Le Paradis

Tôt ou tard, les parents sont confrontés aux grandes questions de leurs enfants. Parmi elles, une survient souvent : « Papa, c’est quoi le Ciel ? ». Tâche difficile que d’expliquer à de petites intelligences ce que nous-mêmes avons tant de mal à comprendre.

 

Dans sa tête, l’enfant imagine un immense amphithéâtre. Les premières places sont occupées par la Sainte Vierge, saint Joseph, les Apôtres, saint Jean-Baptiste, son saint patron. Ils sont assis, une grande auréole brillant au-dessus du chef, portant dans leur mains les instruments de leur martyr ou symbolisant leur glorification. L’enfant est heureux d’avoir un petit strapontin dans les tribunes les plus simples. Et puis, sur une grande scène qu’il imagine pleine de lumière, entourées de myriades d’anges aux ailes immaculées, le Bon Dieu trône. Difficile de se le représenter. Heureusement, il connaît mieux Jésus. Alors, il le voit avec sa croix, ses plaies, sa couronne de gloire. Il lui sourit.

Ça a l’air bien. Puis, l’enfant fronce les sourcils et pose la question fatidique : « mais on ne va pas s’ennuyer si ça ne finit jamais ? On va rester assis comme ça tout le temps ? ». Déjà, rester assis pendant une heure de catéchisme à l’école avant la récréation est un calvaire, alors une éternité ? Cela laisse songeur.

Et pourtant… On raconte parfois l’histoire d’un moine qui s’interrogeait sur ce qu’était le Paradis. Un jour, après l’office, traversant le cloître, il aperçoit un immense rapace planant dans le ciel. L’oiseau majestueux vole, dessinant sur les nuées de longues boucles apaisées. Le moine contemple l’oiseau. Pendant ce qui lui semble un instant, le temps s’arrête. Soudain, l’oiseau disparaît. Reprenant ses esprits, le moine redescend sur terre. Mais les visages lui sont étrangers. Il y a toujours des moines, mais il n’en reconnaît pas un seul. Il questionne ses frères inconnus, et comprend que deux siècles avaient passées en un instant.

 

Alors, qu’est-ce que le Paradis ? Que répondre à l’enfant qui nous questionne ? Comment lui donner envie de tout donner, à chaque seconde de sa vie, pour y être un jour ? Comment lui donner envie d’être au premier rang et pas sur un petit strapontin au fond ?

Le Vrai, le Bon, le Beau.

 

D’abord la Vérité. Les yeux de l’enfant pétillent de joie quand nous lui révélons quelque chose de vrai, quand nous lui expliquons une vérité qu’il ignorait jusque-là. Il se sent changé et grandi. Au Paradis, il connaîtra Dieu autant que la nature humaine le permet. De façon inimaginable certes, mais déjà sur terre, il goûte à la joie de connaître. Les choses de la terre, mais plus encore, les choses du Ciel. Tous, un jour, nous avons >>> >>> soudainement compris une vérité du catéchisme que nous connaissions auparavant sans vraiment la connaître. Quel don cela fut ! Petit aperçu des torrents de vérités qui nous abreuveront au Paradis.

 

Puis la Bonté. Qui n’a jamais surpris une fois son fils ou sa fille offrir un petit sacrifice de carême, mais cette fois, sans le dire à papa ou maman ? Un petit cadeau offert à Dieu seul, dans le secret de l’âme. Un acte bon et gratuit. L’enfant goûte alors au délice de la Charité. Comme il se sent heureux d’avoir donné ! Au Paradis, il se donnera tout entier à Dieu, à chaque instant, don totalement pur. Dieu, en retour, se donnera à l’âme aimée, dans une relation de charité qu’aucun cœur humain ne peut sonder. Le petit sacrifice offert en secret donne un avant-goût de ce que sera le Paradis.

 

Enfin vient la Beauté. Elle couronne la vérité et l’amour. Certains enfants y sont plus sensibles que d’autres. L’un remarquera aussitôt le feu du ciel au couchant, les couleurs vives d’un papillon ou encore l’éclat de lune tranchant les ténèbres la nuit. D’autres devront être guidés pour contempler. Mais tous, nous devrions apprendre à s’émerveiller et l’apprendre à nos enfants. En effet, pour véritablement comprendre ce que sera le Paradis, il peut être bon de savoir contempler les perfections de la Création d’abord. Elles entraînent à contempler ensuite les perfections de la Foi qui sont les prémices de celles du Paradis. L’enfant qui sait s’émerveiller comprendra mieux la promesse du Paradis. Alors il voudra y aller vite. Comme il pousse ses frères et sœurs pour mieux voir le lièvre qui détale au bout du champ, il se fera violence pour ne pas juste avoir un petit strapontin, mais s’asseoir peut-être à côté de son saint patron, au plus près de Dieu.

 

Alors, à la question de l’enfant « Papa, c’est comment le Ciel avec le Bon Dieu ? » Il faut répondre : « rappelle-toi la joie que tu as quand tu découvres et comprends quelque chose de vrai. Souviens-toi du bonheur que tu as quand tu aimes et te sais aimé, quand tu donnes et offres un petit bout de toi-même. Enfin, remémore-toi quand tu as vu la plus belle chose de ta vie, quel émerveillement cela fut. Réunis tout cela à la fois, et multiplie-le à l’infini du Bon Dieu, alors tu imagineras mieux le Paradis. Le Paradis c’est tout cela en même temps, plus fort que tout ce que tu peux imaginer et sans que jamais cela ne s’arrête. Veux-tu y aller ? »

Il est important que nos enfants aient un profond désir d’aller au Paradis, que cela ne soit pas juste une vague idée, non, mais un vrai but dans la vie. Ainsi, ils emprunteront plus facilement le « chemin du Ciel » fait de croix et de renoncements.

Ce désir peut naître et se nourrir de l’éveil au Beau, la Beauté étant tout simplement le reflet de Dieu. En contemplant la beauté des petites choses que le Bon Dieu glisse autour de nous, nous pouvons apprendre à mieux contempler la crèche et la croix, le baptême et le martyr, la pénitence et la vertu.

« Alors mon fils, veux-tu aller au Paradis ? »

« Oh oui, je le veux, tout devant ! »

 

Louis d’Henriques