Scènes de ménage

« Il n’a pas levé le petit doigt pour l’aider ! »

 

           Anne est particulièrement énervée, elle vient de faire un gros marché, et son mari Vincent l’a laissée vider seule le coffre de la voiture pourtant bien plein, sans offrir spontanément son aide ! Seulement, Anne n’a rien demandé à Vincent et c’est bien dommage car cela l’empêche d’avoir recours à une des grandes ressources dont peuvent disposer les femmes : un appel au sentiment chevaleresque qui repose au fond du cœur de la plupart des hommes… C’est toujours un merveilleux cadeau d’avoir un mari attentif aux besoins de son épouse en venant toujours spontanément à son aide. Mais on ne peut pas non plus toujours exiger un mari constamment à l’affut… Vincent est souvent touché dès qu’Anne lui dit combien elle a besoin de lui, et si elle lui avait dit « Chéri, s’il te plaît, peux-tu m’aider à porter ces sacs si lourds ? » bien sûr qu’il l’aurait fait ! Il ne s’agit pas là de feindre la fatigue pour « manipuler » Vincent, mais de faire preuve d’un peu de simplicité. La plupart des hommes, au fond d’eux-mêmes, sont serviables.

Malheureusement, l’attitude hostile de certaines femmes a beaucoup nuit à l’expression de ce noble trait masculin. Bien des hommes ont éprouvé le mordant de la compétition féminine et en ont conclu que, si les femmes doivent prendre les vices masculins (l’agressivité, la brutalité ou la rudesse), une conduite chevaleresque à leur égard perd tout son sens… Alors, mesdames, n’hésitez pas à gentiment faire appel à l’assistance dévouée de vos maris !

« Elle laisse aller sa toilette à la maison »

   Voici Hélène qui, durant ses fiançailles, passait beaucoup de temps devant son miroir afin d’être la plus jolie possible pour son fiancé.

A présent qu’elle est mariée, elle s’habille n’importe comment lorsqu’elle est chez elle, mais fait beaucoup d’efforts pour être attirante quand elle sort.

Saint François de Sales recommande bien aux femmes pieuses d’être convenablement apprêtées, mais cela ne signifie pas qu’elles doivent être esclaves de la mode ou en fassent trop. Il y a une façon de s’habiller qui peut être attrayante, voire élégante, mais en même temps simple et modeste. Et puis, il ne faudrait pas ne soigner son apparence que pour les invités ou les personnes que l’on voit à l’extérieur, et se laisser aller lorsqu’on est seule avec son mari !

Dès qu’on est marié, chacun devrait s’efforcer de se montrer toujours sous le meilleur jour, tant physiquement que spirituellement. Je connais une maman qui prend le temps de se recoiffer chaque soir avant le retour de son mari… Même les maris qui, avec le temps, finissent aussi par se laisser souvent un peu aller dans leur tenue ou leur comportement. Cette délicatesse que l’on se doit l’un à l’autre doit durer toute la vie !

« Ça le rend furieux quand je dis « toujours » … »

   Tout allait bien, quand soudain Laurence a tout bouleversé avec ce mot qui paraît bien anodin, mais qui, en réalité, est explosif : « toujours ». On peut l’utiliser à propos de choses sans importance, « Tu laisses toujours traîner tes clés ! » ou l’employer à l’occasion de reproches plus graves, « Tu veux toujours qu’on aille chez tes parents plutôt que chez les miens ! ».

Et, comme son jumeau « jamais », « toujours » cause toujours des problèmes ! Pourquoi Laurence dit-elle « toujours » alors qu’en réalité elle veut dire souvent ou parfois ? Elle ne reconnaît donc pas que Michel fait souvent ce qu’il faut sans qu’elle s’en aperçoive, ou qu’il a du moins courageusement essayé de se corriger, mais sans y parvenir complètement.

Comme nous sommes prompts à reconnaître les défaites, mais non les victoires ! En insistant ainsi sur les échecs, Laurence décourage Michel, surtout s’il s’agit de choses sérieuses. Proclamer haut et fort que Michel retombe toujours dans une faiblesse, alors qu’en réalité il fait peut-être tout son possible pour l’éviter, peut l’amener à une terrible conclusion : « Que j’essaye ou non de m’améliorer, ça ne fait aucune différence pour Laurence. J’abandonne ! »

Il est bien plus affectueux d’éviter de manifester sa contrariété, ou au moins, de remercier Michel des réels progrès qu’il a accomplis : « Tu as si gentiment veillé à ranger tes clés ces derniers temps, que je suis surprise, ce matin, de les retrouver dans le salon ! ».

