Aimer son enfant, la pierre angulaire

           Dès la naissance, un enfant est extrêmement sensible aux émotions. Il n’a aucune connaissance ; sa façon de communiquer avec le monde se fait en fonction de ses sentiments : se sent-il rassuré, inquiet, rejeté… ? L’état émotif d’un enfant détermine ainsi sa perception du monde, de ses parents, de son foyer et de lui-même.

  S’il voit son monde qui le rejette, qui ne l’aime pas, qui ne s’occupe pas de lui, il deviendra angoissé. Cette angoisse pourra nuire à un développement normal de son langage, de son comportement, à sa capacité de communiquer et d’apprendre. C’est pourquoi, à travers ses attitudes, très rarement verbalement, et pour être rassuré, un enfant demande sans cesse à ses parents « M’aimez-vous ? »

  Si j’aime mon enfant pour ce qu’il est, lui, un enfant avec ses défauts d’enfants, quoi qu’il arrive et de façon inconditionnelle, la réponse à sa question sera « oui » et l’enfant grandira confiant, se sentant sécurisé.

Si je lui manifeste cette affection seulement lorsqu’il me satisfait ou me rend fière de lui, ou seulement si j’en ai envie, ou encore parce que je veux obtenir quelque chose de lui, une exigence, une attente, alors il ne sera pas certain de mes sentiments et se sentira incompétent car, pour lui, inutile de faire de son mieux, cela ne sera pas pris en compte, et il se trouvera dans un état d’anxiété, d’insécurité et de manque d’estime de lui.

  Étant donné qu’un enfant nous pose la question « M’aimez-vous ? » par sa conduite (un besoin de plus d’affection, ou plus de discipline, ou plus de compréhension…), nous lui donnerons réponse par notre conduite. C’est à travers elle que l’enfant voit si nous l’aimons. Nous transmettons à notre enfant notre amour par notre attitude à son égard, par ce que nous disons, par ce que nous faisons.

Il faut comprendre que l’enfant a un « réservoir émotionnel ». Les besoins émotifs de chaque enfant varient selon qu’ils sont « comblés » ou non (à travers l’affection, la discipline, la compréhension, etc…), et cela influence le reste de sa vie. D’abord comment il se sent : s’il est content, fâché, déprimé ou joyeux. Puis cela influencera sa conduite : désobéissant, pleurnicheur, guilleret, effacé, enjoué… Évidemment plus son réservoir sera plein, plus ses sentiments seront positifs et meilleure sera sa conduite. Il n’y a que nous, ses parents, qui pouvons garder ce réservoir plein !

  Voici un jeune Vincent de sept ans, troisième enfant d’une famille de huit. Depuis toujours, quoi qu’il soit également fonceur et intrépide, sa maman a remarqué qu’il a une sensibilité plutôt tactile. Mais voici que depuis quelque temps elle le trouve « collant », la suivant dans toutes les pièces de la maison, et la saoulant de ses histoires sans fin ! Le soir, il la serre dans ses bras à n’en plus la lâcher lorsqu’elle vient l’embrasser dans son lit, le matin il se met contre elle comme pour obtenir un câlin alors qu’elle est occupée avec le petit dernier… Bref, Vincent devient étouffant ! Un peu inquiète, sa maman se dit avec son mari que cet enfant a besoin d’être un peu « virilisé » ; elle devient alors un peu plus rude avec lui, l’envoyant gentiment jouer dans le jardin ou dans sa chambre dès qu’il arrive dans la pièce où elle se trouve. Mais cette attitude ne fait qu’augmenter les symptômes d’attachement à sa maman qui, ne sachant comment s’en sortir, finit par s’en ouvrir à un prêtre. « Madame ! Cet enfant est celui qui a le plus besoin de vous ! Gardez-le et occupez-le à ce que vous faites, surtout ne le rejetez pas ! » Ce que fit de bon cœur cette maman bien décidée à aider son Vincent. Si bien qu’au bout de quelques semaines de cuisine, de jardinage, de ménage en tandem avec son fidèle acolyte, elle se rendit compte que Vincent venait de moins en moins la retrouver et qu’il lui disait bonsoir avec beaucoup moins d’effusions physiques ! Vincent avait donc enfin rempli son réservoir !

  Ce n’est que lorsque son réservoir est plein qu’un enfant peut être véritablement heureux, atteindre son potentiel et réagir correctement à la discipline. Un enfant qui se sent aimé est capable de tous les efforts, tous les sacrifices, pour conserver cet amour. S’il en est ainsi dans sa vie naturelle, il en est bien sûr de même dans sa vie spirituelle. Un enfant comblé de l’amour de ses parents, comprend et entretient mieux dans son âme l’amour de son Père du Ciel.

