Cœur de femme

Toi, jeune fille à l’aube de ta vie de femme,

Apprends à développer un cœur qui aime sans juger

Doux, bon et magnanime qui voyant la misère

Se penche dessus humblement pour soulager

Avec un cœur de femme miséricordieux.

 

Devinant la peine à travers l’histoire,

Le regard, l’attitude qui révèle les souffrances

Tu apprendras à voir au-delà des apparences

Pour apporter le réconfort et le sourire qui éclaire

Avec un  cœur de femme chaleureux.

 

Posant délicatement les bonnes questions qui ouvrent l’âme, sachant se taire aussi,

Pour l’amener à se  confier peu à peu paisiblement à ton cœur compatissant

Qui souffre avec, espère avec, entraîne  pour faire grandir,

Apportant l’aide si tu peux

Avec un cœur de femme réconfortant.

 

Au-delà de toute tristesse, de tout rejet

De toute ingratitude ou incompréhension

Par delà les préférences et les aversions

Sache te pencher délicatement, patiemment

Avec un cœur de femme donné.

 

Imprimant de ton sourire, de tes gestes de ton regard

Toute la tendresse que Moi Dieu j’ai mis en toi

Pour pardonner, encourager, aimer

Prenant dans tes bras celui qui souffre

Pour le déposer sur Mon Cœur, guéri ou repentant

Avec ton cœur de femme aimant.

Jeanne de Thuringe

PLANTES ALLERGISANTES

Pour ceux des vacanciers qui ont choisi de passer leur temps de repos à la campagne ou à la montagne, la période estivale est propice à des rencontres inattendues : il s’agit des plantes allergisantes qu’il est intéressant d’identifier sur le bord des chemins ou dans les champs.

La première est le Panais, dont il existe plusieurs variétés ; l’une se consomme comme les plantes à tubercules de nos  jardins. Il pousse sur sol calcaire, dans les prés ou au bord des chemins ; il fleurit en juillet-août avec des inflorescences en ombrelles et pour cela, appartient à la famille des Apiacées dénommées autrefois Ombellifères, comme le fenouil ou la carotte.

La variété qui nous intéresse est le Panais urticant dont le  contact  peut provoquer, chez des sujets sensibles, des brûlures douloureuses. Il s’agit d’une dermite de contact qui prend l’aspect de brûlure au second degré, avec apparition de phlyctènes dues à la présence de substances de type coumarines, agissant par photosensibilisation sous l’action des rayons solaires.

L’apparition des lésions cutanées de ce type est désignée sous le nom de « Pestanade » et les gens habitués à vivre à la campagne ont appris à l’éviter comme la peste, en travaillant bras et jambes couverts.

Cette éruption cutanée douloureuse peut durer environ trois semaines ; elle est à traiter par une désinfection locale (Biseptine ou Chlorhexidine)  associée à la prise d’antihistaminiques par voie orale.

La deuxième plante, tout aussi intéressante, est l’Ambroisie. C’est une plante invasive provenant d’Amérique du Nord, introduite en France au XIXième siècle et  particulièrement fréquente dans la région Rhône-Alpes.

C’est une plante dressée de 20 à 120 cm, adoptant un port de buisson lorsqu’elle dispose de place. Les feuilles légèrement poilues à contour ovale-triangulaire sont divisées jusqu’à la nervure en lobes dentés. Lorsqu’elle fleurit, elle se couvre de petites fleurs verdâtres ; les fruits sont ovoïdes, lisses, de 3,5 millimètres environ et indéhiscents à une seule graine.

Cette plante peut être confondue avec l’Armoise vulgaire, aux vertus thérapeutiques. Pour les différencier, lorsque l’on froisse une feuille d’Armoise, il se dégage une odeur marquée tandis que l’Ambroisie reste inodore.

Le pollen de l’Ambroisie provoque chez de nombreuses personnes des réactions allergiques : 6 à 12% de la population est sensible à l’Ambroisie. Il suffit de 5 graines de pollen par mètre cube d’air pour que les symptômes apparaissent.

Les Symptômes sont :

-la rhinite : écoulement nasal, éternuements ;

-la conjonctivite : rougeur oculaire, larmoiement, œdème ;

-la trachéite : toux sèche ;

-l’asthme : gêne respiratoire ;

-l’urticaire, l’eczéma : lésions cutanées plus ou moins étendues, avec démangeaisons.

