Le bon élève (1)

Qu’est-ce qu’un bon élève ? Est-ce l’écolier classé parmi les premiers ? Cette idée paraît bien étroite… Un bon élève est plutôt l’enfant qui s’accroche en classe parce qu’il a le goût de s’instruire. C’est un écolier épanoui qui retirera de ses années scolaires un profit décisif pour sa vie d’adulte. Tous les enfants ne sont pas faits pour être « premier de classe », il n’y a qu’un premier par classe ! Et si beaucoup peuvent être de très bons élèves, tous n’ont pas les mêmes capacités de compréhension, de mémoire, ni les mêmes centres d’intérêt, mais tous peuvent être épanouis en faisant le mieux qu’ils peuvent tout au long de leur scolarité.

 

C’est à la maison que se font les bons élèves

Les mauvais aussi. 90% des écoliers qui ont pris un bon départ restent bons élèves jusqu’au bout, car c’est pendant ses premières années que l’enfant apprend à apprendre, et cela commence à la maison. Les parents doivent se persuader qu’ils ont en main la clé de la réussite de leur enfant, c’est-à-dire de leur avenir, qu’il soit spirituel, familial, professionnel, relationnel…

Que faut-il donc donner à ses enfants pour qu’ils aillent bien, à l’école comme à la maison ? Nous en avons déjà parlé1, leur équilibre dépendra beaucoup de l’atmosphère familiale (paisible, ordonnée, bonne entente entre les parents…) et de l’affection. Une personne qui se sent aimée est plus forte pour réussir, à n’importe quel âge, car elle ne se sent pas seule. Pour l’enfant, l’affection est plus qu’une aide, c’est un besoin vital, surtout pendant les trois premières années de sa vie. Mais après, il ne devient pas tout d’un coup guidé par la seule raison. Pendant longtemps encore, le cœur va être au centre de ses préoccupations, de son développement intellectuel, affectif, social. Chez le tout jeune enfant, tout se passe comme si, tant que le cœur n’est pas satisfait, l’intelligence se bloquait. Cette domination du cœur sur l’intelligence est entière jusqu’à « l’âge de raison » (environ sept ans). Ensuite, lentement, l’intelligence acquiert plus d’indépendance vis-à-vis du cœur, surtout si l’enfant a des parents aimants, et qui savent l’exprimer en le corrigeant ou l’encourageant selon les circonstances. 

Après l’affection, le plus grand besoin des enfants est l’autorité. Savez-vous ce qu’on appelle aux États-Unis des « runaways » ? Ce sont des jeunes, entre 12 et 16 ans, qui fuient leur maison. C’est un fléau national, le drame de centaines de parents qui ont cru qu’on pouvait élever des enfants sans aucune contrainte, qu’il fallait céder à tous leurs caprices si l’on voulait éviter les « frustrations ». Alors, complètement abandonnés à eux-mêmes, ne trouvant personne pour les guider chez eux, les conseiller, les reprendre ou exiger, ces enfants se sont enfuis ! L’autorité des parents consiste à savoir ce qui est utile pour le bien de l’enfant, au physique comme au moral ; être décidé à imposer sa volonté lorsqu’elle est juste ; être ferme, ne pas céder aux supplications. Non seulement l’enfant accepte cette autorité, mais il la recherche si elle fait défaut.

Savez-vous pourquoi l’affection et l’autorité que vous donnez à votre enfant le rendent heureux ? Parce que cela lui donne un sentiment de sécurité dont il a grand besoin pour grandir !

 

Aider son enfant

Pour la majorité des parents, aider un enfant dans ses études, c’est lui faire recommencer à la maison la division ou l’analyse qu’il n’a pas comprise. Il y a une manière prévoyante et facile d’aider un enfant,  avant même qu’il aille à l’école : c’est d’encourager les qualités qu’il possède et qui lui seront utiles dans sa scolarité, et de reprendre sa nature désordonnée par le péché originel en éduquant par exemple son sens de l’effort, de la volonté, en développant aussi sa curiosité et la maîtrise de lui-même.