S. de Lédinghen

 

La plupart des parents, et c’est heureux, aiment leurs enfants. Mais, bien souvent, les problèmes viennent de ce qu’ils ne savent pas, ou mal, communiquer leur amour à leurs enfants. C’est le sujet que nous aborderons dans le prochain numéro…

 

Adoption: Les parents qui t’ont donné la vie et tes parents pour toujours:

Cela regarde chacun de se tourner ou non vers l’adoption d’un enfant. Il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir accueillir dans son foyer un enfant conçu par d’autres, avec les risques héréditaires que cela peut supposer, la crainte de ne pas savoir s’y prendre ou de l’aimer comme son propre enfant. Il faut bien le comprendre et ne pas juger ce qui est bon ou ce qui ne l’est pas lorsqu’il s’agit de notre prochain.

 

  Certains époux sans enfant verront dans l’adoption la réalisation du but premier de leur mariage en partageant leur bonheur familial avec un ou plusieurs enfants orphelins ou abandonnés par leurs parents « biologiques », leur offrant la vie de la grâce par le baptême, et la sécurité d’une famille aimante et stable.

 

  Ces familles sont plus nombreuses qu’on pourrait le penser, et poussent même parfois leur générosité en choisissant des enfants malades ou handicapés. Elles ont appris dans la prière, et dans les signes plus ou moins lisibles de la Providence, que cela leur était demandé, et qu’ils auraient les grâces nécessaires pour mener à bien leur belle mission de parents adoptifs. Nous nous contenterons ici de parler de la nécessité de révéler à l’enfant adopté sa véritable situation.

 

  Pour toute adoption, il y a eu abandon, volontaire ou non, et donc une séparation définitive que les enfants adoptés ne peuvent ignorer. Beaucoup de ces enfants n’ont été adoptés qu’après l’âge de deux ou trois ans. Ils ont passé le début de leur vie dans des hôpitaux, des orphelinats ou des institutions, à moins qu’ils n’aient été confiés à une succession de nourrices différentes. Aucun attachement durable n’a pu se faire mais ils ont accumulé des ruptures. D’autres, heureusement, sont adoptés très jeunes, âgés de quelques semaines ou quelques mois, ou n’ont connu qu’une seule nourrice. Aucun attachement durable n’a alors été vécu.

 

  Quand cela est possible, il est préférable que les parents adoptifs qui vont chercher leur enfant (dans la majorité des cas dans un pays étranger) puissent rester sur place quelque temps, pour apprivoiser cet enfant, mieux connaître ses conditions de vie, ses habitudes, sa façon de se nourrir ou de dormir qui peuvent varier selon les civilisations et les cultures. Cela permettra ensuite de mieux comprendre ses réactions.

 

  Dire la vérité à son enfant sur ses origines n’est pas une question d’âge. La psychologue, Bernadette Lemoine*, préconise de le dire déjà au bébé ou tout jeune enfant, avec des paroles affectueuses et rassurantes : « Tu as un papa et une maman qui t’ont donné la vie. Ils ont accepté que ce soit nous qui te fassions grandir. Nous sommes heureux de te donner tout notre amour. Nous sommes ton papa et ta maman pour toujours. » Si le petit entend parler de son adoption depuis son plus jeune âge, il ne se sentira pas trahi ensuite. Quel choc, en revanche, s’il apprend beaucoup plus tard qu’on lui a caché cette vérité. Comment ne pas se sentir blessé lorsqu’on réalise soudain que ses parents ne sont pas les siens !

Quand la psychologue reçoit un enfant adopté, elle lui dit : « Tes parents adoptifs sont là pour t’aimer, pour prendre soin de toi, te permettre de grandir, de devenir adulte et de vivre ta vie très heureux. Tes parents selon le sang t’ont fait le merveilleux cadeau de la vie. Tu peux leur dire merci pour cela, et leur en être reconnaissant. » C’est important pour l’enfant de savoir que ses parents biologiques ont fait beaucoup en lui donnant la vie.

  Plus tard on lui expliquera qu’il n’a pas été abandonné parce qu’il était « mauvais ». Au contraire, parce qu’il a beaucoup de prix, celle qui l’a mis au monde l’a confié à des parents adoptifs. Pour des raisons psychologiques, économiques ou politiques (un pays en guerre par exemple), sa mère a pensé qu’il ne lui serait pas possible de le faire grandir. Elle a accepté de transmettre son « trésor » à un papa et une maman qui lui donnerait tout ce dont il aura besoin pour grandir et être heureux.

 

  Il est fréquent que, dans leur prière familiale, les parents adoptifs fassent une place à ces parents qu’ils ne connaissent pas, mais qui continuent de vivre dans un autre pays. Ils remercient Dieu pour le cadeau qu’ils ont reçu de ces personnes inconnues, ce petit garçon ou cette petite fille qui vit désormais chez eux.