Alors que le classique rhume des foins apparaît en mai-juin, les allergies provoquées par le pollen d’Ambroisie sont plus tardives ; elles commencent en général vers la mi-août et peuvent se prolonger jusqu’en octobre avec un maximum d’intensité en septembre. Le diagnostic est donc facile à poser dans les régions où la plante est présente, ainsi que dans les régions où le vent est capable d’apporter des pollens, ce qui permet d’énoncer que lorsque l’Ambroisie est en fleurs, les allergiques sont en pleurs…

                                                                                                        Dr N. Rémy

AIMER, EST-CE UNE SIMPLE AFFAIRE DE CŒUR ?

Chère Bertille,

« Aimer n’est pas si simple qu’il y paraît” m’écris-tu dans ta dernière lettre, un brin désabusée.

Et pour illustrer ton propos, tu enchaînes avec une salve nourrie de questions : “Comment savoir que nous aimons vraiment ? Devons-nous nous fier à notre cœur ou au contraire nous en méfier ? Aimer n’est-ce pas au fond l’illusion suprême ?”

Puis, certainement afin d’étayer ta dernière question quelque peu lapidaire, tu affirmes avec justesse que “l’émoi peut être très illusoire et nous entraîner dans la passion qui, à terme, détruit l’amour.”

Permets-moi de poursuivre ta réflexion sur ce sujet si délicat et essentiel.

Qu’est-ce qu’aimer en effet ? Est-ce ressentir un doux sentiment qui nous charme ? N’est-ce qu’un attrait plus ou moins violent qui nous submerge et nous entraîne ? En un mot, nous appuyant sur la formule tant de fois répétée que “le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas”, devons-nous conclure qu’aimer n’est qu’une simple affaire de cœur ?

Grâce à notre formation aristotélicienne où nous avons fort heureusement appris et compris que l’homme est un animal raisonnable, nous nous inscrivons avec force en faux face à cette réduction de l’amour aux dimensions du cœur.

Certes, il est possible que nous sentions dans notre cœur un attrait puissant qui nous émeut. Nul ne nie cette éventualité qui reviendrait à renier notre propre nature. L’attrait et ses émois appartiennent en effet à notre nature sensible, animale.

Cependant réduire l’amour à n’être rien d’autre qu’un attrait, une inclination de notre nature sensible à tomber sous le charme, n’est-ce point réduire l’amour à une force aveugle qui nous entraîne dans une spirale infernale où la concupiscence, puis rapidement la sensualité, tiennent les premiers rôles ? Nous serions réduites rapidement à devenir les esclaves du plaisir, à n’être qu’un bateau ivre et bientôt une épave.

Cette spirale nous éloigne en effet dangereusement des rives du devoir et nous donnons à la  passion, à nos passions, plein empire sur le cours de notre vie. Or la passion est aveugle. Guidées par nos seuls sentiments, nous nous recroquevillons de manière très égoïste au lieu de sortir de nous-mêmes et de nous épanouir. Nous construisons notre vie sur les sables mouvants de nos sentiments changeants. Ils finiront par nous engloutir.

Aimer ne consiste pas à se laisser submerger par une vague, mais bien à s’élever au-dessus de soi et de ses propres intérêts, à s’ennoblir en cherchant un bien supérieur : le bonheur de l’autre.

Réalisons-nous ce bel idéal si notre cœur exerce un pouvoir sans partage ? Ou, pour reprendre tes propres termes « devons-nous nous fier à notre cœur ou nous en défier » ?

Nous ne doutons pas que le cœur joue un grand rôle dans l’amour. La question qui se pose ici est de savoir quelle place il lui revient.

Affirmons-le de manière claire au risque de nous répéter : il est essentiel que le cœur ne soit pas la puissance dirigeante dans l’ordre de l’amour.

Nul ne peut aimer en effet s’il ne connaît au préalable. Il est impossible que nous prétendions aimer quelqu’un que nous ne connaissions ni d’Eve, ni d’Adam ! Un parfait inconnu n’ébranle aucune puissance de notre cœur et nous restons parfaitement indifférentes en sa présence. Qui pourrait prétendre aimer sans connaître au préalable ?

Le simple bon sens nous montre que le cœur suit l’intelligence et ne saurait en aucun cas la précéder.

                                                           AZILIZ

De l’utilisation courtoise du portable (1)

 

L’irruption dans notre vie quotidienne de cet appareil envahissant n’a pas été accompagnée d’un manuel de savoir-vivre adapté à son utilisation. Quelques règles simples peuvent aider à en réduire les nuisances.