Il s’agit d’abord du désir que l’enfant a de grandir et de faire lui-même ce qu’il voit faire les autres. Cela le rend capable de grands efforts. Regardez votre petit, pour attraper un objet dans sa main, puis pour se tenir aux barreaux de son parc, faire entrer une perle dans une bouteille, il recommence dix fois, vingt fois avec persévérance. Autant de fois cela rate, autant de fois il recommence ! Personne ne le dérange car il ne dérange personne. Il est prêt à tous les efforts. C’est lorsqu’il veut faire les choses que l’on faisait pour lui que cela se gâte : manger, se déshabiller, ranger…car, évidemment il est maladroit, cela prend du temps, et maman est pressée ! Alors au lieu de laisser l’enfant faire tout seul, on le lui fait. Ou bien quand il tente à grand peine de monter une tour de cubes, on l’interrompt, sans égard pour son effort. Ou bien encore s’il veut aider à mettre le couvert, on refuse : « Tu es trop petit !». Ainsi on lui retire la joie de réussir, ainsi qu’une bonne occasion de prendre confiance en lui-même. Encouragez donc votre enfant dans ses tentatives de progrès au fur et à mesure qu’il grandit. A l’école, il aura sans cesse des efforts à faire. Il se trouvera sans cesse devant des tâches qui lui sembleront difficiles. Vous ne serez pas là pour les faire à sa place. Comment pourrez-vous lui dire « Fais donc un effort » si vous avez régulièrement découragé tout désir de progrès.

Par ailleurs l’enfant est curieux, c’est normal, il a tout à découvrir, tout à comprendre. Cette curiosité lui sera très utile à l’école. Avant la parole, il découvre ce qui l’entoure avec les yeux, puis avec les mains : il touche, déplace… C’est ainsi qu’il apprend à connaître. Puis, lorsqu’il sait parler, l’enfant exprime sa curiosité par des questions de plus en plus précises au fur et à mesure de l’évolution de son langage. C’est la période de l’inventaire où l’enfant veut mettre un nom sur chaque chose. Viennent ensuite les « pourquoi ? », il veut comprendre et savoir à quoi servent les choses et pourquoi on fait les actions. Il faut alors user de patience pour répondre avec des mots simples et adaptés à son âge, afin de satisfaire ce moyen d’apprendre. Refuser l’explication serait stériliser la curiosité de l’enfant. Et demain, à l’école, il pourrait devenir cet élève qui désespère parents et enseignants car il ne s’intéresserait à rien.

Il y a une autre qualité, qui, elle, n’est pas naturelle, et sur laquelle je voudrais attirer aussi l’attention car elle sera très utile à votre enfant en classe : la maîtrise de soi. Un bien grand mot pour un petit écolier qui en aura tant besoin pour ne pas interrompre la maîtresse dès qu’il aura une réflexion à faire, et gênera la classe. Ou encore qui prendra le ballon, même si ce n’est pas à son tour de jouer, et que ses camarades excluront. La maîtrise de soi suppose un contrôle, et de la parole et des gestes, sans lequel la vie en société n’est guère possible. Ce contrôle est particulièrement difficile pour l’enfant car celui-ci est essentiellement spontané et égocentrique, c’est-à-dire qu’il ramène tout à lui sans tenir compte de ceux qui l’entourent. Cette maîtrise de soi (que les adultes n’ont pas toujours !) s’apprend dès la petite enfance. Par exemple : l’enfant a le droit de parler à table, mais ne doit pas interrompre celui qui parle. On ne lui donnera pas toujours tout de suite ce qu’il souhaiterait en lui demandant d’attendre un peu. Il se contrôlera à l’occasion de certains jeux en famille, comme par exemple le Mistigri2 : s’il a le valet de pique, il doit se maîtriser pour ne pas le dire, et l’offrir négligemment à son voisin, etc. On lui apprendra à accepter un contretemps, ou bien encore à ne pas clamer sa déception s’il n’a pas la fève lorsque l’on tire les rois !

Les parents comprendront, bien sûr, que tous ces efforts seraient vains pour inculquer la maîtrise de soi à leurs enfants s’ils les voient eux-mêmes crier et se mettre sans cesse en colère : la maîtrise de soi s’apprend essentiellement par l’exemple. (À suivre…)     

Sophie de Lédinghen 

 

1 cf. FA n°29 Aimer son enfant ; n°30 Aimer vraiment son enfant ; n°31 Qui aime bien, châtie bien

2 Jeu du Mistigri : On retire du jeu 3 valets en ne gardant que le valet de pique. On distribue toutes les cartes entre les joueurs qui posent devant eux les paires qu’ils peuvent constituer. À tour de rôle, chaque joueur fait tirer une carte de son jeu à son voisin situé à sa gauche. Celui-ci pose deux cartes s’il a réussi à réaliser une paire. Le joueur qui reste à la fin avec le Mistigri est le perdant !