 

  Presque toujours, les enfants adoptés désirent un jour connaître leurs origines. C’est compliqué de vivre sans connaître le début de sa vie, ceux qui nous ont précédés, les maillons de la chaîne à laquelle nous appartenons. Mais il est très difficile de trouver les origines d’un enfant adopté. Certains viennent de pays lointains et l’on ne connaît pas toujours les circonstances de l’abandon. Si l’enfant insiste vraiment, et que cela l’empêche d’aller de l’avant, on peut l’accompagner dans son pays d’origine et lui permettre de connaître la terre où il est né, de se familiariser avec la culture dont il est issu, de voir peut-être l’hôpital ou l’orphelinat dans lequel il a vécu au début de sa vie. Mais inutile de faire cette démarche s’il n’en éprouve aucun besoin. Si ce deuil est fait, si l’enfant se sent bien dans sa famille adoptive, il ne faut surtout pas retourner en arrière. Ce qui est fini est fini !

 

  Sans s’alarmer à l’avance, on sera un peu plus vigilant avec des enfants adoptés puisque ces enfants ont rencontré une difficulté majeure dès le début de leur vie. Par exemple, quand la gestation a été difficile (situation de guerre, dénutrition de la maman, violences conjugales ou abandon de la femme enceinte, etc.) nous savons que ce sont des facteurs de fragilisation pour l’enfant. Son « tissu affectif » est plus fragile et craque plus facilement. Certains d’entre eux sont plus vulnérables que la moyenne des enfants, comme le montre souvent leurs réactions face à l’arrivée d’un nouvel enfant dans la famille (biologique ou non). La peur d’être exclu, la volonté d’avoir en exclusivité l’affection de leurs parents les conduisent à des réactions parfois violentes. Les enfants adoptés ont une conscience plus aiguë de la séparation. Chacune d’entre elles, même normale, ouvre à nouveau une blessure dont la cicatrice reste fragile.

 

  « Dans le mot abandon, il y a aussi le mot « don ». On peut considérer que l’enfant abandonné est un don. La grâce des parents adoptifs, et de tous ceux qui les entourent, est de faire fructifier ce don. » (B. Lemoine)

               S. de Lédinghen

 

 

*Bernadette Lemoine « Maman, ne me quitte pas ! Accompagner l’enfant dans les séparations de la vie » Ed. Saint Paul

 

Il était une fois deux femmes

Qui ne s’étaient jamais rencontrées.

L’une dont tu ne te souviens pas,

L’autre que tu appelles « Maman ».

(…)

La première te donna la vie,

La seconde t’apprit comment la vivre.

L’une te donna ses racines,

L’autre t’offrit son nom.

L’une reçut ton premier sourire,

L’autre sécha tes larmes.

L’une t’offrit en adoption,

C’est tout ce qu’elle pouvait faire pour toi.

L’autre pria pour avoir un enfant,

Et Dieu la mena vers toi.

        (Auteur anonyme)

 

Allo… les enfants?!

           Vous pouvez toujours appeler… vos enfants ne vous entendent pas, ils sont branchés, scotchés, connectés…ou plutôt déconnectés de la vie normale au profit de ce monde fascinant des écrans en tous genres, enfermés dans une bulle dont ils peinent à s’extraire. La liste des troubles générés par ces moyens modernes de prétendue « communication » s’allonge d’année en année : attention, mémoire, isolement, violence, difficulté dans l’expression… Nos enfants sont en danger sur bien des plans : moralité, pornographie, « rencontres », temps perdu, perte des notions de réalité… nous n’avons pas fini de découvrir la nocivité de ces écrans multiples sur cette jeunesse d’autant plus surexposée du fait de l’actuelle période de confinement.

  Les enfants de moins de 10 ans passent en moyenne 4 heures par jour devant les écrans, et les petits de moins de 2 ans, 3 heures ! C’est beaucoup trop pour ces jeunes intelligences qui sont d’autant plus fragiles et réceptives à toutes les émotions et excitations suscitées par les jeux et films regardés. Nous sommes plus marqués par ce que l’on voit, personne ne peut y être imperméable, alors quel impact sur de jeunes esprits ?!

Tous ces simulateurs désincarnent la personne qui regarde, et trompent ses sens (la vue et l’ouïe d’abord, et maintenant le toucher) entraînant une confusion entre le réel et l’irréel. Tromperie également dans la facilité à faire les choses : d’une simple pression du doigt l’enfant arrive à faire des choses extraordinaires : combats, constructions, longues distances parcourues… le poussant hors de la difficulté de la vie réelle. On s’invente alors un autre monde où l’on exclut l’effort et le sacrifice, n’acceptant plus de contraintes. Un monde où l’on se réfugie au lieu de se divertir, pour goûter cette facilité si contraire à ce que l’on vit hors des écrans.