Dans les lieux publics, tout d’abord :

  • – toujours mettre son appareil sur vibreur et couper la sonnerie ;
  • – préférer répondre par texto plutôt que de hurler et faire profiter à tout le bus de ses états d’âme ;
  • – réserver les discussions conflictuelles, scènes de ménage ou autres, pour des lieux plus discrets ;
  • – ne pas se laisser captiver par la « sidération » de l’écran pour éviter de vivre dans une bulle égocentrique, au détriment de nos voisins que l’on bouscule ou piétine faute de les avoir remarqués ;
  • – éviter d’écouter indiscrètement les conversations qui ne nous sont pas destinées, ou de lire les textos, mails ou photos des autres, par-dessus leur épaule ;
  • – quand nous sommes en groupe, nous excuser auprès de nos voisins avant de décrocher et de se mettre à l’écart pour répondre ou, mieux encore, ne pas décrocher et attendre d’être seul pour rappeler.

Suite de cet article dans le prochain numéro.

 

L’éloge du vouvoiement

    Permettez-nous en cette veille de rentrée de vous offrir un écrit de Jean Raspail, (découvert sur son site : jeanraspail.free.fr) qui provoquera chez vous une discussion passionnante (paru sous le titre « De la tenue »).

Son appréciation sur cette pratique oubliée est essentielle, non seulement en tant qu’apologie de la langue française mais encore  sur l’histoire de notre idiome et surtout sur le respect et l’appel à se dépasser ! Tout cela traité avec la pointe d’humour qui le caractérise. Goûtez plutôt :

S’il existe en français, pour s’adresser à autrui, deux pronoms personnels de la deuxième personne, l’un au singulier, TU, l’autre au pluriel, VOUS, appelé pluriel de politesse, c’est que notre langue se plaît à certaines nuances qui sont les bases de la civilité. Il ne s’agit pas là de codes, de formalisme de classe, de snobisme, de règles mondaines, mais simplement d’usages naturels, qui se perdent et qui faisaient, entre autres, le charme et l’équilibre de la France et le plaisir d’être Français.

Ce plaisir-là s’émousse. On me dira que d’autres motifs plus graves et plus irritants y concourent, d’autres lésions de civilisation, et que c’est considérer les choses par le petit bout de la lorgnette, mais dans ce seul domaine de la civilité, de petites causes peuvent entraîner de grands effets dévastateurs.

La Révolution française, jusqu’à l’avènement du Directoire, savait ce qu’elle faisait en imposant le tutoiement général et en interdisant l’emploi des vocables Monsieur et Madame qui marquaient au moins une déférence réciproque : elle égalisait au plus bas niveau, celui du plus grand dénominateur commun de la familiarité.

Aujourd’hui, ce sont d’abord nos enfants que nous voyons condamnés à être partout tutoyés, comme sous la Révolution. Je ne m’en prends point au tutoiement naturel d’affection et d’intimité (la famille, les amis), ou de solidarité (les copains, les camarades,), mais à celui que leur infligent systématiquement les adultes, comme si l’enfant n’avait pas droit au respect et à la liberté de choisir selon son cœur et ses humeurs qui a, ou qui n’a pas, le loisir de le tutoyer.

D’une façon significative, et qui ne doit rien au hasard, cela commence dès l’école, où plus un instituteur ne prend la peine de vouvoyer (ou voussoyer) un enfant. Au premier jour de classe, l’ex-maître devenu enseignant par banalisation de la fonction et refus de cette sorte de sacerdoce qu’elle représentait autrefois, ne demande plus à l’enfant dont il fait connaissance: « Comment vous appelez-vous ? », ce qui serait au moins du bon français, mais : « C’est quoi, ton nom ? »

Sans que l’enfant en ait conscience, le voilà déjà rabaissé, marqué comme un élément de troupeau. On lui eût dit « vous » d’emblée, ainsi qu’à ses camarades, qu’ils en auraient retiré, tous ensemble, l’impression d’être considérés et appelés à de grands destins, ce qui est faux, naturellement, pour la plus grande partie d’entre eux, mais représente quand même un meilleur départ dans la vie que d’être ravalés dès l’enfance au matricule du tutoiement.

Le jeune élève va être vite conditionné. Dès qu’il saura lire et écrire, ses premiers livres « d’éveil » lui poseront leurs premières questions sous la forme autoritaire du tutoiement : « Dessine ici un arbre, une vache…. » ou encore : « Ecris les noms des fleurs que tu connais… » Ce n’est pas bien méchant, mais c’est ainsi que le pli se prend.