Cette remarque empreinte de reconnaissance, enlève la note glaciale d’un jugement.

L’affection doit sans cesse guider nos paroles et nos comportements en ménage, afin que nos différences ne deviennent pas des obstacles mais au contraire, qu’elles nous aident sur la voie de la perfection.

             Sophie de Lédinghen

 

 

 

Epoux unis ?

           Autour du mariage fleurissent un tas d’idées fausses. Les unes sont sombres, les autres colorées de rose ou de bleu d’azur… Il y a les faux sages, qui affirment que l’on se marie pour se « faire une fin », ou les faux résignés qui n’osent plus croire au bonheur et se replient sur eux-mêmes, ou encore les esprits pénétrés d’illusion (féminins surtout) pour qui le mariage est la fin des problèmes, le bonheur assuré ! Bref, d’un côté le mariage est un enfer, de l’autre c’est le paradis. Pour mettre tout le monde d’accord, on décrète enfin qu’il est une loterie. Cela explique tout !

Derrière ces jugements simplistes, les hommes n’en finissent pas de désirer le bonheur et de se tromper sur lui, parce qu’ils refusent d’accepter leur condition d’hommes, de tenir compte du péché et de leurs limites. Or le bonheur n’est pas un état, c’est une conquête. On ne le reçoit pas tout fait, on le fait soi-même. Sur la terre il n’est jamais pur car toujours mêlé de souffrance.

Alors, me direz-vous, cela n’existe donc pas, les foyers heureux ?

Les foyers heureux ne sont pas ceux que le deuil, les maladies, les difficultés matérielles, l’échec ne visitent jamais. Ce sont ceux où les époux sont bien accordés, ceux qui ne sont pas rongés par le doute mutuel, la tentation ; ceux où l’amour se fortifie et s’épanouit au long des jours, dans le pire comme dans le meilleur.

Reste que les époux ont chacun un passé différent qui les a modelés à sa façon, qu’ils ne parlent pas le même langage en se servant pourtant des mêmes mots ; qu’ils portent en eux des différences de tempérament entre lesquels l’harmonie n’est pas toujours aisée. Il est inévitable que chaque époux souffre par l’autre et fasse souffrir l’autre. Cela pourrait aboutir à des incompréhensions, ou crises graves de sentiment de solitude, alors que l’on vit sous le même toit, si un effort commun n’était pas entrepris pour réduire les oppositions de caractère, les équivoques de vocabulaire, pour accorder deux intelligences différentes, deux sensibilités inégales. Cet effort demande de l’attention, de la souplesse, de la patience, du courage… L’amour, croit-on, rend tout facile, mais c’est le mariage qui donne surtout les grâces, la force d’entamer cette lutte contre soi pour « retrouver l’autre ». Cette lutte est une vraie lutte ! On peut vraiment dire que l’amour conjugal est une mort à soi-même dont le combat durera probablement toute notre vie, et qui permet à notre amour de se transformer en charité. Aucun foyer n’échappe à cette loi de dépouillement : il n’y a pas d’union harmonieuse sans efforts onéreux !

Il y aura toujours assez de différences entre un homme et une femme pour les diviser, à moins que, par beaucoup d’humilité, de générosité, ils veuillent éviter que les désaccords superficiels ne fassent germer au fond de leurs cœurs une désunion mortelle. Qu’ils sachent rire l’un de l’autre et d’eux-mêmes : le rire est l’ennemi des venins cachés et des rancunes. L’humour, en allégeant l’atmosphère, est l’allié de l’amour. S’il ne détruit pas la souffrance, il l’apaise et l’empêche de devenir l’obstacle qui sépare sournoisement les âmes.

C’est au milieu de la vie, alors qu’on a réussi à aplanir depuis longtemps les premières difficultés, que l’égoïsme, prenant de nouveaux visages, risque de séparer, même à leur insu, les époux les plus unis. Il convient d’être vigilant, et de prier. Toute baisse de vie intérieure a sa répercussion immédiate au foyer. Seul le Sacrifice de la Messe peut donner cet esprit de sacrifice. Le mariage s’enracine, comme tous les sacrements, dans la Messe.