  Les adolescents, eux, sont plus attirés par le phénomène des réseaux sociaux. Alors qu’ils ne parlent pas chez eux, ils recherchent les mises en relations avec d’autres, un contact immédiat où ils se racontent, se montrent, se valorisent, développant à outrance ce narcissisme propre à leur âge, et espérant que l’autre se livre à son tour.

Il faut savoir que les réseaux sociaux manipulent nos cerveaux, modifient nos intentions, captent notre attention. Les ingénieurs qui y travaillent ont mis en place une panoplie d’astuces pour nous maintenir connectés le plus longtemps possible. La science de cette manipulation s’appelle la « captologie », elle utilise sciemment l’informatique et les nouvelles technologies pour influencer les utilisateurs. Elle crée de nouveaux algorithmes dans le but de nous manipuler (ex : Facebook, Google…).

Par exemple, parfois des étiquettes de notifications rouges s’allument, donnant un sentiment d’urgence à notre cerveau pour nous pousser à cliquer. Leur objectif est de nous garder en ligne le plus longtemps possible. L’algorithme connaît tout de nous, ce que l’on aime, ce que l’on va regarder sur nos écrans, nos sujets d’intérêt… aussi nous envoie-t-il de nouvelles informations sur ce que l’on aime regarder !

Il y a aussi des jeux ou des actions qui s’activent en tirant vers le bas, comme les machines à sous au casino ! Cela nous envoie un choc de dopamine (hormone du plaisir). Le problème étant que l’on peut très vite être dépendant à la dopamine qui nous récompense un instant, pour nous laisser ensuite une sensation de vide… alors on recommence pour en avoir d’autres, comme un chien ramène la balle pour obtenir son sucre ! Ainsi les ingénieurs captent les failles de notre cerveaux pour nous donner un maximum de dopamine, ils poussent la machine à nous rendre de plus en plus dépendants. Seulement voilà qu’à force de pousser la machine, cette dernière s’est mise à évoluer toute seule, pour finir par échapper aux ingénieurs. Aujourd’hui elle n’est bien souvent plus sous contrôle, au point d’inquiéter tous ces chercheurs et inventeurs. Ils connaissent parfaitement le danger addictif et manipulateur de ces outils qu’ils ont inventés et les interdisent à leurs propres enfants, les mettant même dans des écoles où l’on ne travaille pas sur des ordinateurs !

Sur les réseaux sociaux, c’est la réalité qui est faussée ; tout y est beau, mis en valeur, idéal alors que ce n’est pas la vérité, ce qui modifie les relations en profondeur. La captologie pousse les jeunes à se comparer à ce qu’ils voient, et leur donne un sentiment de déprime, de culpabilisation.

Alors, comment faire quand on sait que le téléphone portable est aujourd’hui devenu un outil indispensable en dépit de ses nombreux inconvénients, que les jeunes de 13 à 18 ans passent 40% de leur temps de veille sur les écrans, que 60% des Français se disent incapables de se passer de leur téléphone durant une journée… que 50% des Français, et 70% des jeunes consultent leur téléphone toutes les dix minutes ?!

  La première chose à faire est de donner le plus tard possible un téléphone à son enfant : après le bac si on le peut (oui, je sais bien que cela paraît sévère, mais il faut savoir si l’on veut vraiment « le bien supérieur de notre enfant »). Il est impératif de ne pas lui permettre d’avoir accès à internet tout de suite. Qu’il apprenne progressivement à s’en servir : un téléphone est fait pour téléphoner ! On peut très bien lui confier (plus facilement aux jeunes filles) un téléphone très simple et limité à l’occasion d’un voyage seul en train, par exemple, pour se rassurer (votre enfant, lui, est souvent moins inquiet que vous de prendre le train seul…, il pourra toujours emprunter le téléphone de son voisin pour signaler le retard du train). Par ailleurs cela apprend aussi à savoir se débrouiller. Plus de maturité avant de commencer à utiliser un téléphone retarde l’addiction. Quand on est plus mûr, on est plus fort.

  Il doit y avoir des règlements familiaux à respecter (et pour cela les parents en donneront l’exemple) : pas de téléphones dans les chambres, ni dans le salon. L’idéal étant que chacun le laisse dans l’entrée ou la cuisine. Combien de jeunes (et de moins jeunes !) consultent leur téléphone même dans leur lit, pour des informations de bien peu d’importance ?!

Savoir dire « non », mais en proposant autre chose. Si vous dites « arrête ton téléphone et prends un livre ! », cela ne marchera pas. À vous parents de lancer une conversation, d’organiser une activité, un jeu de société, une promenade… Décidez aussi en famille tous ensemble de ce que vous pouvez faire.