Au catéchisme, devenu catéchèse, l’accueil en TU n’es pas différent, mais ses effets en sont plus marquants, car il s’agit de choses plus graves : c’est l’âme qui se fait tutoyer d’entrée. L’ouvrage « Pierres vivantes » qui fit couler tant d’encre à cause de certaines énormités qu’il contient, distille son enseignement par le biais d’une complicité, et non d’un magistère, que le tutoiement impose à l’enfant.

Tout cela semble si bien admis, que c’est un aspect des choses que personne, à ma connaissance n’a jusqu’à présent souligné. On pose pour principe que l’enfant s’y trouve plus à l’aise. C’est sans doute vrai au premier degré. Cette pente-là est facile et semble toute naturelle C’est justement pourquoi l’on devrait s’en méfier…

Car dans cet immense combat de société qui divise le pays depuis déjà longtemps, et qui est loin d’être terminé, quelles que soient ses péripéties politiques, nos enfants sont un enjeu formidable : ils représentent l’avenir. Tout se tient et c’est au nom de l’égalitarisme et de l’uniformité larvée qu’on prive ainsi l’enfant de la déférence élémentaire et du respect qu’on lui doit.

Le tutoiement qui sort de la bouche d’un instituteur, fût-il de l’enseignement privé, et de la plupart de ceux qui font profession de s’occuper des enfants, est d’abord un acte politique, même s’il est inconscient. Cela fait partie du dressage, et cela donne des résultats. Déjà, une bonne partie de la France adulte, et toute la France juvénile, se tutoient, dans un grand dégoulinement de familiarité, qu’on appelle aujourd’hui la CONVIVIALITÉ, mot de cuistre, alibi de cuistre, camouflage de cuistre. De la convivialité à la vulgarité, le pas est vite franchi.

Dans de nombreux milieux du travail, le tutoiement devient un passeport obligatoire, dont on ne saurait se passer sous peine de déviationnisme bourgeois, alors que, chez les compagnons d’autrefois, c’était le vouvoiement qui marquait l’esprit de caste. De CASTE, pas de classe.

Au sein du parti communiste, comme du parti socialiste, dans la « République des camarades », le tutoiement est de rigueur. Seul François Mitterrand y faisait exception lorsqu’il était premier secrétaire de son parti. Il détestait qu’on le tutoie, et allait jusqu’à l’interdire, ce qui montre assez bien, à mon sens, que son socialisme était seulement d’ambition et non de conviction…

Mais, pour le commun des Français, aujourd’hui, il importe de ne pas être FIER, car ce mot-là, justement, par ce qu’il entraîne de dignité et de sentiment élevés, est devenu l’un des nouveaux parias de notre vocabulaire.

Cela peut paraître sympathique, amical, empreint de simplicité. En réalité, ce n’est qu’un piège. Quand les convenances du langage tombent, l’individu perd ses défenses naturelles, rabaissé au plus bas niveau de la civilité. N’a pas d’autre but non plus la destruction de la langue française préparée dans les laboratoires subversifs de l’Education nationale, et dont on mesure déjà les effets…

Pour ma part, j’ai été dressé autrement. Je me souviens de la voix du maître qui tombait de l’estrade : «Raspail! Vous me copierez cent fois…» ou : «Raspail! Sortez!»

J’avais neuf ans. C’était juste avant la guerre, dans une école laïque de village. Plus tard, au lycée (et ce n’est pas pour rien qu’on a cassé certaines façons, là aussi), les professeurs nous donnaient naturellement du MONSIEUR sans la moindre dérision : « Monsieur Raspail, au tableau ! » On se vouvoyait entre condisciples, réservant le tutoiement à un nombre restreint de camarades choisis.