La muraille de nos complaisances, de notre mollesse, de notre ambition tente inlassablement de se reconstruire en nous…et une certaine fatigue y sert de mortier. Nous avons alors tendance à nous enfermer dans une sorte de prison intérieure. C’est le grand péril de l’âge mûr ! Certes les bonnes habitudes de prévenance, délicatesse, estime mutuelle sont prises, mais il n’est pas besoin de scènes violentes ni d’éloignement marqué pour que l’union cesse d’être vivante et profonde.

L’âge mûr est l’âge de l’ambition. L’homme qui se donne tout entier à son métier, à ses affaires, dans quelle mesure ne se cherche-t-il pas lui-même ? Et si son foyer souffre de ses absences de plus en plus longues, si sa femme le sent de plus en plus distrait, absorbé, nerveux, ne lui reproche-t-elle pas son égoïsme ? « Toi, tu ne penses qu’à tes enfants » lui rétorquera son mari agacé. Égoïsme aussi de ceux qui parlent toujours et ne savent plus écouter, égoïsme surtout de ceux qui se taisent et ne font plus l’effort de sortir d’eux-mêmes et de faire partager leurs idées ou sentiments. Les époux trop accaparés chacun par leurs responsabilités, trop « habitués l’un à l’autre » pour se mettre en frais l’un pour l’autre, risquent de mener deux vies parallèles et de ne plus jamais se rencontrer. Ils paraissent unis, et les voilà devenus des étrangers. On a désappris le sacrifice, qui, sous une forme ou sous une autre est tous les jours nécessaire. On veut préserver sa liberté ? Jusqu’où cela peut-il mener si une tentation venait à se présenter ?

Le plus attristant est de se rendre imperméable au regard de l’autre : les traits mêmes du visage de l’époux, les détails de son caractère nous deviennent imperceptibles. À force de vivre près de lui, nous ne distinguons plus rien de lui. Le simple jeu de l’habitude renforce ainsi la malfaisance de l’égoïsme et engendre la solitude.

C’est à l’approche de la vieillesse que cette opacité, fruit du péché, s’épaissit, si l’âme a manqué de générosité, si elle s’est dérobée aux souffrances légitimes qui purifient, qui maintiennent intacte la faculté d’accueil et de don. Heureux sont ceux qui ont su triompher de l’épreuve et de l’usure du quotidien ; ils n’ont pas laissé s’effacer l’image qui avait ébloui leur jeunesse ; ils ont gardé ce besoin d’admirer, cette faim de découverte qui les jetaient jadis l’un vers l’autre. C’est l’âme, et l’âme seule qu’ils s’appliquent à saisir à présent. Heureux ceux qui ont gardé assez de souplesse pour suivre l’autre dans ses transformations, pour marcher du même pas, vers le même but.

Dans les foyers unis, c’est-à-dire qui ont su souffrir pour leur bonheur, on s’aime beaucoup plus aux derniers jours qu’au début de la vie commune. Le foyer heureux et uni est celui où l’ascension au-delà de soi-même a été entreprise d’un même cœur par les deux époux et poursuivie dans l’héroïsme de la foi.

Sophie de Lédinghen 

 

 

 

S’aimer pour l’amour de Dieu

           « C’est par la qualité du cœur que nous valons, non par une sensibilité de surface, mais par l’aptitude à un grand amour, désintéressé, pur et fidèle. C’est là ce qui nous permet de dépasser l’égoïsme, c’est là ce qui nous introduit à une vie supérieure, c’est là ce qui finalement nous accorde à Dieu. »

Oh comme nous devrions faire nôtre cette belle pensée de Madeleine Daniélou !

Depuis le baptême, notre âme a soif de grandeur, elle aspire à Dieu et à tout ce qui lui ressemble…recherchant la perfection qu’elle s’efforce d’imiter à sa petite mesure. « La grandeur de l’âme consiste dans sa vertu » nous dit saint Augustin. Oui, c’est bien en travaillant les vertus chrétiennes que nous tendrons le mieux vers cet idéal, que nous deviendrons des saints pour l’amour de Dieu !