Pour limiter les multiples activités sur le téléphone, on peut également « déconstruire l’outil téléphone » en offrant à nos enfants un appareil photo, un réveil, un lecteur de CD pour écouter de la belle musique…

Pour les plus jeunes, le téléphone de papa ou de maman est souvent devenu « une nounou » ! Au moins, a-t-on la paix pour un bon moment ! Or les jeux excitent les enfants en les gavant de dopamine ! Pas étonnant que ces petits redoutent de se coucher le soir, mettant des heures à trouver le calme nécessaire à leur endormissement ! Si nos plus jeunes font un peu de chahut, c’est qu’ils ont besoin d’être occupés, ou que l’on s’occupe d’eux, ou tout simplement besoin de sortir prendre l’air et se défouler.

Enfin, il est nécessaire de « veiller », de contempler, de réfléchir, de faire ce silence en soi alors que les écrans empêchent nos enfants de « se retirer », d’avoir une vie intérieure qui puisse les élever vers le bon Dieu.

Il suffit d’observer un quai de métro ou un arrêt de bus : les gens sont tous rivés sur leurs téléphones en jouant des pouces à toute allure, écouteurs sur les oreilles ! On ne sait plus rester à ne rien faire… il faut que les doigts bougent et que la tête traite plusieurs idées à la fois ! Aujourd’hui le silence fait peur, l’inaction inquiète…mais alors quand réfléchit-on ?

  Apprenons à nos enfants à écouter le chant des oiseaux, le bruit du vent dans les feuilles. Aidons-les à prendre le temps de bien faire les choses, sans précipitation et à aimer le silence reposant de notre maison.

  Tout n’est pas perdu, nous avons encore la main et pouvons encore maîtriser l’usage familial du téléphone. Pour cela apprenons tous, parents et enfants, à nous passer de nos téléphones plusieurs heures chaque jour et même plusieurs jours d’affilée, à ne communiquer que les informations importantes… notre vie de famille ou personnelle ne regarde pas les autres, le gâteau du dimanche, si réussi soit-il, n’a pas à faire le tour de toutes nos connaissances ! Notre vie de famille est notre histoire à nous, et ne regarde que nous, ce sont des petits secrets que nous nous réservons comme de petits trésors. C’est aussi tout cela qui fait la force d’une famille : ses souvenirs précieux, ses combats pour le bien commun, l’unité familiale qui préserve du mal ambiant, et toutes les grâces que l’on puise chaque jour, tous à genoux devant le crucifix… « Ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal ! »

Sophie de Lédinghen

 

 

Les adolescents et la prière

           A la période fraîche et spontanée de « l’enfance adulte », entre 8 et 12 ans environ, succède cet âge original et irritant qui se déroule autour de la puberté, et durant lequel le jeune garçon comme la jeune fille se replie sur la découverte de sa personnalité. De 12 à 17 ans, l’adolescent mène une aventure intérieure solitaire… Que ses parents n’espèrent pas de confidences, et moins encore dans le domaine spirituel qu’en tout autre ! L’attention spontanée à autrui disparaît, il est à un âge d’égoïsme fondamental, on pourrait même dire biologique. Comment obtiendrait-on facilement cette attention à « l’Autre » qu’est la prière ? Comment pourrait-on accepter de prendre Dieu pour centre, et non soi-même ? Peut-on alors espérer pour cet âge une éducation de la vie intérieure ou de la prière ?

  Bien des traits du caractère adolescent pourraient expliquer la difficulté qu’ont ces jeunes gens à rencontrer Dieu. Outre leur tendance égoïste, la constance et la ténacité leur semblent impossibles. Ils seront attirés vers ce qui stimule leurs émotions : la musique rythmée et forte, les chahuts d’école, les amis…Or Dieu ne parle pas dans le bruit, et la prière nécessite une concentration, un silence intérieur dont notre jeunesse est de plus en plus privée. L’adolescence est enfin caractérisée par une attitude de refus, de rejet. La majorité des jeunes de nos familles ont profité d’une enfance pieuse, jalonnée de séances de catéchisme, de messes, de prières collectives. Souvent les garçons ont servi à l’autel, et les filles multiplié les chapelets et petites dévotions. Mais vient le moment où, pour grandir, l’adolescent rejette son enfance et souvent aussi tout ce qui y est attaché. Comment ne rejettera-t-il pas aussi des habitudes de prières qui lui semblent appartenir à l’enfance ?! Il trouvera alors des prétextes « d’homme », comme son travail scolaire ou des occupations urgentes, pour éviter la prière du soir en famille, le chapelet commun et se prouver ainsi qu’il a grandi… !

  Non, votre enfant ne perd pas la Foi, disons seulement que les ressorts psychologiques de la prière ne sont plus les mêmes que durant l’enfance. Quels sont-ils à présent ?

