommes-nous attelés à la tâche ? Le joug est doux, la moisson abondante.

Nos enfants sont avant tout des âmes que Dieu nous confie pour les sanctifier et les guider vers lui. Voilà la noble tâche du père de famille qui, dans cette dimension, s’apparente à un sacerdoce. Le père est le pasteur de son petit troupeau. Dans le regard de nos enfants, il faut  lire le regard de Dieu, sa volonté de peupler le ciel d’élus, et parmi ces élus, ces enfants-là en particulier. Oublions les mots, les belles idées qui restent trop souvent sur nos tables de nuit enfermées entre les pages de notre dernière lecture spirituelle : nos enfants sont l’incarnation du commandement divin, alors au travail ! Le temps file, les grâces passent, il faut se mettre à l’oeuvre.

Nous savons que sans la pénitence, le ciel est inacessible. Mortifions-nous notre corps et notre esprit ? Savons-nous expier nos fautes par de vraies privations, de vrais sacrifices ? Prenons-nous des résolutions qui vont s’attaquer à nos vrais défauts, ceux qui font mal ? Apprenons-nous à nos enfants à se grandir par la pénitence ?

Nous savons que le bruit étouffe la voix de Dieu. Avons-nous dans notre vie des moments de silence ? Savons-nous éteindre notre téléphone ? Savons-nous ouvrir un livre plutôt qu’allumer la télévision ? Aurons-nous même le courage de l’éteindre pour toujours ? Apprenons-nous à nos enfants à contempler ? D’abord la nature, la création, puis les oeuvres d’art, pour ensuite mieux les émerveiller de la beauté de Dieu à travers la méditation ?

Nous savons que Dieu aime les petits, les pauvres et les miséreux. Allons-nous frapper à la porte de nos voisins ? Donnons-nous l’aumône ? Parlons-nous de Dieu autour de nous à tous ceux que Dieu met sur notre route ? Apprenons-nous à nos enfants à faire charité, à prier pour les pauvres pécheurs ?

Nous savons que l’autorité est la forme la plus pure de la charité du père de famille envers les siens. Savons-nous reprendre nos enfants quand il le faut ? Savons-nous dire les choses qui doivent être dites, punir ce qui doit être puni dans faiblir ? Ou fermons-nous les yeux sur des choses par manque de force ?

Nous savons que Jésus rougira devant son père de ceux qui ont rougi de lui devant les hommes. Rougissons-nous de Jésus ? Ou savons-nous garder un discours cohérent avec notre conscience et nos principes en toutes circonstances ? Ou faisons-nous partie de ceux qui se disent « ouverts », « gentils », « sensibles » ? Combien d’hommes font des compromis car lassés de passer pour méchant, intégriste, fermé ?

Si nous nous examinons, nous voyons que bien souvent, nous en restons aux mots, aux belles idées, et que dès le premier obstacle, notre volonté s’effrite. Cela car dans le fond, nous manquons de courage. Oui, c’est la vertu qui a disparu de notre siècle. Le courage est mort. La mièvrerie l’a affaibli, le confort l’a amoindri, et le narcissisme, le respect humain, la folie individualiste de notre société décomposée l’a tué. Il n’y a presque plus d’hommes en France, car il n’y a plus de courage.

Il fallait du courage pour suivre Jehanne d’Arc, il fallait du courage pour sortir des tranchées en 1914, il fallait du courage pour suivre Monseigneur Lefebvre, il faut du courage pour suivre le Christ. Alors messieurs, soyons courageux !

Louis d’Henriques