Dans le mariage, si notre amour mutuel est pur, loyal, si chacun se retrouve riche des beautés de l’autre, ajoutées aux siennes, vivant pour Dieu, alors cet amour ne sera pas de ceux qui périssent ! « Nous avons beaucoup à faire ensemble. Je crois fermement que c’est ensemble que nous arriverons à une meilleure connaissance de Dieu, et à vivre mieux dans son amour… J’ai demandé à Jésus de faire de notre foyer un Béthanie où il vivrait en ami au milieu de nous. Et je sais que déjà il aime notre foyer et veut nous réunir » écrivait le jeune Gérard de Cathelineau à sa fiancée. Forts de cette vie « ensemble », ne sommes-nous pas prêts librement, totalement, à concevoir cette vie commune sous la forme la plus sainte, la plus sacrifiée ?

Cela commence par une grande confiance car nous avons foi en le guide choisi : Notre-Seigneur. Ainsi, dès le départ nous acceptons les épreuves, les souffrances, tout ce qu’il a déjà prévu pour nous… et même la mort que nous ne craignons pas.

Notre amour est désintéressé, il ne pense qu’au bien de notre conjoint, gratuitement, quels qu’en soient les avantages, les honneurs, les conséquences. Il n’est ni envieux, ni critique, ni indélicat que ce soit en pensée, en parole ou en acte !

 « Affection qui trouve parfois chez nous tant d’écho de reconnaissance, de respect, d’élan, de retenue admirable et franche… 1»

Dans la vie de tous les jours, nous travaillerons notre volonté en ayant le goût du difficile (parce qu’il sanctifie davantage), la maîtrise des passions, la générosité d’âme en rendant les choses difficiles, aimables, désirables, leur ôtant leur austérité. Rien n’est plus beau que d’accomplir ces choses difficiles avec élégance et sans retour sur soi-même : aucune vulgarité, rancune, arrière-pensée…un don de soi total.

Qui dit don total, dit capacité d’un entier pardon. Il est parfois bien difficile de se montrer magnanime, et celui qui l’est véritablement, pardonne sans aucune aigreur intérieure, il excuse ceux qui le peinent avec compréhension. Les êtres capables de pardon sont vraiment des pacifiques ! Et le pardon, quand il est entier, purifie l’atmosphère, redécouvre les êtres, recrée la tendresse…N’oublions pas non plus la grandeur de celui qui se tait alors qu’on l’accuse injustement ou interprète faussement une attitude ou une parole. On pourrait l’accuser d’être lâche…Jésus a-t-il été lâche en ne répondant pas à Hérode ?! Traitons de même notre époux ainsi que tout notre entourage, et souvenons-nous que Dieu aura envers nous cette même mesure que nous aurons eue envers les autres.

Cet amour conjugal, que nous protégeons comme un trésor, nous ne pourrons le garder pour nous, tout naturellement il rayonnera dans notre famille, car il est communicatif ! Nos enfants seront imprégnés par la joie, et l’entente paisible et généreuse de leurs parents.

Amour fait de communion de pensée, de dévouement, d’harmonie, de compréhension, de prières ferventes et confiantes, d’une tendre affection qui ne cherchent qu’à se conformer au plan de Dieu.

« Nous serons riches d’amour, de générosité, de gaieté, nous aurons table ouverte à qui cognera, nous serons vraiment dans le royaume, le nôtre, et ce sera aussi le domaine de Dieu…1»

Ainsi comme toujours celui qui donne de la joie a plus de bonheur que celui qui en reçoit !

Inévitablement, cet amour conjugal vécu dans l’amour de Dieu rayonnera aussi à l’extérieur de notre foyer, répandant une joie paisible, entraînant par un exemple non ostentatoire et pur de tout orgueil ou intérêt personnel.

« Il y a l’apostolat par l’action, par la souffrance, par la prière. Il y a aussi l’amour des époux qui est, en soi, un apostolat. Mais il faut que ce soit un authentique amour. » (François Varillon)

Soyons assurés, par ailleurs, que cet apostolat aura de profondes répercussions sur notre vie intérieure elle-même, mais aussi sur notre vie conjugale et personnelle. Il nous incitera à un très grand effort de sanctification. Il nous formera à la patience, au détachement, à l’amour pur du prochain. Il nous apportera aussi les grandes et petites croix sans lesquelles une union vraiment intime avec Notre-Seigneur ne serait guère possible ! Ainsi le mariage est vraiment un entrainement réciproque à la sainteté.

Si les époux poursuivent côte à côte le même idéal, une harmonie parfaitement accordée émanera de leur vie tout entière. Le mariage est une chose si simple, si belle quand il y a union d’amitié…accord des volontés et des intelligences…quand deux cœurs tendent vers un même but, Dieu seul !