  Un des aspects les plus positifs du caractère de l’adolescent semble bien être un élan de loyauté et de générosité. Il est un être épris d’absolu. Avec lui, c’est tout ou rien ! On ne le contentera pas avec des demi-mesures prudentes, ni avec des gestes vides. C’est ce trop plein de vitalité neuve qui pourra l’aider à franchir les premières difficultés de la vie spirituelle. Ce qui le séduira dans la prière, c’est l’attitude, la difficulté même. Les adolescents sont souvent plus courageux que les adultes pour la messe au petit matin ou les pèlerinages épuisants… Mais encore mal équilibré il heurte ses grands désirs aux difficultés du réel ; découragement sous mille formes d’autant plus douloureuses qu’il est rempli d’illusions : faiblesse devant le péché, crainte dans les combats quotidiens, ses études, les premiers émois sentimentaux… Cet âge d’enthousiasme est souvent teinté de désespoir.

  C’est en tenant compte de ces traits psychologiques que l’on trouvera quelques points de repère pour comprendre et aider l’adolescent dans sa vie de prière. Notre vie intérieure est le reflet de ce que nous sommes, caractère et personnalité : la prière d’un inquiet ne peut être paisible ; qui est simple le sera avec le bon Dieu …le compliqué porte sa complication dans sa prière. Notre éducation, notre culture interviennent aussi : le pur citadin ne prie pas comme l’homme de la nature. Notre prière, enfin, dépend de notre état de vie : la jeune fille prie en jeune fille, une maman en maman.

  En pratique, il faudra accepter que la prière d’un adolescent ne soit pas parfaite en tous points. La contemplation et la louange resteront fugitives à un âge où compte d’abord l’action. L’action de grâce se heurtera à cette ingratitude à laquelle sont confrontés parents et éducateurs. Sachons que pour entraîner un adolescent à la prière, il faut que celle-ci soit vraie, efficace, amicale.

  Malgré une horreur affichée pour le sentiment, les adolescents, imprègnent d’affectivité toutes leurs démarches intellectuelles et spirituelles. Ils sont tout feu, tout flamme ! Ce qu’ils détestent, c’est le sentiment différent du leur. Même si nous trouvons leurs goûts un peu mièvres côté filles, ou un peu « pompiers » côté garçons, gardons-nous bien de condamner leurs élans !

  L’adolescent ne se contente pas d’une prière de routine qui « ne sert à rien », où il « ne sent rien ». On ne le laissera pas alors limiter ses prières, mais on pourra les raccourcir un peu tout en l’aidant à fixer des intentions à sa prière, un but à son pèlerinage…

  Enfin l’adolescent est fait pour aimer. Enfant, il aimait être aimé, maintenant il aime aimer. Sa prière devra être à la mesure de cette amitié qu’il offre timidement autour de lui, en attendant qu’elle s’épanouisse en amour de Dieu. Peu à peu il se rapprochera de Dieu en trouvant en lui le compagnon de route, la voie à suivre. On le conduira à lire les Évangiles, où il se nourrira du contact direct avec le Christ, de beaux textes (comme ceux de Guy de Larigaudie « L’étoile au grand large », ou l’« Almanach pour une jeune fille triste » de Marie Noël…), de récits imprégnés des grands sentiments auxquels il aspire, ou même de belles phrases toutes simples… L’éducation de la prière de l’adolescent sera sur la bonne voie lorsque, cherchant à unir sa vie à celle du Christ, il parlera à Dieu comme on parle à un ami.

  Chers parents chrétiens, apprenez à vos enfants à prier dès le plus jeune âge car, plus tard, lorsqu’il sera l’adolescent, et déjà en marche pour une autonomie spirituelle, il s’appuiera sur les bases reçues durant son enfance. Ce sera désormais entre la grâce de Dieu et lui que cela se jouera.

  Cependant les parents gardent encore, vis-à-vis de l’adolescent et de sa spiritualité, une mission irremplaçable. D’abord par l’exemple. Avoir vu prier des parents qu’il admire, sentir que tout événement ramène ce père et cette mère à la présence de Dieu, c’est assez pour faire réfléchir profondément l’adolescent le plus jaloux de son autonomie. Le garçon vautré dans des vacances un peu païennes entend, soyez-en sûr, le départ discret de sa maman pour la messe de 7 heures et remarque que son père a fait une halte à l’église.