Choisir, tout est là ! Ne rien se laisser imposer sur le plan des usages, ni le tutoiement d’un égal, ni à plus forte raison celui d’un supérieur. (…)

En revanche, on vouvoyait Dieu. Cela nous semblait l’évidence même. La prière scoute chantée commençait ainsi: « Seigneur Jésus, apprenez-moi à être généreux, à Vous servir comme Vous le méritez… » C’est la plus belle prière que je connaisse. Il m’arrive encore de m’en servir. Voit-on comme la musique des mots eût été différente à la seconde personne du singulier, et comme elle parlerait autrement à l’âme: « … A Te servir comme Tu le mérites. » ? C’est sec, cela n’a pas de grandeur, cela ne marque aucune distance, on dirait une formalité. Et cependant, aujourd’hui, c’est ainsi que l’on s’adresse à la Divinité, on lui applique le tutoiement le plus commun en français. Et le reste a capoté en série: la liturgie, le vocabulaire religieux, la musique sacrée, le comportement de la hiérarchie, la laïcisation du clergé, la banalisation du mystère, si l’on s’en tient aux seules lésions apparentes. Dieu est devenu membre du parti socialiste. L’usage est de le tutoyer.

Au chapitre des habitudes, ou plutôt des attitudes, j’ai conservé celle de vouvoyer aussi les enfants qui ne me sont pas familiers, et d’appeler Monsieur ou Mademoiselle les jeunes gens que je rencontre pour la première fois. La surprise passée, ils me considèrent avec beaucoup plus de sympathie, et j’ai même l’impression qu’ils m’en sont reconnaissants. Nous tenons des conversations de bien meilleure venue, et les voilà qui se mettent à surveiller leur langage, c’est-à-dire à s’exprimer correctement en français, comme si d’avoir été traités avec déférence leur donnait des obligations nouvelles et salutaires. Les négations et les liaisons réapparaissent miraculeusement dans la phrase (je n’ai pas, au lieu de j’ai pas, c’est-t-un au lieu de c’est-h-un, etc.), la prononciation se redresse (je suis pour chuis, je ne sais pas pour chais pas, etc.), le goût de l’élégance verbale ressuscite. Faites vous-même l’essai, vous verrez. La dignité du langage et la dignité de la personne se confondent le plus souvent. Voilà pourquoi l’on parle si mal en ce moment…

Oserai-je avouer ici que mes enfants me vouvoient, et vouvoient également leur mère ?

Cela depuis leur plus jeune âge, et sans aucun traumatisme. Sans vouloir convertir personne à ce qui peut paraître une ostentation, là aussi il faut constater que le langage courant au sein de la famille s’en trouve naturellement affiné. Et même dans les affrontements, qui ne manquent pas, un jour ou l’autre, vers la fin de l’adolescence, d’opposer les enfants à leurs parents, le vouvoiement tempère l’insolence et préserve de bien des blessures. (…)

Dans un tout autre domaine, j’assistais récemment aux obsèques d’un ami cher, Christian, de son prénom, mais il avait aussi un nom, fort joli nom d’ailleurs. Eh bien, le prêtre, qui l’avait jamais vu vivant, qui ne l’avait même jamais vu du tout, le trairait à tu et à toi, selon les piètres dispositions du nouvel office des morts : « Christian, toi qui.. Christian, toi que… Christian, Dieu te… et ta famille… » Exactement comme pour les enfants sans défense ! En vertu de quoi, au nom de quoi, la familiarité doit-elle répandre ses flots visqueux jusque sur les cercueils ? Bossuet tutoyait-il les princes en prononçant leurs oraisons funèbres ? Or chaque défunt est un roi, enfin couronné, et sacré à jamais. Quant au nom patronymique de Christian, celui sans lequel le prénom de baptême n’est rien, il ne fut pas une seule fois prononcé ! Et pourquoi pas la fosse commune obligatoire, dans la même foulée…

Car me frappe tout autant, l’emploi généralisé du prénom seul, en lieu et place du patronyme précédé on non du prénom, et cela dans toutes les circonstances de la vie où il n’est pas nécessaire de présenter une carte d’identité : « C’est quoi, ton nom? Serge. Moi, c’est Jocelyne… » Serge qui ? Jocelyne qui ? Les intéressés eux-mêmes semblent ne plus, s’en soucier. Il y a des dizaines de milliers de Serge, des dizaines de milliers de Jocelyne, alors qu’il n’existe qu’un seul Serge X., qu’une seule Jocelyne Z. Mais on se complaît dans l’anonymat. On y nage à l’aise, on s’y coule avec délices, on n’y fait pas de vague, semblable aux milliers de milliers, on n’éprouve pas le besoin de faire claquer son nom comme un drapeau et de brandir ce drapeau au dessus de la mêlée.

Qu’on se rassure, toutefois. Il nous restera au moins à chacun, le numéro matricule de la Sécurité sociale. Celui-là, on y tient.

J’en connais même qui se battront pour ça…

Jean Raspail