S. de Lédinghen

1 « Un officier français, Gérard de Cathelineau » Michel Gasnier, op (Nouvelles Editions Latines)

 

Fidélité à nos bons choix de départ

           Souvenons-nous du temps de nos fiançailles, de ce qui nous avait attiré l’un vers l’autre, de ce que nous partagions, de nos projets d’avenir… que de conversations alors ! Nous étions toujours d’accord et riions ensemble de nous rejoindre en tous points ce qui renforçait en nous cette conviction : nous étions faits l’un pour l’autre ! Dans un désir commun nous avions tracé nos choix de vie, désirant plus que tout un foyer chrétien saint et solide.

Avec le temps nous nous sommes aperçus que cela n’était pas si simple et que nos avis divergeaient de plus en plus fréquemment, surtout avec la venue des enfants. Il nous arrive même de nous enferrer chacun dans notre opinion et de ne plus nous adresser la parole, attendant chacun que l’autre se rallie à notre point de vue… ! Nos enfants sont témoins de ces divergences et éclats de voix, ce qui nous rend bien sûr malheureux. Petit à petit, sans vraiment en prendre conscience, nous nous sommes éloignés de nos choix de départ, préférant des sentiers moins escarpés et abrupts ! Ne sommes-nous pas en train de nous éloigner l’un de l’autre ? De dévier de nos projets initiaux ? Quel avenir pour notre famille ? Qu’avons-nous fait pour en arriver là ? Comment y remédier ?

Même si notre mariage est bâti sur un idéal commun nourri d’une vie de prière, il arrive que l’on s’essouffle et que peu à peu, sournoisement, un certain relâchement laisse infiltrer au sein de notre foyer une tendance à une sorte de confort moral ou matériel qui ouvre la porte à une plus grande importance de notre « moi », au détriment de nos résolutions d’époux catholiques. Ainsi la concupiscence qui demeure en notre âme blessée par le péché originel fait surface et nous pousse à une recherche de satisfactions personnelles en tous genres (modes, paresses, matérialisme, facilité…) au détriment d’un renoncement à nous-même indispensable à l’unité de notre ménage. Nous devenons peu à peu deux égoïstes, fermés à l’avis de l’autre pour un triomphe personnel non négociable ! Immanquablement nos bonnes résolutions de départ se sont amollies. Il faut bien reconnaître que notre environnement est source de multiples tentations : des amis proches ont acheté une magnifique maison ultra moderne et confortable qui vous fait rêver…facile, me direz-vous, leurs enfants sont scolarisés à l’école publique… ! Votre voisine passe son temps en dehors de chez elle pour tout un tas de raisons futiles mais si agréables… oui, et son mari se plaint à qui veut l’entendre que sa maison n’est pas entretenue et que toutes ses chemises sont à repasser ! En recherchant une information sur internet vous êtes tombé sur de nouvelles vidéos très intéressantes sur l’éducation des adolescents… oui, mais depuis vous passez un temps fou chaque jour à regarder des vidéos (quand ce ne sont pas des films entiers !) qui n’ont absolument rien à voir avec vos centres d’intérêt, et votre devoir d’état et vie de famille en pâtissent sérieusement !

 Alors, comment éviter l’écueils de ces divergences entre nous ? De ces choix de départ que nous ne sommes pas capables de tenir, même ensemble ?

Dans la construction de notre foyer, comme dans celui d’un bel édifice, les fondations, qui se font pendant la période des fiançailles, sont primordiales ! C’est là qu’il faut tout mettre à plat dans de nombreuses, longues et saintes conversations qui seront constamment orientées vers le bien supérieur de notre future famille.

Nous sommes d’accord sur le but à atteindre : notre sanctification mutuelle et celle des âmes que le bon Dieu voudra bien nous confier. Et nous décidons ensemble des moyens que nous voulons prendre pour y parvenir : vie de prière, lieu de messe, famille nombreuse si possible, écoles catholiques, lieu de vie, style de vie, activités généreuses et formatrices pour nous et nos enfants, partage entre nos deux familles pour les fêtes et vacances, épouse au foyer autant que faire se peut, nos amis, etc. C’est dans cette période que l’on apprend à se confier, à tout se dire dans un respect et une confiance mutuels tendant à une pensée commune quoi qu’ayant des personnalités différentes. Se parler, beaucoup se parler est capital pour se connaître mais aussi mettre au point nos choix, même parfois pour des évidences, et partager la joie d’être à l’unisson !