  La prière en famille est indispensable mais ne suffit pas à la nourriture spirituelle des participants. Au fur et à mesure que les enfants grandissent, on l’étoffera et l’adaptera pour qu’elle ne devienne pas « la prière des petits ». Cependant elle ne remplace pas le besoin indispensable de la prière personnelle des grands. Pour cette prière personnelle, les parents peuvent jouer un rôle indirect en entraînant à une messe en semaine un hésitant, en laissant traîner ou en offrant un livre qui puisse favoriser une réflexion ou une prière. La visite d’un monastère ou d’un très bel endroit qui élève l’âme…

  Mais surtout, l’immense service que des parents pourront rendre à leurs grands enfants dans cet apprentissage de la vie spirituelle personnelle, sera de leur faciliter la visite du prêtre qui sera pour eux le maître de la prière et le confident de leur itinéraire spirituel. Tout cela demande beaucoup de délicatesse, de patience et de confiance en Dieu pour qu’enfin, l’adolescent retrouve, seul dans l’intimité de sa chambre, le désir de prier.

  Dans le secret de Dieu, il arrive aussi que des adolescents soient portés, pour un moment, par la prière de ceux qui les aiment. Car dans le monde de la grâce et de la liberté, si les parents veulent que leurs enfants aiment la prière, il leur faut eux-mêmes envelopper de prière l’âme de ces grands adolescents si fragiles et si attachants.

Sophie de Lédinghen

 

 

L’éducation au pardon

           L’éducation spirituelle du tout jeune enfant est indissociable de l’éducation naturelle, les principes de la foi chrétienne doivent se vivre chaque jour pour pénétrer mieux l’âme et la tourner vers le bon Dieu. Ainsi les notions de prière, d’action de grâce, de pardon commencent-elles en apprenant au tout petit à dire « s’il vous plaît », « merci », et « pardon ».

C’est d’abord à ses parents de la terre que l’enfant prononce ces trois petits mots incontournables. C’est même avant qu’il en comprenne le sens que ses parents les lui prononcent : « s’il vous plaît » dès qu’il tend les bras pour obtenir ce qu’il désire, « merci Papa ou Maman » quand on le lui donne, et « pardon » lorsqu’il a fait un caprice ou que le parent a été obligé de hausser le ton pour reprendre son enfant.

Peu à peu on les lui fera répéter à bon escient, puis, lorsqu’il sera en mesure de le faire spontanément, on le laissera les prononcer seul en lui montrant bien que l’on attend qu’il dise quelque chose, quitte à le lui rappeler « Que dit-on ? », « comment demandes-tu ? » …

Avec le temps, l’enfant verra que ces trois petits mots font vraiment plaisir à papa et maman ! Peu à peu, les parents feront comprendre que ce qui leur fait plaisir fait aussi plaisir au bon Dieu. Il y a un lien automatique, et le jeune enfant est si heureux de faire plaisir à ceux qu’il aime, qu’il mettra tout en œuvre pour le faire. Pour cela, il faudra bien sûr que les parents marquent à leur enfant un encouragement, une reconnaissance et une joie visible, et qu’ils se parlent poliment entre eux en se demandant pardon et se remerciant avec simplicité : « Oh excuse-moi, Chéri, j’ai oublié ce bouton que tu m’avais demandé de recoudre ! », « C’est toi qui as vidé le lave -vaisselle ? Merci beaucoup ! ».

Ces mots, une fois acquis dans la vie quotidienne, deviendront également habituels dans la vie spirituelle, notre Père du ciel, comme papa et maman sur la terre, attend de moi les mêmes paroles.

Quand la raison s’affirme avec la conscience du « moi », ce que j’aime ou non, ce que je veux ou pas, moi et les autres…et encore « mon petit caractère », l’enfant se sent plus facilement contrarié ou blessé, surtout lorsqu’il faut demander pardon ! Cela lui coûte et touche sa fierté. Il faut alors apprendre à passer par-dessus son amour propre et faire preuve d’humilité…qu’il comprenne bien qu’il a fait quelque chose de mal, qu’il a fait de la peine à quelqu’un et que cela se répare d’abord en demandant pardon. Il apprend ainsi ce qu’est le bien ou le mal, la prochaine fois il préfèrera le bien, qu’il apprendra peu à peu à aimer, et regrettera d’avoir offensé en ayant fait de la peine à ses parents, frères et sœurs, camarades…et donc aussi au bon Dieu !

Les parents exigeront ce pardon qui, en fonction du petit tempérament, viendra plus ou moins rapidement. C’est surtout par la douceur (tout en montrant son mécontentement) que les parents toucheront le mieux son cœur et le feront fléchir docilement. Ce pardon prononcé, ce regret d’avoir peiné, prépare déjà la petite âme aux confessions futures.

Lorsque le pardon est dit, papa et maman montrent leur joie et embrassent leur petit contrit, lui exprimant leur satisfaction de son effort, et l’amenant à désirer ne pas recommencer son méfait (il aura aussi demandé pardon et embrassé ses frère, sœur ou toute personne à qui il aura fait de la peine). Et quand papa et maman ont pardonné, c’est fini, on n’en parle plus… exactement comme le bon Dieu pardonne aussi au confessionnal.