Ces habitudes de décisions communes perdureront naturellement, entretiendront entre nous une cohésion qui facilitera la fermeté dans nos choix de départ. Bien sûr, nous aurons parfois des divergences que nous analyserons ensemble avec respect de l’autre et bonne foi : ce qu’il y a de mieux n’est pas toujours ce que je préfère ! Garder le cap donné demande de la volonté et parfois des efforts courageux !

Nous savons qu’une des grandes conditions de la bonne éducation des enfants est l’unité des parents ; les enfants sentent particulièrement la force et la tendresse des liens qui unissent leur père et leur mère. Déjà tout petits nos enfants essayent de profiter de la moindre apparence de divergence entre papa et maman pour y faufiler, en diplomates avisés, leur petite volonté et leurs caprices. Nous connaissons tous, hélas, des foyers où toute éducation véritable est ruinée par le manque d’accord profond entre les parents.

Bien souvent, sur des sujets sans importance, notre amour l’un pour l’autre nous poussera à céder pour faire plaisir. Aimer son époux ou son épouse ne peut se faire sans renoncement dans un bel oubli de soi. Une fois ce sera l’un qui capitulera…et la fois suivante ce sera l’autre ! Et s’il y a divergence pour les sujets graves, nous prendrons le temps d’en discuter à l’avance, calmement, en ne prenant qu’un sujet à la fois. Nous déciderons de repousser la décision à plus tard si nous ne sommes pas encore prêts à nous mettre d’accord, le temps de réfléchir et de nous recueillir dans une prière commune, une neuvaine, une messe…  Ne perdons jamais de vue que nous nous sommes donnés l’un à l’autre pour faire de notre vie commune une sanctification mutuelle, travaillant sur cette terre au règne de NSJC. Si toutes nos décisions se font sous ce regard, nul doute que le Saint-Esprit guidera nos âmes et nos foyers ! Profitons bien de ce temps de carême pour redéfinir ce qu’il y a de meilleur pour la sanctification de notre famille…courage !

Sophie de  Lédinghen

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pourquoi tant souffrir

Tout au long de notre vie sur la terre, la souffrance se montre une compagne bien fidèle qui revêt des aspects ô combien variables ! Tantôt morale, elle nous ronge et nous obsède…lorsqu’elle devient physique, la voilà accablante, lancinante ! Pourquoi toujours souffrir ? Pourquoi tant souffrir ?!…

Généralement contraire à notre volonté, la souffrance nous répulse et parfois même nous révolte. Notre nature humaine la rejette, et pourtant, lorsque nous nous tournons vers Notre-Seigneur, nous voyons combien l’exemple de sa vie nous encourage à accepter la souffrance et les épreuves quotidiennement ! C’est que, depuis le péché originel, tout homme doit payer le tribut de sa dette envers Dieu « à la sueur de son front », souffrant peines, afflictions, maladies et mort… cependant nous oublions trop souvent que toutes ces épreuves sont aussi, par la douce miséricorde de Dieu, des échelons pour monter au ciel !

La vie en société, surtout si celle-ci rejette Dieu et nous contraint d’avancer à contre-courant pour garder, quoi qu’il nous en coûte, les valeurs de l’Eglise Catholique enseignées par Notre-Seigneur Lui-même, est source de grandes douleurs morales, on peut même parler d’une forme de persécution morale. Mais Dieu, par ses grâces, soutient les âmes fidèles et fortifie ceux qui luttent pour son règne. De qui aurions-nous crainte en dépit d’une douleur de l’âme que tous ces combats blessent ?!

Notre vie de famille elle-même, est faite de croix à porter : mariage malheureux, absence d’enfants, handicap, maladies, chômage, accidents, vieillesse, deuils…ou encore : critiques, déceptions, conflits, jalousies, injustices… que d’imprévus parfois, d’épreuves qui divisent les familles !