Demander pardon…mais savoir aussi pardonner ! Là encore, il faudra faire appel à une belle force de caractère et d’âme pour forcer l’humilité à prendre le dessus ! Si la personne qui l’a offensé a demandé pardon à l’enfant, il faut vraiment apprendre à ce dernier à pardonner en vérité et entièrement…comme fait le bon Dieu !

Cela n’est pas toujours si simple, mais on peut déjà préparer le terrain de son cœur à la maison, voici comment :

Par un climat de bienveillance en famille, en évitant toute critique du prochain. Les foyers où l’on critique à tout va finissent par ne voir que les défauts des autres ! Rien ne va jamais, et le prochain ne trouve que rarement grâce aux yeux scrutateurs ! Cela encourage à ne pas pardonner…rien n’est jamais de leur faute, mais celle des autres qui ont tant de défauts et qui, eux seuls, doivent demander pardon ! Les cœurs se durcissent et ne se pardonnent rien au sein même de la famille où le climat est pesant et suspicieux… Tout serait si léger et paisible si on faisait preuve de charité en trouvant des excuses, ou ne relevant rien de ce qui nous agace « ce n’est pas grave, c’est une maladresse de sa part… ». Et puis il ne faut pas toujours se sentir concerné par les affaires des autres…nous avons déjà bien assez des nôtres ! Se détacher des affaires qui ne nous regardent pas, c’est se protéger de tout jugement téméraire. Une maman que je connais bien répète souvent à ses enfants « Mords-toi, la langue ! » dès qu’elle sent qu’une réflexion désobligeante pourrait jaillir…ou vient de surgir en une flèche acerbe !

  Il y a des choses qui ne regardent pas nos enfants. Certaines conversations n’ont pas à être faites devant nos jeunes témoins, ou rapportées plus tard. Cela éviterait bien des jugements de la part des non concernés. Voilà une grande charité dont les enfants se souviendront toute leur vie en l’imitant. Si les parents ont quelques griefs contre quelqu’un, ils les gardent pour eux en faisant l’effort de lutter contre une éventuelle colère qu’ils chercheront à apaiser avec vigueur en la remettant entre les mains de la Providence. Et si leurs enfants ont eu vent de quelque affaire injuste, les parents leur expliqueront comment pardonner de bon cœur et ne pas donner trop d’importance à trois fois rien.

  On ne fait pas les choses pour se faire valoir, mais parce qu’on doit les faire, et les faire bien avant tout pour faire plaisir à ceux que l’on aime, gratuitement, sans esprit de retour (compliments, service rendu, admiration…). Il n’y a souvent qu’un pas entre la charité et la vanité… Attention à ne pas entretenir ce regard des autres qui emprisonne la générosité et efface tout naturel dans les relations. Cela peut devenir une maladie de se sentir jugé, observé. Seul le regard du bon Dieu compte, ma conscience est là qui me guide vers le bien pour Lui plaire à Lui surtout ! Se « fermer les yeux » au regard des autres aide à ne pas considérer leurs défauts ou mauvaises actions, cela revient à se protéger de tout mauvais jugement de leur part comme de la mienne. Il ne s’agit pas, bien sûr, de vivre les yeux rivés au sol, mais d’être détachés, en pensée, des faits et dires des autres au point de ne pas se sentir piqué au vif, blessé ou même flatté à la moindre réflexion.

  L’habitude d’un examen de conscience quotidien est indispensable, pour aider nos enfants à prendre du recul sur leur journée, mieux voir leurs péchés et reconnaître leurs torts. Cette humilité nécessaire à toute contrition se fait beaucoup plus facilement devant le bon Dieu qui sait déjà et comprend tout.

  Chers parents, apprenez à vos enfants à pardonner dès leur plus jeune âge ! Luttez contre toute susceptibilité qui n’est que le reflet d’un orgueil contre lequel on n’a pas bien lutté. C’est si difficile de l’apprendre adulte, les gens qui ne savent pas pardonner sont des gens extrêmement malheureux ! Cela ne se fera pas en un jour, les aider à prendre conscience de cette rébellion interne qui les submerge régulièrement est déjà un immense progrès. Jour après jour ils apprendront à la combattre. Le bon Dieu sait bien qu’il ne suffit pas de vouloir être saint pour le devenir, il faut surtout lutter ! Il voit toujours la bonne volonté que l’on y met, et la récompense en envoyant les grâces nécessaires au combat.

« Accepter les occasions de mépris et d’humiliation, d’abord avec patience, puis volontiers sans difficulté, à la fin avec joie : c’est l’humilité parfaite ! » Père Kolbe

Sophie de Lédinghen