Et notre vie d’époux n’est, elle aussi, guère épargnée par toutes sortes de souffrances : éducation des enfants, désaccords, incompréhensions, égoïsmes, irresponsabilités, célibat géographique, privations, pauvreté, éloignement moral ou physique, défauts, intolérances, enfants qui s’égarent, beaux-parents envahissants ou exigeants…

Toutes ces souffrances sont des croix qui peuvent être infiniment lourdes à porter, et pourtant Dieu les a voulues pour nous, Il aime éprouver notre amour pour Lui, qui a souffert jusqu’à la mort pour le salut de chacun d’entre nous ! Savons-nous que chacune de nos croix est à la mesure de nos capacités à les supporter ? Savons-nous que Dieu éprouve ceux qu’Il aime, mais jamais au-delà du possible ? Sommes-nous capables, lorsqu’à notre tour notre « âme est triste à en mourir », de tenir compagnie à Jésus dans son Agonie : « non ma volonté, Seigneur, mais la vôtre » ?! 

Certaines souffrances sont des plaies à l’âme ! Je pense notamment aux époux qui ne voient pas venir d’enfants dans leur foyer. Cette douleur morale peut devenir physique, et l’on voit souvent de jeunes foyers se replier sur leur épreuve, fuir les autres comme s’ils avaient honte, parfois même ne plus supporter de voir « les enfants des autres » ! Si Dieu a permis cela pour eux, Il n’a pas voulu la tristesse au point de dépérir, Lui qui ne veut que notre bien. Il a peut-être vu des âmes fortes, capables de supporter plus que d’autres par amour pour Lui, et Il leur demande cette preuve de leur fidélité « pour le meilleur et pour le pire ». Que répondre à cela ? « Non Seigneur, je refuse ! C’est beaucoup trop pour moi, je le sais mieux que Vous » ?  

Parfois le bon Dieu attend tout simplement, de notre part, une démarche, un abandon généreux, une soumission dans une belle humilité qui Lui montre notre confiance en Lui, et surtout que nous sommes prêts à tout pour l’amour de Lui !  « Non ma volonté, Seigneur, mais la vôtre ! »

C’est alors que le cœur s’ouvre, et offre sa blessure, sa faiblesse, sa croix et même sa personne toute entière ! Et Dieu récompense car il tient enfin sa preuve d’amour. Le secours doit venir d’en haut, et il faut parfois descendre très bas pour l’obtenir !

Il arrive aussi que la Providence, par le moyen d’une épreuve, essaie de nous faire comprendre un message : une décision à prendre, un changement de vie…et moins nous comprenons, plus l’épreuve s’alourdit…jusqu’à l’heureux jour où, grâce à nos prières et demandes suppliantes, les « écailles nous tombent des yeux » ! Ne perdons jamais espoir, livrons-nous sans retenue à la volonté divine qui, au moment opportun, éclairera nos âmes aveuglées.

Entre époux, la plupart du temps, l’épreuve doit se porter à deux, avec douceur et patience. Lorsque l’un fléchit, se décourage, aussitôt l’autre montre sa force morale et la transmet. Quelle grâce, n’est ce pas, de pouvoir tout porter à deux, les joies comme les difficultés ! Alors, ne pesons pas l’un sur l’autre, essayons de faire front pour pousser l’autre à la générosité, à l’abandon entre les mains de la Providence. Soyons comme Marie, debout au pied de la Croix, forts et confiants !

Parfois, au cœur de la tourmente, nous voilà incapables d’offrir. Nos sentiments ont pris le pas sur notre raison et tout juste si nous tournons nos regards vers le crucifix ! Seigneur que nous sommes faibles et petits alors que nos pensées devraient voler vers Vous lorsque la vague nous submerge ! Petit grain de blé du bon Dieu, laissons-nous alors moudre à Son grand moulin d’amour, avec humilité. Que notre souffrance ne soit pas vaine, qu’elle soit au moins un don de nous-mêmes. « Le Seigneur vient s’unir à l’âme qui se renonce et ne craint pas de « perdre de son droit en beaucoup de circonstances » ». C’est lorsque la croix est enfin acceptée, aimée, qu’elle devient suave et fructueuse.

Chers époux, qui portez et aurez encore de nouvelles croix à porter, ne refusez rien à Dieu, ne refusez rien de Lui, et prenez courage sans vous inquiéter du lendemain. Priez ensemble aujourd’hui afin d’offrir déjà les peines à venir et amassez les grâces nécessaires pour y faire face le moment venu. Dieu n’abandonne jamais personne ! Préparez vos enfants à l’épreuve par des petits sacrifices offerts chaque jour. Se tourner vers la croix et l’embrasser doit être leur prière en toute circonstance. Enfin, félicitez-vous d’aider Jésus à porter sa croix, porte royale pour entrer au temple de la sainteté !

Sophie de Lédinghen